Eremit – Bearer of Many Names

Le 11 juin 2021 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Marco Baecker : batterie
  • Pascal Sommer : guitare
  • Moritz Fabian : guitare, chant

Style:

Sludge Doom Metal

Date de sortie:

11 juin 2021

Label:

Transcending Obscurity Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

“L’ermite nie la vocation de la civilisation, en constitue la critique vivante.” Sylvain Tesson

Pour illustrer cette nouvelle chronique, je ne peux résister à l’envie de vous partager un extrait cité du film Into the Wild qui représente selon moi ce qu’est l’ermitage. Ou du moins de sa recherche suprême. Cela illustrera parfaitement mon ressenti à l’affut de faire la chronique du dernier album d’Eremit, l’un de mes groupes préférés en matière du genre musical accompagnant. Voici : « Deux ans à parcourir le globe. Sans téléphone, sans compagnie, sans animaux, sans cigarettes. La liberté suprême. Un extrémiste, un voyageur esthète, dont le seul domicile est la route. Et maintenant, après deux années chaotiques, c’est le moment de l’aventure ultime la plus extraordinaire. Le combat capital pour tuer l’être factice terré au plus profond, et mener à son terme la révolution spirituelle. Pour ne plus se laisser contaminer pas la civilisation, il fuit, et il marche seul, pour revenir à l’état sauvage. »

Eremit est donc un groupe allemand, qu’on a présenté lors des deux précédentes chroniques sur le premier album Carrier of Weight et l’EP sorti chez le même label Desert of Ghouls. Le groupe a fourni depuis un peu plus d’informations, notamment sa date de création officielle – 2015 – et sa localisation en Allemagne, soit dans la ville d’Osnabrück. J’avais déjà personnellement largement présenté le groupe pour la chronique de l’EP Desert of Ghouls, donc je ne vais pas tomber dans la redondance. Simplement, les allemands sortent leur premier album sous l’étendard d’un label, celui de Transcending Obscurity Records, le « vrai » premier album étant une autoproduction. Une belle évolution pour un groupe que nous avons bien mis en exergue, et qui se montrait déjà pour ses deux premiers faits d’arme pétri de talent et de promesses. De fait, j’avais suivi l’actualité d’Eremit par le label donc quand j’ai vu que ce deuxième album allait sortir, j’ai attendu patiemment qu’il soit sur notre abondante liste à chroniquer pour le prendre directement. Cela révèle probablement un manque d’objectivité que de m’acharner à chroniquer un groupe que j’aime bien, mais l’analyse n’en sera que plus complexe!

Et pour cette fois-ci, Eremit s’est attaché les services de Mariusz Lewandowski. Ce nom ne m’est désormais plus inconnu puisque ce brave monsieur a une technique picturale particulière, que l’on reconnaît bien, faite par peinture. Un univers où se mélange des références naturelles et surnaturelles, dans un registre plus de science-fiction avec des références marquées à Alien, Prometheus, etc. En tout cas, le style de Mariusz Lewandowski se retrouve aussi dans les jeux de lumière, l’utilisation de couleurs soit vives, soit sombres, dans une vraie recherche de contraste. Voici donc un artwork dans ce plus pur style! Plus parlant, tu meurs. Une sorte de gouffre vu de l’intérieur où le trou béant de lumière laisse place à un décor souterrain qui fait presque monde parallèle, ou dimension itou. Il y a cette créature étrange, du genre film catastrophe / science-fiction, qui semble aller se nourrir d’un corps étendu sur un autel naturel. L’eau coule abondamment et c’est ce que je trouve merveilleux dans les peintures de Mariusz Lewandowski : on dirait que le tableau s’anime. Il y a cette recherche de mouvement qui me fascine. On s’imagine en effet sans peine la créature s’avancer, l’eau couler, les flots en bas bouger. Ce talent pour proposer des décors non statiques, j’adore! En tout cas, pour une mise en perspective du nom de l’album qui signifie « porteur de nombreux noms », je trouve l’idée originale et superbe. Il y a en fait une espèce de métaphore de la divinité qui fait peur dans cet artwork et dans ce titre que je trouve exceptionnellement intelligent et créatif. Un vrai bijou d’artwork à la fois dans l’imagerie et le sens, j’adore!

Par contre, j’ai constaté dès la première écoute que le « style Eremit » était toujours d’actualité. Dans les précédents opus, les morceaux duraient très longtemps, notre ancien chroniqueur Gibet l’avait déjà repéré et je n’avais fait que le confirmer. Ici, c’est simple : trois pistes, une heure et six minutes. Dont le premier morceau qui ne dure pas loin de trente minutes. Autant vous dire que pour rester concentré tout le long, ce ne fut pas chose aisé. Mais l’avantage, c’est que lorsque l’on passe d’un énorme morceau aussi long à deux derniers plus courts de dix minutes au moins, on a l’impression que le temps passe plus vite! Donc, vous serez prévenus : il faut avoir envie de se farcir l’album Bearer of Many Names, il faut aimer le style proposé qui est de base très spécial, et il faut surtout accrocher à cette volonté de faire dans la langueur et l’oppression permanente. D’ailleurs même le nom des pistes n’est pas une sinécure en termes de restrictions. Eremit fonctionne comme cela. Pour ma part, passé le côté très long des pistes, j’ai surtout trouvé qu’il y avait une évolution certaine dans la musique d’Eremit. D’abord, le doom sludge d’antan laisse plus de place à quelques accélérations plus franches, quelques passages qui sonnent légèrement plus doom death metal tout en conservant ce son très boueux, très épais. Ce qui rend d’office les pistes un peu plus faciles à entendre qu’à l’accoutumée. Ensuite, les riffs tournent un peu moins en boucle que sur l’EP, j’avais à l’époque repéré que ce minimalisme ambiant pouvait ne pas parler aux non-initiés du genre doom. La variation plus intensive des riffs permet de corriger légèrement cela, sans pour autant dénaturer l’étiquette Eremit que je mets en avant sans retenue. La production aussi a évolué, et ce sera pour ma part la seule petite déception de la chronique, j’y reviendrai plus bas. En tout cas, la première écoute m’a permis de noter quelques évolutions plutôt plaisantes pour la majorité d’entre elles, un peu moins pour la production, mais Eremit, cela ne fait plus guère l’ombre d’un doute, est un groupe qui fait son bonhomme de chemin tranquillement mais surement, avec ce deuxième album qui sonne comme une progression intéressante et qui confirme toutes les bonnes intentions de louabilité que je trouvais auparavant. Un groupe qui me plaît toujours autant et dont l’évolution marque non pas une confirmation, mais une simple évolution positive. Première écoute validée!

Alors, nous y voilà! Ma principale – et seule – petite déception de la journée concerne donc la production. Mais pour une raison assez bête : j’avais adoré celle de l’EP. Il y avait un son particulier qui allait au-delà de ce qui se fait souvent dans le sludge metal. En fait, la production manquait beaucoup de cette profondeur faite de réverbération et de l’occupation de la part notamment des guitares de l’espace sonore tout entier. Le son était donc beaucoup plus brut, très peu retouché du moins en apparence, et c’est ce qui m’avait conquis. J’avais été dithyrambique au point de dire que c’était un modèle du genre, mais en vérité j’ai fait un peu de chemin dans le sludge pour m’apercevoir que non. Mais ici, on est au final sur une production plus courante, avec cette fois une retouche studio qui apporte un côté plus moderne, plus occupationnel qu’avant. J’aime bien, ce n’est pas le problème! Mais je trouve que pour le coup, le son d’avant était bien meilleur, bien plus représentatif de ce que faisait Eremit dans son côté cru. Ce qui fait que l’on entend bien moins le chant qui était exceptionnel. Ce n’est pas grand-chose, trois fois rien, mais c’est un peu dommage quand on a pris l’habitude de poncer allègrement l’EP Desert of Ghouls et que l’on se retrouve avec un album de doom sludge metal classique, qui est plus rentré dans le rang si j’ose dire. A bon entendeur, les amateurs du genre vont se complaire dans Bearer of Many Names, mais s’il y aura eu en amont un premier passage sur l’EP, je pense que la différence va sauter aux oreilles de beaucoup d’entre nous. Voilà, c’était ma petite déception, toute petite mais il fallait en parler quand-même.

En outre, une fois que l’on s’est enfilé l’album dans son intégrité, on en ressort certes bien fatigué, surtout après une journée de boulot bien remplie, mais content. Il y a vraiment une âme en plus dans la musique d’Eremit, quelque chose de profondément philosophique, spirituelle. J’avais souligné lors de la chronique de l’EP que le groupe allemand nous amenait en voyage mais je pense que c’est plus fort encore. La musique, si torturée et tortueuse soit-elle, est aussi très personnelle et donne le sentiment que les musiciens transmettent dans leurs compositions leurs état d’âme, leurs réflexions et leurs amertumes surtout. Du coup, ce Bearer of Many Names, par son nom prophétique, apporte une dimension dépressive importante. C’est résolument ce que l’on pourrait attendre d’un opus de doom sludge comme celui-ci, typique. Plus typique donc, tu meurs! Il y a véritablement une profondeur de sens dans Eremit qui me transperce à chaque écoute. Rarement le doom sludge m’aura fait cet effet. Et je vous évertue vivement à aller écouter l’album pour vous faire votre propre idée. Les trois compositions sont énormes!

Je passe tout de suite au chant, le reste coule tellement de source que je me forcerais à être redondant pour rien. Mais le chant est divin, sublime! J’avais déjà adoré ce dernier sur l’EP, inutile de répéter combien le chant est toujours aussi incroyable. Avec là encore une profondeur folle, plus technique bien entendu. La technicité vocale est grandiose, les textes fonctionnent surtout comme de looooooongues étendues vocales, sonores, comme des hallalis lointains et des cris d’agonie monstrueux. Un chant sludge, limite high scream parfois, mais avec une torture glaçante. Toute la genèse et la dimension souffreteuse passe ici par le chant, bien accompagné rythmiquement. Non sincèrement, moi qui suis chanteur, je suis fan. J’envie beaucoup le chanteur d’avoir une voix pareille, je suis envieux.

C’est le moment de conclure! Eremit signe avec ce deuxième album bien plus qu’une promesse d’avenir radieux désormais. Je considère presque Bearer of Many Names comme une référence en doom sludge, si toutefois la production ne m’avait pas apporté sa petite pointe de déception, mais comparée à l’EP ce qui ne compte donc pas forcément. En tout cas, ni la longueur extrême ni cette fameuse production ne freineront l’ascension certaine des allemands vers le sommet des groupes du genre. Une pente pourtant difficile d’accès tant le style est un peu indigeste, mais avec de tels relents de profondeur de sens et une musique lancinante, Eremit ne peut qu’atteindre les sommets. C’est probablement l’une des meilleures pioches du label indien, et l’une des nouvelles valeurs sûres du genre sludge metal. Eremit signe un deuxième album totalement dingue et exceptionnel avec Bearer of Many Names!

Tracklist :

1. Enshrined in Indissoluble Chains and Enlightened Darkness 29:22
2. Secret Powers Entrenched in an Ancient Artefact 18:36
3. Unmapped Territories of Clans without Names 18:27

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