All We Leave Behind – In Absence Of Light

Le 1 décembre 2025 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Tony - batterie / Hell D - Guitare rythmique, chant clair / Pog - chant, guitare lead / S.Crumb - basse.

Style:

Gothic Doom / Death metal

Date de sortie:

28 novembre 2025

Label:

Argonauta Records

Note du SoilChroniqueur (Vince le Souriant) : 9/10

 

« Les hommes ne sont pas nés du caprice ou de la volonté des dieux, au contraire, les dieux doivent leur existence à la croyance des hommes. Que cette foi s’éteigne et les dieux meurent« .
(Jean RayMalpertuis)

En 2021, une étude parue dans la prestigieuse revue scientifique « Nature » situait la disparition des tous derniers mammouths il y a 3 900 ans, en s’appuyant sur l’ADN de ces éléphantidés, retrouvé dans le permafrost. Sans aucun rapport, est paru en septembre de cette année un essai d’Emmanuelle Pouydebat, intitulé « Les oiseaux se cachent-ils pour mourir ? »
Dans le livre, la biologiste, directrice de recherche au CNRS et au Muséum national d’histoire naturelle, se penche sur la perception que les animaux ont de la mort. Or, parmi ceux témoignant d’une conscience de ce phénomène, on trouve justement les éléphants, dont certains ont été aperçus en train de caresser un congénère défunt, ou même ses ossements.

Alors, nos mammouths… Les derniers spécimens ont-ils eu conscience de la disparition de leur race ? De laisser derrière eux un passé arrivé à son terme ? Et si oui, qu’ont-ils ressenti ? Il y a fort à parier qu’on ne le saura jamais. Toujours est-il que si un film s’intéressait au sujet, « In Absence of Light« , deuxième album du groupe grenoblois All We Leave Behind, pourrait lui fournir une merveilleuse BO. Le propos prête à sourire ? Oubliez Gwar, ou Ophélie Winter dans l’émission Hit Machine, grimée en femme des cavernes pour se moquer du clip de « Smells Like Teen Spirit » de Nirvana (vu à la télé circa 94, la Préhistoire pour certains !). Non, All We Leave Behind, c’est du sérieux. Certes, contrairement à une formation comme les Italiens de Thecodontion, ils ne se réclament absolument pas du thème préhistorique. Si le parallèle établi en introduction a lieu d’être, c’est parce que l’album entier enfonce à la massue un sentiment, une impression : celle que nous avons atteint la fin, triste et solitaire, de notre destin en tant qu’espèce.

Ce qui frappe, tout d’abord, et notamment dans les deux premiers titres, « Darkness Prevails » et « Evil Sign », c’est la voix de Pog, le chanteur guitariste, qui ferait passer Glen Benton de Deicide pour Julie Andrews incarnant Maria von Trapp dans « La Mélodie du bonheur« . Ça fait une paire d’années que votre serviteur écoute du metal extrême, et des timbres comme celui-là, les philatélistes vous le diront, ça ne se trouve pas tous les jours ! Mais l’intérêt du groupe ne se résume pas à leur impressionnant frontman. Dès « Nailed To A Dark Fate », c’est le chagrin qui fait irruption. Pas le désespoir larmoyant du DSBM qui se taillade les poignets, pas les sanglots lyriques du Heavy, non. Ce chagrin-là a le goût des larmes contenues, et la dureté âpre de cette boule qui vous bloque la gorge et vous enserre les flancs. Sur ce titre (« Nailed To A Dark Fate » donc), piano et guitares semblent descendre des nues, servant d’écrin à cette voix de patriarche. A noter, le clip tourné en pleine nature, qui permet de constater que derrière les fûts la valeur n’attend pas le nombre des années et que le bassiste, en musicien émérite, joue fretless.

« Falling deeper » enchaîne avec ce qui sonne non pas tant comme une chute que comme une contemplation : celle d’un champ de ruines calcinées, avec un joli solo de guitare pour dissiper les fumées. Je ne sais pas si c’est l’atmosphère de Grenoble qui pousse ainsi ces fils des âges farouches à la franche rigolade, mais patience, c’est loin d’être fini.

« The Curse », guitares éthérées et superbe chant clair, vite secondé par le père de tous les bûcherons (Pog, hein, faut suivre), ferait pleurer la roche tant ce titre est touchant. Il y a, dans la musique de All We Leave Behind une pudeur, une retenue qui en font non pas une formation simplement intéressante, mais un grand groupe. Ce que certains arrachent par la démonstration technique, ou par le déluge de pathos, eux l’obtiennent sans forcer, avec une sensibilité tout en nuances. Ces gens-là ont tout compris à Miles Davis, qui disait « It’s not the notes you play. It’s the notes you don’t play »

Si « Clarity Through Darkness » offre une lampée de ténèbres avec ses cloches sinistres et ses arrangements menaçants, le mal, le vrai, se manifeste dans « The One You Fear To Name ». Voldemort, dont on doit taire le nom ? Cthulhu, cauchemar de tous les dyslexiques ? Mais non, Satan ! Celui à qui les Stones faisaient dire dans « Sympathy for the devil » « Pleased to meet you /Hope you guess my name ». Et s’il est légitime de craindre le diable, on sait depuis « Le Nom de la rose » que le rire permet d’en avoir moins peur. De là l’assaut de blagounettes auxquelles Bibi se livre, tant il a les chocottes en écoutant ce titre à minuit passé alors que tout le monde dort…

Parler dans une même chronique de Mammouths, d’Harry Potter et d’Umberto Eco (ou de Jean-Jacques Annaud, qui a également porté à l’écran « La Guerre du feu« ) ressemble fort à un pari raté. Eh bien non ! Figurez-vous que pour les premiers, le groupe lui-même prend ma défense (en ivoire). « Epitaph of the Pachyderms », pas le cimetière des éléphants mais presque, vient à ma rescousse, avec guitares et basses dans le rôle du colonel Hathi. Si la pesanteur est une notion bien présente dans l’album, ici c’est Sir Isaac Newton en personne qui ramène sa pomme…

Qu’est-ce qu’on se marre dans cette chronique. Ce n’était pas chose facile, quand le titre antépénultième s’intitule « Endless Suffering ». Force est de constater que nous ne sommes pas trompés sur la marchandise… « Souffrons, mais souffrons sur les cimes ! » écrit Hugo. Et il complète « Eh bien, non ! – Le sublime est en bas ». En bas, c’est là que nous entraîne la pochette du disque, caverne sombre dont la seule issue – inaccessible – est vers le haut, mince fente d’où filtre une douce lumière. En bas, c’est aussi là qu’emmène le très stoïcien « Rise and Fall », qui semble nous dire « qu’il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne ». La vie, nos proches, nous-mêmes… A quoi bon attacher de l’importance à des idées ou à des êtres sur le destin desquels nous n’avons aucune prise ?

Petit miracle d’orchestration, de finesse et de composition, « Ruins of the World », le morceau final, rend très paradoxalement optimiste : tant qu’il y aura des gens pour composer une musique comme celle-ci, il y aura de quoi avoir foi en l’Humanité.

Rédiger une conclusion qui soit à la hauteur d’un album qui a la densité d’un trou noir n’est pas chose aisée. Non seulement, avec cet album, le mot « doom » reprend du poil de la bête, laineuse ou non, mais surtout, ces onze compositions fourmillent de trouvailles qui, si elles n’ont peut-être l’air de rien prises isolément, font s’esclaffer une fois assemblées.
Il y a chez All We Leave Behind une dimension profondément émouvante et peu commune, quelque chose de rare et de précieux, une dignité qui est celle de créatures mythiques se sachant en voie d’extinction.

 

Tracklist :

Darkness Prevails (5:04)
Evil Sign (5:03)
Nailed to a Dark Fate (4:34)
Falling Deeper (6:36)
The Curse (5:06)
Clarity Through Darkness (6:30)
The One You Fear to Name (4:56)
Epitaph of the Pachyderms (5:49)
Endless Suffering (4:54)
Rise and Fall (4:58)
Ruins of the World (7:10)

 
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