Eremit – Desert of Ghouls

Le 1 août 2020 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Marco Baecker : batterie Moritz Fabian : guitare, chant Pascal Sommer : guitare

Style:

Sludge Doom Metal

Date de sortie:

17 juillet 2020

Label:

Transcending Obscurity Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

“L’ermite croit qu’il a trouvé Dieu parce qu’il a trouvé la solitude.” Henry de Montherlant

Je ne sais pas si ça vous le fait, mais souvent quand j’aborde un album ou un style de Metal en particulier, j’ai parfois un groupe qui se greffe dans mes pensées et qui tourne en boucle, parasitant ma capacité d’analyse et, plus grave, d’écoute. Quel lien on pourrait faire pour interpréter cela, je l’ignore. Cela fait partie du domaine de l’inconscient, comme une sorte de mécanisme de défense sournois, pour nous empêcher d’aller au plus profond de nous-mêmes. Souvent, j’ai remarqué que les groupes qui s’inséraient machinalement dans mon esprit avaient un rapport aléatoire avec le sujet de l’écoute. Et ce qui est plus embêtant c’est que l’écoute du groupe nuisible ne suffit pas à le conjurer! Résultat : je perds lamentablement du temps à écouter plus de fois que de raison un album alors que je pourrais le faire en un temps record. Ici, c’est Triptykon qui me parasitait, allez donc faire le lien avec celui que je devais étudier et qui se nomme Eremit.
[Loin de moi l’idée d’excuser mes retards de chronique à travers ce post, attention !]

Eremit est un groupe qui nous emmène en voyage! Trêve de plaisanterie, il s’agit surtout d’un groupe allemand dont la date de création n’est pas connue, ou du moins n’est pas répertoriée. De ce que l’on connait d’Eremit tient à peu de choses au final : le groupe a sorti un premier album en autoproduction en 2018, intitulé Carrier of Weight et a signé directement chez Transcending Obscurity Records pour la sortie de son EP appelé Desert of Ghouls et qui fera l’objet de cette chronique. Ce qui m’étonnait au début c’est que j’avais toujours cru que ce label se cantonnait à peu de styles et je me suis aperçu que non seulement c’était faux au travers du cas d’Eremit, mais qu’en plus le style proposé était vendeur en quelque sorte! De plus, signer chez un label aussi fourni après un unique album relève quelque part du coup de poker, mais dans les deux sens. Autrement dit, Eremit, selon l’idée que je m’en faisais instinctivement, doit vraiment être bon.

La première chose qui m’avait agréablement interpellé était le logo du groupe. « Eremit » signifie en allemand « ermite » et j’ai été surpris de voir ce mélange entre le concept de l’ermite et cette épée (ou couteau ?) en travers qui donne un côté guerrier, voir chevaleresque. Quand on sait qu’un ermite est une personne qui vit dans le recueillement et la solitude (ce que l’on appelait autrefois les anachorètes), il faut admettre qu’il y a une sorte d’oxymore entre cela et cette lame, qui d’un point de vue réflectif ne me déplaît pas. Pour ce qui est de l’artwork, on nage en plein mystère. Je pensais que ce dernier avait un lien avec le mot « Râsh-il-nûm » qui me faisait penser à une sorte de divinité, mais pas du tout. Alors, peut-être que cette personnification qui mélange démoniaque et un côté marin a un sens caché ou qu’il s’agit d’une des nombreuses représentations d’une goule, mais en tout cas je suis un peu perplexe sur le sens. D’autant que lorsqu’on fait des recherches, on trouve « la goule affectionne les cimetières, où elle déterre les cadavres pour s’en nourrir. La goule hante aussi le désert sous les traits d’une jeune femme et elle dévore les voyageurs qui succombent à ses appels. » (Wikipedia). Ici, point de femme et point de désert…
Par contre, l’artwork en lui-même me plait beaucoup dans le style dessin encadré d’un pourpre à motif un peu feu, je le trouve très plaisant à regarder et il donne clairement envie de se pencher sur la question de la musique. J’ai d’ailleurs été ravi de voir que pour une fois, un groupe ne proposait pas QUE des habits noirs, mais bien des rouges pourpres, ce qui m’intéresse grandement.

Pour ce qui est de la musique, pas de doute permis : il s’agit bien d’un Sludge malsain au possible, avec des incorporations franches de Doom Metal voire même de Funeral Doom. En fait, j’ai compris instantanément pourquoi Eremit était parasité par Triptykon : parce qu’ils sont étroitement parents en termes de style musical. C’est simple, hormis bien entendu des détails marquants, la musique est bien inspirée par Triptykon sur la lourdeur des riffs, la lenteur lancinante et les accélérations soudaines. Au premier contact je suis totalement emballé par la musique parce que dans ma concorde avec les suisses doomesques, je me suis surtout aperçu qu’Eremit avait quelque chose en plus, ou en bonus je dirais, que Triptykon n’a pas, et qui est la malséance. Drôle d’aventure donc que d’avoir un groupe qui parle d’errance spirituelle et qui propose une telle torture psychologique dans sa musique! Et le plus impressionnant est que nous sommes en présence d’un EP donc de peu de titres (ici, deux seulement!) et qu’on a l’impression qu’en deux titres, on est totalement hors du temps. Je suis ressorti de l’écoute aspiré spirituellement par la musique qui dure tantôt huit minutes, tantôt douze. Je ressors donc sur une impression… Impressionnante.

Alors, ce que j’ai toujours aimé dans le Sludge est ce son particulier qui confère une sorte d’émulsion entre la bestialité et la sophistication. Je ne sais pas si c’est le style qui prévaut ce constat, mais il y a peu d’instruments. Là, nous avons deux guitares, une batterie et un chant. Dans des groupes comme Mantar ou Golden Core, que j’adore, vous avez… Deux musiciens. J’ai aussi remarqué que souvent il n’y avait pas de basse, que la ou les guitares avaient un arrangement studio et live particulier pour que ces dernières jouent un rôle bilame de profondeur en basse fréquence et de mélodies. Dans le cas d’Eremit, c’est exactement la même chose. Le travail en studio est incroyable, vous avez cette émulsion qui est extraordinaire entre un son cru, et tout un spectre sonore travaillé. J’ai toujours été fasciné par cela, et cet EP ne déroge pas à la règle du tout, au contraire. Je suis prêt à le citer en modèle du genre, si ma connaissance en Sludge Metal n’était pas au stade de l’intermédiaire. En tout cas, le son est impeccable !

Les deux morceaux sont d’une longueur qui pourrait repousser les plus téméraires, surtout que le Sludge n’est pas forcément le style le plus abordable du Metal, en tout bien tout honneur. Mais franchement, faites l’expérience de l’écoute et vous me direz si vous ressortez indemne. Parce que non seulement le temps disparait pour laisser place à une sorte d’hypnose sonore mais, en plus, vous avez cette sombritude profonde qui transpire par les pores de votre peau, c’est juste flippant. Les instruments fonctionnent vraiment comme les douze notes primaires pour faire un parfum : chaque suc est dosé de telle manière que les places sont équilibrées pour chaque instrument, il y a une vraie harmonie qui est à mon sens augmentée par la lourdeur des riffs doomesques et la batterie lente au possible. C’est encore un gros point fort qu’Eremit partage avec ces confrères : parvenir à une harmonie musicale avec peu. D’ailleurs, j’ai enfin compris d’où provenait le décor désertique avec les goules : la musique. Vous fermez les yeux, vous vous laissez envahir par le spectre sonore et les différents effets de guitares, et vous avez le sentiment onirique de vous trouver en plein désert, égaré, la nuit, et scruté par une goule monstrueuse derrière une dune. Excellent, vraiment excellent.

Et le pompon du pomponneau, le comble de la plaisance musicale revient au chant, qui est tout simplement dantesque. Quelle voix! D’une torture, d’une tessiture et d’une étendue telle que j’en suis resté scotché. Le rythme des textes est évidemment lent et laisse donc bien la place à des lignes vocales longues et trainantes, ce qui permet de découvrir la capacité respiratoire du chanteur, qui tient longtemps sur des screams et m’épate. D’une certaine façon, le chant sublime le contenu déjà fort satisfaisant et donne surtout l’intensité qui manquait peut-être un peu du fait des instrumentalisations lourdes dignes du Doom.

En résumé, cet EP de deux titres est l’œuvre d’un groupe bourré de talent et qui se met totalement au service d’une musique sludge metal qui pourrait sembler redondante de prime écoute, mais qui s’avère beaucoup plus authentique que les groupes qui jouent soit la carte de la sophistication à outrance, soit de simplicité trop laissée pour compte. Ici, Eremit trouve l’équilibre idéal, et la musique idoine pour nous complaire dans la noirceur et la solitude des ermites qui reposent en nous. Une excellente découverte !

Tracklist :

1. Beheading the Innumerous (08:57)
2. City of Râsh-il-nûm (12:15)

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