Line-up sur cet Album


  • Alexia Cazaméa : chant, flûte à bec
  • Manon Cazaméa : guitares six ou douze cordes, chant
  • Thomas Boissier : percussions, flûte low whistle, chant
  • Guests :
  • Pierre Burette: violoncelle sur 7 Jeff Grimal: guitare sur 4

Style:

Dark Folk

Date de sortie:

28 avril 2023

Label:

Mors Ultima Ratio Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10

Nous comprenons la Nature en lui résistant.” Gaston Bachelard

Récemment je me suis trouvé un intérêt pertinent pour les légendes et contes de la France, et plus particulièrement des régions comme la Bretagne et la Provence d’où je viens. Il était temps, vous me direz ! Trente-trois ans, et le type ne consacre qu’une infime partie de sa réserve d’intérêt et sa curiosité insatiable pour les légendes et contes que maintenant. En vérité, certaines d’entre elles, je les connaissais déjà comme le Carcohl par exemple, la Bête du Gévaudan bien entendu, enfin. Il y en a bien d’autres ! Mais je me suis rapproché de ma Provence chérie en même temps que je dévore encore aujourd’hui le livre de Nicole Lazzarini. En fait, on ne s’en rend pas spécialement compte, mais ces fameuses légendes, ces incroyables contes qui nous bercent durant notre enfance (je me souviens de mes grands-parents qui me racontaient le Garamaoudou) nous influencent beaucoup plus qu’on ne le croit sur notre perception de la vie. Quand vous vous promenez en forêt, certains d’entre vous cherchent encore le loup et s’imaginent l’entendre hurler à la mort y compris en plein jour. Je suis tombé récemment sur les mémoires de mon arrière-arrière grand-mère maternelle qui parlait du temps où elle vivait sur les hauts plateaux ardéchois qu’elle entendait le loup gratter la nuit sur les murs en bois de sa maison. En fin de compte, je pense bien évidemment qu’il s’agit d’une question d’imaginaire et de sensibilité, mais nous avons tous été influencé par tout un tas de choses de la part de nos familles, de nos cultures, mais aussi et surtout de nos légendes. C’est en cela que j’apprécie beaucoup les projets musicaux qui parlent indirectement ou non de tout cela. Indirectement quand il s’agit de ce que me renvoie la musique. En effet, plein de groupes font une musique qui m’évoquent parfois des aspects traumatiques ou simplement intuitifs de mon enfance. C’est en quelque sorte le processus de fascination morbide qui opère dans ces cas-là, et c’est pour cela qu’on replonge sans arrêt dans ses CDs qui nous rappellent inconsciemment ou non des mémoires enfouies de nos vies. C’est donc un point important que je soulève ce soir pendant que je rédige cette chronique, et qui pose l’interrogation du processus transférentiel sur nous de la part de la musique. Pourquoi nous sommes fascinés, apeurés, dégoutés, tristes, joyeux, etc. Tous ces sentiments et ressentis potentiels, si l’on aime l’analyse comme moi et que l’on aime faire bouillir ses neurones, on finit forcément par se demander comment et pourquoi on les ressent. Et souvent, il en découle notre constat final, celui de savoir si l’album est génial ou pourri. Voilà donc que dans ce registre analytique outrancier, se présentait à moi un album dont beaucoup parlent sur les réseaux sociaux, notamment mon comparse chez Kosmos, et qui m’a intrigué. Cet album est celui du projet Wegferend et se nomme « En Autremonde – Chapitre Second« .

Derrière Wegferend, nom difficile à prononcer autant qu’à écrire, se cache un trio de musiciens composé d’un homme et de deux femmes. Le trio nous vient de Toulouse (cocoricooooooooooo) et comme le nom de l’album l’indique, à savoir « En Autremonde – Chapitre Second« , il s’agit du deuxième album, le premier s’appelant… « En Autremonde – Chapitre Premier« . Alors, bien évidemment, avant de me plonger dans l’écoute de ce deuxième CD, il m’aura fallu assimiler le premier. J’ai ainsi découvert Wegferend avant de totalement découvrir, comme je le fais habituellement, ce fameux deuxième album qui nous intéresse ce soir. Le résultat est que je m’attendais tout naturellement à être influencé par cette précédente écoute et petite analyse personnelle fort reluisante. Eh bien, non ! La suite vous illustrera pourquoi. En tout cas, de ce projet franchement bien ficelé niveau communication et capital sympathie (Thomas le multi-instrumentiste est un homme d’une grande vertu ! Oui oui! ), je retiendrai probablement que la richesse s’annonce évidente bien avant les écoutes. Allons-y!

Bon, en fait, ce que je voulais dire, c’est que dès la contemplation de l’artwork, j’ai été tout de suite convaincu qu’on allait avoir un album incroyable. C’est bête je sais ! Mais vous avez parfois cette intime conviction avant même l’écoute, et elle provient essentiellement de la vision de la pochette de prime abord. Et ici, force m’est de constater que Wegferend a frappé fort ! La pochette est absolument superbe, avec ce jeu de couleurs et de contraste entre les nuances de rouge et le vert un peu pastel. Ce contraste illustre selon moi une forme de nouvelle dimension cachée dans la puissance dominante de la Nature. Peut-être une métaphore filée de ce qui se cache insidieusement derrière l’apparente domination consciente de la Nature sur nous. Sur le détail de l’artwork, on reste un peu sur une forme de déjà-vu si j’ose dire en mettant en valeur ce qui nous rappelle facilement la Nature, avec les feuilles en mouvement, le vent qui est représenté par quelques petites envolées de feuille sur les côtés, les montagnes autour de cette espèce de colline rouge dont on croirait presque qu’elle est façonnée par des gemmes, et puis bien entendu cet esprit flottant au milieu qui se dirige vers la dite colline en passant par ce qui ressemble pour moi à une sorte de porte temporelle ou dimensionnelle. En tout cas, je note qu’il y a une vraie représentation métaphorique ou directe de l’esprit de la Nature en général. On voit bien surtout que derrière ce qui apparaît à nos yeux comme étant « naturel » justement, n’est que le rideau opaque de ce qui serait interprétable ou tout simplement dissimulé, n’étant accessible que pour des esprits érudits. C’est selon moi une représentation visuelle de ce que l’on appelle communément une prédilection. Enfin, c’est mon interprétation. J’adore cet artwork pour son luxe de détails et ses choix de couleurs, relativement originaux pour un artwork estampillé dans ce style de musique. Avec même une touche à la fois un peu moderne dans la technique graphique, et surtout personnelle qui me fait énormément plaisir ! Exit les groupes du genre qui se pavanent en photographie comme s’ils étaient les principaux modèles. Là, on a un vrai décor conceptuel de planté, et je m’en réjouis au point d’adorer cette pochette ! Elle est sincèrement superbe sur tous les points possibles, rien à redire de négatif ! Du beau, très beau boulot.

Les ami(e)s, je peux d’ores et déjà vous dire une chose : vous m’avez bien embêté! Parce que j’ai passé ma chronique à me demander ce que j’allais bien pouvoir dire de mal. Tout pervers que je suis, je traque sans arrêt la petite faute qui fera de ma chronique le point d’orgue du consensus douloureux. Mais que nenni! En termes de musique folklorique, qui est une étiquette finalement bien réductrice quand on estime la richesse d' »En Autremonde – Chapitre Second » à la valeur quasiment absolue, j’ai rarement entendu mieux depuis au moins cinq ans, date à laquelle j’ai découvert le duo entre Crooked Mouth et Brigade Headstone, qui officie d’ailleurs dans un registre plus dark folklorique. Donc en fait, rien à voir ! Par contre, dans le même genre mais avec des univers différents, Trientale revient dans ma tête pour se rapprocher le plus de ce que propose Wegferend. Dans ce style de musique folklorique, dans cet ensemble instrumental, ce qui m’a frappé en premier est la richesse de composition. Les pistes sont efficaces au possible avec une recherche de choix des meilleurs instruments selon les besoins et les chapitres abordés dans chaque chanson, et c’est l’avantage d’avoir trois musiciens qui sont capables de changer comme bon leur semble. Musicalement parlant, la richesse est de rigueur également dans les mélodies qui oscillent finalement entre l’onirisme, une part probablement un peu chamanique sur les bords qui feraient presque pencher la balance stylistique sur le néofolk, et un côté surtout très éthérée qui transparait par le caractère globalement apaisé des compositions. « En Autremonde – Chapitre Second » s’écoute bel et bien comme un album folklorique, tranquille et entrainant psychiquement, avec une part belle de faite dans la Nature et son potentiel conceptuel immense. Mais j’ai trouvé que derrière cette apparente quiétude, se dissimulait en fin de compte une certaine puissance. La fameuse introspection que l’on trouvait dans la pochette ressort bien dans la musique, puisque même si, je le répète, les compositions s’écoutent sans trop pousser l’énergie à son niveau paroxystique, il n’en demeure pas moins qu’avec les influences metal que revendique notamment Thomas, on retrouve une forme subtile mais prépondérante de puissance qui illustre au final parfaitement cette idée que je me fais depuis toujours de l’omnipotence de la Nature sur tout. En tout cas, je me suis absolument régalé sur la première écoute d' »En Autremonde – Chapitre Second » et qui constitue le développement de ce premier paragraphe. Ce n’est pas forcément une musique qui brille en matière de composition par son originalité, certaines mauvaises langues diraient que l’on entend ce genre de musique folklorique partout, mais en fait, c’est là que le concept est important. Parce que quand on se rend compte que tout repose entre guillemets sur le concept pour se démarquer, on comprend alors que cette musique dévoile un potentiel de promesse exponentiel. Et franchement, je me suis régalé à décortiquer chaque passage pour me délecter encore davantage. C’était un magnifique premier abord que d’écouter en exclusivité cet album de Wegferend.

Maintenant, comme je m’amuse parfois à le dire, dans certains styles, et par méconnaissance plus que par vanité, on se demande s’il existe une « vraie » production sonore. Je pense qu’à la lumière de ce deuxième album, Wegferend montre qu’oui ! On peut faire de la musique folklorique en studio et retranscrire la magie de cette musique qui pourtant prend ses meilleurs aises en concert acoustique, c’est mon point de vue. L’expérience studio est très risquée. Pour revenir à Trientale, je me suis en effet rendu compte que je préférais mille fois les prestations concerts qui sont accompagnées d’un visuel et d’ambiances propres, qu’aux versions studio. Ici, dans le cas présent, c’est donc sans écoute en concert que j’ai découvert que la production avec un grand P existe pour ce genre de musique. Chaque instrument, qu’il soit guitare à six ou douze cordes, les percussions diverses, la flûte low whistle ou les différents types de chants, et à moindre mesure le violoncelle, se trouve exactement là où il faut, quand il faut. Pour un résultat sonore d’une propreté rare dans ce registre, mais surtout laissant le sentiment que chaque instrument est dosé parfaitement ou presque comme il faut pour qu’il délivre toute sa quintessence ! La musique de Wegferend, et c’est là son incroyable tour de passe-passe, se pare de cette fameuse puissance cachée derrière une sérénité évidente, le tout sans entrer dans une exagération composale qui ruinerait à coup sûr le tout, et qui érige le seul reproche que je fais à des formations de néofolk comme Skàld ou Heilung qui en font beaucoup trop parfois. Au moins, Wegferend constitue donc le chainon manquant, l’équilibre idéal entre puissance et douceur dans une production de musique folklorique qui n’a absolument rien à envier à qui que ce soit. Et franchement, pour cela, je dis un immense bravo et toute mon admiration !

Pour revenir à mes impressions sur cet « En Autremonde – Chapitre Second« , je pense que tout est une affaire d’équilibre. L’équilibre dans la Nature, cette dernière qui nous gouverne par cette voie précise et qui n’hésite pas à semer le chaos quand il faut pour sublimer l’univers par la suite. Et Wegferend, s’il s’agit réellement de son but derrière cette musique et cet album, a réussi son coup. L’harmonie. Voilà le maître mot pour parler de l’ensemble qui constitue ce chef d’œuvre, parce que tout évoque cela. Henri de Régnier disait « La musique est faite des bruits de la nature et des soupirs de l’âme. » Je pense que c’est tout à fait ce que retranscrit la musique résolument folklorique du projet toulousain. Réduire l’album à un énième ouvrage sur la Nature dans sa forme banale et déjà usitée plusieurs fois serait une erreur fatale. La magie opère totalement dans les différentes écoutes que j’ai faites, que ce soit du premier album que de ce dernier, parce que l’harmonie de la Nature se retranscrit dans l’harmonie de la musique de Wegferend. C’est une réelle question de ressenti ici ! Pas d’analyse pompeuse, juste une manière d’aborder les choses de manière plus spirituelle. En tout cas, je ne saurais m’étendre davantage sur le sujet qu’en vous clamant haut et fort que ce que propose Wegferend ici, avec cet « En Autremonde – Chapitre Second » ne s’explique pas, ni ne se justifie. Cela se vit, tout simplement. Et question vécu, j’en ai largement eu pour mon compte tant cet album est exceptionnellement riche et puissant. Un vrai bonheur!

Jamais je ne passerai à côté des chants sur les albums, cela, vous le savez désormais. Et cette chronique ne sera pas l’exception parce qu’il faut le souligner, les chants (ils sont trois) sont là encore de très hauts vols ! Trois chants clairs, un masculin et deux féminins qui, à ma grande surprise, se distinguent fort bien les uns des autres, surtout bien sûr les deux chants féminins. Ce n’est pas un cliché, il arrive souvent que l’on ait des difficultés à discerner deux chants féminins dans ce genre de musique tant la recherche d’effet éthéré ou onirique squeeze les identités propres. Mais là, aucune difficulté à distinguer les différents chants, et je me rends compte rapidement que chacun joue un rôle prépondérant et totalement différent. Tout en gardant cet effet étrangement calme et serein, on se rend compte que dans les paroles ou dans les intonations de voix, il demeure une forme scaldique qui démontre une volonté d’expression de quelque chose d’enfoui, de caché. cela rejoint donc ma théorie de départ, et l’on en revient ainsi à l’idée que l’harmonie est totalement de rigueur dans cet « En Autremonde – Chapitre Second« . Les techniques vocales sont également irréprochables. Moi qui aie parfois du mal avec le chant féminin (surtout dans le metal, je plaide coupable), je suis rarement déçu dans la musique folklorique. Et encore une fois, Wegferend ne sera pas l’exception. Chapeau !

Pour conclure, Wegferend, projet toulousain, sort un deuxième album nommé « En Autremonde – Chapitre Second » dont j’avais le constat rapide mais efficient que les éloges étaient unanimes et nombreuses ! Loin d’être déçu de m’être frotté à cet album qui évolue dans un registre facilement critiquable de musique folklorique, souvent décrié pour son absence d’originalité intrinsèque, c’est pourtant un album d’une excellence rare qui s’est profilé dans mes oreilles ébahis. Parce que si l’on s’arrête sur la musique en elle-même, les mauvaises langues et les oreilles en carton vous diront qu’il n’y a rien de bien original. Mais c’est justement le piège ! Dans ce genre de musique, il faut pénétrer invariablement dans l’univers autour, dans les atmosphères latentes et les mélodies enchanteresses pour presser la quintessence jusqu’à la satiété. Wegferend illustre selon moi la seule véritable puissance de la Nature, qui est l’harmonie, et par ce tour de magie qui rend sa musique tout simplement magnifique et exceptionnelle, le projet prend la direction d’une harmonie musicale ni grandiloquente, ni trop doucereuse. Juste une harmonie qui se rapproche de la perfection. Il va donc de soi qu’il faut se procurer l’album mais aussi découvrir le groupe en concert ! Ce sera mon cas.

Tracklist :

1. Gedim 09:47
2. Holy Ghost 04:56
3. The Wayfarer 09:04
4. Druide (ft. Jeff Grimal) 05:14
5. Lost In Reveries 05:57
6. Jos L’Uèlh De La Breissa 08:14
7. En Autremonde (ft Pierre Burette)

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