Vesperine – Perpétuel

Le 18 avril 2024 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Rémi Lasowy : chant
  • Pierre Prunier : guitare
  • Adam Courtinot : guitare
  • Jérémy Piffady : basse
  • Aurélien B.Tosolini : batterie

Style:

Post-Metal / Indie Rock

Date de sortie:

16 avril 2024

Label:

Autoproduction

Note du SoilChroniqueur (Mitch) : 9/10

« Tant que les rayons brûlants du soleil, dont nous sommes la cible, ne balaient pas notre barrière qui veille sur nous, si photosensibles. »

Pour le chroniqueur, l’écriture de certains articles concerne parfois des groupes inconnus, découverts pour l’occasion, sur lesquels il ne sait rien, sorti de l’éventuel argumentaire / historique attaché au téléchargement fourni par le label.
Et parfois, un groupe particulier sort un nouvel album, quelques années après un précédent effort adoré, vénéré, intégré au plus profond, connu jusqu’à la moindre nuance, le genre d’albums magiques qui changent votre vie et vous possèdent à jamais.

« Ne rien laisser transparaître, du profond et puissant désir d’être. »
C’est exactement mon cas avec Vesperine, groupe lyonnais de post-metal (enfin, on verra que ce n’est pas si simple…), dont le « Espérer Sombrer » (2019) me transporte depuis pas mal de temps.
Paradoxalement, mon contact avec l’univers discographique du groupe est venu tardivement. Pour une raison qui m’échappe, j’avais décrété que je n’aimerais ce groupe qu’en live. Peut-être par une peur inconsciente de ne pas vibrer autant sur disque qu’en concert. Peur de ne pas retrouver ces moments suspendus, cette immersion dans un univers de souffrance et de beauté, de murs de son et de délicatesse, un peu comme un concert d’Amenra, dont on ressort lavé, purgé de toute sa noirceur. Car du Amenra, il y en a dans Vesperine, pour le chant hurlé / délicat, les alternances de passages fragiles et d’enclumes sonores. Mais sans le côté lancinant et redondant. Du Cult of Luna, aussi, en tant que référence du post metal – post hardcore, mais en moins instrumental, et sans les rythmes de batterie hypnotiques et presque tribaux.

« Ce soir une armée de soldats déferle dans mes couloirs, et crache une horrible bile noire. »
Bref, malgré 4 ou 5 concerts mémorables, j’ai tardé à laisser sa chance au groupe sur disque, et j’avais tort. Car après quelques écoutes et un temps d’adaptation face à ces pavés allant jusqu’à 9 et 14 minutes, j’ai fini par me laisser posséder par un album parfait de bout en bout, exigeant mais fascinant, oscillant entre les thèmes de la lumière et de l’obscurité, de la dichotomie entre le jour, la nuit, et toutes leurs nuances de couleurs intermédiaires.

« Sur ton masque de souffrance. Il existe tellement de nuances. Milles couleurs qui dansent, avec une magnifique violence. »
Une ode au contraste, au travers de morceaux à la composition épique, passant d’une humeur à l’autre avec magie, avec des paroles riches et mystérieuses, poésie noire puisant à fond dans un vocabulaire « colorimétrique ».

« Soyons le cri, devenons le hurlement. »
Avec « Perpétuel », Vesperine se montre moins « évident » et se livre volontiers à un jeu de piste destiné à « perdre » l’auditeur. Dans l’ordre des morceaux, tout d’abord, avec une coquetterie absolument bizarre : le premier titre « Mouvement III – Tant qu’il y a de l’espoir » n’est, en rien, le début de l’album, il n’est que la suite et fin de l’ultime morceau « Mouvement III – Mauvaise herbe », qui est coupé brusquement. Ainsi, si on a activé la fonction « repeat » de son lecteur, on repart au début du disque en enchaînant, en fait, sur la fin manquante du dernier morceau. Une sorte de d’œuvre circulaire. A part que la coupure et la reprise se font sur une partie frénétique et absconse, qui est bien perturbante pour une intro de morceau, et encore plus d’album. Le poids du gimmick se veut donc plus fort que le confort d’écoute et les conventions. Mais du coup, l’auditeur risque d’être mis de mauvais poil pendant toute l’écoute, avant de comprendre, près d’une heure plus tard, la malice de l’opération.
D’autant que la piste 2 (« Mouvement II – Universelle liesse ») présente également un difficile abord, avec un mantra de basse répété à l’envi, surplombé par un chant strident éructé, et des guitares claires assez angoissantes, avant qu’un emballement à l’unisson n’anime le tout au bout de 3 minutes, que tout retombe soudainement dans la fragilité, annonçant finalement un long final en accords majeurs aigus à la couleur très positive, aux chœurs presque candides (mais, quand même, avec une basse hyper agressive et des hurlements caractéristiques de Rémi).

« Si tu le veux, vieux monde en berne, laisse ton souffle lassé nous pousser vers tes plaines mornes et ternes. »
Ne nous épargnant, décidément, aucun contraste sur ce début d’album, Vesperine repart, avec « Mouvement I – A cœur joie », vers des rivages pop et mélodiques, avec le « tube » de l’opus, enfin, un tube de plus de 14 minutes en montagnes russes, évidemment, avec des enchaînements d’ambiances allant de la plus profonde noirceur à des sons de guitare très lumineux, évoquant presque la délicatesse de Noir Désir sur « Le vent nous portera ». Noir Désir sur l’album « Tostaky », c’est d’ailleurs la référence qui me vient le plus souvent, pour caractériser le travail des guitares sur ce « Perpétuel ». En sons étonnamment clairs la plupart du temps, type demi-caisse, parfois limite « twang », avec le petit coup de vibrato en fin d’arpège, le guitariste historique Pierre et son nouveau collègue Adam laissent (souvent) les saturations et la percussion à la basse, préférant enluminer librement les chansons, délirant dans leur coin, sans s’embarrasser de coller à la lourde colonne vertébrale basse-batterie.

« Poussez, fruits aux bruyantes odeurs, nous vous savons pourris à l’intérieur. »
« Mouvement II – Le poids du silence », prend son temps, commençant tout en fragilité, avant que du Vesperine tumultueux et plus classique ne vienne prendre le relais, humeur qui parcourra majoritairement toute la fin de l’album, permettant à l’auditeur fidèle de retrouver quelques attaches au prédécesseur « Espérer Sombrer ».

Quelques indices, repères, sont distillés, toujours sur le thème circulaire et « perpétuel », le groove de batterie introductif de « Mouvement I – A cœur joie » est repris à l’identique 14 minutes plus tard, en conclusion de la chanson ; la piste 6 s’ouvre avec quasiment le même arpège, légèrement déstructuré, que celui qui vient de conclure la piste 5. Vesperine est coutumier de ces thèmes répétés : sur « Espérer Sombrer », déjà, deux « L’immensément Noir » (respectivement « 06h37 » et « 21h32 » !) venaient exprimer les mêmes paroles, d’abord de façon noire et bruitiste, puis acoustique, nue et magnifique.

« Décider une autre suite. C’est une science. C’est un art. »
Je conseille cinq bonnes écoutes complètes avant tout jugement, c’est le temps qu’il faut pour s’imprégner de ce maelström d’informations, et commencer à mémoriser quelques mélodies et structures ; pour s’habituer au grand écart entre hurlements stridents et chant très mélodique, entre structures post metal barrées de 6, 9, 11, 14 minutes et jeu de guitare déconcertant, en accords et arpèges, un jeu très rock indé ; pour capter la qualité des paroles (j’y entends un manifeste écologiste, avec l’humanité désemparée face à une nature qui se refuse soudain à elle, mais chacun aura sa propre interprétation).

« Perpétuel » est illustré par une pochette et un t-shirt colorés, graphiques, et très peu metal, eux aussi. Il est un album artistique, intellectuel, exigeant, sans concessions. La force du concept est privilégiée à toute bienveillance concédée à l’auditeur, si bien que même les sons les plus « faciles » s’effacent derrière une forme abrupte. Remarquable travail de groupe, de composition et de remise en question, il se montre passionnant à apprivoiser, si tant est qu’on y arrive !
« Puisqu’il n’y a pas de fin à son histoire, crions sans attendre la victoire, créons un rempart contre l’espoir. »

Tracklist :
1. Mouvement III – Tant qu’il a de l’espoir (6:30)
2. Mouvement I – Universelle liesse (9:08)
3. Mouvement I – A coeur joie (14:38)
4. Mouvement II : Le poids du silence (5:48)
5. Mouvement II : Interférence (6:53)
6. Mouvement III : Mauvaise herbe (11:40)

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