Line-up sur cet Album


Romain Paulet : tous les instruments, chant

Style:

Black Metal

Date de sortie:

01 décembre 2023

Label:

Les Acteurs de l'Ombre Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10

 

Nous ne comprenons guère les ruines que le jour où nous-mêmes le sommes devenus.” Heinrich Heine

Parmi les nombreuses évolutions musicales de notre scène metal française, on entend souvent un débat sur le black metal, et sur quelle vague est la meilleure. Je suis un grand amateur de la scène des années 90, sans parler d’ailleurs de la scène française stricto facto, mais j’apprécie tout autant désormais la mouvance actuelle. Difficile d’ailleurs de la décrire avec précision, il faudrait que l’on se gargarise en termes techniques pour finalement noyer le poisson. Mais on voit la différence ne serait-ce que dans la conception des albums. Là où le satanisme avait une place de choix, aujourd’hui l’on traite plus de la condition humaine et des interrogations philosophiques autour de cela. Là où la musique faisait penser aux forêts enneigées de Scandinavie, l’on retrouve plus encore de nos jours des atmosphères de chaos et de destruction, de noirceur. Là où je me pose beaucoup de questions, c’est à partir de quand cette deuxième vague, comme on la nomme vulgairement, est apparue. Parce qu’il a bien fallu une période de transition ! Mais je n’arrive pas du tout à identifier un point de départ au changement. C’est vrai hein ! J’ai beau me creuser l’hippocampe, je ne trouve pas. Alors, je crois que cela peut expliquer en partie pourquoi il demeure encore de nos jours une forme de guerre idiote, à laquelle je participe volontiers dans les débats de manière bien belliqueuse, et qui n’est pas prête de s’arrêter. D’ailleurs, si vous saviez le nombre d’inepties que j’entends de la part des puristes nostalgiques autour de la scène moderne, qui plus est française. Les groupes actuels prennent littéralement chers dans les débats pour un certain nombre de raisons débiles en plus. Enfin quoi ! Un genre musical n’a donc pas le droit d’évoluer ? Il faut rester cantonné à des racines qui se démodent lentement mais surement parce que c’est le propre de l’évolution ? On a le droit d’être nostalgique, ce n’est pas le problème, la preuve ! Je le suis. Mais l’on peut tout aussi bien respecter les avis de chacun et les pratiques qui changent de codes… Enfin. Ce n’est que mon avis et il fallait que je le sorte comme un exutoire car ces derniers jours, les débats ont fait rage. Et pour me remettre les idées en place, quoi de mieux qu’un album de chez Les Acteurs de l’Ombre Productions ? Une fois n’est pas coutume, nous allons en effet nous frotter au roster génial de ce label avec le groupe RüYYn et cet album nommé « Chapter II: The Flames, the Fallen, the Fury« . De quoi réveiller la flamme de ma fureur !

RüYYn est une formation française qui nous vient tout droit du label Les Acteurs de l’Ombre Productions. Aujourd’hui est un jour particulier puisqu’il s’agit du premier album, nommé donc « Chapter II: The Flames, the Fallen, the Fury« , après avoir proposé un premier EP en 2021 nommé éponymement. L’histoire de ce premier EP n’est pas banal puisqu’au départ, ce dernier était proposé en autoproduction avant de signer quelques jours plus tard sur le roster du label précédemment cité et proposer un véritable merchandising par-dessus. Il va donc de soi qu’on ne peut douter du talent de son seul maître à bord qui répond au nom de Romain Paulet, qui compose tout, mixe et masterise tout, et qui en plus a réussi à s’entourer parfaitement pour l’élaboration de ce premier album. Je vous avoue que, récupérant le privilège de faire les chroniques pour le label, je n’avais pas écouté le premier EP de RüYYn. Je pars en plus de cela sur des bases neuves pour me lancer dans la diatribe nouvelle du jour, pour en plus la publier en format « release du jour. » On y va ?

Et comme je disais en préambule, notre camarade multi-instrumentiste a réussi à s’entourer du peu de bonnes personnes dont il avait besoin pour enfin offrir un premier album. J’en veux pour preuve l’identité de celle qui a confectionné l’artwork et dont j’admire (ce n’est pas un secret) le travail en la matière, et l’inspiration qui en découle : Joanna Maeyens. L’artiste, qui co-dirige le label Antiq Records, est également donc une artiste de grand talent pour peindre et proposer des artworks magnifiques. Celui-ci ne sera pas l’exception contraire ! La peinture est absolument incroyable. D’autant que le titre de l’album qui est, je le rappelle « Chapter II: The Flames, the Fallen, the Fury« , semble faire office de mots-clés pour l’élaboration visuelle idoine. A savoir que l’on retrouve effectivement les flammes qui dévorent littéralement une énorme ville-forteresse, élevant les couleurs vives du feu avec la fumée jusqu’aux cieux nocturnes, sinon noirs de chaos absolu ; la chute, qui est représenté par cette fameuse ville qui se voit détruite complètement par les flammes. Je rappelle au passage que la forteresse symbolise la protection et la résistance, et qu’il n’y a rien de plus représentatif, y compris dans les films que l’on connait bien comme le Seigneur des Anneaux, que lorsqu’une ville ou une forteresse est prise, c’est tout un peuple qui vacille par-dessus ; et enfin la furie, qui est plutôt représentée par l’armée en bas de la ville qui semble charger pour porter le coup de grâce. Furie qui peut également être vue encore une fois au travers de la ville en flammes. En fait, l’incroyable logique de cet artwork est que tout est potentiellement représenté au même endroit, la place centrale de l’image qu’est cette ville, et l’on pourrait voir au passage une métaphore terrifiante autour de la nature humaine et ses plus noirs desseins. Je le vois comme cela, parce que c’est une peu une généralité que l’on a sur le roster du label, et qui constitue ce que certains d’entre nous nomment « la deuxième vague black metal« . Mettant en avant le nihilisme par la partie la plus horrible de la nature humaine me semble être un lien logique entre les sorties du label, et RüYYn ne déroge pas à cette hypothèse. RüYYn qui d’ailleurs porte le nom qui colle superbement bien avec le futur résultat de cette destruction urbaine massive. Voilà donc en quoi cet artwork, au-delà de son style visuel qui ne fait guère l’ombre d’un doute sur sa beauté absolue, est tellement pleine de sens que l’on ne peut qu’objectivement s’intéresser à ce premier album. Un boulot juste exceptionnel… Mais qui ne m’étonne pas le moins du monde connaissant Joanna Maeyens.

Musicalement parlant, et cela devient une habitude plus ou moins forcée me concernant, connaissant la ligne de conduite artistique du label Les Acteurs de l’Ombre Productions, « Chapter II: The Flames, the Fallen, the Fury » propose une musique résolument black metal. J’en veux pour preuve les riffs extrêmement incisifs, froids et un peu foudroyants par leurs violences, les nombreux riffs en mid-tempo avec notamment cette batterie extrêmement rapide et brutale, et surtout, surtout, ces incroyables et nombreuses dissonances aux guitares qui sont très dérangeantes, qui installent des atmosphères chaotiques et angoissantes. J’adore énormément les riffs dissonants et le black metal m’offre souvent cette satiété auditive. Je trouve qu’il n’y a finalement pas beaucoup de genres musicaux, hormis les musiques ambient et électroniques parfois, qui permettent d’installer un vrai malaise à l’auditeur. Les nombreuses lignes de chant en high scream et quelques incartades en voix plus sludgienne (typique encore une fois de cette fameuse deuxième vague) sont là encore d’un choix opportun pour illustrer cette musique black metal moderne et carrée, qui fonctionne plus comme une explosion que comme une lente installation d’hiver comme le faisaient les groupes old school. Ce que je note d’un peu plus inhabituel par rapport à mes dernières chroniques pour le label, en comparaison par exemple d’avec Pénitence Onirique, se situe sur le style de black metal proposé ici. Là où pas mal des dernières sorties étaient estampillées black metal atmosphérique, RüYYn est manifestement beaucoup plus classique dans son approche musicale. Le black metal est effectivement bien plus noir, bien plus sombre, et surtout bien plus violent et incisif que ces prédécesseurs récents. Je ferais volontiers une sorte de placement entre le black metal atmosphérique de Pénitence Onirique et la brutalité sans faux col de Hyrgal par exemple pour situer un peu plus où se trouverait RüYYn sur l’échiquier de son label. Cela n’empêche pas le groupe de proposer de curieux interludes sur ces morceaux comme sur le deuxième avec ce solo de basse et cette arrivée d’une ligne de guitare en tapping, le tout avec des chœurs par-dessous, dévoilant au passage le grand talent de composition et de jeu de Romain Paulet. En tout cas, la musique transpire le chaos et la destruction, un peu comme ferait Soothsayer dans son approche doom sludge metal par exemple. J’ai vraiment adoré la première écoute qui m’a fait penser à Gorgoroth par exemple, mais comme je le confiais récemment à des connaissances du milieu, je ne suis désormais plus surpris de la qualité des albums sortis sur ce label. Et je comprends bien pourquoi ce dernier s’est intéressé aussi vite à RüYYn. Ne manquait désormais plus qu’un album, et « Chapter II: The Flames, the Fallen, the Fury » sonne comme une très belle confirmation, déjà !

Pour la production, j’allais dire que la prise de risque me semblait un peu audacieuse. En effet, on a beau être du métier, mixer un album qui nous appartient ne me semble pas aussi facile que de le faire pour un album qui provient d’une autre formation ! « Chapter II: The Flames, the Fallen, the Fury » est un album entièrement produit par son créateur, et je dois dire que cette perspective m’a laissé un peu indécis. Il faut avoir une belle dose de recul pour parvenir à trouver la bonne formule quand on mixe soi-même son album, et j’en veux pour preuve le nombre d’autoproductions qui foirent à cause de cette absence d’avis extérieur et de main innocente. Eh bien, force m’est de constater que mes doutes ont été balayés avec la force d’un ouragan dès lors que l’album a retenti. Le son est très bon, vraiment ! Je trouve que les guitares ont une place de choix dans le mixage, avec une batterie qui sonne certes un peu trop « logiciel » et qui ne me permet pas de savoir si elle est enregistrée en condition réelle ou non. La basse a une belle place je trouve, c’est important de le souligner je crois ! Parce qu’elle apporte un vrai plus dans les parties mid tempo en particulier pour accompagner la batterie, et ce passage en solo m’a totalement hypnotisé. Enfin, le chant est très bien mis en avant aussi et permet d’instaurer davantage encore de sentiment de chaos dans ce marasme sonore terrible. Je trouve en plus de cela que le spectre sonore est bien occupé sans en faire des caisses, offrant le côté incisif et direct du black metal comme on le recherche. En fin de compte, je pense que la production est le point le plus important et le plus positif de l’album. Car quand on est multi-instrumentiste, et qu’en plus on est en capacité de sortir une production aussi adéquate sans tomber dans le piège sournois de l’auto-satisfaction aveuglante, cela démontre un énorme talent de composition et d’élaboration. Franchement, c’est incroyablement intelligent et mature.

Je pense que pour comprendre ce premier album fort qualitatif, il faut comprendre que l’on touche à la nature humaine. C’est ma théorie ! Mais j’ai l’impression que le black metal actuel traite plus de la nature humaine dans une dimension plus philosophico-religieuse que ne le faisaient les groupes d’antan. Il y a une vraie expression de sa propre personne, de ses états d’âme au travers de ce black metal qui, finalement, se prête très bien au jeu. RüYYn est exactement là dedans selon moi. Comme l’a fait Lunar Tombfields par exemple, la musique est selon moi l’expression d’une humanité chaotique et destructrice, et l’on pourrait y voir surtout la métaphore idéale pour évoquer la souffrance propre du compositeur principal de ce « Chapter II: The Flames, the Fallen, the Fury » qui rassemble donc les mots-clés plein de haine et de misanthropie. Je peux me tromper sur l’interprétation de cet album et son concept, mais je ressens la musique de RüYYn comme ceci. Et je pense que le black metal actuel peut largement se mettre au service de l’ordination de cette haine. Le seul petit reproche que je formule sur cet album reste sur le mystère autour de l’album. J’aurais préféré un peu plus de transparence et d’ouverture pour l’auditeur sur de quoi cause ce premier album. A trop vouloir faire mystérieux, on dénature trop vite le propos d’une musique qui pourtant est ultra importante. Mais bon ! On ne va pas crier au loup ! L’album, qui est le premier je le rappelle, est extraordinaire d’efficacité. De violence, d’incision et de noirceur. Une sortie qui ne fait que confirmer tout le bien que je pense de la scène black metal française actuelle, qu’elle soit raw ou moderne comme ici. RüYYn est en tout cas une magnifique découverte si j’ose dire, enfin… Quand on adore la noirceur et qu’on abhorre la lumière.

Et question noirceur de l’âme, le chant ne donne pas sa part aux lions dans l’affaire ! J’ai répété à de maintes reprises que la particularité des sorties de ce label est de trouver un chant plutôt porté sur une technique sludge metal que réellement black metal, soit high scream. Le résultat est globalement intéressant, mais dans le cas de RüYYn, je le trouve même carrément époustouflant. Je trouve que cette technique de chant hurlé si spéciale colle parfaitement bien avec un genre de black metal comme celui présentement chroniqué, donc bien plus sombre et direct. Parce que même si ce type de chant se marie bien, dans le cas du sludge metal, avec la lourdeur oppressante du doom metal par exemple, elle va également très bien avec la rapidité du black metal, notamment quand il inonde l’auditeur avec du mid tempo tout du long. En fait, il apporte un grain de folie supplémentaire à la noirceur ambiante. C’est en cela que je trouve le chant ici présent très opportun pour la musique et bien choisi. Un exemple pour moi, de ce qui se fait de mieux en matière de retranscription artistique de malsanité !

Pour conclure cette chronique du jour, RüYYn se lance dans la cour des grands si j’ose dire avec ce premier album nommé « Chapter II: The Flames, the Fallen, the Fury« . Premier album qui suit un premier EP sorti il y a deux ans et qui avait été unanimement reconnu dans la presse française, et ce n’est pas pour rien si l’on se trouve au moins dans la continuité, sinon dans une progression certaine. Toujours est-il que le black metal amené et mise en exergue ici se veut beaucoup plus agressif et malsain que ne le faisaient les sorties précédentes et récentes. Un black metal incisif, froid et chaotique qui installe des atmosphères de destruction, de nihilisme profond et de conditions sur la nature humaine qui donne surtout envie d’une belle sélection naturelle ! Mais au-delà de ces considérations philosophiques et théoriques, je trouve que la musique de RüYYn est extrêmement inspirée, profonde et empreinte d’une rare noirceur. L’album ne souffre que de peu de temps de pause, tout ce qu’il faut pour créer un marasme général terrifiant. Un black metal époustouflant ! A ne pas rater.
Tracklist :

1.     Part I     06:16
2.     Part II     08:51
3.     Part III     04:10
4.     Part IV     08:28
5.     Part V     06:52
6.     Part VI     07:52

 

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