Noirsuaire – Black Flame of Unholy Tradition
Line-up sur cet Album
- Agravh – Batterie
- N – Guitares, Basse, Chant
Style:
Black MetalDate de sortie:
21 février 2025Label:
Masters of Kaos ProductionsNote du SoilChroniqueur (Vince le Souriant) : 9/10
« Ah ! Quelle nécropole que le cœur humain ! Pourquoi aller aux cimetières ? Ouvrons nos souvenirs, que de tombeaux ! » Flaubert, Correspondance
Si Noirsuaire devait être associé à une notion, ce serait le passé, mais plutôt que d’emprunter cette voie par trop évidente, je vous propose de prendre comme clé de lecture pour cette chronique le thème du rempart. Le département de l’Ariège, où vit N., l’énigmatique personne derrière Noirsuaire, se situe à une grosse centaine de kilomètres au sud de Toulouse. Il a pour frontière sud l’Espagne et l’Andorre. Or, aucune route ouverte à la circulation automobile ne permet de rejoindre ces voisins depuis le département. La montagne fait rempart. L’Ariège, c’est aussi là qu’est né Fabien Barthez, l’emblématique gardien de buts de l’Équipe de France, celle-là même qui a remporté la coupe du monde de football en 98. Sa fonction ? Faire rempart.
Tiré par les cheveux, me direz vous ? Difficile, pour Barthez, qui n’en avait pas beaucoup. Aussi, veuillez m’accorder un dernier point : Noirsuaire est un projet qui a vu le jour à Montségur, à l’endroit où se tiennent encore les ruines de ce qui fut autrefois une puissante forteresse cathare. Les remparts, cette fois, ont échoué à protéger ceux qu’ils étaient censés abriter. Ils continuent cependant à se dresser fièrement. La fonction d’un rempart est double. Défendre, bien sûr, mais aussi soustraire aux regards. En ce qui concerne Noirsuaire, s’il y a beaucoup à voir tant les artworks sont léchés, les coulisses sont bien plus obscures. La première manifestation de la mystérieuse entité pyrénéenne, remonte à fin 2021, mais il faut attendre deux ans pour que l’excellent label Impure Wedding Productions (lui aussi domicilié à Montségur, et dont je vous invite à regarder le catalogue) sorte « Possessed By A Malignant Lust« , première démo composée de deux titres. Suit, en 2024, un titre, « The Endless Treasuring Of Ancient Darkness« , puis l’EP objet de cette chronique. Une époque révolue, un passé protégé et demeuré intact jusqu’à ce que les épaisses murailles les séparant de notre monde soient soudain percées, voilà ce que Noirsuaire donne à entendre au cours des quatre titres (plus une intro) qui composent l’ouvrage. Le titre, cela n’aura pas échappé au lecteur, est un énorme clin d’œil à ce passé, et à la scène toulonnaise. Nous y reviendrons.
L’intro, n’est que claquement de vents, grognements lugubres et sons de cloches. Elle se termine ex-abrupto par un bruit de… Lecteur CD qui lancerait la lecture d’une piste ?! Faire revivre les années 90, ça n’a pas de prix, pour tout le reste, il y a Eurocard-Mastercard…
Sans transition (j’écrirais bien in medias res, mais si je continue à abuser des latinismes, on va finir par me jeter des cailloux), cymbale puis mur du son ! « Black Flame Of Unholy Tradition« , reprenant à un mot près le titre de l’impressionnante première sortie de Funeral, nous amène à Toulon, pas tant en 95 qu’un peu plus tard. Oui, tout dans cette musique respire le respect, la révérence pour l’œuvre accomplie par le Concilium, jusque dans le génie avec lequel sont introduites des ruptures dans le tempo. Et tandis que la batterie fait travailler le cardio de l’auditeur, la guitare plane majestueusement au-dessus de la masse des cancrelats…
Laissons cette majesté, pour traiter du sinistre – voire sadique – With Talons Sharp And Cruel. Le batteur, l’excellent Agravh (ex-ACOD, entre autres) n’y montre pas le moindre signe de faiblesse, et la guitare y est toujours aussi impériale, mais cette fois on sent le venin, le crachat, et le poids immense du mépris. Tout à coup, le volume fait un bond, et nous avec : impossible de ne pas penser à Aigle Conquérant (Titus victorieux) dans les premières mesures. Riffing, manière de poser la voix, tout ici est hommage. Puis l’aigle prend son envol, et Submit To Pestilence se dirige dans une autre direction, unique, nouvelle, voilée de tristesse. Au travers de ce titre, le premier composé pour Noirsuaire, N. démontre qu’il sait d’où il vient, mais qu’il ne se livre pas au pastiche, et – soulignons le ! – Encore moins à la copie.
Avec Thoses Once Revered, nous quittons la côte, que ce soit la rade de Toulon ou les fjords de Norvège. Après 2 :28 d’une navigation sur une mer étale, soudain, la guitare change de ton, et l’eau s’engouffre dans les ballasts. Durant les minutes qui restent, le son s’enfonce en spirale dans les profondeurs, et notre âme chavire. Jusqu’à toucher le fond ? Fichtre, non ! Le titre s’achève sur un fade out des plus judicieux, semblant ainsi annoncer que des ténèbres, Noirsuaire en a en soute. D’ailleurs, rien qu’en 2024, trois autres démos, plus courtes, dont une comptant des reprises des Misfits, ont été publiées. Un autre EP est sorti en 2025 et, en parallèle d’une signature chez Osmose Productions, un album est en préparation.
De puissants remparts, en l’occurrence les murs de son grenier aménagé en home studio, ont donc protégé des assauts du temps l’héritage musical révéré par N. « Black Flame Of Unholy Tradition » a d’ailleurs été dédiée a posteriori à PK, d’Abigor, qui s’est suicidé. Toutefois, ces mêmes remparts projettent une ombre pudique sur l’homme. Si les Cathares méprisaient les choses matérielles, les considérant comme autant d’obstacles empêchant l’âme de s’élever vers le divin, N. tient en égal dédain le star-system. Le musicien est d’une discrétion de violette quant à son identité, à l’instar de ses voisins, la marque de T-Shirt Hate Couture, située non loin. Et il a raison. À rebours des influenceurs, des vues et autres germes dont l’underground crève, Noirsuaire est là pour attester que la musique prévaut sur le reste. Complexe de la forteresse assiégée ? Peut-être. Mais avec une telle musique, nul doute qu’il se trouvera nombre de volontaires, et c’est heureux, pour défendre le dernier bastion.
Tracklist :
- Enthroned Soreption (Intro) (0:37)
- Black Flame Of Unholy Tradition (4:56)
- Whith Talons Sharp And Cruel (4:05)
- Submit To Pestilence (3:20)
- Thoses Once Revered (4:55)
















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