Hangman’s Chair – A Loner

Le 11 février 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Clément Hanvic : basse Cédric Toufouti : chant, guitare Mehdi Birouk Thépegnier : batterie Julien Rour Chanut : guitare

Style:

Gothic / Doom Metal

Date de sortie:

11 février 2022

Label:

Nuclear Blast Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10

 

« Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale d’être bien adapté à une société malade » (Jiddu Krishnamurti)

C’est drôle, mais j’ai beau adorer la scène française, j’ai beaucoup de mal ces temps-ci à voir émerger un groupe dont je ressens pleinement qu’il va finir aux sommets du metal. On ne va pas parler de Gojira, qui ont largement atteint ce quota depuis longtemps et qui fonctionne désormais comme une énorme machine monstrueuse. Mais en-dessous ? Sincèrement, il y a quoi ? Il n’y a pas si longtemps, j’ai vu, comme beaucoup d’entre vous je présume, passer cette affiche un peu déroutante qui s’appelle « Le Gros 4« . Je sais que c’est de la dérision, bien entendu, mais je ne peux pas m’empêcher de penser que s’il s’agissait réellement d’un Big Four à la française, on serait mal barré quand-même. Non mais sans rire, vous considérez vraiment Ultra Vomit, Mass Hysteria, Tagada Jones et No One is Innocent comme des gros groupes, au point de se cataloguer comme tels ? S’ils sont de très bons groupes avec une belle notoriété, je ne dis pas ! Mais ils n’ont pas percé la scène internationale, loin de là. Donc, même si les échelles d’évaluation de notoriété sont subjectives et celle-ci n’engage bien évidemment que moi, à partir du moment où on ne tourne pas ou peu à l’étranger, on n’a pas franchi ce cap. Et quand bien même ce serait le cas, musicalement parlant, ce n’est pas ouf non plus. Alors voilà, je suis un grincheux de première, mais j’ai énormément de mal à trouver un groupe qui me semble bien parti pour percer le mur du son comme cela. C’est con. Et puis d’un coup, j’ai cru voir une illumination dans cet obscurantisme personnel ! Je me suis prêté au jeu de la chronique sur un album dont je savais que tout laisserait penser à cette grandissante notoriété. Cet album, c’est A Loner du groupe Hangman’s Chair. Et croyez-moi, je pense qu’on n’est pas loin de tenir ENFIN notre nouvelle pépite, notre Mbappé du metal. Je ne plaisante pas!

Derrière le nom très équivoque de Hangman’s Chair (la chaise du pendu), se dissimule une entité musicale qui monte de plus en plus dans l’hexagone. Car oui, pour les initiés, le groupe est français et nous vient tout droit de Crosne, dans l’Essonne et pour pousser le bouchon plus loin, non loin de l’aéroport de Paris-Orly. Du reste Hangman’s Chair, c’est un quatuor de musiciens qui a fondé ses bases en 2005, et qui a sorti la bagatelle de six albums avec ce dernier, mais également quatre splits avec respectivement les groupes Eibon, Drawers, Acid Deathtrip et Greenmachine. Honnêtement, je les cite mais je ne les connais pas ces groupes, peut-être va-t-il falloir que je corrige la mire. On a enfin un EP qui s’appelle Bus de Nuit et quatre singles qui précèdent tous ce fameux sixième album. Alors, concernant A Loner, il est à noter un énorme virage de pris dans la carrière du groupe francilien : c’est la signature chez l’un des plus gros, si ce n’est le plus gros label du metal, Nuclear Blast Records. Alors, autant vous dire que mon côté chauvin est fier mais mon côté musicien amateur est un brin envieux aussi. Parce que mine de rien, quand on voit l’ancienneté du groupe, la qualité de ces albums précédents et le talent qui en découle et qui est indéniable, on ne peut qu’être fier. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de faire la chronique d’A Loner, pour me plonger dans cet album et essayer de comprendre le processus qui a amené Hangman’s Chair à devenir aussi important, si ce n’est un des groupes français qui montent le plus actuellement. C’est parti!

Vous me connaissez un peu désormais, vous savez que je peux me montrer ambivalent sur les pochettes. Autant j’adore celles qui sont dans un style métaphorique poussé, autant j’aime tout autant celles qui vont droit au but. Dans le cas présent, on est sur le deuxième constat. A Loner signifie « un solitaire », je pense que l’on a une parfaite mise en abime de ce que doit être symboliquement un solitaire. A savoir, un vieil homme d’allure négligée, avec un mouchoir à la main et l’autre posée sur le côté de sa tête, on pourrait aisément croire que ce dernier se remet d’une cuite de la veille pour noyer son chagrin dans les étuves alcooliques par exemple. Assis sur le banc d’une sorte d’abri-bus ou peut-être plus d’un hall de gare (du genre ceux où l’on se met concomitamment aux voies de train pour se réchauffer l’hiver), on peut distinguer nettement que l’homme a le moyen de tromper sa solitude via une présence qui semble féminine à ses côtés. Mais plongé dans ses pensées, il ne prête guère d’attention. En fait, cette photographie qui sent bon le moderne malgré le style noir et blanc, montre plusieurs choses tout en allant droit au but. D’abord que la solitude isole de plus en plus, et l’on en vient à ne plus vivre dans la même réalité. De deux, que la solitude fige l’homme dans sa misère et son désespoir, au point de ne plus avoir d’élan vital. Et qu’enfin, la solitude fait voir tout en noir et blanc. C’est un sujet qui me parle, et dont je sens que derrière le camouflet de la solitude se cache surtout une représentation de la dépression, parce que je suis soignant en psychiatrie et que toutes les personnes qui souffrent un jour de dépression connaissent ce sentiment qu’illustre magnifiquement cette photo. Les lettres en blanc cyan sont superbes et amènent cette touche urbaine qui semble si importante pour Hangman’s Chair. En tout cas, c’est exactement ce que j’attends d’une pochette dans le cas d’A Loner, et je suis donc en mesure de dire que cette dernière remplit parfaitement son rôle de mise en avant-première. C’est un gros boulot et un choix d’une intelligence rare! Donc, bravo!
NB : le lien ci-dessous met en lumière une comédienne que j’adore, je l’ai vue dans une représentation de Lucrèce Borgia au Château de Grignan, c’était énorme.

Pour la musique, j’avoue que j’y suis allé dans une sorte d’inconnue car j’ai toujours pensé que Hangman’s Chair évoluait dans ses albums, comme s’ils adaptaient un certain nombre d’aspects sur leur musique en fonction de l’album. Pour A Loner je me suis dit qu’on allait sur un truc plus doom metal qu’à l’accoutumée. Là où nos amis sont allés sur parfois du bon gros stoner bien babass, ou du sludge plus décontenançant, dans le cas présent la musique est plus lourde et lente encore. Après, la dimension stoner était assez minime dans le sens où Hangman’s Chair ne fait pas dans la complaisance et l’optimisme ! Donc, en règle générale, la musique a toujours été doom metal avec des accents sludge surtout dans les sonorités et dans les intentions pessimistes. Après, la question de l’orientation musicale est imprégnée par une dimension post-hardcore que l’on retrouve dans les anciens groupes de certains membres, et aussi dans ce lien évident avec le sludge metal qui transparaît dans les riffs et dans les jeux rythmiques à la batterie. La particularité étant cette basse et ce son de guitares vraiment spécial, très lourd mais aussi un brin psychédélique, avec énormément de mélodies heavy metal et de rondeur à la fois. Le chant est surprenant car il évolue dans un registre clair mais surtout puissant. En fait, après quelques errances d’écoute dues notamment à ce son si peu commun, je pense que l’on peut se contenter de cataloguer Hangman’s Chair d’un doom metal avec des accents heavy metal et sludge. Sur la première écoute, je me suis régalé, mais vraiment. J’avais abordé timidement les précédents albums, pensant que cela m’aiderait à être plus serein pour A Loner, mais loin de m’avoir conforté, je me suis surtout pris une claque phénoménale. Les riffs sont excellents et me rappelle un peu Five Finger Death Punch dans l’intention heavy metal, avec la lourdeur et la lenteur d’un doom sludge metal classique, le pessimisme ambiant et une certaine dévotion à la mélancolie sociétale, je pense que je me suis littéralement retrouvé sur le cul. Si mon canapé n’avait pas de coussin suffisamment épais, j’aurais traversé le plafond de mon voisin d’en-dessous tant j’ai adoré l’album. La première écoute a révélé un truc exceptionnel, que je ne regrette pas d’avoir découvert.

C’est donc la production qui m’a laissé le sentiment le plus perplexe. Je dirais que quand on n’est pas spécialement habitué, il faut un temps de latence. Mais je trouve que passé cette adaptation sonore, le son a indéniablement un truc en plus. Oscillant selon moi entre le sludge par sa rondeur et son côté boueux, mettant en avant la basse et des lignes de guitares rythmiques fort grasses, et un côté psychédélique dans les effets et la guitare lead qui est légèrement en retrait, cela donne un truc hybride totalement nouveau pour moi et je dois bien le reconnaître, précurseur d’un truc génial sonoriquement parlant. Je suis sûrement un peu en train de me saborder en disant que pour moi, Hangman’s Chair balance un son novateur et rarement entendu parce que cela traduirait un manque de connaissances, mais pour ma part c’est sincère. Ce son qui fait la part belle à moins de lourdeur que le voudrait le doom metal en général, et plus la place à un son moderne, psychédélique et rond, avec quelques relents lointains post-hardcore, est à faire découvrir. La batterie reste l’instrument le moins original dans sa refonte sonore, quoiqu’elle aussi moins lourde et plus rythmée. Le chant aussi se pare de quelques effets qui, loin de le dénaturer, l’englobe d’une sorte de chaleur et d’une puissance en même temps qui me laisse pantois. Bref ! Vous l’aurez compris, on ne sort pas un album chez Nuclear Blast pour des cors aux pieds. Il fallait un son à la hauteur de la prestigieuse maison musicale qu’est ce label, et Hangman’s Chair a su trouver non seulement la production qu’il convient d’avoir pour sortir un album d’envergure comme A Loner, mais en plus avec quelque chose d’original et de nouveau qui ne laissera personne dans l’indifférence et l’indécence. Énorme boulot, vraiment!

Du reste, on sent bien toute de suite que Hangman’s Chair propose une musique engagée, sinon très cynique sur certains sujets de société. Ce qui contraste bien avec les éternels sujets ésotérico-épiques, ou d’autres joyeusetés du genre et qui gangrènent quelque peu le metal, et plus spécifiquement ces dernières années le doom metal. Donc me voilà bien content d’avoir un groupe qui traite de sujets sensibles qui sont celles de la différence, de la dépression, et probablement d’autres sujets mais qui sont en filigrane dans des métaphores plus compliquées. Mais en tout cas je retiens de cet album une recherche dans les sentiments et les émotions que je n’espérais plus depuis longtemps dans un genre doom metal. Le fait de mettre des envolées sludgiennes et des passages heavy metal sur les mélodies guitares me plonge dans une espèce de sublimation totale. Je ne pensais pas ressentir autant d’émotions dans un album genre doom et A Loner porte bien son nom : on ressent toute la détresse psychologique d’un protagoniste imaginaire qui cherche à nous happer dans sa morosité pour ni plus ni moins que nous tenir compagnie. En tout cas, il m’est bien difficile de trouver quelque chose à redire de négatif sur ce sixième album des franciliens de Hangman’s Chair. Je ne pensais pas trouver un représentant français aussi prometteur, et je suis bien aise de constater que l’on peut exceller encore plus dans un style qui me semblait en sommeil, avec un soubresaut certain de la part de Conviction, mais avec une léthargie toujours poussive. Espérons qu’A Loner sorte le doom français de sa neurasthénie, en tout cas il en a les moyens ! C’est un excellent album !

Pour le chant c’est là encore un élément d’une belle complexité sonore qui ressort. Doté d’un chant clair qui pourrait sembler commun, et tout à fait à propos au genre musical abordé par Hangman’s Chair, il n’en demeure pas moins que dans sa technique et son mixage, nous pouvons retenir une sorte de paradoxe entre d’un côté un aspect énergique qui fait du bien, qui envoie du pep, et d’un autre côté le sentiment que ce dernier est posé, calme, serein dans sa souffrance. C’est un peu comme si vous étiez las, et que d’un coup d’un seul vous deveniez plein d’entrain, de combativité et de révolte. Le chant fonctionne ainsi si je peux dire comme un réveil soudain de la conscience, un élan vital quoi ! Et j’adore ! Je ne sais pas si c’est volontaire, loin de là, mais je trouve que ce chant clair estampillé heavy metal est très bien choisi, mixé comme il faut avec quelques effets du plus beau du genre, et que je n’en aurais pas vu un autre !

Voilà donc le moment pour moi de mettre le point final. Hangman’s Chair est un nom qui va devenir culte dans un court moment je pense. Ce n’est pas A Loner qui me fera dire le contraire, et il permet de mettre tout le monde d’accord. Album qui se situe sur un doom metal aux forts accents heavy et sludge, avec des mélodies guitares à gogo et une basse omniprésente. Tout est sujet à aborder des thématiques douloureuses, que beaucoup ont tendance à mettre avec la tête sous terre, histoire de jouer les aveugles-sourds-muets sur des situations qui fâchent. Au moins Hangman’s Chair nous remet dans le droit chemin et la musique a ce pouvoir sociétal de nous rappeler qu’il faut qu’on arrête de ne compter que sur nos préjugés. A Loner est un album extraordinaire dans le fond et la forme, c’est probablement la confirmation d’un groupe qui monte, monte, monte et qui ne va pas tarder à atteindre des sommets. Intelligent, racé et sincère, tels sont les mots qui caractérisent ce bijou de doom metal.

 

Tracklist :

1. An Ode to Breakdown 06:41
2. Cold & Distant 05:09
3. Who Wants to Die Old 06:06
4. Storm Resounds 05:15
5. Supreme 07:00
6. The Pariah and the Plague 04:00
7. Loner 04:31
8. Second Wind 04:04
9. A Thousand Miles Away 09:16

 

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