Cerbère – Cendre

Le 27 janvier 2023 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Thom Dezelus - Basse
  • Baptiste Reig - Batterie
  • Baptiste Pozzi - Guitares, chant

Style:

Doom Sludge Metal

Date de sortie:

27 janvier 2023

Label:

Chien Noir

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10

« J’ai lu, dis-je, en certain auteur,
Que ce chat exterminateur,
Vrai Cerbère, était craint une lieue à la ronde :
Il voulait de Souris dépeupler tout le monde. » Jean de la Fontaine

J’aime bien les groupes qui m’inspirent des introductions du premier coup d’oeil, comme cela! Le mythe de Cerbère. Le chien polycéphale qui garde jalousement les Enfers afin que les défunts ne s’échappent pas, ou que les vivants n’y entrent pas. Je pense que Cerbère fait partie des mythes grecs les plus connus, puisque dans l’expression française on trouve « Être un Cerbère » qui signifie garder farouchement quelque chose de manière méchante et hargneuse. Un peu comme un chien quoi. Alors, au-delà de cette expression un peu facile, il se cache surtout une vraie symbolique derrière le mythe de Cerbère. Certains auteurs médiévaux l’ont associé à la petite enfance, et le côté archaïque de l’enfant qui défend ses biens mais ne rechigne jamais à capter ceux des autres. L’exemple que je connais le plus demeure l’ouvrage Le Roman d’Enéas, qui a la particularité d’être anonyme et daterait de 1160. Mon ex faisant des études d’ancien français en son temps, j’avais entendu parler de ce manuscrit qui dépeint étrangement Cerbère comme le symbole de la sagesse, mais aussi et surtout selon certaines interprétations, comme celui de l’archaïsme de l’enfance. Comparant donc Cerbère à un enfant qui obéit à son développement psychique encore très bas, d’instinct centré sur l’appétit et le besoin primaire, l’enfant se voit donc dans un rôle de gardien du peu qu’il a obtenu, jalousant donc férocement ses biens et n’hésitant pas à manifester son mécontentement quand un tiers tente de s’en emparer. Mais! Comme je disais, l’enfant ne rechigne toutefois jamais à tenter d’avoir le bien des autres, et c’est ce paradoxe qui est dépeint dans cet ouvrage ancien concernant la vie de Cerbère. Je trouve toujours ce genre d’analyse très intéressante, parce qu’elle ouvre la voie à d’autres réflexions. Bon! Je ne suis pas tellement convaincu que le groupe idoine, qui nous intéresse ici, ait réellement basé son concept global sur cette analyse. Mais au moins, grâce à mes introductions relou, vous avez un semblant d’encyclopédie! N’est-ce-pas? Non?… Bon. Allez! J’ai compris. Passons à la chronique, de Cerbère et de son album (EP?) nommé Cendre.

Je ne connaissais pas du tout le groupe, et les informations fournies tournent plus autour de l’album Cendre en lui-même que le groupe. On apprend néanmoins que le trio de musiciens vient de Paris, et qu’ils ont sorti un premier EP en 2021 nommé éponymement, en autoproduction. Première avancée pour ce premier album, le groupe est signé chez un label que je ne connaissais pas du tout non plus, Chien Noir, qui est décrit comme un label collectif, formé par des musiciens parisiens et qui produit notamment Cerbère donc, mais aussi DDENT, Krv, Victor Rosan et Zëlot, seul groupe que je connais un peu dans le lot. Voilà donc un label dont il pourrait être intéressant d’entamer un partenariat! En tout cas, au-delà de la sortie prochaine de ce premier album, je suis toujours sensible de pouvoir mettre à l’honneur les « petits » labels comme celui-ci, qui méritent de sortir un peu la tête des tréfonds de l’underground. Alors, si cette chronique en release du jour permet cela, j’en serai le premier ravi! Mais d’abord, passons à l’album!

Pour la pochette, j’aurais bien aimé connaître quelle est la gravure qui a servi à illustrer cette dernière. Parce que de prime abord, et malgré mes connaissances en mythologie, je n’ai pas reconnu quelle était la représentation. Peut-être Cronos qui mange ses enfants… Mais bon. Le rapport direct avec le mot Cendre, je ne le vois pas tellement. C’est un peu le problème que je rencontre souvent avec les premières sorties officielles. On aimerait parfois avoir un éclaircissement sur ces choix de pochettes, histoire de capter le concept derrière s’il y a. Poser grossièrement comme cela une gravure déjà existante, sans expliquer à ceux qui ne connaissent pas pourquoi, c’est un peu dommage. Au moins, on reste sur un registre de mythologie grecque, c’est déjà cela. Un peu trop simpliste pour moi cette pochette, j’espère que la musique sera plus prometteuse… Au moins, le paragraphe est court comme cela.

Je brise le suspense tout de suite concernant la musique de Cerbère : elle fonctionne très bien! Évoluant dans un registre clairement doom sludge metal, sans l’ombre d’un doute possible, et particulièrement dans une mouvance artistique qui mélange lourdeur et noirceur, la musique ne laisse aucune place à la fioriture. Cette dernière est d’une lenteur abyssale, inhérente au doom metal, et la mention sludge metal intervient principalement dans le son fuzz poussé à l’extrême de la guitare qui se suffit à elle-même dans la production. La musique est tout de même principalement minimaliste, avec une alternance de riffs assez mince, plutôt le sentiment de tourner en rond, d’amener progressivement une forme de lancinance terriblement lourde, et la musique n’a même finalement que peu de lignes de chant. La musique est donc assez primaire, bestiale et avec une élaboration finalement peu présente. Il convient donc de dire que la musique de Cerbère, si intéressante et productive soit-elle, n’est pas spécialement à mettre dans les oreilles de n’importe qui. Après, concernant le contenu, il est difficile d’aller au-delà d’un développement succinct, puisqu’il n’y a que trois pistes, qui durent tout de même quarante deux minutes à trois, mais que comme je disais, la sophistication est quasiment absente du travail de composition. Trois morceaux bruts de pomme, qui ne sont là que pour insuffler des atmosphères d’une noirceur abominable et d’une lenteur terrifiante. Cerbère mérite bien la symbolique primaire de ce chien polychéphale des Enfers tant la musique est menaçante. En première écoute, j’ai néanmoins vraiment adoré la musique. Ce côté bestial m’avait manqué dans mes pérégrinations musicales, et cette bestialité, qui semble éloigner définitivement toute trace d’humanité dans le travail de composition, ne m’a absolument pas laissé indifférent. Je suis très sensible à cette approche musicale qui ne se contente que d’un minimalisme, que ce soit dans l’ensemble instrumental tout autant que dans l’intention, et Cerbère parvient à retranscrire cette dimension archaïque et violente dans la musique doom sludge metal qui, clairement, m’avait manquée. Cela fait du bien de se laver les oreilles avec une bonne dose de brutalité comme celle-ci! Belle surprise!

Dans ce genre de musique, la production prend toute son importance dans le son des guitares, la présence importante de la basse et cette batterie claquante. Dans son album Cendre, Cerbère se pare habilement d’une production qui va dans le bon sens. Principal atout du style doom sludge metal, la lourdeur des guitares associée à un son boueux, typique et primordial pour le label sludge metal, sont effectivement les principaux arguments de ce premier album qui confirme au moins de très belles promesses sonoriquement parlant. Parlons également de la basse qui s’avère bien présente, avec un son fuzz très important pour obtenir sa place, et je note que la basse ne va pas tout le temps dans un son trop bas, mais s’immisce dans des accords plus aigus, lui permettant d’exister dans le mixage et rajouter à la fois de la lourdeur et de la mélodie en suivant les accords balancés de la guitare. La batterie est impeccable, et sert efficacement le côté claquant qui tranche avec ce son rebondi, permettant donc de marquer le ou les coups dans une base rythmique hyper importante! Et puis, le chant qui est à la fois lointain et à la fois envahissant dans le mixage, je trouve que la prouesse est palpable! Quelques moments étranges toutefois, où certains sons de guitares ou de basse se coupent de temps en temps, en faisant penser à une erreur dans les pistes en studio. Etonnant, parce qu’on ne sait pas si c’est fait exprès, ou s’il s’agit de réelles coupures inopinées dans les pistes guitare ou basse… Mais bon, rien de très fou si on n’est pas tatillon. Enfin, vous l’aurez compris, au-delà de l’apparente simplicité des riffs et de ces fameuses étranges coupures, Cerbère se dote d’une production impeccable, vraiment opportune pour ce style doom sludge metal qui brille justement dans ses sonorités spécifiques! Contrat rempli donc.

Si l’on devait faire une analyse un peu plus approfondie de la musique des parisiens, je dirais qu’il est difficile de connaître exactement les intentions. Si l’on se base sur l’idée que le sludge metal, sans parler forcément de doom metal, est dans une logique de parler de la société humaine sous un regard très pessimiste, comme c’est d’usage historiquement. Du coup, quand on fait cette hypothèse, on comprend bien la musique extrêmement noire et pessimiste, violente et primaire, censée d’une certaine manière représenter la société et la version la plus sombre de l’humanité. Après, comme je disais, sur trois pistes, si longues soient-elles, quand on n’a ni les textes ni un concept propre et compréhensif, il est compliqué de trouver un quelconque argument pour étoffer ma théorie… Si j’ai donc un conseil amical à donner pour vous, les gars, c’est de faire de votre prochain album un truc plus clair. Au moins pour les chroniques, parce que je me doute bien que l’album Cendre est probablement bien expliqué dans votre format physique, mais que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur ce qu’a envoyé le label, il n’y a pas de quoi croustiller sous la dent. Et c’est dommage, parce que l’album en lui-même est excellent. Mais un concept clair et bien entretenu serait un réel plus pour la suite!

Le chant suit en tout état de cause la bonne voie de ce premier album. Le chant est tout simplement énorme. Techniquement parlant, le côté hurlé est bien respecté et rentre bien dans cette musique sludge metal prenante et violente, et on sent que la lenteur doom metal permet aux lignes de chant d’aller sur de longues envolées, apportant ainsi lourdeur et noirceur. Les ingrédients maîtres de cet album! Ma seule toute petite déception est d’une, de ne pas avoir pu lire les textes, et de deux de constater que les lignes de chant ne sont pas légion. En fait, si l’on prend la durée de chaque piste rapportée aux nombres de passages avec du chant, c’est finalement un ratio légèrement faible. Probablement qu’un peu plus de chant aurait été bienvenue pour rajouter encore plus d’intensité, car le chant est incontestablement intense et puissant! Encore une piste à creuser pour la suite.

Pour conclure, Cerbère se présente à nous sous le joug d’un premier album appelé Cendre. Sobre, comme la musique doom sludge metal qui se montre principalement minimaliste et lente, offrant donc une musique prenante et intense. Les parisiens nous ont servi sur un plateau un premier album très bon, prometteur tant on voit qu’il demeure un côté perfectible largement à la portée de nos amis, et qu’il ne manque finalement que peu de choses pour que la musique soit plus claire. Claire dans le concept, claire dans la partie plus textuelle et surtout, ce qui serait super, ce serait d’avoir une prise de risque plus importante dans l’intention artistique du trio Cerbère. Du reste, loin d’être polycéphale, ce projet n’en demeure pas moins à trois cerveaux talentueux, avec une vraie motivation musicale qui transparait dans ce doom sludge metal bestial et primaire. Archaïque et violent, ce Cendre est une belle surprise! A découvrir!

Tracklist :

1. Cendre
2. Sale chien
3. Les Tours de Set

Facebook
Bandcamp
Instagram

Retour en début de page

Laissez un commentaire

M'informer des réponses et commentaires sur cet article.

Markup Controls
Emoticons Smile Grin Sad Surprised Shocked Confused Cool Mad Razz Neutral Wink Lol Red Face Cry Evil Twisted Roll Exclaim Question Idea Arrow Mr Green