1357 – La Guerre

Le 15 mai 2024 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Meister Martiis Lacroix : composition

Style:

Dungeon Synth

Date de sortie:

02 décembre 2023

Label:

Condate Legacy

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 6/10

On peut beaucoup plus largement se passer des hommes que des femmes, c’est pourquoi c’est eux qu’on sacrifie dans la guerre.George Bernard Shaw

Comme il est d’usage quand je n’ai pas d’idées d’introduction, et plutôt que perdre du temps à tergiverser sur quoi dire pour introduire ma chronique, je vous partage une citation d’un livre ou d’un essai en ligne que j’adore. Comme l’on va causer d’un genre musical qui prend ses racines au Moyen-Âge, et qui est ainsi bourré de mythes et légendes, voici une longue citation qui parle du mythe d’Orphée et Amphion par Jean-Marie Fritz. Pour information, Orphée est un personnage de la mythologie grecque qui est connu notamment pour avoir échoué à ramener des Enfers sa compagne Eurydice, et ce malgré ses talents de musicien et de poète, parvenant notamment à endormir Cerbère. Amphion est, quant à lui, un autre personnage de la mythologie grecque, fils de Zeus, connu pour être l’un des fondateurs de Thèbes, mais aussi un grandiose musicien et poète, capable de déplacer les pierres par son chant et ses récits. Enfin, Jean-Marie Fritz est professeur des universités de Bourgogne, spécialiste et essayiste de la littérature française au Moyen-Âge. Bonne lecture ! « Amphion forme avec Orphée et Arion un trio de figures mythologiques qui représentent l’efficacité de la musique : la musique dompte les tigres, charme les pierres, fascine les dauphins. La musique aurait le pouvoir de soumettre la nature, de la rendre sensible. Le mythe d’Amphion constitue la forme la plus radicale de ce pouvoir d’émotion : la pierre, créature on ne peut plus insensible, obéit miraculeusement jusqu’à se mouvoir au son de la harpe du héros thébain. Forme politique aussi : Amphion est à la différence d’Orphée le musicien de la polis, d’une ville, en l’occurrence Thèbes, qu’il fonde et gouverne. Cette dimension politique explique le glissement progressif de la musique vers la rhétorique qu’opèrent les exégèses médiévales du mythe : mouvoir, émouvoir est un mot-clé de l’art oratoire. Enfin, cette figure resurgit en creux dans la geste d’Alexandre, qui fait détruire les murailles de Thèbes au son de la flûte d’Isménias, inversion du mythe fondateur  « Un mythe aussi radical que celui d’Amphion demande à être interprété. Comment rendre compte de ces pierres automobiles, qui se déplacent elles-mêmes au seul son de sa musique et viennent se ranger autour de la citadelle cadméenne ? Et quelle solution sera retenue par les clercs du Moyen Âge ? » Alors, pourquoi je me suis aventuré sur cette thématique précise ? Parce qu’on va causer de deux sujets dissociables mais qui font sens dans ma continuité musicale actuelle. La première étant la guerre, ma précédente chronique étant Lethargy sur la guerre en Ukraine. Et le second concerne indirectement le Moyen-Âge et l’influence de cette époque sur un genre très contemporain : le dungeon synth. Nous allons parler ce jour du groupe 1357 et de l’album appelé La Guerre. Tout simplement !

De 1357, on ne connait pas grand-chose. Il fait partie de la lignée des groupes qui portent le nom d’une année charnière dans l’histoire des pays respectifs. 1349 pour l’année de l’arrivée de la peste en Norvège, 1476 pour une raison que j’ignore vu que le groupe est américain. Bref ! 1357 correspond dans notre histoire de France, à la réunion des états généraux du royaume de France, à Paris, pendant la captivité du roi Jean II ou à la guerre de Rennes gagnée par Bertrand Duguesclin, ce qui ne me semble pas déconnant vu l’origine du mec derrière le projet. Je ne sais pas s’il y a un lien direct ou non, ce n’est pas expliqué, ni par le mec derrière le projet, ni par le label. Aucune information précise sauf que l’on sait qu’il s’agit, comme c’est d’usage dans ce type de musique, d’une seule et même personne nommée pour l’occasion Meister Martiis Lacroix, et qu’il est donc français. Voilà. C’est quand-même malheureux de se retrouver avec rien comme informations pour une chronique… On ne le répétera jamais assez, mais si on n’a pas le minimum vital pour une chronique, on part sur de très mauvaises bases. C’est du temps perdu pour le chroniqueur, et de l’estime en moins pour le ou les musiciens puisque cela démontre bien le sérieux et l’implication derrière pour faire vivre le groupe. Bon, apparemment, si j’en crois mes sources, le mec viendrait donc de Rennes et aurait à son actif cinq sorties dont un album live en 2022 manifestement. La Guerre ne serait d’ailleurs pas la dernière sortie, puisqu’un split avec Percidae appelé Votre Sacre, Votre Sang serait sorti après. Passons à la chronique, il vaut mieux…

Et déjà, premier motif de satisfaction ! Vous reconnaissez avec le temps la patte des artistes en particulier en matière d’artworks, et depuis le temps que la providence me fait tomber dans des groupes qu’il illustre, j’ai tout de suite reconnu le travail de Macchabées Artworks de mon camarade Matthias ! Le mec est partout en fait ! Il est évident de dire que j’adore ses créations, et celle qu’il a confectionnée pour 1357 ne déroge aucunement à la règle, bien au contraire. D’un style plus sobre qu’il ne l’aurait fait pour Hrothgar ou Règne par exemple, il n’en demeure pas moins qu’à chaque fois, le décor est planté de manière juste et ferme. Ici, on a affaire à une sorte de siège d’une ville médiévale, avec en fond ce lever de soleil derrière les nuages, probablement symbolique d’espoir dans cette bataille qui fait rage, où l’on voit effectivement des hommes s’entre-tuer sauvagement. Pour autant, et c’est là tout le génie de Matthias, il n’y a pas de sang, pas de représentation gore dans cette bataille. En fait, avec ce personnage lumineux au centre, qui semble donc être le chef de guerre, on peut surtout y voir une forme de souvenirs, de nostalgie. Comme si les protagonistes de cette bataille ne devenaient au final que des fantômes du passé, comme si cette scène était vécue dans un songe ou un lointain souvenir au détour d’une lecture historique. Et c’est là tout le caractère mystique qui colle parfaitement avec la musique proposée par La Guerre. On pourrait donc dire que cet album ne parle pas dela guerre dans ses effusions d’hémoglobine, comme beaucoup le feraient, mais plus dans sa dimension historico-nostalgique. Mystérieuse même ! Et cela, c’est très très fort ! Un grand bravo donc à la formation 1357
et au créateur de cet artwork pour le boulot accompli parce que c’est intelligent, simple mais efficace dans la conception, et même le choix des couleurs est beau ! Magnifique travail et choix ! Mais je ne suis pas surpris.
PS : heureusement d’ailleurs que j’entretiens un lien avec Matthias, ce dernier m’aura éclairé sur le concept du projet 1357 qui s’avère être bel et bien un hommage au personnage historique et médiéval de Bertrand Duguesclin.

Pour la musique, j’étais parti sur l’idée d’un album de dungeon synth. Donc avec une abondance de claviers, attrait principal de ce genre musical qui parvient à retranscrire des ambiances médiévales et fantastiques avec ce son analogique que j’adore tant. Que nenni dans le cas de 1357 ! Il y a des claviers, bien évidemment, mais le son fait beaucoup moins années reculées que ce que j’écoute avec cette indéfectible affection. Je dirais que les banques-sons utilisées sont plus modernes, et même si le résultat global est satisfaisant, il y a surtout une orientation musicale qui me fait penser à une sorte de dark ambient ou sur un registre ambiant tout court. Mais ! La Guerre se veut un album conceptuelle très moyen-âgeux et notre camarade derrière le projet ne se fait pas prier pour mettre également des instruments plus traditionnels dedans. Allant jusqu’à mettre des percussions pour rajouter une touche plus ritualiste même, un peu comme ces musiques que l’on joue autour du feu. La variation musicale fait que l’on a un large panel de choix en matière de proposition de composition, cela sent tantôt l’Octobeast, tantôt Mortiis, tantôt des inspirations beaucoup plus traditionnelles. Toutefois, cette largesse composale me laisse dans une certaine interrogation du bien-fondé de cette démarche. L’album, au départ, est une bonne idée, mais je trouve qu’en allant chercher très loin l’inspiration et puiser peut-être de manière hasardeuse ce qui illustrerait la musique, fait qu’irrémédiablement on se perd un peu. Et quand on se perd, on se focalise pour se retrouver et on oublie la beauté musicale. D’autant que la musique, peu importe le genre par ailleurs, est rigoureusement minimaliste. Les compositions ont tendance à être des répétitions d’un riff principal ou d’une nappe de sons, le tout enrobé par des apparitions rythmiques ou mélodiques, voire juste sonores, et quand on se revendique du dungeon synth, il est de bon ton de faire une musique plus captivante, plus grandiloquente ou majestueuse. Or, La Guerre, qui en plus a un nom et un concept qui se porterait très bien à l’exercice, se montre au final un peu plat parfois, un peu insipide. J’aurais aimé que 1357 mette en avant plus de présence musicale au détriment des ambiances parfois inadéquates au regard du concept autour de Bertrand Duguesclin. On parle quand-même d’un chevalier historique ! Alors, probablement que la formation a voulu mettre en exergue une certaine noirceur dans le mythe de ce chevalier qui représente une forme de clair-obscur à lui tout seul. Mais à vouloir le rendre très sombre, ce mythe, on le dénature beaucoup, et c’est dommage. Donc, si on résume la première écoute, et je crois que c’est la première fois qu’un album estampillé (théoriquement) dungeon synth me fait cet effet-là, je dirais que je me suis un peu ennuyé. La musique ne suit pas vraiment ce que j’aime dans le registre ni ce à quoi je m’attendais dans le concept revendiqué par 1357. Je ne nie pas que l’album est dans son ensemble intéressant et bien composé, et le minimalisme apparent n’y est pour rien puisque qu’en majorité j’aime cela, mais il y a quelque chose qu’en première écoute il est impossible ou presque de discerner, qui le rend plat et peu captivant. Plusieurs écoutes suivront évidemment, comme chaque fois, mais je pars déjà sur des bases pas franchement solides.

La faute à mon avis à un fait rare dans le style, la production qui manque de rondeur si j’ose dire. Comme je l’expliquais en amont, le style dungeon synth recquiert un son très prenant, envahissant même. Or, dans le cas de La Guerre, on sent tout de suite qu’il s’agit d’un simple collage de banques sons sans réelle retouche, ou alors très légère. J’exagère un peu, cela reviendrait à dire de la formation qu’elle n’a pas réellement voulu faire un album bien produit. Je relève donc plus selon moi une forme de maladresse ou de naïveté dans l’élaboration de la sonorité de La Guerre. En fin de compte, c’est simple : vous prenez la musique en elle-même, vous l’englobez d’un son beaucoup plus important et vous avez déjà bien plus de chance de séduire votre auditoire que si vous vous contentez d’une démarche artistique presque raw comme ici. C’est d’autant plus prépondérant qu’on parle là encore d’un style de musique censé installer un climat légendaire, mystique et fantastique ! On parle d’une légende française ! Pourquoi alors ne pas se donner les moyens de donner une importance capitale à cette légende, tel un hommage rendu, avec une plus grande grandiloquence ?… Honnêtement, cela me semble tellement évident comme constat que j’en perds un peu mon latin sur ce coup là. Après, que l’on trouve les différents morceaux manquant de logique entre eux, c’est un autre débat. Mais même cela aurait été effacé si le son avait été plus travaillé, moins rendu comme tel, brut de pomme. Peut-être est-ce un axe d’amélioration potentiel pour un prochain album, on verra. En tout cas, en termes de production, on a connu mieux pour être gentil.

Le constat étant le même après quelques écoutes, je vais finalement mettre un point final à cette chronique, pour ce soir. 1357 est un projet français qui nous présente un album nommé La Guerre, sobrement. Cet album est le maillon d’une trilogie, si j’ai bien compris, et il s’agirait du deuxième. Ce qui, au regard de ma note et ma chronique, laisse indéniablement une chance au projet de se racheter. Car autant vous le dire tout de suite, La Guerre est un album à revoir sur des points très importants. La production manque cruellement de panache, les compositions sont minimalistes et au final, si on les prend une par une, bien composée et intéressante dans l’intention, mais mises bout à bout, l’ensemble qui pourtant est un concept élaboré autour de Bertrand Duguesclin ne fonctionne pas comme un ouvrage logique et fluide. Plutôt comme un recueil de compositions, plus qu’un album conceptuelle. C’est la première fois qu’un album de registre dungeon synth me déçoit aussi fort, et je reste optimiste car les défauts relevés ne sont ni rédhibitoires, ni aveu d’un manque de talent. Simplement d’une maladresse qu’il serait de bon ton de corriger pour l’avenir, sous peine de tomber dans la platitude musicale. Mais en tout cas, à l’instant T, ce n’est clairement pas un album que je conseille pour écouter du dungeon synth.

Tracklist :

1. Le troisième ordre 00:58
2. La guerre de la lance 04:47
3. La terre de nos pères 03:34
4. Farce macabre 04:33
5. Le son du sang 04:40
6. Lucem ac noctem Feat Erzebeth 06:09
7. Une lettre oubliée 04:20

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