ZOS – The Whole of the Body I Call ZOS

Le 22 avril 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • G.R.C. : basse
  • Ira Tympanum : batterie
  • Aāos-Ra : guitares, voix, claviers

Style:

Drone Metal / Ambient

Date de sortie:

22 avril 2022

Label:

I, Voidhanger Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

« La psychanalyse triomphe absolument. Elle est partout, ce qui revient à dire qu’elle n’est plus nulle part; elle n’échappe à la banalité des fausses évidences populaires que pour tomber dans le formalisme ésotérique. » René Girard

Nous voici, nous voilà ! Le retour de la chronique d’un groupe qui joue un style de metal que j’affectionne de plus en plus pour son insondabilité : le drone metal. Genre qui est finalement très récent, puisqu’apparu au début des années 90 avec le groupe Earth qui est considéré comme le pionnier, sinon le fondateur de ce style particulier. L’idée était de transposer la démarche minimaliste dans le rock et a fortiori dans le metal, puisque les groupes ont par la suite fait évoluer le son rock vers un son plus saturé, entraînant des cordes distordues à l’extrême et des accords balancés sur des tempos lents et lancinants. Alors, aujourd’hui, le style n’est pas spécialement à la mode ni en expansion mais a le mérite d’avoir des groupes qui font parler d’eux, sont signés chez des labels qui se spécialisent eux aussi dans le genre drone metal et c’est pour ces raisons que je suis amené pour Soil Chronicles à en faire des chroniques. Mais même au-delà de ces « obligations » vis-à-vis des groupes d’en faire une chronique quand on prend, je vois surtout la chance de développer mes connaissances dans un genre que j’adore, vraiment, et dont j’étais jusqu’à il y a trois ans cantonné aux groupes Earth et Sunn 0))). Vous me direz, c’est déjà bien puisque beaucoup de personnes du milieu metal ne connaissent même pas les groupes en question. Pourquoi est-ce un style aussi méconnu? Je crois que c’est tout simplement à cause des nombreuses interrogations que posent les groupes. C’est vrai que ce n’est pas banal d’aller tout d’abord vers une démarche rigoureusement minimaliste, et ensuite d’expliquer à des non-connaisseurs que oui ! balancer des accords sur plusieurs secondes cela peut créer des ambiances cool. Alors, quoi de mieux qu’une chronique, une autre, et encore une autre, toujours plus encore pour parler du drone metal ? Et quel groupe pourrait cette fois honorer cette musique de malade mental ? On peut essayer ensemble avec ZOS et son album appelé The Whole of the Body I Call ZOS, qui sort prochainement.

ZOS, c’est un groupe un peu dans la veine de ce que propose son label I, Voidhanger Records et la signature récente pour ce nouvel album, le troisième en fait pour le groupe. ZOS est polonais, de la ville de Łódź, et existe depuis 2018. Mais assez étrangement, il n’y a pas tellement de sites pour les découvrir hormis le Bandcamp. C’est un groupe qui joue probablement la carte du mystère d’autant que leur fonds de commerce est comme la majorité des groupes qui remplissent le roster du label : l’ésotérisme et la magie. Alors autant vous dire que l’on sait déjà à peu près vers quoi la musique va tendre dans les ambiances.
Bon! Autrement, Metal Archives nous apprend qu’il s’agit d’un trio de musiciens, et le reste c’est le groupe qui le dit lui-même : « De l’épais brouillard du rituel acide du chaos vient ZOS, une mémoire latente de visionnaires condamnés qui conduit l’auditeur vers les plans d’ombre, subconscients de chacun. ZOS doit son nom au pionnier de la contre-culture du XXe siècle, Austin Osman Spare et à son œuvre, tout en se concentrant sur l’automatisme comme moyen de création. » C’est ce point précis qui m’intéresse. Moi qui suis adepte de l’écriture intuitive, je suis curieux de connaître par quelle démarche ZOS va rendre hommage à ce Austin Osman justement. The Whole of the Body I Call ZOS s’annonce bien dis donc !

J’en ai fait des pochettes, j’en ai poncé pas mal visuellement parlant, mais une comme celle-ci c’est rare. Et c’est même l’une des plus loufoques que j’ai pu voir. Il y a donc un être humain bicéphale, deux têtes d’hommes, sur un corps de femme ou du moins féminisé avec une poitrine, dont le sexe est caché par une plante bizarre. Je n’ai pas pu vérifier qui a fait l’artwork mais j’ai déjà vu ce type de truc étrange sur le label I, Voidhanger Records donc on peut supposer que c’est le label qui a proposé cet artwork. Il y a un mélange de styles qui me semble plutôt cocasse en fait, même si je me doute que ce n’est pas l’intention principale. Mais j’y vois du mythologique avec la tête qui fait penser à Pan, du religieux avec l’espèce d’auréole au-dessus des têtes, les pieds en feu me font penser à une forme démoniaque. Enfin voilà ! Il y a clairement un truc très psychotique, et donc dérangeant dans cette pochette. Par contre j’adore le fond bleu, c’est une couleur que j’adore ! On dirait un ciel nocturne, avec un croissant de lune en biais. C’est assez insondable comme pochette, et c’est le petit reproche que je vais faire. Mais ce reproche est inhérent à mon incompréhension générale, si j’avais pu cerner la définition derrière j’aurais certainement été moins circonspect. Sur la forme, c’est aussi un peu contestable ce côté brouillon ou grossier, mais cela vient aussi de mon avis personnel. C’est donc une pochette qui ne me laissera pas un grand souvenir, d’autant qu’il n’y a pas le nom du groupe ni celui de l’album The Whole of the Body I Call ZOS présent dessus, et ça, ça m’a toujours posé problème.

Pour la musique de The Whole of the Body I Call ZOS, et plus généralement de ZOS, on part bien sur une structure générale de drone. Maintenant, toute la question est de savoir s’il s’agit de drone metal ou de drone ambient, parce que la frontière est très faible entre les deux, résultant surtout de la présence majoritaire ou non d’instruments saturés ou juste de samples. Le résultat dans cet instant présent est que l’album mélange les deux selon les convenances, le tout pour construire des ambiances lourdes et surtout très dérangeantes. On est clairement mal à l’aise à l’écoute de l’album, la musique est entièrement dédiée à une dimension mystique et sombre, avec en prime l’impression de vivre une sorte de chaos psychique total. Un enchevêtrement de voix effrayantes, des nappes de fond industrielles qui donnent un côté flippant, en fait tout est dévoué à une mouvance d’effroi sur l’album The Whole of the Body I Call ZOS.
Il y a bien entendu aussi des apports plus ésotériques avec quelques petites parties instrumentales traditionnelles, mais dans l’ensemble on reste sur une musique qui se situe pile entre ce que l’on fait habituellement en drone metal et en drone ambient.
Le drone metal intervient parce qu’il y a, derrière cette apparente cacophonie, des instruments saturés extrêmement distendus, un chant saturé incroyablement puissant, et surtout – détail rare pour être souligné – de vraies parties batterie. Pas juste de grands coups de temps en temps, de vraies lignes rythmiques qui ajoutent un plus indéniable à la musique de ZOS.
Et le drone ambient est présent via l’utilisation de claviers avec des assemblages de samples tous aussi farfelus les uns que les autres, donnant comme je disais une cacophonie parfois réellement inaudible, mais surtout de superbes passages très ambiancés, flippants et planants à la fois. Voilà donc une première écoute fort bien validée par mes oreilles et ma psyché fatiguée. Je me suis bien plu ! C’était une expérience difficile à prédire comme tout album de drone metal ou drone ambient, mais une expérience quand même!

La production de l’album est digne selon moi et ma maigre expérience de ce qui se fait de mieux sur le plan moderne dans le genre. Soit avec une recherche d’amélioration qui met effectivement parfois injustement de côté les premiers albums de drone metal, mais cette touche moderne je l’aime beaucoup. On fait vraiment du très bon avec un bon ordinateur !
Le charme sonore de The Whole of the Body I Call ZOS c’est qu’on croirait vivre dans un monde parallèle l’espace d’une écoute. L’espace sonore est totalement envahi par des basses fréquences, donnant cette impression de lourdeur extrême oppressante et angoissante. De même qu’il y a une sorte de déstructuration riffique qui donne un sentiment de chaos absolu, où je disais que même la cacophonie était de mise, ce qui trahit subjectivement des soucis de production mais en fait non. On parle d’esthétique de la laideur ce qui représente un bel oxymore mais se vérifie facilement. Une cacophonie peut être belle et ZOS en a fait la démonstration.
Maintenant, ce n’est pas une production aisée, je le déconseille à ceux qui auraient les oreilles internes sensibles, ou qui risqueraient de vomir par les tympans. Mais pour les audacieux vous pouvez foncer. Les instruments saturés sont bien présents, chacun occupe son coin habilement et le reste qui est issu d’une programmation, est extrêmement bien amené. Bref ! C’est une excellente production moderne dirons-nous. Les nostalgiques en prendront un coup.

Bien entendu, ZOS joue la carte de l’ésotérisme à fond, même si duquel il s’agit, je n’ai point de réponse précise. Mais je suis persuadé au regard des nombreux détails remarqués en première intention, qu’on frôle les carcans de la folie pure. La reproduction de voix qui s’entremêlent, les fonds sonores, les échos, enfin. Tout est dédié à retranscrire des ambiances angoissantes et psychotiques, c’est vraisemblable. Est-ce que l’intention est clairement établie ? Non. Ce n’est donc qu’une théorie. Mais en tant que praticien psychiatrique, je suis bien bluffé parce que The Whole of the Body I Call ZOS est ce qui semble se rapprocher le plus de la psyché malade d’un schizophrène. C’est vous dire si c’est effrayant pour eux d’avoir cela dans la tête. Je pense que comme beaucoup de groupes produits par ce label, ZOS joue la carte de l’ésotérisme, de la noirceur, du démonologique, voire tout à la fois. Et c’est excellent ! La musique est très bien produite, expérimentale dans la mesure où elle permet de joindre les deux versants connus du drone – metal et ambient – dans une seule entité. J’y vois bien une allégorie d’ailleurs, avec le personnage de l’artwork. Les deux têtes pourraient être les deux versants du drone joints sur un corps complètement déstructuré, voire dysmorphophobique.
Donc c’est un album qui vaut le coup d’oreille, sincèrement. J’ai bien aimé l’ensemble, dans une sorte d’harmonie dans le chaos sonore qui ne m’a pas laissé indifférent, loin de là. Il faut arriver à faire de la laideur potentielle une beauté véritable et ZOS a accompli cette tâche avec brio ! Belle claque !

Je ne vais pas m’étaler sur le chant parce que les vocalises ne sont que des borborygmes et des cris, donc en soi rien d’extraordinaire même si je loue la technique vocale. C’est donc une conclusion que je m’apprête à faire de ce troisième album appelé The Whole of the Body I Call ZOS du groupe polonais ZOS. Groupe empreint de mystères, qui joue le rôle de médiateur musical entre le drone metal bien lourd et oppressant, et le drone ambient flippant à souhait. Loin de faire ouvrage de rébellion auprès de son nouveau label, le trio réussit à aller sur un ésotérisme primaire et effrayant, dont on ignore néanmoins s’il s’agit d’une dévotion démoniaque ou d’une simple explosion psychique induite par l’hommage à l’automatisme créatif d’Austin Osman. La particularité maîtresse de cet album ô combien intéressant est ainsi cette capacité inouïe de faire d’une cacophonie un ouvrage sonore propre et bien produit le tout par le biais de l’automatisme créatif. On peut bel et bien faire ce que des philosophes ont théorisé comme étant de la beauté dans la laideur, et je suis convaincu au regard de cette chronique élogieuse que ZOS a réussi à allégoriser musicalement cette laideur magnifique, dans ce mélange ambient et metal qui font du drone définitivement un genre à part. L’excellence même !

Tracklist :

1. The Whole of the Body I Call ZOS 08:37
2. Volition 07:18
3. Black Albatross 07:37
4. On the Announcer of Great Events 12:03
5. Oh, Mighty Rehctaw! 08:19

Bandcamp

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