Until Death Overtakes Me – Diagenesis

Le 3 août 2025 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Stijn Van Cauter : Tous les instruments, chant

Style:

Funeral Doom Metal

Date de sortie:

06 décembre 2024

Label:

Aesthetic Death

Note du SoilChroniqueur (Vince le Souriant) : 8/10

 

« Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,

Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde ! Quoiqu’il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde ;

C’est l’Ennui ! – l’œil chargé d’un pleur involontaire,
Il rêve d’échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
Hypocrite lecteur, – mon semblable, – mon frère ! »

Baudelaire – Extrait de « Au lecteur » dans « Les Fleurs du Mal »

« Diagenesis« , treizième album d’Until Death Overtakes Me, tire son titre d’un phénomène par lequel des sédiments se transforment en roches. Le terme renvoie donc à la géologie, et convient à merveille au style musical pratiqué. En effet, si les âges géologiques se comptent en millions d’années, le temps qui s’écoule entre deux notes dans un album de Funeral Doom s’inscrit dans une dimension dont le ressenti est à peu près comparable. Toi qui prends connaissance de ces lignes, sois indulgent, et ries-bien de cette blagounette de daron, aussi moisie soit-elle, car la suite sera bien plus sérieuse.

As-tu déjà assisté, enfant, à des funérailles ? Au-delà du cliché qui voudrait que le nom donné à un genre musical en définisse étroitement le contenu, ce que donnent à entendre les quatre pistes qui composent l’album, l’expérience que le disque donne à vivre, c’est celle-là : un mélange d’ennui, de tristesse diffuse, et d’incompréhension naïve. Or, ne pas comprendre n’est pas ne pas ressentir, et le moyen le plus sûr que je sois parvenu à trouver pour rendre justice à l’œuvre n’est ni la description, ni l’analyse, mais une sorte de fiction maladroite, ou peut-être de métaphore filée du pauvre.

La première piste, « Ascension », comme le chemin vertical parcouru par l’âme de la défunte, débute sur des notes d’orgue. La messe débute. Les guitares, infra-graves et se confondant avec la basse, imposent d’emblée un sentiment de recueillement écrasant. Ce n’est pas ici un poncif issu de l’esprit d’un chroniqueur fatigué, mais le résultat de la répétition aliénante d’un même motif musical, jusqu’à l’usure. Aussi régulier que l’aiguille d’une machine à coudre, la guitare implacable, assomme. La basse, plus grave encore, joue les murènes ; elle dissimule sa gueule empoisonnée parmi les rochers, et surgit pour mieux happer l’âme de celui qui écoute.

Deuxième piste.

Il en est parfois de la musique comme il en est du rêve. Ni transition, ni logique, ni justification. « End’s Lure » reprend là où « Ascension » n’était jamais parvenu, et débute sur une paix toute empreinte de mélancolie. Les cordes du violon entrent en résonance avec l’absence laissée par la défunte. La tristesse t’étreint, sans que tu saches trop pourquoi. Pourquoi Maman pleure-t-elle ? Son beau visage est baigné de larmes. Même Papa semble tout empourpré. Qu’elles sont belles, ces quelques gouttes, laissant des traînées brillantes sur les joues. Maman te sert fort la main, tandis que le curé, au milieu des nappes de synthé, invite chacun à allumer un cierge et à venir le déposer. Son air grave t’impressionne, mais il te sourit avec bienveillance et, sans que tu comprennes pourquoi, pose sur ton épaule une main pleine de compassion. « Ta petite sœur est avec Dieu, maintenant. »

Troisième piste.

La cérémonie s’éternise, et tu as beau sucer ton pouce, ça ne fait pas passer le temps. « Elle » est donc là, dans cette petite caisse en bois ? « Elle » a toujours été nulle à cache-cache, mais à ce point, c’est consternant. Vivement qu’ »Elle » en sorte, que vous puissiez reprendre vos jeux. La voix sépulcrale du prêtre résonne dans la nef, et se heurte aux nervures des voûtes, avant de revenir déformée aux oreilles de l’assistance. Quatre hommes surgissent, qui s’emparent du cercueil, semblable à un lit de poupée. A leur passage, les gens se lèvent. Les visages sont blafards, colorés seulement par la lumière des vitraux. Les graves qui s’échappent du buffet d’orgue font écho à leur consternation. Nous ne sommes pas ici dans l’épanchement larmoyant et bruyant, mais dans un regret silencieux qui étouffe, qui broie. Le Funeral Doom est à la musique ce que le boa constrictor est au règne animal : lent, lourd, et prédateur. Et c’est bien tel un long serpent que le son se déploie : par reptations. Tête baissée, tu feins de ne pas voir l’horrible reptile caché derrière l’autel, mais tu l’entends, et surtout, tu le sens, l’affreux basilic ! CHAGRIN apparaît en lettres capitales sur son front. Craindrais-tu d’être pétrifié en croisant son regard ? Qu’importe, la diagenèse fait son œuvre et engourdit petit à petit les membres de chacun. Ironie d’une piste qui, pour s’appeler « White Light », n’en demeure pas moins la plus sombre de l’album.

Quatrième piste

Se recueillir, c’est dire adieu. C’est accoucher d’une forme de reconnaissance de l’absence. Et c’est le travail – la maïeutique ! – qu’entreprend « For ». Tu es sorti de l’église, ta main dans celle de Maman, pouce dans la bouche et doudou sous le bras. En procession, vous rejoignez le petit jardin accolé à l’édifice. Partout, de drôles de pierres avec des croix. Au sol, un grand trou. Les gens pleurent. Tes paupières deviennent lourdes, et tu aimerais bien rentrer. Papa et Maman sanglotent, et tu ne comprends pas trop pourquoi. Sur le petit sentier parsemé de gravier qui vous ramène à la voiture, une pensée te vient. La dernière fois que tu « l »as vue, vous vous étiez chamaillés. Tandis que Maman t’installe dans ton cozy et que le sommeil s’empare de toi, ce dernier souvenir s’estompe, disparaît, prend fin. Pas de conclusion. La musique d’Until Death Overtakes Me est à l’image des souvenirs de la prime enfance : parcellaire, sans explications, sans conclusion autre qu’une coupure brutale. Elle laisse un sentiment de vide profond et de tristesse fantôme, comme un membre coupé qui ferait encore mal. Peut-être serait-ce lui faire offense que de procéder différemment ici.

« Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny ! », chantait Magali Noël dans une chanson de Boris Vian. Eh bien, vous l’ignoriez sûrement, mais voilà le petit nom du Funeral Doom, celui que l’on susurre dans les moments les plus câlins. Et si l’écoute de « Diagenesis » s’apparente à une bande de cire dépilatoire que l’on retirerait à la vitesse d’une plaque tectonique en mouvement, il serait dommage de le nier, on peut mêler l’extase et la blessure.

 

Tracklist :

  1. Ascension (14:57)
  2. End’s Lure (16:13)
  3. White Light (16:37)
  4. For (13:38)

 

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