Machine Head – Catharsis

Le 26 janvier 2018 posté par Bloodybarbie

Line-up sur cet Album


• Robb Flynn : Chant, Guitare
• Phil Demmel : Guitare
• Jared MacEachern : Basse, Chant
• Dave McClain : Batterie

Style:

Robb Flynn meets Freud

Date de sortie:

26 Janvier 2018

Label:

Nuclear Blast Records

Note du Soilchroniqueur (Willhelm von Graffenberg) : 8.88/10

« La catharsis (en grec « κάθαρσις » signifiant « séparation du bon d’avec le mauvais ») est un rapport à l’égard des passions, un moyen de les convertir, selon la philosophie aristotélicienne en rhétorique, esthétique, politique. À l’ère contemporaine, en psychanalyse, à la suite de Sigmund Freud, la catharsis est tout autant une remémoration affective qu’une libération de la parole, elle peut mener à la sublimation des pulsions. En ce sens, elle est l’une des explications données au rapport d’un public à un spectacle, en particulier au théâtre. » Saint Wiki a parlé, mieux même que Zarathoustra ! Et j’entends déjà mugir dans nos campagnes ces féroces fans de Machine Head qui vont déblatérer à propos du dernier de leurs opus, Catharsis… Je ne pourrais pas forcément leur en vouloir.

Est-il encore nécessaire de présenter la troupe du « colonel » californien Robb Flynn et ses multiples albums, le premier, Burn my Eyes (1994), ayant été celui qui les a aussitôt propulsés dans la cour des grands ? Il faut dire que leur Power Metal – si, si, on l’appelait comme ça à l’époque avant que le « speed melodic » se fasse rebaptiser – avec un son énorme, thrash et la voix de Flynn sur le groove de basse d’Adam Duce combiné à la lourdeur et la subtilité de Tony Costanza à la batterie, avec les fills et la niaque de Logan Mader à la gratte – qui a pris le melon aussitôt et en a payé les frais, revenant au devant de la scène seulement depuis peu avec Once Human –, forcément, ça a marqué toute une génération. Et mieux, ça a tenu, pas simplement comme un épiphénomène mais comme une valeur sure et durable. Après un passage à vide pour cause de « on prend tous le même producteur et on a tous le même son avec Soulfly, KoRn et Fear Factory », perso, j’avais laissé tomber. Puis, amende honorable avec The Blackening (2007), sympathique mais sans plus, faute de réelle inspiration – le contexte du groupe n’aidait pas forcément. Et là, bim, coup sur coup deux chefs-d’œuvre : Unto the Locust (2011) et Bloodstone & Diamonds (2014). Autant vous dire que je l’attendais impatiemment, ce nouvel album…

Mais… J’ai commencé à tiquer il y a quelques temps déjà quand un morceau avait plus ou moins fuité comme annonçant la voie que prendrait le groupe, morceau qui avait un potentiel plaisant mais qui détonnait par rapport au précédent album. Remember :

Ouf, ce morceau était visiblement un one shot… Cependant, on sait que Robb Flynn a un caractère bien trempé, dans l’acier dont on fait les M60… Je ne peux pas non plus lui en vouloir et j’adhère même plutôt à cet état d’esprit : ça lui a permis de se sortir des impasses qu’il a subi d’antan avec cette putain de mauvaise idée de confier son travail à un producteur commun d’un label commun, et surtout de créer à sa guise des œuvres authentiques et personnelles – déjà, exit Roadrunner, bienvenue chez Nuclear Blast. On peut donc appréhender cette Catharsis comme justement la définition même de son caractère. Mais c’est vrai que là, on cherche naturellement une cohérence entre les morceaux, musicalement parlant, quand le sens profond semble être la thématique de l’album. Foutage de gueule ? Tentative de racolage passif ? Œuvre d’art à part entière et à concevoir comme telle ? J’opterais plutôt pour la troisième option, même si elle est difficile à avaler et admettre, sachant que le quatuor actuel estampillé Machine Head n’a plus vraiment grand-chose à prouver et qu’il ne reste plus de membre originel que Robb Flynn, ce qui peut signifier que c’est un album TRES personnel et composé seulement à deux mains. L’artwork annonce un peu l’idée et le choix du langage fleuri, sans chichi annonce aussi cette lecture à livre ouvert dans l’esprit de l’auteur.

Ce qui bloque, dès le départ, c’est cette entrée en matière très éloignée de l’accoutumée, cash pour ainsi dire : pas d’intro, direct dans le vif du sujet avec « Volatile ». On retrouve évidemment les canons machineheadiens de la lourdeur, de la violence emprunte du Thrash des débuts, du gros son, de la voix rocailleuse et hargneuse, du passage solo branlette, du beatdown à headbang, des harmonies en double guitare en second plan. OK, pourquoi pas, un peu de changement dans l’ordonnancement ne fait pas de mal et ça évite la redondance, c’est direct et efficace… Ensuite, le morceau éponyme qui évoque davantage les deux précédents albums avec l’orchestre à cordes, le piano, LE riff rapide et efficace, mais sur un choix d’organisation interne assez détonnant et schizophrène avec un mix tendant plutôt vers les effets et l’électro, jouant perpétuellement sur la tension-détente, avec un refrain super accrocheur qui se fredonne directement. Si sur le coup ça choque ou étonne, après plusieurs écoutes, ça devient assez évident et ça passe.

« Beyond the Pale » fait aussi un peu une synthèse de ce qui a été proposé précédemment. On se retrouve dans des baux connus du morceau mid tempo et teigneux avec la descente harmonique typique des Vivaldi et Bach qu’affectionne depuis bien longtemps Flynn dans son écriture des guitares harmoniques. Le son et les effets sont coutumiers… Limite, si on sort d’un choix d’harmonie dans les voix moins commun que d’habitude, ce morceau est assez banal au final…

Puis « California bleeding » part en cacahouète, avec un riff de batterie très punk rock « thrash n’ roll », cohérent avec le propos mais loin de ce qu’on connait de Machine Head… Pire, s’enchaine « Triple Beam » très neo metal, on ne peut plus neo metal dans l’accompagnement instrumental avec tout ce qui a fait la réputation et le style de KoRn, avec même des paroles scandées à la manière de Jonathan Davis. « Kaleidoscope » juste après confirme qu’on sort des sentiers battus avec une structure simpliste, un riff très heavy-thrash (les bases, mec !), mais des sons électro en arrière plan sur un refrain limite metalcore dans sa rythmique, la présence de l’orchestre sur le pont et l’outro ramène cependant dans les baux communs. Mais le clip, cohérent également, aura déjà fini de vous anéantir les yeux.

Et autant dire que « Bastards » ne va rassurer personne, avec une chanson feelgood qui débute comme une protest song acoustique sur un banal anatole Si-Fa#-Sol#-Mi avec en fond une étude arpégée pour les débutants guitaristes qui prendraient des leçons sur les préludes de Bach, et dévie progressivement avec un orgue Hammond sur un trip de chanson à boire irlandaise par un groupe de punk rock, toute en majeur et festive. Et pourtant cette chanson est frustrante parce qu’elle mène à un climax où l’on se dit « ça y est, ça va partir ! »… et en fait, non ! Et encore une fois, ce morceau est logique quand on sait que Robb Flynn a été bercé aux Beatles et est fan de Bruce Springsteen.

On revient ensuite sur du Machine Head usuel avec « Hope begets Hope » excepté les harmonies vocales vers la fin du morceau en gros riff lourd et limite metalcore. S’ensuit la balade semi acoustique « Behind a Mask » pleine de finesse et murmurée avec un arrangement de chœur pas commun pour le groupe, ternaire avec son arpège dans les aigus et qui dérape vers une valse sombre et dépressive, un peu comme si ce morceau avait été composé pour combo metal et transcrite en version acoustique, le solo de gratte électrique étant joué à la classique.

Arrive le pavé de presque neuf minutes « Heavy lies the Crown » qui traite de Louis XI (cocorico !) dit « l’universelle araigne » tant à cause de sa politique que la crainte qu’il inspirait. Ce gros œuvre va chercher dans l’orchestration et les influences de musique savante mais également la part heavy metal de son compositeur dans le riffing et l’approche narrative comme on l’a connue chez un de ses groupes favoris, Iron Maiden. Un morceau qui renferme une sorte de colère contenue dans les ténèbres et qui ne demande qu’à exploser… jusqu’à l’explosion, justement, dans la brutalité et la rapidité speed thrash. Comme vous pouvez vous en douter (du moins les deux-trois habitués à mes délires et élucubrations chronistiques), ce morceau est forcément l’un de mes favoris de l’album, tant je peux me retrouver dans cette expression de la catharsis. C’est probablement le morceau qui évoque le plus les deux précédents albums, tendant vers un mélange de l’esprit de « I am Hell » et « Darkness within ».

« Psychotic » reste cohérent une fois encore avec le propos et ses changements de métrique et de tempo ajoutés au flingue sous entendu par sa gâchette ne font qu’abonder dans ce sens. « Grind you down » m’est passé par-dessus la tête tant il ressemble à ce que je n’ai pas vraiment aimé chez Machine Head, assez proche d’un « The blood, the Sweat, the Tears ».

Et on revient dans des références de Flynn avec « Razorblade Smile », morceau hommage à Lemmy, mais qui fait directement penser à Judas Priest, en particulier avec l’introduction de batterie digne d’un « Painkiller », tout en allant piocher dans le gros Thrash dans son riff central.

Catharsis s’achève avec « Eulogy » qui serait un peu le « In Paradisum » de Flynn, une sorte de paix intérieure après le maelstrom développé au long de l’album, une fin sans en être une qui garde une part de non-encore-dit en déviant le sujet paisible vers une noirceur toujours omniprésente sous une forme optimiste. Un morceau très réussi dans le contexte de l’album qui prendrait bien moins de sens hors sujet.

Difficile ne l’état de ne pas faire une (psych)analyse track-by-track de cet album intimiste tant il mise sur l’éclectisme pendant une heure et quart ; c’est dire s’il y a à raconter. Pour ma part, je pense que ça va me poser face à la situation habituelle de l’écoute d’un nouveau Machine Head : je reste assez mitigé jusqu’à passer de nombreuses voire très nombreuses écoutes pour en saisir tout le génie. Parce que oui, indéniablement, il y a du génie chez Flynn, un vrai musicien dont cet album est certainement la forme d’expression la plus aboutie de son attitude, attitude qui se résumerait en le gimmick de « Kaleidoscope » : « So raise your middle fingers in the air ! » Ce neuvième album multi-facettes est un pari d’expression du for intérieur vers une évolution, sans renier ses racines et ses tourments, pari qu’on peut saluer mais qui, comme tout pari, est risqué pour qui consommerait la musique sans vraiment l’écouter, ce qui devient trop souvent le cas actuellement.

A écouter en faisant son introspection personnelle sur son propre « moi », son « surmoi » et son « ça ».

PS : tant qu’à faire, profitez de leur tournée qui débute en France à Rouen le 22 mars > 2h30 de show, ça ne se rate pas !

Tracklist :

1. Volatile (4:38)
2. Catharsis (6:10)
3. Beyond the Pale (4:31)
4. California bleeding (4:12)
5. Triple Beam (4:41)
6. Kaleidoscope (4:03)
7. Bastards (5:04)
8. Hope begets Hope (4:30)
9. Screaming at the Sun (3:54)
10. Behind a Mask (4:07)
11. Heavy lies the Crown (8:48)
12. Psychotic (5:01)
13. Grind you down (4:06)
14. Razorblade Smile (4:00)
15. Eulogy (6:33)

Facebook : https://www.facebook.com/MachineHead/
Site officiel : https://www.machinehead1.com/
Spotify : https://open.spotify.com/user/machineheadofficial/playlist/4H8YNJPNZWSdulfIx3kE4Z
Youtube : https://www.youtube.com/channel/UC5mX9jQdmMRzCLfOJmeyhsg

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