Giriu Dvasios & Marushka – Na Gori

Le 13 octobre 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Giriu Dvasios : programmation
  • Marushka : chants, instruments traditionnels
  • Guest :
  • Greta Gražulytė : chant sur 2 et 7

Style:

Musique Electronique / Folk Ambient

Date de sortie:

27 juin 2022

Label:

Cold Tear Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9,75/10

L’imagination a le droit de se griser à l’ombre de l’arbre dont elle fait une forêt.” Karl Krauss

Cette chronique, c’est l’histoire d’une révélation. De ce genre qui fait que tout vous semble prévu à l’avance depuis longtemps et qui vous conforte dans l’idée selon laquelle tout est écrit. La vie est une sorte de découverte perpétuelle de ce qui vous attend à chaque tournant, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il faut être en capacité de se détacher de cette angoisse sourde et profonde de l’inconnu. En ce qui me concerne, cette chronique intervient dans un contexte d’une « rencontre », si tant est que l’on puisse la nommer ainsi puisqu’elle se situe sur les réseaux sociaux. Je discutais avec une artiste complète et passionnée qui se nomme Greta Gražulytė. Jeune femme originaire de Lituanie, connue pour son rôle de flûtiste / chanteuse dans le groupe Ūkanose que j’ai découvert avec enthousiasme au Dark Medieval Fest, c’est également une personne très active sur la scène musicale de son pays, qu’elle soit traditionnelle ou plus moderne, et les nombreux talents de Greta n’ont d’égal que sa gentillesse et sa générosité. Je me promenais en fait sur Facebook quand je suis tombé, sur son mur directement, sur ce projet musical parallèle à son activité qui m’a tout de suite plu. Une sorte de coup de foudre immédiat, avec ce mélange subtil que vous découvrirez plus bas. En commentaire, j’ai donc enjoint gentiment notre amie lituanienne de m’envoyer tout ce qu’il faut pour la chronique. Et c’est suite à ce commentaire opportuniste que nous avons commencé à discuter, de tout et de rien mais j’ai surtout découvert une personne attachante, et une passionnée de son pays au point de me faire, alors que je ne m’attendais pas à l’ampleur du truc, une véritable encyclopédie de tout ce qu’il faut visiter et connaître en Lituanie! Je ne vous déroulerai pas toute notre discussion, ne rêvez pas. Mais je suis en tout cas toujours un peu en état de choc d’avoir pu échanger aussi facilement et avec l’impression assez folle que nous étions faits pour nous connaître. Et même si le groupe présentement chroniqué ce soir n’est pas directement un de ses projets, je suis tout aussi content d’avoir l’occasion de parler de la Lituanie autrement qu’avec ce groupe de plus en plus mainstream qu’est Au-Dessus. C’est donc une chronique coup de cœur. Procédé assez rare mais qui en vaut clairement la chandelle. Au nom de mon amitié naissante (j’espère) avec la charmante et talentueuse Greta Gražulytė, je vous présente officiellement le projet musical Giriu Dvasios & Marushka et l’album Na Gori. Je tomberais amoureux? Qui sait.

Cette chronique s’annonce donc sous le drapeau tricolore de la Lituanie. Evaldas Azbukauskas, répondant sous le nom de scène de Giriu Dvasios, propose sa musique originale depuis 2009. La particularité de ce projet solo est qu’il se dédie complètement à la Nature, comme en témoigne le nom Giriu Dvasios qui signifie en lituanien « les esprits des bois ». D’après quelques informations glanées à droite et à gauche, j’ai découvert que chaque morceau de chaque sortie porte un nom lituanien en rapport direct avec la Nature. De fait, cet artiste qui en est à ce jour à treize albums avec Na Gori, mais également trois compilations (autoproduites), un single et trois collaborations diverses, le tout sauf les compilations étant sorti chez un seul et même label : Cold Tear Records. Mais la comparaison ne s’arrête pas là car notre fameux Evaldas Azbukauskas produit également de la musique sous d’autres pseudonymes comme Soulsonic, Tamsis, 101, Džiunglių Dvasios qui signifie « les esprits de la jungle » cette fois, et enfin notre acolyte officie dans un projet nommé Dausos en duo avec une chanteuse folklorique du nom d’Eglė Česnakavičiūtė. Voilà pour la présentation! Et c’est ce qui me fait dire qu’en fait, cet album devrait se ranger dans la catégorie des collaborations puisque le nom Giriu Dvasios & Marushka vous évoque sûrement la présence d’une fameuse Marushka, nom de scène d’une chanteuse et multi-instrumentaliste folklorique ukrainienne nommée Masha Savchenko, qui aura le chant sur tout l’album. Singulière collaboration qui permettra de l’aveu même de notre Giriu Dvasios d’explorer un mélange de sa musique avec des influences slaves plus prononcées, surtout ukrainiennes. Alléchant? Vous avez raison!

Chronique de Quantum oblige, la première étape reviendra à l’artwork! La traduction de Na Gori signifie deux choses, que seul(e) un(e) lituanien(ne) pourra me confirmer. Dansune langue cyrillique, il semblerait que cela signifie « des forêts », mais en lituanien la traduction m’a donné « c’est bien ». Alors, y a-t-il un lien entre les deux? Je ne sais pas. Mais sur le côté forestier de l’image, je suis complètement en accord. On a tout ce qu’il faut pour se rendre compte que l’on est bien sur une référence envers la Nature, dans sa forme la plus globale. Je ne vais pas forcément vous faire tout le détaillé de l’image, puisque la décrire ne reviendrait à rien de plus que contenter un aveugle à qui l’on dicte ce que l’on voit, mais deux éléments m’ont frappé. Le crâne d’animal au centre qui ressemble au crâne d’un chien et l’étoile à huit branches en fond d’image. Le lien entre les eux est évident puisque l’étoile s’appelle en réalité l’étoile d’Alatyr, un dieu slave qui est représenté tel un omphalos soit une pierre représentant le centre du monde et qui a des vertus de guérison mais également de renaissance. Et de voir ce crâne dans lequel s’installe doucement la Nature, avec ces champignons qui poussent dedans et les pousses autour, sur cette terre un peu sèche, on voit bien le message qu’a voulu nous faire passer Giriu Dvasios au travers de cet album, c’est que la Nature est une éternelle renaissance malgré les obstacles. Et je partage totalement ce point de vue! Je suis un fervent défenseur du principe de la Nature toute-puissante et omnipotente. Aussi, ce message ne peut que me parler. Je suis toutefois un peu piqué de curiosité devant le choix de l’artiste de faire un artwork en noir et blanc, lui qui a toujours opté pour une majorité de pochettes colorées, et surtout dans ce style de dessin plus que de photographies ou de graphismes plus « propres » si j’ose dire ainsi. Ceci dit ce que fait le graphiste qui se nomme Joan Llopis Doménech est absolument superbe, je vous encourage à aller voir sa page Instagram. Je vais même y faire une commande je pense! En tout cas, je salue bien bas le choix judicieux et magnifique de mettre en avant, par le biais de cet artwork un peu macabre mais finalement plein d’espoir, la puissance de la Nature dans son rôle d’éternel recommencement. La pochette en elle-même est très belle, et pleine de sens. C’est le plus important! Bravo!

Si l’on suit le parcours de Giriu Dvasios, on s’aperçoit qu’outre son amour pour la Nature, notre camarade lituanien est surtout un artiste accompli en musique électronique. Cela peut paraître surprenant mais il y a en France un artiste qui fait beaucoup cela, notamment pour le film Un Indien dans la Ville : Deep Forest. Mais là, je dirais qu’on est sur du haut niveau. Bien plus haut encore que ne le propose le duo français dûment cité. La musique sur Na Gori résonne en moi comme une formidable connivence entre les captations sonores de l’extérieur et les apports en musique électronique pas le biais de samples et de percussions typiques du genre. Du reste, notre artiste est accompagné dans son entreprise composale par divers instruments traditionnels dont nous avons le détail sur Bandcamp, à savoir : une flûte tylynka (ukrainienne), une guimbarde, une flûte irlandaise type tin whistle et un accordéon en bouton, le tout joué par Masha Savchenko qui n’est autre que la fameuse Marushka je le rappelle. Cela procure des ambiances ancestrales particulières et surtout très prenantes. Les mélodies sont superbes, et le fait d’avoir par-dessus des effets ambiants d’électro donnent une coloration singulière mais très hypnotisante. On se sent transporté, comme happé avec légèreté par cette musique entrainante. Giriu Dvasios s’amuse également à jouer sur les ambiances puisque certains morceaux me font penser à des éléments krautrock presque, d’autres sont plus estampillés folk ambient, voire carrément néofolk sur les bords puisque l’on pourrait sans difficulté s’imaginer que notre ami puise son inspiration non seulement dans des croyances anciennes réelles, mais qu’en plus elles sont encore d’actualité dans son esprit aujourd’hui, au point d’y rajouter cette dose moderne avec la musique électronique. La capacité de mélanger les deux est incontestablement le point fort de ce Na Gori. L’instrumentation est variée et la composition suit chaque sujet abordé, offrant un album épars et regorgeant de surprises. Ce qui est étonnant se situe sur le nom des pistes qui sont de langues différentes! « Duh Lesov » par exemple est du slovaque et signifie « l’esprit des bois », « Kraj » est du croate ou du polonais et veut dire « fin » ou « pays », « Novyj Svet » est russe pour « nouveau monde », « Steppe » me semble être sa traduction française, et « Šiaurė » est (enfin!) du lituanien pour dire « Nord ». Les deux non cités sont des musiques traditionnelles ukrainiennes et la traduction m’a été difficile. Dans tous les cas, loin de se défausser derrière une étiquette pompeuse, Na Gori est un album extrêmement pointu et varié. Et ce qui ressort de ma première écoute, outre cette agréable sensation d’avoir fait une découverte rare et raffinée, est que définitivement cet album est trop court! On en redemande. Moi qui suis un grand amateur de néofolk et aussi de musique électronique, toujours avide de découvrir de nouvelles cultures et un féru de géographie, je me suis absolument régalé avec cette première écoute. C’est indubitablement un mélange musical étonnant mais qui fonctionne pleinement. Ma maigre connaissance en la matière me permet de l’affirmer, et d’affirmer au passage que cet album sera un futur album de chevet pour moi. Quel délice!

Inutile de dire que la production est impeccable. Quand on officie comme le fait aussi bien Giriu Dvasios dans le registre de musique électronique soit par association d’idées par MAO, on ne peut qu’avoir en parallèle une production aux petits oignons. Enfin, dans les faits, ce n’est pas obligatoire! Mais ici, force est de constater que le son est juste comme il faut. Je note l’utilisation de nappes de fond pour apporter une profondeur à la musique, ce qui m’a toujours plu parce que, quand ces dernières sont bien mixées, cela apporte un plus indéniable à la musique électronique. Et c’est quasiment systématiquement le cas, preuve que notre camarade Giriu Dvasios maîtrise bien la composition et la nécessité de faire avec du liant. Pour le reste, c’est une affaire de logiciel, de placement des samples, des fréquences, enfin. Tout ce qui fait la MAO, dans son entièreté. Là où j’ai été plus sceptique dans ma compréhension de la composition, se situe sur l’incorporation des instruments traditionnels. Ils sont pleins d’effets sonores, notamment avec de l’écholalie et de la réverbération, et j’imagine peut-être un peu naïvement que les instruments traditionnels ont été majoritairement ou entièrement samplés aussi. Mais pour le coup je n’en suis pas sûr. En tout cas, à la différence des groupes identifiés néofolk par exemple, on entend bien que les instruments traditionnels sont retouchés, permettant probablement de mieux les intégrer dans un mixage électronique plus moderne et plus travaillé que ne le voudrait un instrument « organique ». Les chants que je n’ai pas encore évoqués, sont également faits du même bois, et sont aussi plein d’effets. Cette production, au final, est l’affaire d’une harmonie pérenne et totale. Un vrai bijou sonore!

Maintenant sur l’intention plus artistiquement profonde, je dirais que Giriu Dvasios recherche une manière de rendre hommage à ses croyances ancestrales très centrées sur la Nature, la modernité qui offre aussi de bonnes choses malgré le contexte actuel, et l’idée d’aller explorer d’autres horizons musicaux. Je ne connais pas bien la discographie de l’homme, mais je trouve en tout cas que sa musique est un parfait mélange de tout ce qui fait justement la richesse de la musique, et d’une manière plus générale encore, de l’art. Quand on a cette soif d’innovation et de recherche, et que l’on parvient à coupler des éléments entre eux factuellement un peu opposés, on s’aperçoit tout de suite de l’alchimie cachée. Je trouve cela admirable! Parce que loin de dénaturer si j’ose dire cette hommage vibrant à la Nature, la musique électronique et folklorique de Giriu Dvasios est ce qui se ferait de mieux pour cette démarche. Tout respire la profondeur d’âme et la magie. De la partition rythmique aux chants féminins, en passant par les flûtes ou les quelques samples plus conventionnels, tout est inspirant. On vit et on ressent la grandeur des slaves et des baltes qui font cause commune autour de ce Na Gori. Je n’ai pas grand-chose à rajouter si ce n’est que l’évidence est là. Quand des passionnés partagent leurs passions pour en faire non pas une émulsion mais une symbiose, une osmose sonore, on voit tout de suite la différence entre la bouillie commerciale dictée par des codes insipides, et l’authenticité magique de projet comme ce Giriu Dvasios & Marushka. Un véritable chef d’œuvre, voilà tout.

Et le point d’orgue revient aux chants. Majoritairement exécutés par Marushka, le chant clair féminin qui ressemble plus à des déclamations scaldiques ou des incantations est sublime. Puissant aussi bien dans la technique que dans l’intention, il assimile suffisamment la musique pour au final rajouter davantage de force et de grandeur. Je n’ai évidemment pas compris les textes, mais ce qui fait la beauté de ces styles comme le néofolk ou la musique traditionnelle est que l’on n’a pas besoin de comprendre les textes pour comprendre les objectifs. On n’a qu’à se laisser guider par les syllabes et les intonations de voix. Pour la technique et pour le reste, le chant de Marushka est absolument extraordinaire. Un vrai choix de roi pour Giriu Dvasios! Mais pas que. Car l’invitée sur les deux morceaux traditionnels ukrainiens, les fameux que j’ai renoncés de traduire, sont de cette artiste géniale qu’est… Greta Gražulytė. La fameuse et fabuleuse Greta qui nous gratifie donc de son chant également clair et dans la même mouvance étatique de déclamations et d’intonations scaldiques. Invitée surprise mais tellement bonus pour cet album. En véritable passionnée des cultures baltes et slaves, on ne pouvait qu’avoir une référence de choix supplémentaire pour le chant. Sa voix, de toute manière, m’hypnotise et me rend fou de passion y compris dans Ūkanose. C’est un phénomène métaphysique, mais sa voix me tourmente et me transporte. Rarement un chant féminin traditionnelle ne m’aura autant attisé les braises. Les deux pistes en question, en tout état de cause sont plus encore que de simples bonus, ce sont des diamants dans un autel de gemmes. Tout simplement.

Pour terminer ma chronique, je dois bien me rendre à l’évidence : j’ai été fortement dithyrambique. Delà à crier au loup? Non! Car l’album Na Gori du projet Giriu Dvasios & Marushka mérite toute les éloges possibles. Giriu Dvasios menant sa barque initialement tout seul mais cette fois-ci accompagnée par une musicienne ukrainienne de talent nommée Masha Savchenko, l’artiste lituanien propose ce treizième album ou quatrième collaboration c’est selon. Et la dithyrambe me pousse néanmoins à dire qu’objectivement parlant, cet album est absolument magique. Musique électronique avec un vrai piédestal proposé à des musiques traditionnelles, presque néofolk ou folk ambient sur les bords, cet album est d’une richesse extraordinaire et fonctionne sur les auditeurs avec une déliquescence sur nos âmes qui frôle le sans-faute. L’album mérite bien plus qu’une reconnaissance nationale : il vaut largement un dépassement de frontières et une renommée entière. Le genre de duo qui fonctionne avec une symbiose exceptionnelle et rare, et qui ne vous lâche pas d’une semelle pour vous rendre encore plus passionné que vous ne l’étiez avant la découverte. En termes de musique électronique et folklorique, ma future référence.

Tracklist :

1. Duh Lesov 06:24
2. Tuman Yarom (feat. Greta Gražulytė) 04:18
3. Kraj 04:20
4. Novyj Svet 04:48
5. Steppe 01:41
6. Šiaurė 04:10
7. Cigani (feat. Greta Gražulytė) 03:49

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