Corpus Diavolis – Elixiria Ekstasis

Le 15 mars 2024 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • King HaD : batterie
  • Analyser : guitare
  • Daemonicreator : chant
  • Funeral : basse
  • Kericoff : guitare

Style:

Black Metal

Date de sortie:

15 mars 2024

Label:

Les Acteurs de l'Ombre Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.75/10

Un petit trot est une cure contre nos démons.” Benjamin Disraeli

On n’en parle pas beaucoup dans le milieu du metal, mais il y a dans le procédé du blasphème qui est promulgué un peu partout, tous genres compris, et qui met à l’honneur de manière toutefois un peu plus discrète selon l’horizon dans lequel on se situe, la sexualité. Mais la sexualité qui ne va pas dans les sentiers de la douceur et de l’amour. Il est question de passion, de folie et d’appétit féroce pour la chair. Je suis un fervent admirateur des regrets musiciens d’Urfaust, qui ont toute leur carrière donner une vitrine musicale sacerdotale au Diable, et derrière l’imagerie du diable, il y a l’imagerie de tentation. La tentation qui de nos jours semble être devenu un peu la nouvelle religion dans notre société. Et j’ai un peu de mal avec cette censure qui abonde dans les réseaux sociaux et qui va sûrement me bannir quelques temps de la publication du webzine vu que le groupe dûment chroniqué ne fait pas dans la dentelle ! On pourrait s’interroger sur la place que l’on accorderait à la sexualité dans cette phase bien bestiale dans les représentations dans notre société, et je suis le premier à m’insurger devant l’accès ultra facile et hypocrite de la pornographie en France pour les plus jeunes. En fait, c’est dans cet exemple précis que l’on s’aperçoit que les dogmes chrétiens nous ont (malheureusement) beaucoup influencé, et continue de brandir des sceptres certes un peu plus invisibles, mais tout de même suffisamment murmureux pour que l’on se sente coupable. Mais alors, où en sommes-nous dans notre relation au diable de nos jours ? N’éprouvons-nous pas une certaine attirance pour l’interdit et certains tabous ? Qu’y-a-t-il de mal à avoir des fantasmes blasphématoires ? J’interroge cela officiellement ce soir parce que cela reste une question centrale dans l’éducation de nos enfants et les interdits que l’on impose. Attention ! Ma fille de sept ans n’est pas en train de regarder de la pornographie hein ! Je n’en suis pas là du tout, je suis finalement un type totalement normal. Mais simplement, cette question philosophique raccroche le paradigme de la société avec celui de la religion. Et quand un groupe comme Corpus Diavolis, dans sa simple appellation traduite en « corps du diable », met en avant tous les blasphèmes possibles y compris, et c’est revendiqué dans des interviews, la sexualité dans sa forme passionnelle, charnelle et presque divinatoire, alors un album comme « Elixiria Ekstasis » ne peut que me rendre avide de découverte. Cette chronique intervient de toute manière dans le cadre du partenariat noué étroitement avec Les Acteurs de l’Ombre Productions. Donc, on y va !

Corpus Diavolis est une des formations qui constituent le roster du label, que je connais le moins. J’en veux pour preuve ma connaissance du projet Haiku Funeral (que j’adore mais qui n’a pas grand-chose à avoir) bien avant de savoir que la dite formation présentement chroniquée était celle aussi du principal compositeur de Haiku Funeral, Daemonicreator. Pseudonyme scénique de Dimitar Dimitrov, musicien bulgare mais qui réside en France, à Marseille plus précisément, et qui a crée ses deux projets la même année, soit 2008. Autant dire que Corpus Diavolis, puisque c’est de ce projet dont nous allons causer ce soir, commence à avoir quelques années d’existence, et du chemin de parcouru. De fait, cinq albums au total avec ce fameux « Elixiria Ekstasis« , un premier EP en 2009 et deux splits, seulement les deux derniers albums auront été produits par le label Les Acteurs de l’Ombre Productions. Avant, il s’agissait soit d’autoproduction pour les premières sorties, soit d’une valse de labels. Toujours est-il que le quatuor marseillais, trio lors de sa création, avance de manière plus qu’honorable dans le paysage français. Probablement un brin plus discret que ses compagnons de label, mais qui n’en demeure pas moins, au vu des partages sur les réseaux sociaux, une formation attendue par le public metalleux. Alors, c’est l’occasion pour moi de jeter une oreille attentive et des neurones dévoués ! On fonce !

Ce que je connaissais brièvement de Corpus Diavolis, et qui m’attirait tout de même bien, était les visuels. Que ce soit les artworks ou le côté old school assumé par la formation, à grands renforts de corpse paint et de costumes mélangeant iconoclasme et démoniaque, j’étais particulièrement sensible à ce maintien coute que coute d’une imagerie qui apparaitrait désuète au regard des nombreux autres groupes qui inondent le label par l’aspect moderne de leurs imageries. Au moins, Corpus Diavolis trempe dans l’old school pour mon plus grand plaisir, moi, le nostalgique d’une certaine époque. Voilà donc un bref résumé du décor proposé par la formation marseillaise ! On retrouve ainsi ce qui fait le Blasphème avec un grand B : les personnages un brin difformes et la tête recouverte d’un drap blanc immaculé, la femme nue dans une position provocatrice et lascive portée par les dits personnages, qui s’offre manifestement à un démon supérieur qui rappelle bien évidemment Baphomet, que ce soit sexuellement et sous forme sacrificielle, tandis qu’elle porte une calice remplie probablement de son propre sang, avec le serpent qui s’en va gouter le breuvage cramoisi. On notera également, détail qui tranche avec le précédent méfait, que l’artwork est en noir et blanc sauf le sang, élément classique que l’on retrouve chez les non-moins géniaux Archgoat par exemple, coutumiers de ce style d’artwork. J’ai l’impression par ailleurs que le groupe semble revenir un peu à des racines encore plus « classiques » si l’on compare les deux derniers albums, visuellement. Là où « Apocatastase » était coloré, bien graphique tout en gardant les codes nommés en haut, pour parer « Elixiria Ekstasis« , on fait une sorte de rétro-pédalage. Et j’y suis sensible parce que comme je le disais, étant un léger nostalgique d’une époque ancienne du black metal, de voir que malgré cette deuxième vague qui submerge la belle époque et qui fait la part prioritaire au moderne, certains groupes résistent et persistent à proposer des approches beaucoup plus old school, cela ne me laisse aucunement indifférent ! Et j’ai fortement envie de faire le choix du cœur en vous arguant que cet artwork me plait beaucoup. Les codes peuvent paraitre vieillissants, mais quand on connait le black metal, on applaudit des deux mains comme on dit. C’est ce que je fais pour Corpus Diavolis ce soir.

Vous le sentez venir ? Après les quelques allusions à la nostalgie ? Eh bien, vous avez raison. Corpus Diavolis se situe sur la belle pente éternelle pour moi du black metal mais pas que. C’est à dire que l’approche musicale globale demeure largement old school, cela ne fait aucun doute là-dessus puisqu’il y a une abondance de riffs en blast beat, la guitare rythmique qui distille les ambiances malsaines au possible, la guitare lead qui s’amène sur ce son nasillard et froid, ultra incisif comme on n’en fait plus. D’emblée, ce qui m’a frappé dans la première écoute de ce « Elixiria Ekstasis« , c’est qu’il y a du Gorgoroth (mais en mieux) en particulier dans la voix et dans l’alternance de rythmes qui se situent sur de la lenteur extrêmement oppressante et dans une rapidité plus conventionnelle ; il y a parfois un peu de Behemoth aussi mais plus dans la sphère des premiers-milieux albums. Et surtout, il y a ce chant qui m’évoque un peu quelques passages à la Dimmu Borgir, avec ce côté extrêmement incantatoire, pas forcément en high scream d’ailleurs, plus sur des déclamations maléfiques. Tout ce conglomérat de références peut-être scabreuses étayent en tout cas l’idée que je me faisais de l’approche musicale de Corpus Diavolis. A savoir un côté bien ancien, reprenant des codes qui pourraient être critiqués aujourd’hui au regard de la dimension mainstream des formations que j’ai citées, mais si on s’écarte de cette dimension hasardeuse, on s’aperçoit facilement qu' »Elixiria Ekstasis » est un groupe qui transpire la bonne époque. Et j’ajouterai que ce n’est pas pour rien que j’ai cité des formations qui ont pour au moins deux d’entre elles une certaine propention à aller titiller des riffs death metal, ou blackened death metal. Parce qu’il y a tout de même une certaine lenteur rythmique et une lourdeur qui ne laisse pas non plus trop de place à cette possibilité d’association entre le black metal et le death metal. Association qui a déjà à de maintes reprises fait ses preuves par ailleurs. Je découvre ainsi un album très bien composé, avec des atmosphères pleinement malsaines, très poussées sur le démonisme et l’aspect spirituel de la musique extrême. Avec évidemment ce qui faisait la beauté de ce black metal agressif et racé, doublé de quelques apports death metal, allant donc sur une sorte de mélange blackened death metal. Il est à noter que, soucieux surement d’aller encore plus loin dans l’authenticité de cet aspect démoniaque, le groupe apporte des pistes ambiantes, quelques instruments orientaux et des choeurs chamaniques très puissants. Au final, en première écoute, on se laisse totalement envouté par « Elixiria Ekstasis« , qui est un album harmonieux et puissant à la fois. Agressif et incisif au possible, touchant au blasphématoire comme ligne de conduite principale, allant sur une musique qui se veut extrême mais pas pleinement pour laisser place à des ambiances terrifiantes, pour sûr que Corpus Diavolis est un groupe qui ne laisse pas indifférent, quitte probablement à surfer sur de possibles censures sur Internet. Mais on en redemande ! Et être capable de proposer un album en écoute intégralement fluide, c’est assez rare pour être souligné. Nous sommes ainsi en présence d’un très bon album, à tous les coups !

Mais ce qui m’a frappé, au-delà de la musique bien efficace et transpirant les temps plus anciens, c’est la production de l’album qui joue selon moi un rôle encore plus majeur dans l’élaboration de cette dimension old school. Parce qu’on retrouve des ingrédients essentiels avec ces guitares bien incisives, cette batterie bien lourde et un chant bien moins prenant en termes d’intensité vocale, mais très impressionnant par sa présence et son côté cérémonieux. En outre, il y a cette agressivité que l’on retrouve assez peu finalement dans un registre black metal sauf quelques albums, la majorité old school allant sur une production plus raw, bien garage. Ici, Corpus Diavolis joue sur la sphère malsaine avec ce spectre sonore bien occupé, bien englobé par les guitares. Il y a comme une sorte de jeu sur les basses fréquences, et c’est là peut-être la clé de ce son très caractéristique que j’adore. S’agissant ensuite des autres instruments, j’apprécie d’avoir une batterie un brin plus lourde y compris dans les moments de blast beat, pour amener ce côté plus épais avec la basse, donnant donc cette coloration plus death metal qui sied parfaitement avec les riffs proposés. La difficulté résidant dans les rajouts plus orientaux et ambiants, particulièrement prenants et qui me font parfois penser à la même patte artistique que Haiku Funeral, et qui s’embriquent idéalement avec la musique. Il y a un vrai jeu de proposé sur les ambiances cérémonieuses et démoniaques qui ne me laisse pas du tout indifférent, bien au contraire ! J’y suis très sensible. Cela plante le fameux concept-album dont je suis très friand, et cela me permet surtout d’affirmer qu' »Elixiria Ekstasis » est un album doté d’une production totalement bluffante et efficace. Redoutable même !

Je pense que la beauté musicale de cet album réside aussi dans son concept. Véritable ode à la luxure, encensant le Diable dans sa dimension la plus perverse et corrompant les âmes pures, le tout sur un versant hiératique total, on serait tenté par moment, nous qui baignons dans une société qui amène des moeurs plus légères dirons-nous, de rire de ce genre d’approche. Mais là où Corpus Diavolis est décidément un groupe très fort, c’est qu’il joue de cette luxure dans sa sphère la plus diabolique. Avec donc toute l’approche musicale que je décrivais plus haut, les textes associés aux imageries d' »Elixiria Ekstasis » offre cette malsanité morale et cette débauche spirituelle, avec des références quasiment charnelles, sexuelles, et sacralisant tous les pêchés dans une sorte de liturgie orgiaque. J’ai en mémoire le morceau de Dark Funeral « My Latex Queen », morceau surement tourné en dérision mais qui touche du doigt ce que je dis. Que l’immoralité est un sujet qui a toujours guidé les groupes de metal extrême, en particulier justement les groupes de black metal et death metal. Et je ne suis pas spécialement surpris de la conception d' »Elixiria Ekstasis » autour de cette ecclésia solennelle à la gloire de la corruption des âmes. Ce n’est pas en général le concept qui m’attire le plus car trop souvent tourné en exagération ou en dérision, surtout dans le metal… Mais Corpus Diavolis m’a tout simplement fait balayer mon scepticisme rien qu’à la découverte du clip officiel partagé ci-contre. Rarement le concept du pêché aura été aussi bien représenté dans une entité musicale. Un grand chapeau donc à nos musiciens marseillais qui ont su trouver la recette parfaite pour illustrer ce concept, avec un équilibre entre l’exagération théâtrale et le sérieux liturgique qui force l’admiration. Excellent boulot !
PS : c’est drôle. Trois sorties chez les Acteurs de l’Ombre Productions en 2024, trois sorties qui traitent de spiritualité et de la relation à une représentation divine.

Passons désormais au chant présent sur « Elixiria Ekstasis« . Un chant qui se situe sur deux polarités majoritaires : une technique en high scream assez classique mais retouché avec une telle proportion que cela en devient très psychédélique presque. Et cette fameuse technique dominante dans un chant très ritualiste, avec des déclamations diverses, comme si ce dernier animait une sorte de sacrifice ou un prêche maléfique. Le tout est exécuté de fort belle manière même si je déplore un peu le côté exagéré des retouches au chant. On croirait que ce dernier a été exagéré exprès, mais pour moi cela dénature fortement le chant à certains endroits. Du reste, je n’ai rien de plus à rajouter concernant ce dernier. L’ensemble demeure quand-même de fort belle facture.

Pour conclure, Corpus Diavolis sort ce vendredi son cinquième album nommé « Elixiria Ekstasis » chez Les Acteurs de l’Ombre Productions. Un cinquième album qui se situe sur ce qui me semble être une belle évolution artistique, puisqu’avant de rédiger la conclusion, je me suis amusé à écouter le premier album. Force est de constater qu’il y a eu du chemin parcouru dans le bon sens du terme car « Elixiria Ekstasis » est un album excellement bien produit, hormis ma lègère réserve sur les retouches au chant. Mais la bestialité profonde de ce black metal à la limite du blackened death metal associé à la dimension écclésiastique et luxurieuse de la musique, guidée par des ajouts ambiants et une imagerie centrée sur des cérémonies en mémoire du Diable, font que ce cinquième album est selon moi non pas un aboutissement mais la confirmation de l’importance des marseillais dans le paysage black metal français. Quoique plus discrets que certaines sorties récentes, il n’en demeure pas moins que cet album mérite toute notre attention tant Corpus Diavolis pousse à son paroxysme son concept diabolique et orgiaque. Une ode à la débauche sur fond de démonisme.

Tracklist :

1.     His Wine Be Death     07:52
2.     Key to Luciferian Joy     05:16
3.     Carnal Hymnody     06:08
4.     Cyclopean Adoration     09:59
5.     Vessel of Abysmal Luxury     07:48
6.     The Golden Chamber     05:03
7.     Menstruum Congressus     04:46
8.     Enfleshed in Silence     01:09
9.     Chalice of Fornication     09:59

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