Bleeding Eyes – Golgotha

Le 18 septembre 2020 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Tommaso Mantelli : effets sonores Lorenzo Conte : batterie Marco Dussin : basse Simone Tesser : chant Jason Nealy : guitare Nicola Anselmi : guitare

Style:

Sludge metal

Date de sortie:

31 juillet 2020

Label:

Go Down Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

« Il est difficile de douter de la sincérité des yeux qui pleurent et des coeurs qui saignent. » Frère Gilles

Décidément, le sludge metal est un genre qui me fascine de plus en plus. Il y a cette once de noirceur que l’on attribue à tort au black metal mais qui n’est qu’une façade. Je me rends compte, au fil des années, que le mythe autour de la pseudo-noirceur du black metal n’est qu’un camouflet désuet. Souvent, l’on me parle du satanisme dans le black metal, je leur réponds que la majorité du temps (pour ne pas dire l’écrasante), il s’agit ni plus ni moins que d’un spectacle. D’une scénographie plus qu’un réel intérêt pour cet ersatz de religion. Autant dire que les légendes autour de ce genre me font aujourd’hui autant d’effet que si l’on me disait que l’on pouvait jouer du violon en pissant dessus. Il n’en demeure pas moins que j’aime toujours autant le style, que dis-je! L’empreinte black metal dans le monde musical. Mais je m’aperçois à présent qu’il y a un style de musique dont l’historique n’a pas pris une ride et donc la noirceur est probablement la plus sincère, la plus dérangeante et surtout la plus réaliste qui soit. Et ce style, vous l’aurez compris, c’est le sludge metal. Et ce n’est pas la chronique du dernier Bleeding Eyes qui me fera énoncer l’inverse!

Alors, pour ceux qui l’ignoreraient, Bleeding Eyes est un groupe né en 2002 à Trévise, en Italie. Seul le batteur demeure à ce jour le membre fondateur d’une formation qui a compté jusqu’à 2011 de multiples changements de line up, en particulier aux postes de guitaristes. Le chanteur est quant à lui présent depuis 2007 et le bassiste depuis 2003. Cela n’a pas empêché le quintet de sortir quatre albums en comptant Golgotha, deux démos et un EP. J’ai remarqué deux choses intéressantes, à des échelles déséquilibrées : la première est le nom de la première démo qui m’a appris le mot « autolésioniste » que je ne connaissais pas et dont je n’ai trouvé aucune définition (mais qui est un mot utilisé assez souvent), et la seconde est qu’il s’est écoulé sept ans entre le premier et le deuxième album. Un groupe dont l’on peut penser qu’il a mis du temps à trouver son identité musicale, ce dernier oscillant d’après Metal Archives entre du metalcore, du doom et du sludge, ce qui notamment entre le premier et les autres n’ont rien à voir. Ne sachant pas tout cela, je suis parti sans a priori du tout, j’ai fait peau neuve comme on dit et j’ai foncé sur l’écoute de cet album prometteur.

Prometteur par l’artwork pour commencer et par le nom de l’album. Vous savez peut-être ce qu’est « Golgotha », c’est à dire le nom de la colline où était, selon les évangiles, crucifié Jésus Christ. Appelée également mont du Calvaire ou Lieu du Crâne, c’est surtout une forte définition symbolique que ce soit d’un point de vue sémantique ou religieux. Quoi de plus allégorique que de personnifier la noirceur ou la souffrance de la musique par la représentation biblique du lieu où Jésus a subi son calvaire? Le fait, donc, d’appeler son album Golgotha m’a d’ores et déjà mis la puce à l’oreille et j’ai trouvé cette représentation graphique où l’on voit une sorte de champ de ruines après une bataille plutôt bien opportune. C’est d’une grande intelligence d’associer Golgotha avec un paysage de désolation pareil, où l’on devine une bataille féroce et des milliers de pertes humaines. Cette teinte de gris est d’autant plus dérangeante qu’elle ne laisse aucune place à la couleur et donc aux possibilités. La nuance de gris est typique d’une volonté d’imposer aux autres une nuance « unique », sans jeu de couleur possible. C’est donc encore une utilisation très métaphorique de l’artwork, rendant ce dernier artistiquement et esthétiquement intéressant. Très attirant et plein de sens, voilà exactement les qualités que j’aime dans une pochette de CD et Bleeding Eyes a volontairement ou non rassemblé tout ce que je trouve de logique pour parler de misère, de nihilisme ou de noirceur profonde. Beau boulot, j’adore!

Lors de mes débuts en tant que chroniqueur, j’avais fait l’album This Fall Shall Cease du groupe belge Lethvm. J’avais déjà touché du doigt un sludge metal très teinté de pessimisme et de noirceur. Avec celui de Bleeding Eyes, j’ai définitivement trempé mon bras jusqu’à l’épaule et je n’ai pas du tout eu envie de l’en sortir! C’est monstrueux. Rien que la première composition débute avec une telle noirceur et un jeu de son tellement flippant que j’en ai été fasciné, hypnotisé et glacé d’effroi. La musique des italiens est redoutable, ne laisse personne indifférent et choque par sa capacité à insuffler du pessimisme et du Chaos jusqu’au plus profond de notre être. Ce qui est d’autant plus frappant c’est qu’à la différence avec Lethvm, il n’y a pas réellement de dimension personnelle. J’ai plus le sentiment que Bleeding Eyes dénonce, accable et martèle ses opinions plus que ses états d’âme. Mais ce qui les
rassemble et m’assaille, se situe dans l’extrême négativisme qui dégouline partout et en excès! Autant vous avez des sludge à la Mantar par exemple ou Sidera qui surfent sur une mouvance punk mais néanmoins mélodique et qui, par-là, amène un semblant d’optimisme et de plaisir à l’écoute, autant vous avez les exemples de Lethvm ou, présentement de Bleeding Eyes qui mettent l’accent sur le doom bien lourd et ce fameux son « boueux » si je puis dire, qui donnent une sensation de poids incompressible sur nos épaules bien frêles pour affronter cette musique. La première écoute me laisse donc le sentiment d’avoir le ciel qui m’est tombé sur la tête, m’écrasant de ses nuages noirs et de son atmosphère sinistre. Je me doutais que le groupe jouerait la carte de la désolation et de l’opprobre, j’étais loin de me douter que l’ampleur n’en serait que plus immense.

Le fameux son « boueux ». Je n’ai jamais réussi à trouver un adjectif suffisamment parlant pour évoquer le son si particulier et si reconnaissable du sludge. Cette impression que la guitare (car généralement il n’y a qu’elle) est doublé, triplée, quadruplée, alors qu’en fait elle est seule. La faute à un son d’une épaisseur exagérée mais toutefois changeant. Ce qui est d’autant plus primordial puisque la batterie et la basse – quand il y en a une – n’amènent pas d’épaisseur, ou bien peu, donc c’est la guitare qui englobe le tout et épaissit l’ensemble. Vraiment très particulier comme son, et Bleeding Eyes ne déroge pas à la règle du tout! Le son de l’album est excellent. J’adore comme je disais par exemple le premier morceau et cette montée en puissance très progressive et qui est ultra puissante par ce son qui lancine l’auditeur. Quand les passages s’accélèrent, on retrouve cette couche très dense également donnant une grande homogénéité à l’album. C’est tout le talent de Bleeding Eyes qui parvient à cette alternance de composition tout en gardant le même son, le tout sans que ce soit choquant.

Pour ce qui est des pistes, là encore je loue le travail qui a été fait, et de fort belle manière! La musique est assurément une valeur sûre du genre, et probablement que Bleeding Eyes est l’un des groupes phares, sinon à en devenir, du sludge metal. Le CD est composé de deux parties, la première ayant à son actif quatre morceaux, la seconde n’en a que trois. Il aurait été difficile de les dissocier tant cet album est limpide à l’écoute. La faute à cette fameuse alternance de passages mi-ambiants mi-doom, et de riffs plus agressifs. Gare toutefois ami(e)s lecteur(e)s, si vous cherchez de la sophistication, vous serez déçus. Il n’y en a pas, la musique des italiens est brute de décoffrage, les riffs sont plutôt basiques y compris les parties batterie qui pourraient être plus techniques mais qui sont au final très simples. Je savais que le genre sludge n’était pas très raffiné et donc, je ne fus pas surpris, au contraire! J’aime ce genre pour cela, c’est un style de musique « reposant » dans le sens où il n’y a pas d’analyse compliquée à faire, si tant est que vous êtes comme moi et que vous décortiquez le plus de queues de crevette possibles quand vous écoutez un CD. J’ai par contre adoré les débuts de morceaux qui sont incroyablement bien faits, un modèle du genre! C’est une donnée trop négligée que l’importance d’une telle entrée en scène dans un album, et je trouve que Bleeding Eyes a mis l’accent dessus et a très bien fait car ces introductions de morceaux donnent une véritable atmosphère dantesque, « enférique » ou tout simplement apocalyptique. En quatre mots : simple mais redoutablement efficace!

Le chant, quant à lui, est une autre valeur sûre de l’album par son originalité. Je n’ai pas trouvé de références qui se rapprochaient suffisamment près de celui-ci, à peine entrevois-je un peu de Triptykon. En fait, on n’est pas vraiment sur du chant oblitéré sludge, c’est ce qui est vraiment super. On dirait plus une sorte de « discours », une déclamation devant un public plus qu’un vrai chant, conférant à l’album une dimension que je n’avais pas perçue tout de suite mais qui fait totalement sens : une dimension politique. Je pense que Bleeding Eyes axe son concept album sur une métaphore pessimiste de la société actuelle et cela est directement lié au genre. Golgotha serait donc une ode à cette société qui se meurt et qui est corrompue, voire couverte de fange. Ce que je trouve de si marquant dans le chant se situe sur deux points : la bascule entre des textes en anglais et en italien, et l’effet sonore. Pour le premier point, n’ayant pas eu accès aux textes je ne peux le confirmer pleinement mais j’ai cru entendre des mélanges dans les chansons d’anglais et d’italien, ce qui dénote et qui amène une touche encore plus importante dans cette démarche supposément politique du groupe. Et l’effet sonore qui fait penser à une voix dans un hurla phone, avec un effet particulier, est très original. J’aime également la technique du chant qui n’est en rien exagérément extrême, plutôt calme comparé à ce que propose le genre sludge ou le metal en général. Bref, vous l’aurez compris, j’adore le chant et je pense que c’est un des gros points forts de l’album Golgotha.

Je me dois de conclure cette chronique, aussi vais-je mettre un point final avec un élan d’enthousiasme pour ce quatrième album du groupe Bleeding Eyes qui s’impose selon moi comme une très grande réussite. Le genre sludge a de très beaux jours devant lui avec des formations aussi douées que nos habitants de Trévise, et outre cet univers d’une grande noirceur et annonçant un obscurantisme profond de notre société, la musique est tout simplement efficace sans être recherchée, et c’est tout ce que l’on demande! Avides de techniques, passez votre chemin! Golgotha est un album sans fioriture, juste là pour vous secouer les neurones et injecter dans vos vaisseaux sanguins cette quintessence de dépression et de pessimisme. Pas de technique à outrance, pas de son sophistiqué, pas de chant alambiqué, juste de la vérité, de l’authenticité et de la bestialité. Bref, tout ce qui manque à l’être humain. Excellent album.
PS : par contre j’aurais bien aimé que le groupe sorte un format CD, et pas que vinyle. Cela devient pénible cette mode…

Tracklist :

Partie 1
1. In principio
2. Le chiavi del pozzo
3. 1418
4. Del pozzo dell’abisso
Partie 2
5. Confesso
6. La verità
7. Inferno

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