Auðn – Vökudraumsins Fangi

Le 12 janvier 2021 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Andri Björn Birgisson : guitare
  • Aðalsteinn Magnússon : guitare et chant
  • Hjalti Sveinsson : chant
  • Hjálmar Gylfason : guitare
  • Matthías Hlifar Mogensen : basse et guitare
  • Sigurður Kjartan Pálsson : batterie
  • Invités :
  • Arnaldur Ingi Jónsson : Orgue sur “Næðir um “and “Horfin mér”
  • Magnús Jóhann Ragnarsson : Grand piano et Mellotron sur “Næðir um” and “Vökudraumsins fangi”

Style:

Black Metal Atmosphérique

Date de sortie:

30 octobre 2020

Label:

Season of Mist

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

« Beaucoup des choses que l’on fait ne le sont que pour faire plaisir aux autres. » Björk

J’ai le sentiment de me répéter quelque fois dans mes introductions, mais à chaque fois que je découvre un groupe de la scène islandaise, je suis comme un gosse. C’est un pays qui me fascine déjà par ses paysages, son climat insulaire et cette sérénité qui s’en dégage, du moins de ce que l’on veut bien nous montrer. Mais aussi parce qu’il y a un concentré restreint de groupes de plus en plus bons! Représentez-vous bien ce petit pays qui baigne au milieu de l’océan Atlantique, tout près du Groenland, un peu comme une étoile isolée dans l’immensité du ciel. Le genre de pays avec peu d’habitants, où pour ainsi dire tout le monde se connaît, et qui par cette promiscuité presque forcée, se bonifie davantage avec les années. Musicalement parlant, je ne vais pas refaire la liste des groupes ultra talentueux qui fourmillent et que j’écoute avec toujours autant de frénésie, mais rarement j’ai été déçu par un groupe venu d’Islande. Comme s’il y avait ce supplément d’âme qui manque à des pays plus développés sur le plan artistique, et qui saccage le formidable potentiel qu’ils ont dans leurs entrailles. Et vous savez ce qui est le meilleur dans l’histoire? C’est que chaque choix de groupes à faire en chronique étant le fruit d’un détail parfois insignifiant, rarement le dit détail est le pays d’origine. Voilà pourquoi en ce jour, je suis très content de partir virtuellement et de nouveau pour l’Islande avec le groupe Auðn et son album Vökudraumsins Fangi.

Auðn, outre le fait que le nom doit être copier-coller pour écrire la chronique vu qu’on n’a pas accès sur nos claviers à certaines lettres que l’on trouve dans la langue islandaise, est un groupe qui vient d’un petit village du sud de l’Islande appelé Hveragerði, ce qui change un peu des groupes provenant de la capitale Reykjavik. Ayant jeté ses premières bases musicales en 2010, le groupe peut se vanter, outre la sortie de trois albums, d’avoir écumé à partir de l’année 2016 une bonne partie de l’Europe, soit en première partie prestigieuse des groupes Gaahl’s Wyrd ou The Great Old Ones, soit avec certains des plus gros festivals européens comme le Summer Breeze ou l’Eindhoven Metal Meeting. Un groupe montant, digne futur représentant de cette scène musicale fabuleuse, qui sort son troisième album chez Season of Mist (rien que cela). Dix années pour arriver après trois albums à gravir les échelons aussi bien, je me dis que l’album doit être très prometteur également, ce Vökudraumsins Fangi me fait trépigner d’avance.

D’autant plus que la pochette est splendide. Sur sa conception, cet effet peinture avec ce paysage forestier et cette eau, probablement un petit lac, baignée d’une intense luminosité rougeâtre qui me fait plus penser à du sang qu’un réel paysage de soleil couchant (plein de symboles donc), me font immédiatement penser à la beauté légendaire de l’Islande, mais pas que! On a sûrement une volonté de la part d’Auðn de montrer un faciès plus sombre de ces paysages milles fois admirés, une part d’ombre que l’on ne soupçonne pas, nous occidentaux. Il faut en effet se rappeler que le climat polaire de l’Islande en fait un pays rude, avec sûrement des hivers très longs et des nuits itou. La vérité est que les conditions de vie sont beaucoup plus propices à des moments de solitude extrêmes, ou des profondes dépressions saisonnières. Après, vous me direz, les habitants ont l’habitude! Mais je trouve cela courageux de montrer que non! L’Islande n’est pas qu’un pays où il fait bon vivre. Si toutefois c’est le but recherché. Si l’on traduit le titre, on trouve « prisonnier des rêves », il y a donc une grande part possible de miser dans la dualité illusion/désillusion, et j’aime bien cette représentation bien philosophique que l’on retrouve d’ailleurs chez pas mal de groupes de là-bas comme le très connu Solstafir. En tout cas, si le but est de nous emprisonner dans les illusions éternelles, cet artwork en est une première arme massive. Un très beau travail de fait par le ou la nommé(e) Mýrmann, plein de métaphores et de possibilités d’interprétations, qui me laisse pantois d’admiration.

La musique est rapidement facile à identifier puisqu’elle se situe dans la lignée encourageante du même nommé Solstafir, c’est à dire une musique qui circule aisément sur les lignes de l’atmosphérique. La base me fait penser d’ailleurs aux premiers albums du dernier nommé, c’est à dire sur un versant black metal marqué. En même temps, quel style de musique représente le mieux à ce jour la froideur incandescente des âmes torturées, en perdition? Il coulait de source que la musique serait rude comme le climat polaire l’est, et la touche atmosphérique devient plus une marque identitaire prononcée désormais dans cette petite île isolée. La musique s’écoute posément, en regardant le paysage qui défile par un train (ce que je fais présentement), et est propice donc au voyage, à la découverte mais aussi à la survie. Parce que les ambiances ne sont pas joyeuses à l’Of Monsters and Men, du tout! Elles sont glaçantes, souffreteuses et chaotiques. Pas le froid que l’on connaît trop bien d’un black metal old school, à la limite du diabolique. Un froid encore plus grave, plus intense, celui de l’âme en peine, l’âme errante. Une première écoute qui m’a littéralement transporté, fait léviter et donc assurément, je ne me lasserais que très tardivement, pour ne pas dire jamais. Bonne première pioche donc!

La faute, on peut facilement l’affirmer même avec une oreille inexpérimentée, à une production quasiment sans faute. Le son fait la part belle à une sphère aérienne et planante, typique d’un (black) metal atmosphérique. Quand il porte bien son nom, la musique fonctionne non pas comme un rouleau compresseur, mais comme une sorte de traînée lumineuse qui vous transporte par les airs d’un point froid à un autre. Comme si vous voguiez d’un sommet à l’autre avec légèreté, mais en vous prenant le froid et le blizzard dans la figure. Le son amène donc ce principe qui parvient subtilement à mêler la part planante de l’atmosphérique avec un côté agressif que l’on trouve quand on prend le vent du Nord dans le visage. Le son est hyper important dans ce genre d’ambition musicale, et Auðn a réussi haut la main cette première étape importante! Le travail en studio est féérique, et là ne fut pas ma surprise de voir le nom du gars qui a mixé et masterisé l’album. Une des rares personnes dont j’admire sincèrement le travail : Jens Bogren! Normal donc que le son me plaise, ce qui est encore plus incroyable c’est que je connaissais Jens Bogren pour son travail incroyable dans les albums death mélodique, pas dans le black atmosphérique! Je suis scotché encore plus après cette découverte, quel maître!

La force de cet album est que l’on peut l’écouter plusieurs fois d’affilée sans éprouver de fatigue psychique autre que les émotions qu’Auðn a bien voulu nous partager, c’est à dire une détresse. La détresse est selon moi le maître mot de ce Vökudraumsins Fangi, et c’est en cela que le boulot qui est fait en composition a été l’une des pierres angulaires et fondatrices de ce troisième album. Que ne fut donc pas ma stupéfaction de voir que les musiciens studio était au nombre de six, avec notamment trois musiciens dédiés aux parties guitares, ce qui est rare pour être souligné. Comme si le groupe n’avait rien voulu laisser au hasard et s’était donné plusieurs oreilles pour façonner avec soin ce Vökudraumsins Fangi. J’étais déjà aisément convaincu de l’immense boulot qui a été fait pour composer ce troisième CD, je suis encore plus sûr de dire que non seulement c’est le cas, mais à un point rarement vu dans la construction d’un album. Après, la question est : qui compose réellement cet album? Est-ce tout le monde, ce qui m’apparaît peu probable, ou est-ce un seul et même cerveau génial? En tout cas, il n’est pas risqué de dire que les compositions, d’une longueur moyenne de cinq / six minutes ce qui est raisonnable pour un groupe de black metal atmosphérique, sont extraordinaires. Avec une alternance intelligente de parties typiques avec un mélange comme je citais plus haut de planance et d’agressivité froide, et de passages en clean plus posés, plus propices à l’onirisme comme suggéré par le titre de l’album. Comme quoi, on peut trouver LE titre parfait pour décrire sa musique : prisonnier et donc révolté, et rêveur à la fois. Excellent travail de composition, rien à redire de plus.

Il en va donc de soi d’affirmer également que les musiciens sont talentueux, n’est-ce-pas? Je pense qu’on est tous d’accord pour le dire, sans pour autant aimer la musique parce qu’elle n’est pas non plus accessible à tout le monde. C’est d’ailleurs entre parenthèse une démarche étonnante de la part de Season of Mist de proposer sur son roster un groupe qui serait « moins commercial » que suggérerait la réputation du label. Mais tant mieux, on ne va pas bouder notre plaisir! Parce qu’outre la musique, sans rentrer dans des détails techniques pompeux que moi-même je ne maitrise pas forcément, je peux dire qu’oui! Les musiciens sont très bons, maitrisent parfaitement leurs instruments et parviennent à en distiller la quintessence florale la plus envoutante. J’ai toujours été admiratif du talent de Solstafir pour trouver un moyen détourné d’utiliser ses instruments (d’où le côté post quelque chose), je pense qu’Auðn pourrait presque se targuer de faire dans le post-black metal au point où se situe l’utilisation des techniques de jeux. Mais restons sur l’atmosphérique, c’est beaucoup plus parlant pour décrire la musique! Musiciens talentueux donc, il aurait été certes dommage de passer à côté de ce constat, et donc de ne pas le mettre en avant, mais au vu de ma précédente description, était-ce bien utile? That is the question! (Comment? Quantum est en train de dire qu’il fait des paragraphes inutiles? Noooooooooooon, à peine!)

En vérité, ma seule légère insatisfaction se situait sur le chant. Bon, en lui-même, techniquement parlant, il n’y a absolument rien à redire, là encore le talent est bien présent cela ne fait aucun doute. Simplement, j’ai été un tout petit peu pris de court par le choix de la technique vocale. Elle oscille beaucoup plus sur ce qui se fait en ce moment, qui connaît son avènement avec des groupes de « black sludge » comme Uada ou Regarde les Hommes Tomber, et qui fait donc la part belle à des alternations de high scream bien black metal (et qui me semble être le meilleur choix de chant pour ce Vökudraumsins Fangi) et un peu surutilisation, selon moi, d’un chant sludge metal. Je veux bien reconnaître, étant un grand amoureux de sludge, que le style de chant est totalement approprié pour retranscrire une souffrance intérieure énorme, mais lorsque l’alternance est trop égale, je trouve que les parties chant ne se valent pas et la musique devient un peu trop lassante. Dans le cas d’Auðn, on n’en est pas là du tout rassurez-vous! Mais j’aurais trouvé encore plus incroyable de garder qu’un type de chant, cela aurait permis de rendre encore plus intense la musique aérienne mais glaçante. Là, cette alternance trop importante de ces deux types de chant ont tendance à faire sursauter, en exagérant un peu le trait. Voilà, il en fallait un, c’est mon seul motif négatif, mais ne vous en formalisez pas. Il est vraiment très très léger.

Les textes sont en islandais donc difficile pour moi de faire une rétrospective sans dénaturer, par une traduction foireuse sur Internet, le sens poétique qu’il en ressort. Donc, plutôt que de me lancer dans une interprétation tronquée, je vais en rester là pour cette fois-ci, du moins pour le sens. Parce que la langue islandaise étant une langue très poétique de base dans sa prononciation et sa phonétique, j’adore vraiment les textes. Et la prononciation, même si elle est screamée, est très belle et pleine d’intensité.

Je vais terminer ici ma diatribe, en me disant que ce troisième album d’Auðn aura réellement réussi à me faire voyager. Par son élaboration, qu’elle comprenne la composition, le travail remarquable fait en studio, et la volonté de nous faire pénétrer les limbes chaotiques d’une âme en perdition, ce Vökudraumsins Fangi est une véritable prouesse musicale à lui seul. Si vous êtes amateurs d’albums planants, mais aussi avec cette volonté de noircir le tableau idéalement onirique d’une méditation personnelle, vous conviendrez très vite que vous aurez un CD à ne surtout pas placarder trop vite chez vous. Il faut le poncer jusqu’à l’usure parce que non seulement il mérite qu’on l’épuise, mais en plus il est dans cette mouvance de groupes qui cherchent assurément à vous embarquer dans leurs états d’âme. Un album donc qui se partage en oreille à oreille avec les musiciens et vous. Un album extraordinaire de complicité donc, ce qui fait de Vökudraumsins Fangi une valeur montante, sinon sûre, du black atmosphérique. A ne pas rater!

Tracklist :

1. Einn um alla tíð (08:15)
2. Eldborg (04:08)
3. Birtan hugann brennir (05:33)
4. Verður von að bráð (05:50)
5. Drepsótt (03:16)
6. Næðir um (05:03)
7. Horfin mér (06:42)
8. Á himin stara (03:47)
9. Ljóstýra (05:54)
10. Vökudraumsins fangi (06:43)

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