Line-up sur cet Album
- Marquis de Lanuit : chant
- Baron Thomas Von Letscher : guitare, claviers, orchestrations, programmation
- Lord Matthieu Morand : guitare, claviers, orchestrations, programmation
- Tsar Andrzej : basse, choeurs
- Géraldine Gadaut : chant féminin
Style:
Metal IndustrielDate de sortie:
08 novembre 2024Label:
WormHoleDeathNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 4.5/10
“L’avenir, c’est la trahison des promesses.” Daniel Pennac
Je savais qu’un jour, j’allais y être confronté. Au fond de moi, j’espérais que cela n’arrive jamais, mais face à la déferlante, je me voilais idiotement la face. L’utilisation de l’intelligence artificielle dans le milieu artistique, je n’y suis pas totalement opposé, quand elle sert à « aider », je peux comprendre l’utilisation même s’il m’en coute beaucoup de le dire parce que cela reviendrait à un défaut de facilité déconcertant. Mais il faut se rendre à l’évidence, malgré mon côté naïf et optimiste sur la question : de plus en plus d’artistes vont utiliser l’intelligence artificielle dans la création de leur contenu (pléonasme). On a parlé récemment de JUL par exemple… Alors, dans un souci d’équilibre des opinions, j’essaye d’édulcorer mon opposition totale à cette utilisation pour composer de la musique ou pire, du visuel. Cependant, il faut comprendre les enjeux de l’immiscion, de l’ingérence même, de l’intelligence artificielle dans la musique. C’est la mort progressive des personnes authentiques, qui composent avec leur talent, leur mental et leur sueur ; c’est la fin des graphistes qui s’échinent à faire des pochettes ou des intérieurs de jaquette propres et uniques ; c’est le terminus inéluctable de l’Art. Car ne l’oublions pas : la musique coute chère. Je sais de quoi je cause, je suis moi-même musicien amateur et je sais qu’il faut aligner de l’oseille pour sortir un album « correct », le tout sans aucune garantie derrière de savoir s’il sera rentable ou tout simplement aimer. Mais depuis la nuit des temps, c’est ainsi ! Les artistes le savent très bien que c’est une passion qui essore financièrement ! Alors, pourquoi céder à la facilité ? Pourquoi se contenter d’un contenu qui n’est qu’un pâle mélange de ce qui s’est déjà fait avant, ce qui dénote une forme de plagiat manifeste ? Franchement, vous pourrez me sortir toutes les excuses du monde, qu’elles soient financières ou temporelles, je m’en fous. Il n’y a aucune excuse à utiliser l’intelligence artificielle dans un but mercantile (car c’est de cela dont il s’agit), et non d’aide. Bref. Je savais qu’un jour, j’allais y être confronté. Et j’ai décidé malgré tout de faire une chronique parce que je veux que cela serve d’exemple. Et puis parce que dans le cas présent, il s’agit de l’intérieur d’une jaquette et de quelques parties des textes, donc cela reste encore « potable ». Voyez ma mansuétude… Franchement. Donc, on va parler de Bowels of Suffering et de l’album nommé « (B.o.S) 2.0« .
Pourtant, sur le papier, quand le label WormHoleDeath a confié le CD promotionnel, cela partait plutôt bien ! Bowels of Suffering serait né, si j’en crois mes sources, en 1999 sur Nantes, apparemment lors des tempêtes Lothar et Martin, qui avaient crée un véritable chaos dans le pays. Mais le projet semblait en sommeil, presque noyé dans l’œuf, avant de sortir au grand jour vingt-cinq ans plus tard sous la forme d’un premier album nommé « (B.o.S) 2.0 ». On pourrait penser plusieurs choses à ces années très longues de mise en lumière : soit un manque cruel de temps ou d’inspiration, soit l’obsession d’un seul homme, probablement le nommé Baron Thomas Von Letscher qui semble être la figure de proue de ce projet conceptuel autour de la mort de la Terre dans un décor apocalyptique. En tout cas, ce ne serait pas le premier à mettre autant de temps à accoucher d’un album, mais avouons que le laps de temps aussi long est toujours sujet à questions. Quoiqu’il en soit, la découverte de l’utilisation de l’IA étant arrivée après l’écoute de l’album, la critique que je vais formuler n’a en aucun cas été influencée par la dite découverte nauséabonde. Je le précise parce que, comme beaucoup de premiers albums, « (B.o.S) 2.0 » souffrent de quelques maladresses… A suivre !
Alors, comme je le disais, l’IA je ne l’ai vue qu’après. J’ai donc fait un premier constat sur la pochette que suit, et après j’ai vérifié : ce n’est pas de l’IA mais le fameux Baron Thomas Von Letscher qui s’en est occupé, sans savoir pour autant s’il s’est fait aider ou non. Mais peu importe ! La pochette en elle-même est finalement assez simple dans sa conception, mais avec pas mal de sens cachés. On a un arbre dépourvu de feuilles qui s’élèvent et est mis en relief avec un nuage qui remplacerait le feuillage justement, et qui cache un soleil par le bas. On dirait même un cerveau, ce nuage ! Et le tout représente de manière métaphorique un champignon radioactif. La présence d’un triquètre, symbole celtique représentant le corps, l’âme et l’esprit de l’Homme, détourné ensuite par les chrétiens pour symboliser la trinité, est un peu plus étonnante quand on connait le concept global de « (B.o.S) 2.0« . En fait, on retrouve une sorte de dualité entre les forces de la Nature et l’invasion de l’Homme dans cet environnement qui conduirait à sa perte. C’est un concept assez réchauffé d’ailleurs, qui n’éveille pas tant que cela la curiosité tant l’idée d’un décor post-apocalyptique voire pendant ou avant, a déjà été usé jusqu’à la toile. Mais cela reste efficace, sans briller d’originalité. Maintenant, j’ai un peu de mal à me détacher de l’idée que l’artiste s’est potentiellement fait aider par l’IA sur ce coup-là tant la métaphore est poussée. Mais concernant la pochette, cela demeure une hypothèse.
L’intérieur de la jaquette en revanche, qui représente les protagonistes en costumes graphiques post-apocalyptiques voire en « super-héros »… C’est purement et assurément de l’IA ! J’ai vérifié, les trois logiciels de reconnaissance sont incontestables : à 99% voire 100 % pour l’un, c’est de l’IA. Et c’est là tout le problème : le groupe et le label n’ont aucunement assumé cela, nulle part ! Je suis même très étonné que le peu de chroniques effectuées dans le monde du webzinat n’aient pas pointé cela. Donc pour moi, cela relève clairement de la malhonnêteté intellectuelle, on a fait comme si « l’air de rien, cela passe » et sans se formaliser d’une quelconque once de moral pour prévenir. Je trouve cela totalement scandaleux. Franchement, j’interroge le protagoniste principal de Bowels of Suffering : il n’y avait pas moyen de faire autre chose ?… Ou de payer un graphiste comme n’importe quel artiste avec un soupçon de moralité l’aurait fait ? J’ai honte pour toi. Vraiment. Et je te l’avoue : cela m’a retourné le cœur de voir cela. Je plaide pour une erreur de quelqu’un de totalement immature, ou de maladroit, et j’espère que le prochain album corrigera le tir. Je surveillerai, crois moi.
C’est d’autant plus dommage que musicalement, même si cela ne casse pas des briques, c’est quand même pas mal ! Fort d’un metal industriel sur le papier, c’est une musique avec quelques richesses supplémentaires que je m’apprête à décrire. Le metal industriel est présent via l’utilisation de samples qui constituent par ailleurs la plus importante des parties du gâteau, les parties metal étant plus au service de la rythmique et de la lourdeur globale de la musique de Bowels of Suffering. Lourdeur qui prend un sens très ambiante et dramatique, avec des atmosphères de fin du monde et un brin « démoniaque » parfois, sans pour autant laisser place à un vrai chaos conceptuel et sonore, la musique étant très structurée et logique, déroulant un récit avec une certaine cohérence. On sent en fin de compte que « (B.o.S) 2.0 » est un véritable album concept, et que l’écoute, si elle était très réussie, serait harmonieuse. J’avoue qu’à titre personnel, je n’ai pas très bien accroché à l’ensemble. Pourtant, je trouve des comparaisons possibles avec des groupes comme Mushroomhead ou de légers apports de Misanthrope, voire des groupes moins connus comme Tungs10 qui est plutôt sur un versant steampunk plus prononcé. Comme j’adore Mushroomhead, groupe qui n’est pourtant pas simple à digérer, je pensais que cela allait le faire. Mais finalement, je trouve que cela manque un peu de profondeur dans la composition. On est sur quelque chose de faussement travaillé, élaboré, un peu trop naïf voire débutant à mon gout. On sent que fondamentalement, c’est un premier album, malgré les années potentielles pour maturer le projet et le rendre abouti, il y a encore un certain manque de recherche et de profondeur musicale qui fait que ce metal industriel, qui devrait avoir un potentiel de richesse sonore infini, reste sur des bases trop primaires, pas forcément old school en plus, pour se démarquer pleinement. La faute probablement à un concept qui a déjà été vu, revu, et re-revu dans beaucoup de groupes avant Bowels of Suffering, et que même l’utilisation de certains samples ne permet pas d’en gommer le manque d’originalité. C’est le souci quand on piétine des plates-bandes, on se retrouve à tourner en rond, à faire du réchauffé et donc à lasser d’une certaine manière l’auditeur qui a déjà abordé ces thématiques avant. Ce n’est pas faute d’avoir des musiciens qui tiennent la route, ils sont bons dans ce qu’ils font, ce n’est pas le problème. Mais simplement, en première écoute, on a le sentiment d’avoir déjà entendu plein de fois cette musique metal industriel auparavant.
Encore plus dommage que la production est bonne ! Soignée pour un premier album, il faut bien le dire mais avec une défaillance dans l’épaisseur sonore. Je trouve que Lord Matthieu Morand, qui s’est occupé de mixer et finaliser l’album, a fait du bon boulot. On sent que les instruments sont bien en place, que les samples occupent une place prépondérante dans l’ensemble instrumentale et l’écoute se veut harmonieuse. J’aurais néanmoins vu un son plus épais, plus « puissant », histoire de corriger les riffs un peu mollassons sur les bords et d’amener un côté musique instrumentale (type bande sonore) qui aurait permis d’avoir une assise plus confortable dans l’écoute. Peut-être un défaut dans le mastering plus qu’autre chose, tant le mixage me parait opportun. Même les voix sont bien représentées, juste ce qu’il faut sauf sur certaines tessitures mais cela, on le sait, c’est un défaut inhérent à l’accordage des instruments et l’occupation du spectre. Le tout aurait ainsi mérité d’être gonfler davantage pour avoir cette énergie supplémentaire qui aurait amené « (B.o.S) 2.0 » sur un piédestal plus net. Quoiqu’il en soit, on est sur un premier album donc il convient de préciser que certaines maladresses sont possibles. Je trouve toutefois que concernant la production, on part sur des bases plus qu’intéressantes !
Mais voilà. Le problème selon moi est que Bowels of Suffering aborde une thématique beaucoup trop utilisées, à des sauces pas forcément différentes chaque fois d’ailleurs. Si on prend Shaârghot par exemple, ce qui les distingue, c’est que le concept est plus précis, plus travaillé avec des personnages créés de toutes pièces, inspirés par autre chose que les sempiternelles références comme ici avec Gaïa pour la Terre. J’ai beaucoup de mal avec ces groupes qui mélangent différentes références qui n’ont aucun rapport. Comment se fait-il que Gaïa qui est, je le rappelle, la déesse grecque fondamentale de la cosmogonie et qui représente effectivement la Terre, soit incorporée dans un milieu post-apocalyptique qui, apparemment, n’a aucun lien particulier avec la mythologie grecque ? N’y aurait-il pas eu moyen de créer un concept de toutes pièces, sans copier-coller à droite et à gauche des morceaux de sources déjà existantes ? Qu’il y ait des personnages créés (enfin… « Générés » plutôt) en soi ne fait pas une histoire. L’incipit, l’élément déclencheur, etc. Vous y mettez n’importe quel personnage, si le contexte est une pâle copie de ce qui se fait déjà, le problème est le même. En gros, c’est faire du Mad Max mais en moins assumé dans le délire d’un melting-pot culturel et historico-futuriste. Venant de la part d’un projet qui se veut en gestation depuis plus de vingt ans, je m’attendais à quelque chose de plus original, de plus paroxystique qu’une vulgaire référence à Gaïa dans un milieu de destruction futuriste et chaotique… Que l’on considère que le sujet soit à propos au regard de la crise planétaire que l’on traverse, je ne le nie pas. Et que l’on s’interroge une énième fois sur la condition de l’Homme dans l’univers, je ne le nie pas non plus. Qu’il y ait un message politique derrière, itou. Mais simplement, j’aurais préféré autre chose. C’est la raison pour laquelle, et couplé à la présence de textes en français qui ne m’ont pas du tout transcender, je n’ai pas accroché à « (B.o.S) 2.0« . J’ai émis des critiques objectives pour vous faire comprendre que tout n’était pas à jeter, loin s’en faut. Mais me concernant, c’est un CD qui va finir sur une de mes étagères et prendre la poussière. Enfin, pas tout à fait ! Je le ressortirai de temps en temps pour montrer au commun des mortels tout ce qu’il ne faut pas faire en matière d’intelligence artificielle. Ce n’est pas très glorieux, je sais…
Pour finir, le chant. Alors, il arrive qu’en fonction de mon ressenti, le chant sauve les apparences chez moi. Ici, c’est moyennement le cas. La technique vocale souffre de quelques errances, d’autant que le gonze s’amuse à déjouer les pronostics en changeant sommairement de techniques, pour mettre plus l’accent sur l’articulation. Cet élément là constitue pour moi un très bon point ! J’ai toujours défendu bec et ongles l’articulation dans le chant saturé, et l’effort qui est fait ici par Bowels of Suffering pour faire comprendre ses textes est un très bon point pour moi. Maintenant, le revers de la médaille intervient dans le fait qu’en se concentrant sur l’articulation, on perd clairement en puissance. C’est le cas ici présent, le chant manque de puissance et donc a du mal à nous entrainer. Je pense qu’il aurait fallu plus de pêche, ou à défaut si le chanteur n’en a pas, de faire un chant narratif plus prononcé, qui aurait été raccord avec l’effort d’articulation indéniable et le contexte de l’album qui se mue bien en narration comme dans un roman par exemple. Le chant féminin quant à lui est bien, en voix claire bien compréhensible, une voix féminine un peu enfantine sur les bords, ce qui n’est pas pour me déplaire. Peut-être chipoterions nous sur l’idée que Gaïa, si tant est qu’on parle du même concept, mériterait une voix plus divine, plus solennelle, que cette voix aiguë et discrète. Mais cela reste pas mal.
Vous voyez, j’ai joué le jeu. Malgré mon aversion totale pour l’IA, j’ai fait la chronique de Bowels of Suffering et de ce premier album nommé « (B.o.S) 2.0« . Premier album qui, contextuellement parlant, est raccord avec l’idée que je m’en faisais. A savoir une musique metal industriel qui souffre de quelques maladresses voire de défauts francs, mais qui en soi peut s’annoncer prometteuse pour une suite. Je pense que les nantais trouveront du public qui adhèrera à leur musique mais si, honnêtement, il n’y a rien de foncièrement remarquable dans ce premier opus qui semble plus jeter des premières bases bancales que réellement asseoir un début de domination. Un concept réellement plus travaillé avec de vraies inspirations et non pas des trucs lambda générés par IA, et je pense qu’on aura atteint un palier supplémentaire.
La note devait être initialement de 6.5/10 mais compte tenu de l’utilisation non assumée de l’intelligence artificielle pour l’intérieur de la jaquette, une petite partie des textes et le dessus du CD, j’ai abaissé la note. J’assume. C’est comme quand on triche lors d’un contrôle : le professeur choisit soit de vous mettre zéro et jeter votre copie, soit de vous enlever des points et de vous laisser une chance. Je suis pédagogue, j’ai choisi la deuxième option. Mais que cela ne se reproduise plus par contre. Pour le bien de l’Art.
Tracklist :
- 618MT 03:15
- Central 013 03:53
- Catacombes 03:30
- D4rk Sanctuary 03:05
- Deus X Makina 03:46
- Fact-X 02:36
- In The Name of God 03:49
- Metacog 04:05
- Neo Divinity 05:00
- Saddest Mind 03:47
- Seit Dem Staub Am Stein 02:48
- Tribal Tek Sin 02:52
- XX-Y 03:32
- Gaïa 01:26
















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