Diablation – Allégeance

Le 16 janvier 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • V. Orias A. : guitares, claviers, composition
  • Vicomte Vampyr Arkames : chant, paroles
  • Hyde : basse, chant
  • VNA : batterie
  • Guest : RMS Hreidmarr : chant sur 4

Style:

Black Metal Symphonique

Date de sortie:

06 décembre 2021

Label:

Antiq Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10

« Le diable est encore le meilleur subterfuge pour disculper Dieu. » Sigmund Freud

Ah! Il fallait bien que je la cale, cette citation de mon tonton Freud préféré. Elle résume beaucoup de choses et en particulier ce que je pense de beaucoup de personnes se revendiquant d’une forme d’adoration du diable. Non parce que la notion même de diable est tellement différente selon les religions que l’on ne sait plus à quel saint se vouer, n’est-il pas ? Simplement, je pense que parler du diable c’est donner un sens au mal de manière absolue et indissociable du bien. Certains se sentent obligés de ramener à leurs croyances, obsolètes ou non, la notion philosophique du diable. Mais qu’en-est-il de cette fameuse notion abstraite ? Qui peut se revendiquer à ce jour d’être un redoutable et sincère adorateur du diable, notamment d’un point de vue artistique ? Je ne crois pas avoir rencontré un groupe aussi fidèle à l’idée même de cette définition philosophique d’une représentation rationalisante du mal. Musicalement, surtout dans le metal, on en voit tellement des groupes qui se revendiquent d’une telle adoration que l’on ne sait plus exactement qui se produit en spectacle (comme tout bon musicien qui se respecte au final) ou ceux qui réellement tentent d’apporter un souffle idéologique profond. A ma connaissance, seul Urfaust jusqu’à ce jour représentait ce que musicalement parlant je rapproche le plus d’un cérémonial dédié au diable, et donc au mal absolu. Avec une réelle dimension chamanique et spirituelle. Pour le reste, je vous avoue que j’avais du mal, justement. Et puis, il y a eu cette soirée sans lune où je me suis enfin décidé à m’attaquer à l’album « Allégeance » du néo groupe Diablation. Le nom m’a forcément intrigué au vu de cette nouvelle pompeuse introduction qui n’intéressera pas grand monde. Je me suis demandé secrètement, et ce n’est pas une plaisanterie, si je ne tenais pas ma fameuse perle rare en matière de vénération. Allez savoir ! Vous le voulez ? Eh bien, lisez maintenant.

Derrière le nom grandiloquent de Diablation se cache quelques noms connus de la scène black metal française, et non des moindres. Je n’ai pas la date de création du groupe, mais heureusement mon cher Le Marquis Arthur s’était occupé au préalable de l’interview du groupe. Me permettant donc de vous révéler, avant Metal Archives en personne, que Diablation a vu le jour (ou est sorti de l’ombre c’est selon) durant le printemps 2020. Rassemblement des forces musicales de Vicomte Vampyr Arkames au chant et aux paroles, et de V. Orias A. à la guitare et aux claviers, mais plus exactement à la composition en générale. Diablation est à ce jour formé d’un quatuor de musiciens et sort donc son premier album chez Antiq Records, un label que j’aime tout particulièrement (qui a notamment produit Véhémence dont le premier album est un chef d’œuvre absolu, Passéisme, Tan Kozh, Hanternoz et Paydretz qui sont exceptionnels également pour ne citer qu’eux). En lisant l’interview j’ai d’ailleurs découvert que la proposition de former Diablation serait une idée du label en personne. Voyons si l’idée était un coup de génie comme le label a l’habitude de nous en offrir ou si c’est un coup d’épée dans l’eau. Ou un entre-deux diplomatique, tant qu’à faire.

En tout cas, je n’avais à l’époque pas résisté à l’envie de faire poser la question de la signification de la pochette, étant comme vous le savez très attaché au travail qui est accompli sur ce support. Me voici donc face à un travail que je trouve magnifique, en tout cas dans le style pictural associé. Nous avons un corps dont j’apprendrai plus tard qu’il est exsangue, en position de génuflexion et les bras écartés, symbolisant une sorte d’abandon total, une allégeance quoi. Ce corps est dénudé comme pour se retrouver dans sa forme la plus naturelle possible, le bas du corps se retrouvant comme happé, ou en train de disparaitre dans un flottement blanc comme un poltergeist. Le fond noir est très prenant, avec une légère teinte un peu lumineuse, sinon atténuante, sur le milieu. Ce jeu de luminosité me semble bienvenu et franchement bien réussi. Voilà donc ce que j’aime dans un artwork : quelque chose qui représente très bien le nom de l’album. On pourrait crier au manque d’originalité mais dans le cas d' »Allégeance » il n’en est rien puisque l’on aurait pu le dessiner métaphoriquement autrement. Et au moins, on ne tortille pas de l’arrière-train cent sept années, on sait à quoi on aura affaire. Très bel ouvrage en tout cas, bravo !

Passons à la musique désormais. Et si vous cherchiez un album innovateur, il vaut mieux rebrousser chemin. Mais si vous êtes comme moi, un féru assumé du black metal de l’époque 90, alors foncez ! Parce que tous les ingrédients y sont. Un black metal racé et old school, jouant un rôle plus d’accompagnant des parties symphoniques que l’inverse, avec une volonté d’être tantôt agressif, tantôt plus rythmé pour ce fameux rôle accompagnateur que j’adorais. Alors les influences pleuvent et la musique me rappelle par exemple l’époque magnifique de Dimmu Borgir avec l’album « Enthroned Darkness Triumphant » (mon préféré du groupe), un peu d’Anorexia Nervosa mais en moins enflammé. En tout cas, le black metal de Diablation ne souffre d’aucune contestation possible, son rôle étant clairement d’instiller tout ce que le groupe a de démoniaque dans ses coffres pour aller le plus près possible d’une allégeance à quelque chose de profondément diabolique. Les ambiances sont superbes, avec une sorte de romance un peu dissimulée derrière les parties claviers qui justement me font penser à Anorexia Nervosa par moment, ou alors quelque chose de carrément baroque, presque majestueux et enférique à la fois. Et puis, certains morceaux jouent carrément la carte du maléfisme total avec encore ces claviers incroyables qui jouent un rôle central et nous amènent vers des ambiances malsaines, tortueuses et violentes, comme pour représenter tout le cheminement masochiste vers ce dévouement absolu. Il est vraiment question d’absolu ce soir puisqu’il revient tout le temps dans ma chronique. D’ailleurs je ne serais pas surpris d’apprendre que cet album est au final un concept tourné vers ce fameux cheminement progressif et semé d’embuches vers cet état de diable. Voilà donc une première écoute follement satisfaisante sur quasiment tous les points ! Quel régal de se replonger dans ce black metal qui a eu son heure de gloire en étant couplé avec des parties symphoniques qui ont mis un large public d’accord. Non sincèrement, c’est un bijou cet album !

Mais à part égale avec la musique, c’est la production qui joue un rôle majeur, crucial même. Parce que sans renier une quelconque appartenance à ce black metal d’antan que j’adore, la production amène malgré tout quelque chose de moderne. Entendons-nous bien que les époques changent et que la technique de production en studio n’est plus la même qu’avant. C’est en cela qu’à mon avis Diablation a dû se creuser les méninges pour savoir quoi faire en son. Rechercher comme c’est le cas sur « Allégeance » un entre-deux a été selon moi la meilleure démarche que pouvait faire le groupe, indéniablement. Si ce dernier avait opté pour un truc plus old school, le public aurait crié au plagiat comme c’est la mode actuellement (on entend parler de plagiat de Summoning tout le temps), et si Diablation s’était doté d’un son moderne, comme font les « gros » groupes actuels, on aurait crié au commercial ou tout du moins on aurait ri des revendications du groupe concernant sa nostalgie du black metal des années 90. Il fallait donc faire un entre-deux, et le groupe l’a fait avec brio ! Les claviers sont les éléments qui sont à mon avis la touche ancienne à la musique, puisque ce sont ces derniers qui m’ont évoqué les références nommées plus-haut. L’ensemble instrumental metal est assez mixée avec un son nasillard d’avant et une légère épaisseur sonore qui confère un sentiment de majestuosité exacerbé mais intelligent. Le chant est probablement le truc le plus moderne dans son mixage, et c’est très bien aussi j’y reviendrai. Ainsi, Diablation a eu l’immense intelligence et le grand talent de réfléchir à un compromis idoine, et c’est exactement ce qu’il s’est passé. La production est le gros point fort de l’album « Allégeance« , LE truc qui définitivement fait entrer les groupes qui prennent le temps de l’élaborer consciencieusement dans une sorte de valeur sûre directe, et sans bavure. Extraordinaire !

Voilà, on pourrait se dire qu’on a fait le tour, qu’on a détaillé pourquoi on parlait de black metal symphonique, pourquoi d’une époque précise, pourquoi la production est superbe. Et maintenant ? On parle de ressentis. Et question ressenti, j’en ai eu pas mal sur les autres écoutes d' »Allégeance« . Dans l’interview, Vicomte Vampyr Arkames nous dit, je cite : « Il s’agit d’abord du premier album du groupe. Je dirais que, dans cet album, nous voulions expliquer ce qu’est l’univers de Diablation, surtout la spiritualité de notre vision. C’est aussi une volonté de notre part de faire l’éloge de la noirceur de la mort. Le tourment des âmes perdues et de la fatalité finale sont aussi sujets principaux de cet album, ainsi que quelques profondes réflexions personnelles. Comprendre la beauté dans le désespoir, cet album c’est un appel. » Sans me vanter, c’est tout à fait ce que j’ai éprouvé aux écoutes, un cheminement spirituel vers une entité inversé à tout ce que les dogmes nous amènent à glorifier, injustement ou non. Et au-delà de tout ce qui est inhérent au genre black metal symphonique, c’est surtout toute la spiritualité qu’il y a derrière, que certains ont un peu honteusement appelé le satanisme, mais qui en réalité n’est qu’une réflexion personnelle sur sa propre condition. Et manifestement, si je peux dire, « Allégeance » est un manifeste. Un pamphlet sur tout ce que nous avons de plus noir en nous. C’est ainsi que chaque composition est bel et bien une étape, un marqueur temporel de ce fameux parcours vers une nouvelle forme de spiritualité, un album concept qui propose une musique d’un génie de composition rarement atteint dans nos années 2000. Chaque piste a sa spécificité mais toutes se rejoignent vers ce but de changement, et il est donc évident qu' »Allégeance » est un album comme l’on devrait s’inspirer pour tout ce qui est conceptuel. Rarement un groupe ne m’aura donné le sentiment de frôler d’aussi près l’allégorie authentique et profonde du Mal absolu. Je tiens ma perle rare, depuis toutes ces années je m’étais égaré. Franchement, rien que pour la démarche spirituelle, il faut que vous écoutiez cet album. Il est incroyable.

Et quid du chant ? Exactement dans la veine black metal, avec une technique un peu plus old school, pas forcément émaillé de high scream à outrance mais sur une base gutturale plus ténébreuse encore, à la vieille sauce. Maintenant, le mixage apporte un truc plus moderne qui passe bien, avec l’idée de donner une place importante en le gonflant un peu, en l’épaississant à peine ce qu’il faut. Vous me direz, les textes sont bien écrits donc autant les mettre en valeur ! J’adore cet effort d’articulation qui est fait autant de la part du chanteur principal que du chanteur clean. Je note enfin la linéarité qui est faite de mettre un chant principal pur, que de faire des changements tout le temps comme c’est d’usage. Je considère que le black metal symphonique n’a de valeur que quand il est contenu par une technique de chant unique, ou presque comme ici. A noter enfin un invité de marque sur un des morceaux : RMS Hreidmarr, qui est ni plus ni moins que l’une de mes références au chant, et qui est magistral ! Tout simplement magistral, avec une puissance exceptionnelle et toujours ce chant qui fait son identité, en total high scream, dans un hurlement de haine phénoménal. Bref, je l’adore, c’est sûr et certain, et son apport est plus que bienvenu !

Je voudrais revenir sur les textes qui sont écrits en français et qui traduisent très bien cette fameuse idée d’un cheminement. Progressif jusqu’à ces deux derniers morceaux où les deux acteurs principaux, un esprit diabolique à qui l’on offre l' »Allégeance » et un personnage potentiel, se mélangent dans le discours pour finir sur une seule entité, un « soleil » éternel et unique. Sur l’écriture on est sur des procédés différents, versaïques ou prosaïques selon les besoins, et ce mélange de techniques d’écriture est du plus bel effet !

Pour conclure, vous l’aurez compris, j’ai adoré ce premier album de Diablation. Tous les ingrédients étaient réunis pour me faire passer un pur moment d’extase auditive. « Allégeance » collectionne tous les bons points pour me plaire, à savoir une musique résolument black metal symphonique, inspirée de l’époque glorieuse dans les années 90 en Norvège ou ailleurs, avec le développement clinique et sans erreur d’un concept philosophique autour de l’entité du diable dans sa version imagée la plus noire. Une alternance de modernité et de nostalgisme dans le son donne une saveur spéciale et le tout transpire donc sans doute possible le talent et l’intelligence. Il m’est aisé de le dire avec mes mots ingénus de petit chroniqueur mais je pense que ce premier album touche jusqu’à l’épaule la représentation la plus probable du Mal en personne, et l’idée de faire une musique qui se tourne vers le cheminement spirituel pour y arriver ne peut que nous complaire dans notre nihilisme ambiant et notre curiosité morbide dans l’idée du Mal. « Allégeance » est le plus digne des représentants que j’ai eu à découvrir depuis que j’écoute du metal, et c’est sur ce constat que je considère cet album comme l’une de mes nouvelles références en la matière. C’est un album dont même les mots manquent pour décrire son talent. Et bravo à Antiq Records pour avoir fait émerger un groupe aussi extraordinaire !

Tracklist :

1. Invictus 01:02
2. Aigle du mal, aigle de sang 05:09
3. Des ruines de la solitude éternelle 06:37
4. Ego Daemonium 06:25
5. La noirceur des limbes 04:42
6. L’ordre hermétique des âmes noires 05:42
7. Éloge du mysticisme impérieux 06:35
8. La nuit obscure de l’âme partie 1 05:12
9. La nuit obscure de l’âme partie 2 07:33

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