Летаргия – Our Life Belongs to Us

Le 27 avril 2024 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Olexandr Kuznetsov : batterie Olexandr Shyrynskiy : guitares Vitaly Yavnov : chant Kirill Denisov : basse Guests : Vlad Shahin : chant sur 1 Aaron Stainthorpe : chant sur 9 Konstantin Naumenko : chant sur 5 Alexander Plusnin : chant sur 4

Style:

Doom / Death Metal Mélodique

Date de sortie:

14 avril 2023

Label:

Moon Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10

L’homme est né pour vivre dans les convulsions de l’inquiétude ou dans la léthargie de l’ennui.” Voltaire

J’aime parfois rappeler le sens et l’étymologie d’un mot en introduction de chronique. Voici donc celui de léthargie, qui nous intéresse aujourd’hui. Léthargie vient du latin « lethargia » et du grec ancien « ληθαργία », retrasncrit « lêthargos », signifiant dans les deux cas « sommeil ». Il est étonnant de voir donc que ce mot a donné un autre mot en langue française, alors qu’il signifiait de base la même chose que le sommeil. Il y a trois définitions possibles pour la léthargie : une médicale, et deux sens plus figurés. En médecine, l’état léthargique est un état de sommeil très profond, rendant la personne totalement insensible ou presque à son environnement et donc à un quelconque stimulus extérieur, lui donnant un état qui rappelle l’inertie de la mort (si elle ne respirait pas). Tandis qu’au sens figuré, on retrouve soit un état d’insensibilité anormale, associé à une torpeur et une forme de nonchalance, soit un assoupissement mais plutôt d’ordre global. Cela peut concerner une société, un concept, etc. En fait, la léthargie est tout simplement un état de pause. Alors, en quoi cette dernière fascinerait autant les formations musicales ? Parce qu’elle est associée très souvent à un sentiment dépressif, ou un sentiment de noirceur. A tort ! Parce que si la léthargie peut gagner du terrain sur les fondations d’un ennui pathologique doublé d’un vide existentielle, il n’en demeure pas moins que cette dernière n’est pas obligée de cohabiter avec des sentiments négatifs. On peut entrer en léthargie lors de séances de méditations par exemple, ou lors de séances d’hypnose. Chez l’animal, la léthargie peut également de ralentir les fonctions vitales et ainsi d’entrer en hibernation ou en estivation ! Le plongeur en apnée bien connu Jacques Mayol entrait littéralement en léthargie lors de ses séances d’apnée. Bref ! Mon propos n’est pas là pour désacraliser le concept utilisé par les groupes dans certains projets mais bien de remettre un peu de lumière sur l’idée précise de ce que peut être un état léthargique. D’ailleurs, quand une personne plonge dans le coma, c’est un moyen de ne pas souffrir. Je ne connais pas, bien entendu, l’utilisation qui est faite de ce concept dans les albums mais je suis convaincu que si l’on cherche un peu, on aura forcément des groupes qui parleront de la léthargie comme une chose qui rappelle le soulagement, le repos. Je vois bien pour cela les formations de musiques néo-classiques par exemple ! Mais ce soir, je crois que l’on penchera plutôt pour le côté sombre de la chose. Je vais vous parler du groupe qui a carrément choisi d’en faire son nom. Летаргия et son album nommé « Our Life Belongs to Us » !

Летаргия (prononcé « Lethargy« ) est un groupe originaire d’Ukraine, et d’une localité qui est toute sauf banale puisqu’il s’agit de Zaporijia, là où il y a une centrale nucléaire qui avait été attaquée par l’armée russe il y a quelques mois. Alors, ce n’est pas pour cela que j’ai choisi le groupe, je me suis logué dessus parce qu’elle m’a été recommandée par le boss Chris Metalfreak et que j’ai bien trainé pour la faire. Faute de temps et d’envie. La formation existe bien antérieurement à la guerre en Ukraine car le groupe a été fondé en 2007 et qu’à part le bassiste qui est arrivé en 2020, la formation est semble-t-il restée la même. Et cumule donc quatre albums en comptant ce dernier, mais aussi une démo, un EP et quatre singles. Plutôt un score honorable ! Ce dernier album nommé donc pour l’occasion « Our Life Belongs to Us » se démarque des autres puisqu’il est le seul à ce jour à porter un nom en anglais, les autres étant tous écrits en cyrillique. Est-ce une volonté de s’ouvrir au monde ? L’album étant sorti après le commencement de la guerre, on serait en droit de le penser. En tout cas c’est l’album que je m’apprête à faire en chronique aujourd’hui !

Et comme à chaque fois, au commencement de tout il y a la pochette. J’avais fait un parallèle un peu raccourci avec la guerre en Ukraine dans ma présentation du groupe Летаргия mais finalement il n’en est rien. La pochette met clairement en évidence un décor de conflit armé, avec les tanks et les bâtiments détruits en fond de plan, le tout avec cette couleur qui fait penser à un côté vieilli d’une photographie. Un ton sépia qui ajoute donc un sentiment d’antériorité qui nous rappelle que les guerres ont malheureusement toujours existé et que les souvenirs devraient nous suffire à désescalader les conflits actuels. Mais bon, on sait tous que les intérêts derrière ceux-ci nous dépassent de beaucoup… La symbolique très marquante des tanks qui tirent sur une femme qui pleure en portant son enfant dans les bras avec en arrière-plan une icône qui évoque soit un ange, soit une grande colombe, rappelle effectivement que tuer des civils relèvent à tuer la paix. En fait, vous l’aurez compris mais au au moins sur cette pochette, Летаргия parle de la guerre. Avec au regard du contexte qui sévit en Ukraine, je le crois, une approche très claire sur l’utilité de celle-ci. Cela donne un côté solennel à l’ouvrage et l’ambiance est plantée si j’ose dire. Doit-on y voir un message d’espoir ? La suite nous le dira, et rien que le titre de l’album « Our Life Belongs to Us » est parlant aussi. La pochette en elle-même est un travail accompli, autant stylistiquement que symboliquement. Du bon boulot !

Pour ce qui est de la musique, ce qui m’a sauté aux oreilles tout de suite est la dimension très grave des mélodies et atmosphères. J’ai tout de suite eu en mémoire ce magnifique album « Brave Never World » du groupe Hongrois Eclipse of the Sun qui a des similitudes importantes d’abord sur le genre, et ensuite sur l’intention. J’entends par « gravité » la lourdeur certes mais aussi et surtout, le côté tragique de la musique. On n’est pas sur un album avec des atmosphères éthérées ou gothiques, avec toute la dimension nostalgique que l’on connait, mais réellement sur un album qui parle de présent. On y reviendra plus tard ! Musicalement parlant donc, on est sur un doom metal aux fortes accentuations death, mais pas à outrance. On n’est clairement pas sur du doom death metal bien lourd et bien gras ! Moi je situerais plutôt Летаргия sur un versant doom metal avec du death metal « moderne » comme on dit vulgairement pour parler des groupes actuels. Voire même du doom metal mélodique tant les riffs se prêtent à cet exercice, beaucoup même. En tout cas, outre la référence que j’ai citée plus haut, j’y vois aussi du death metal mélodique en moins punchy à la Be’lakor par exemple, ce genre de groupes qui parviennent à créer des atmosphères lourdes sans tomber dans un son extrêmement épais et oppressant. Il y a bien cette part un peu mystique sur les bords, comme si la musique faisait intervenir dans sa tragédie des forces obscures et lointaines et que finalement, tout cela ne serait que le fruit de puissances ultimes qui nous dépassent. Sur la rapidité des compositions, c’est indiscutablement du doom metal dans le sens où même les passages en blast beat sont lents. Je note également une utilisation intéressante de parties claviers qui ne sont pas là pour faire de l’emphase mais par des placements discrets, ajoutent simplement une dose de drama dans l’ambiance générale des compositions de « Our Life Belongs to Us« . La musique se met finalement assez facilement au service du groupe dans le sens où on comprend instinctivement que l’on a affaire à un sujet sensible et sérieux, sans tomber encore une fois dans la grandiloquence et l’exagération. C’est un excellent point tant la musique doit selon moi rester dans un juste équilibre entre intimité et « excavation », et Летаргия a véritablement trouvé la formule idéale pour présenter son doom metal aux accents death metal mélodique. Un bien bel ouvrage en première écoute qui se veut intelligent, complexe mais pas trop, mélodique mais pas trop rapide, donc qui parvient selon moi à un équilibre quasiment parfait. J’aurais mis le temps, mais cela en valait sincèrement la peine !

Pour la production, comme je le disais dans le paragraphe précédent en préambule, le son est résolument moderne dans le sens où ce doom metal s’évertue à proposer des ajustements death metal mélodique dans la construction et le sophistication de son mixage, mais ne s’octroie pas la lourdeur que l’on est en droit d’attendre en temps normal et qui démontre l’existence d’un « vrai » doom death metal mélodique ou non. Ici, c’est un peu comme si vous preniez Be’lakor ou Slow Fall et que vous baissiez à la fois le tempo et la lourdeur des instruments, pour avoir ce fameux death metal mélodique moderne comme on en voit de plus en plus (sans pour autant que cela marche d’ailleurs) avec le ralentissement rythmique idoine au doom metal, et vous avez Летаргия et son album « Our Life Belongs to Us » ! Ainsi, la formation ukrainienne a voulu encore une fois s’inscrire dans le présent en allant sur une production moderne avec chaque instrument bien rangé à sa place dans le mixage, des claviers un poil plus mis en avant que le reste et un chant finalement assez peu poussé à son paroxysme, j’y reviendrai également. Peut-être était-ce dans l’intention de toucher le plus de monde possible en rendant sa musique plus accessible, sans tomber dans le mainstream. Je l’ignore, mais ce que je sais, c’est que moi qui ne suis pas très friand de base des productions trop modernes où l’on privilégie le placement des instruments au détriment de la lourdeur extrême, j’ai été transporté par les ambiances de cet album. Probablement parce que je suis sensible aux émotions qui sont balancés dans la musique que j’écoute et que cet album-ci n’en manque pas, et on le comprend. Mais en tout cas, ce mixage ne m’a pas dérangé ni dénaturé mon écoute, bien au contraire. Je pense, objectivement, que c’était le choix à faire de toute manière pour aller sur un univers aussi dramatique et actuel. Il convient donc de dire que « Our Life Belongs to Us » est un album très bien produit et bluffant !

Mais le plus important à comprendre selon moi est que nous avons résolument affaire à un album qui parle de présent. Et cela, dans le metal, style de musique plutôt à visée nostalgique dans ses racines et plus ancré dans le passé, cela reste rare. Et c’est précieux ! Au travers d’un concept forcément métaphorique, quoique sur le nom des titres un brin banal, le groupe parle selon moi du conflit actuel qui voit l’ogre russe envahir l’Ukraine. Et c’est cela qui transparait dans la musique, cette émotion que nous sommes, nous occidentaux, à des années-lumière de pouvoir ressentir et vivre. Et quelque part, heureusement que des projets comme Летаргия – même si on se doute au départ qu’ils n’ont pas crée le groupe pour cela – nous le font retranscrire ! Après, cela pose un peu la question selon moi de la récupération. Sera-ce bien vu de parler de la guerre en Ukraine pour vendre des CDs ? Personnellement, dans le cas présent de l’album « Our Life Belongs to Us« , je m’en fiche pas mal. Parce que le groupe ukrainien démontre que l’on n’est pas obligé d’aborder le passé pour pondre un album magnifique. Il suffit de se tourner sur l’instant présent pour parfois trouver l’inspiration. Je n’ai pas grand-chose à rajouter de plus sur le concept, l’album s’écoute de lui-même et se montre particulièrement inspiré. Et inspirant. Un bien bel ouvrage, très belle découverte !

En revanche, le seul petit bémol pour moi se situe sur le chant. Je le trouve soit mal mixé et donc manquant un peu d’épaisseur, soit tout simplement en manque total de puissance. Il y a un truc qui me fait croire que le chanteur force un peu trop sur le micro et son growl medium me parait trop linéaire. Je pense que dans un registre death metal mélodique, même lent et doom metal comme ici, tenter des variations de tessitures et balancer une grosse patate au chant par moment n’aurait pas été de trop. Surtout quand on compose un album censé marquer les esprits par la thématique abordée et la gravité de la situation, on est censé haranguer les foules, quoi ! Là, je trouve le chant plat, linéaire et sans intention clairement démontrée. Les parties narratives sont intéressantes mais sont selon moi un peu trop utilisées. En fait, pour vous la faire courte, il manque selon moi de la rage dans le chant. Un truc qui sortirait des tripes, comme un coup de canon justement, et qui déverserait sur l’auditeur toute la haine, la rancœur. A moins que le groupe ne soit dans l’idée inverse, de fédérer l’auditeur autour d’un principe de paix, mais même là on devrait avoir un chant qui transcende. Bon. Peut-être est-ce moi qui saisit mal la nuance apportée par le chant, mais je pense qu’il y aurait eu largement moyen de faire mieux. Heureusement qu’il y a quelques invités au chant pour redorer un peu le blason par ailleurs.

En conclusion de cette nouvelle chronique, nous avons abordé l’album « Our Life Belongs to Us » du groupe ukrainien Летаргия. Album sorti en 2023, proposé tardivement en chronique mais dont il aurait été dommage de passer à côté. D’abord, par la musique qui est un bien bel ouvrage de doom metal couplé à du death metal mélodique, donnant une musique moderne, finalement assez abordable et moins lourde que ne le ferait un groupe de doom death metal par exemple. Ensuite et surtout, par le caractère actuel. Летаргия nous offre une vitrine en musique sur ce qu’il se passe en Ukraine via une métaphore tourné sur l’existence humaine, avec toutefois un album chargé d’émotions, faisant la part belle à des mélodies envoutantes et tragiques, pour donner toute la mesure de ce drame humain qui se joue dans les terres orientales de l’Europe. Manifestement, le groupe, qui aura mis huit longues années à sortir ce dernier album, l’avant-dernier étant largement antérieur au conflit, a sorti cet album comme s’il sortait les armes. Comme si le confit avait donné un nouvel élan à la formation. On se prend en pleine face cette musique pourtant lente et moderne, mais qui fait résonner en nous des craintes enfouies de connaître le bouleversement de vie qu’ils connaissent eux, loin de chez nous. Un album à écouter très vite !

 

Tracklist :

1. Eternal Solitude 06:56
2. Hard to Breath 05:49
3. Eden 05:23
4. I Will Never Forget You 05:48
5. Delusions 05:22
6. Sea of Trees 05:16
7. John Galt 05:20
8. Victory 04:27
9. I Know How to Live 04:42

 

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1 Commentaire sur “Летаргия – Our Life Belongs to Us”

  1. 1

    Je ne connais pas votre langue, mais heureusement il y a un traducteur ! C’était très intéressant de lire cette critique. Merci pour l’avis. Salutations du bassiste de « Lethargy »

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