Angellore

Le 22 octobre 2015 posté par Bloodybarbie

Intervieweuse : Bloodybarbie

Interviewés : Rosarius & Waltran

 

Suite à la sortie de ce nouveau trésor du doom metal du groupe français Angellore, nommé « La Litanie Des Cendres » (http://www.soilchronicles.fr/chroniques/angellore-la-litanie-des-cendres), nous avons voulu en savoir plus sur cette formation.


Tout d’abord, toutes mes félicitations pour ce super album, un plaisir authentique, du doom par excellence, comme je l’aime. Ça me rappelle pas mal un mon groupe de doom préféré : Dark The Sun.

Walran : Merci infiniment, ça fait vraiment plaisir à lire. Nous aimons beaucoup Dark The Suns, qui figure parmi nos influences.

Rosarius : Oui, merci beaucoup, c’est un beau compliment. Et en effet, Dark The Suns est un groupe qui nous apprécions énormément tous les trois.

 

Si je vous demande de faire de l’autocritique ou une comparaison de cet album par rapport aux précédents, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de votre propre œuvre (mon propre avis sera dans ma chronique) ? Que vouliez-vous transmettre à travers celui-là ?

Walran : Beaucoup de compositeurs écrivent la musique qu’ils rêveraient d’entendre et Angellore ne fait pas exception. Nous sommes tous trois des amoureux de doom/dark metal mélodique et atmosphérique. Par conséquent, je dois avouer que je suis extrêmement attaché à « La Litanie Des Cendres » car en plus d’être une représentation fidèle de nos émotions et un disque personnel pour chacun d’entre nous, c’est, selon moi, un bel ouvrage de doom metal mélodique comme il n’en sort plus beaucoup de nos jours. En effet, le genre a connu un rayonnement dans les années 90 et semble un peu oublié à l’heure actuelle… Donc, à notre humble niveau, nous voulons prouver à tous que ce sous-genre n’est pas mort ! Je pense que notre nouvel album est plus original (toutes proportions gardées) et intime que ne l’était « Errances », plus arrangé et sophistiqué également, moins brut (car mieux produit et plus riche), mais peut-être aussi plus « metal » paradoxalement, car les lignes de guitares y sont plus nombreuses et travaillées. Je suis très fier du résultat obtenu, qui nous a demandé beaucoup de travail ! Personnellement, je ne sais pas ce que je voulais « transmettre » en particulier, à l’exception de mes sentiments et émotions propres. La création d’un album est une entreprise fantastique, et peu de choses dans ma vie peuvent rivaliser avec l’exaltation que je ressens au moment de chanter ou d’enregistrer mes claviers en studio. Les auditeurs, pour peu qu’ils soient réceptifs à notre univers, vibreront avec nous et se laisseront emporter par nos morceaux, qui émanent vraiment de notre cœur et de notre âme. Tant pis si cela paraît cliché, c’est la vérité ! Nos mélodies nous séduisent et nous bouleversent, espérons qu’elles auront un effet similaire sur des auditeurs extérieurs.

 

Pouvez-vous nous parler un peu de votre carrière, comment le groupe est né et s’est formé, le choix et la signification d’Angellore… ? Comment avez-vous intégré François Blanc au sein du groupe ou bien est-il carrément membre fondateur du groupe ?

Walran : En effet, Rosarius et moi (François) avons fondé le groupe ensemble en 2007. Nous nous sommes rencontrés via Internet, liés par notre passion pour le doom et sommes très vite devenus amis. Après avoir réalisé quelques démos, nous avons décidé d’aller plus loin. Par chance, l’un de mes amis de lycée, Ronnie, était batteur et grand fan de doom mélodique. Nous l’avons donc intégré et avons enregistré « Errances », notre premier album dans la foulée, dans un vrai studio professionnel cette fois. Et nous espérons poursuivre sur cette lancée.

Rosarius : Pour ce qui est du nom du groupe, il nous a été inspiré par une chanson de Tristania qui se trouve sur leur premier album, un chef-d’œuvre absolu du metal gothique que nous écoutons toujours beaucoup. « Angellore » pourrait se traduire par « science des anges ». On peut aussi lire ce nom sans penser à ce qu’il signifie, et juste apprécier sa sonorité, gracieuse et féminine. Comme ce qu’on veut donner à notre musique.

 

Donnez-vous beaucoup de concerts et avez-vous ouvert pour un grand groupe ?

Rosarius : On n’a jamais donné le moindre concert jusqu’ici. Angellore est pour l’instant un groupe de studio, même si la perspective du live est tentante et que nous avons bien l’intention de nous y mettre dès que nous en aurons l’occasion. Le problème, c’est que nous vivons tous les trois dans des coins très différents de France. Cet éloignement rend les répétitions très difficiles. Mais nous faisons de notre mieux, et nous donnerons des concerts un jour, je n’ai aucun doute là-dessus.

 

Pourquoi le choix d’exprimer la beauté de la mélancolie dans du doom ? Quelles étaient vos influences et motivations pour composer une telle musique ?

Walran : Je me souviens assez distinctement d’une des premières conversations téléphoniques que j’ai eues avec Rosarius. Il avait déjà fait partie d’un groupe auparavant, mais qui ne collait pas vraiment à sa sensibilité et à son propre univers de prédilection. Il comptait se lancer dans un projet inspiré par Saturnus et Shape Of Despair. De mon côté, j’explorais timidement le folk et le metal extrême (d’inspiration black et doom) avec mon projet personnel, Betray-Ed. Très vite, nous avons donc envisagé de faire de la musique ensemble et de faire du doom metal, un style qui nous plaisait énormément et dans lequel nous savions que nous aurions de la facilité à nous exprimer.

Quel meilleur choix possible pour exprimer la mélancolie ? Nos influences étaient et sont toujours les mêmes : Saturnus et Draconian avant tout, bien sûr, mais aussi Shape Of Despair, Empyrium, Whispering Gallery, Theatre Of Tragedy, Estatic Fear… Un peu plus tard sont venus While Heaven Wept, Ophelia, Wine From Tears, My Dying Bride et bien d’autres, moins directement liés à la sphère doom. A l’époque de l’enregistrement de notre première démo en août 2007, Rosarius et moi nous sommes saisis du clavier et de la guitare en sachant exactement et précisément le type de musique que nous voulions jouer. Nos influences puisent aussi dans le folk (auquel je suis très sensible) et la scène gothique (terrain favori de Rosarius, qui la connaît impeccablement bien).

 

D’où tenez-vous cette inspiration pour « innover » un tel album ?

Walran : Nous adorons « Errances », mais nous savions que nous voulions que son successeur aille plus loin, à tout point de vue. Nous avons donc élargi le cercle de nos influences à d’autres choses que nous aimions : le doom metal plus traditionnel, le folk, la darkwave, le black metal atmosphérique et symphonique, la pop, le rock et le metal gothique, le shoegaze… Il y a un peu de tout cela dans « La Litanie », et j’en oublie sans doute. Nous avons des gimmicks mélodiques : la meilleure façon de ne pas se répéter est de continuer toujours à explorer, à suivre notre cœur et nos envies de façon aussi décomplexée que possible. Et par chance, nous avons presque toujours des envies similaires, Ronnie, Rosarius et moi. Cela facilite les choses…

 

Comment composez-vous au sein du groupe ?

Walran : Notre façon d’écrire, étonnamment, a toujours été très spontanée, même lorsqu’il s’agit de proposer des morceaux longs. La plupart du temps, Rosarius et moi écrivons ensemble les chansons, petit bout par petit bout, en suivant le chemin que trace la musique. Souvent, après avoir composé un couplet ensemble, par exemple, on se regarde en se disant : « qu’est-ce qui doit venir après ? Qu’as-tu envie d’entendre à ce moment précis ? » Cela peut-être un break laissant la part belle au piano, un refrain emphatique, un solo…  Quelques essais suffisent en général, pour trouver la mélodie qui nous plaît et l’exploiter comme nous le souhaitons. Ensuite, nous travaillons avec Ronnie pour définir les tempos, les structures des titres et le laisser fournir ses suggestions. Et les morceaux continuent d’évoluer en studio, où nous ajoutons des mélodies complémentaires, pour donner à chaque passage un maximum de beauté. Il arrive aussi que Rosarius et moi travaillions séparément sur nos démos. Il a écrit « Inertia » seul, et moi « Twilight’s Embrace ».

 

Et en ce qui concerne les textes ? D’ailleurs, pouvez-vous nous faire un track-by-track et nous expliquer de quoi parlent vos textes ?

Walran : C’est la même chose que pour la musique : une fois les morceaux enregistrés sous forme de démos, nous réfléchissons à ce qu’ils nous évoquent et couchons nos pensées sur le papier, à quatre mains.

– « A Shrine Of Clouds » parle, selon moi, d’une âme qui s’éloigne petit à petit de son corps pour effectuer une sorte de voyage astral. Elle se sent plus libre et légère au fur et à mesure de son éloignement de la terre. La musique accompagne les émotions, suit cette gradation, ce voyage vers un ailleurs éthéré, triste et beau.

– « Still Glowing Ashes » décrit les émotions intimes d’un personnage tourmenté et perdu. Un dialogue s’instaure entre le chant masculin et le chant féminin, qui se font échos d’une même douleur, vécue et perçue de façon différente.

– « Twilight’s Embrace » est notre morceau le plus personnel et intime à ce jour. Il se base sur des souvenirs et impressions que j’ai ressenties pendant mon enfance lors de longues promenades seul ou avec mon père. C’est là que, confusément, j’ai ressenti la grandeur de la nature et la puissance des émotions que pouvait provoquer la vue de certains paysages, à différentes heures du jour – notamment, vous l’aurez deviné, au crépuscule.

– « Inertia » est sans doute la chanson la plus abstraite, qui laisse le plus de place à l’interprétation. On pourrait penser qu’elle traite d’une personne enfermée dans son propre monde, isolée et coupée de l’extérieur. On cherche à l’atteindre, mais est-ce pour l’aider, ou est-ce parce que ce qu’elle vit, cette inertie, ce néant, nous attire irrésistiblement ?

– « Moonflower » se base sur un roman écrit par Rosarius, appelé Apostasie et qui sera publié l’année prochaine.

Rosarius : « Moonflower » parle d’une fleur que presque personne ne peut trouver et qui réalise le plus profond désir de celui qui s’éprend d’elle. Le texte de la chanson pourrait constituer un « spin off » du roman, puisqu’il raconte un épisode qui n’y figure pas. Mais la chanson se passe bel et bien dans l’univers que j’ai créé pour ce livre.

 

Pouvez-vous nous commenter cette belle pochette et sa relation avec l’intitulé de l’album ? Qui en est l’auteur ?

Walran : Un jour, en me promenant dans un musée, je suis tombé sur un tableau de Gustave Moreau intitulé « Les Anges De Sodome ». L’image m’a fasciné et j’ai suggéré à mes comparses de l’utiliser en guise de pochette de l’album. Mais notre batteur Ronnie a estimé – et à raison – que pour illustrer un disque aussi personnel que « La Litanie des Cendres », il valait mieux avoir recours à une œuvre originale. Nous avons donc confié à notre ami Florent Castellani la réalisation d’une huile sur toile s’inspirant de ce fameux tableau de Moreau, et il a fait un travail magnifique, unique et personnel, mystérieux et évocateur, bien plus en accord avec notre vision que ne l’aurait finalement été l’œuvre originale. En contrebas, on aperçoit une ville en cendres. La Litanie, c’est l’ensemble de ses souvenirs, de son histoire, désormais dispersés aux quatre vents. Cela existe toujours, mais c’est impalpable, disséminé dans les airs… Cela renvoie à une nostalgie profonde et vive, qui nous étreint parfois implacablement sans qu’on puisse vraiment lui donner une raison, n’en connaissant pas forcément l’origine.

Quelles ont été les difficultés rencontrées lors de la composition de cet album ?

Walran : En toute honnêteté, composer n’est jamais difficile. Nous essayons simplement de ne pas nous répéter, mais en dehors de ça, le processus de composition se fait totalement naturellement. Notre musique se veut simple et belle : les choses évidentes doivent venir d’elles-mêmes et ne pas être forcées. Les arrangements, eux, nécessitent d’être plus réfléchis et ajoutent de la profondeur, de l’intérêt, de la beauté à l’ensemble. Mais nos démos, qui sont en quelque sorte des brouillons auxquels nous nous référons par la suite, naissent sans la moindre difficulté.

 

Quel est pour vous le secret d’un bon album de doom ? Je vous pose la question car je pense que vous le détenez !

Walran : Haha, voilà qui est flatteur, merci ! Pour moi, le secret est d’éviter la monotonie : aucun passage ne doit être superflu. On peut, bien sûr, répéter des idées et les étendre dans le temps pour créer un côté « hypnotique », mais il faut toujours que cela serve l’atmosphère ou le propos. Eviter l’ennui, voilà l’enjeu quand on compose une musique aussi lente et lourde. L’auditeur doit être accroché à chaque instant et ne pas sentir le temps passer.

 

La question que je pose à tout groupe de doom : Pourquoi faire de longs morceaux quand on peut faire de plus courts ? N’est-il pas plus compliqué, ou est-ce que c’est parce que vous vous laissez emporter par votre musique que vous ne pouvez plus vous arrêter ?

Walran : Mmmh, plutôt la deuxième option. Et puis, comme le tempo est lent, il est normal que les morceaux s’allongent ! Là où un refrain dans un album de speed metal peut durer 15 secondes, il fera le double ou le triple chez nous, par exemple. Les longues durées sont donc induites par la lenteur de notre musique. Par ailleurs, les morceaux longs nous offrent un plus grand espace de liberté et d’expression. Nous adorons ça, et personnellement, il m’est plus difficile d’imaginer proposer à Angellore un titre de 4 minutes que de 15 !

 

Quels sont vos projets pour l’année à venir ?

Walran : Recommencer à répéter, préparer la sortie de l’édition vinyle de « La Litanie des Cendres », continuer à composer si le cœur nous en dit.

 

Que pensez-vous de la scène doom française ?

Walran : Je ne la connais sans doute pas très bien, mais je l’apprécie. Je regrette simplement que le doom gothique n’y soit pas plus représenté ! Mais il y a des groupes dont nous nous sentons proches, comme Inborn Suffering (RIP), Left In Torment, Lethian Dreams ou Ixion par exemple.

 

Je vous laisse finir par une citation de votre choix.

Rosarius : Je ne vais pas être original du tout, mais si la citation doit correspondre à Angellore, alors je veux citer Musset qui dans son poème « La Nuit de Mai » fait dire à la Muse : « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,/Et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots. » C’est une citation très connue, mais pas pour rien : elle met en mots avec évidence et beauté ce que les amoureux d’art ont tous éprouvé au moins une fois. La tristesse est un sentiment d’une pureté absolue, et elle me semble intensément liée au rêve et à la création.

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1 Commentaire sur “Angellore”

  1. pingback pingback:
    Posté: 22nd Oct 2015 vers 20 h 05 min
    1
    Angellore – La Litanie Des Cendres | Soil Chronicles

    […] Pour en savoir plus sur le groupe, voici leur interview : http://www.soilchronicles.fr/interviews/angellore […]

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