Palace of Worms – Cabal

Le 12 mars 2023 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Balan - Tous les instruments, chant

Style:

Doom Death Metal

Date de sortie:

03 février 2023

Label:

Acephale Winter Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9,25/10

“La pureté des intentions d’un auteur est à rechercher dans la noirceur de ses brouillons.” Stanislaw Jerzy Lec

Sortant tout juste de l’interview faite pour le split de Cercle Noir, je me suis beaucoup questionné sur l’image qui est rendue quand on parle de noirceur dans l’œuvre musicale. Le profond côté « on s’en bat les couilles » de l’interview m’a quand même rappelé, paradoxalement, qu’on parlait d’un style musical censé être très noir, très malsain. Et pourtant ! L’image renvoyée par cette interview ne restera pas dans les annales du dérangement psychique ou de l’eschatologie manifeste. Plus celle d’une bouteille de Pastis vide si j’ose dire, pour vous situer le contexte. Alors, c’est là que se situe potentiellement selon moi la frontière entre le réel et l’artistique. Parce que, quand vous vous aventurez dans l’exercice périlleux de la chronique, vous réalisez souvent que si la noirceur qui incombe à l’album dûment chroniqué était réalisable et réalisée en tant que telle dans la vraie vie, les Dieux savent qu’ils manqueraient de place dans leur panthéon pour accueillir tout le monde ! Entre les discours pessimistes, les tons de musiques qui prêtent plus à l’échafaud qu’à l’optimisme d’un soleil levant, et cette froideur incontestable voire dans l’extrême inverse, cette lourdeur oppressante au possible, on ne finirait pas de compter les cadavres et l’on verrait le pourcentage de suicides remonter en flèche. C’est une réflexion comme une autre bien entendu, mais je me dis que parfois, quand on écoute certains albums, ou simplement quand on découvre l’univers de certains groupes, on aurait de quoi faire pipi d’effroi dans le pantalon. Je ne vous parle même pas du traité sur le Gore et le reste, parce que sinon là encore on aurait de quoi philosopher inutilement pendant des heures…
En tout cas, le style Metal Extrême a toujours été ce paradoxe incroyable entre le contenu de sa musique et la réalité du monde derrière. Car oui ! Au vu de l’interview qu’on a effectuée avec Mémé Migou, l’optimisme et la noirceur, la camaraderie et le pessimisme, la bonhommie et le sarcasme peuvent cohabiter idéalement ! C’est en cela que désormais, quand je vais m’atteler à la chronique d’un groupe qui parle vraisemblablement de noirceur et ne prête aucunement à sourire, sinon de satisfaction primaire, j’aurais probablement toujours ce recul de me dire que non ! Le ou les gonzes derrière ne sont pas tous sous Valdoxan et ne consomment pas de mouchoirs à en boucher le conduit de leurs immeubles ! Alors, vous me direz, quid du groupe Palace of Worms et de l’album Cabal ? Eh bien, vous savez quoi? Vous allez le savoir en lisant la chronique ! Suspense garanti 100% Quantum grâce au tricotage de phrases à rallonge et au vide sidéral de leur contenu. Je plaisante ! [NdlaCorrection : arglllllllll]

Derrière ce nom bucolique et charmant de Palace of Worms se cache surtout un musicien tout seul, qui répond au nom de Balan. Un one-man band qui vient tout droit des Etats-Unis, de la ville d’Oakland vers San Francisco. C’est vrai que tout de suite, quand on pense à cette ville, on pense à Scott McKenzie, à Hollywood qui n’est pas bien loin, au soleil, enfin bref. Tout le contraire de ce qui rappelle de prime abord un projet solo comme Palace of Worms qui amène plus de froideur qu’autre chose.
Toujours est-il que ce projet n’est pas neuf du tout, il existe depuis 2007 ce qui commence à faire un bon paquet d’années quand même. Pour autant, la discographie concrète semble un peu décevante, avec simplement trois albums sortis avant ce dernier Cabal, dont l’avant-dernier est sorti voilà sept ans. Par contre, on dénombre cinq splits, trois démos et une compilation en prime, ce qui montre que notre homme aime les collaborations ! J’aime bien les splits, mais cette-fois c’est bien ce dernier album qui nous intéresse ce soir. Sorti chez le label Acephale Winter Productions, il donne envie en tout cas ! Les promesses, on verra.

Je parlais de froideur, je dois dire que le mot est faible quand on voit la pochette. Palace of Worms avait annoncé la couleur d’abord avec son propre nom, ensuite avec le nom de Cabal qui relate l’ésotérisme et l’occultisme dans un terme ancien. On connaît tous la cabale pour fomenter un projet malsain contre une personne, mais ici je pense que le terme cabale est inhérent à l’occultisme. En tout état de cause, l’artwork présente un décor macabre avec une abondance de crânes, de squelettes, de deux représentations de ce qui ressemble à la Mort, et un fond de couleur grisâtre bien foncé. J’aime plus particulièrement les sortes de grilles en haut avec le nom du groupe, comme, vous savez, ces grands portiques qu’on trouve dans les films par exemple ou dans les vieux manoirs, avec les grandes lettres qui rappellent parfois le nom des propriétaires ! Mais ce qui saute aux yeux, c’est cette couleur jaune or, très lumineuse, qui illustre le nom de l’album et quelques motifs ésotériques sur les côtés, sur deux sceptres tenus ou lévités par les deux fameuses Grandes Faucheuses sur les côtés. Cette touche ésotérique, du moins je le crois, est bien entendu par la couleur et les motifs ce qui se démarque de l’artwork. En effet, outre le côté macabre que l’on a vu et revu dans énormément de pochettes, d’avoir mis ces lettres en jaune or (bluffant l’effet or au passage) et sur des motifs qui font penser à la démonologie donne un aspect tape-à-l’œil plus que satisfaisant ! En fait, le contraste est très important entre le gris en fond et ce jaune or qui perce l’œil. J’aime beaucoup ce choix, je trouve qu’il y a même un côté un peu « expérimental » sinon audacieux à mettre ces deux couleurs ensemble. Cela illustre la musique de Palace of Worms, vous verrez. Mais en tout cas, pour clôturer ce paragraphe sur l’artwork, je le trouve très beau, fonctionnant à merveille et franchement courageux par ce mélange qui couvrira bien des lignes dans mon paragraphe. Magnifique !

Et la musique ne l’est pas moins. Sur le papier, il convient de commencer par dire que Palace of Worms était d’abord un groupe de Black Metal. Mais Balan a décidé d’orienter sa musique dans un registre totalement différent puisque cet album Cabal intervient dans le style Doom Death Metal. Mais ce serait totalement réducteur de dire qu’il ne s’agit que de Doom Death Metal. Sur les bases, oui ! Clairement, la musique est très lourde, mais d’une lenteur somme toute assez limitée, avec de réels passages accélérés, et une lenteur d’un Doom Metal modeste si j’ose dire. En fin de compte, la frontière est mince entre un Doom Death Metal et un Death Metal. Mais ce qui saute aux oreilles, et qui m’a totalement pris de court, c’est que la musique n’est pas réduite à une simple lenteur bien lourdingue. Les parties guitares sont très mélodiques, il est à noter une certaine déstructuration dans la construction des pistes avec des changements de riffs et de rythmiques fréquents, donnant donc une complexité à une musique normalement connue pour son minimalisme outrancier. Difficile en l’état de décrire précisément la musique, mais il faut vous représenter un subtil mélange entre O.L.T.A.S et Fleshgore faits récemment en chronique pour comprendre le melting pot de Cabal. Il y a même un Theremin au début, des claviers !
Ce qui saute donc aux oreilles, c’est qu’au regard du contexte visuel et nominatif de Palace of Worms, la musique est totalement chaotique, avec une recherche mélodique peu avare, et surtout une noirceur quasiment absente, sinon quand on commence à réellement creuser la musique. Et encore ! La forme est tellement complexe qu’on en oublie le fond presque. On en oublie aussi que le projet est l’ouvrage d’un seul homme, qui joue et compose tout ! Absolument tout, même la batterie qui est également très complexe. C’est vous dire le talent du gars qui nous pond un album venu d’on-ne-sait-où, avec un luxe de variations qui rangeraient presque le genre Doom Death Metal de Palace of Worms dans un sous-genre étrange d’Expérimental, Technique ou Progressif. C’est selon les préférences. Moi, j’ai eu beaucoup de mal à assimiler le principe de noirceur à cette musique très technique, difficile mais absolument époustouflante. Il y a de tout et pour tout le monde ! Certains accords sont même positifs. En fait, on sent surtout que Palace of Worms n’est pas un projet « sérieux » dans le sens pour rendre l’album accessible. Probablement est-ce un argument rapide, mais je crois bel et bien que Balan se fiche de l’opinion des autres. Encore accorderait il un semblant d’intérêt aux retours, mais quand on a un tel bordel dans sa tête à coucher sur partition, on ne peut donc que se mettre en pamoison. La musique n’est définitivement pas aisée à aborder, mais quand on arrive à apprivoiser la première écoute comme moi, on ne peut qu’adorer. Et j’ai résolument adoré !

Peut-être que le point principal qu’il convient de mettre en exergue, c’est la production. Parce qu’on pourrait penser que celle inhérente à du Doom Death Metal est plutôt aisée à élaborer, ce qui est faux de facto. Les oreilles habituées peuvent penser des bêtises. Mais quand en plus la musique est technique au possible, avec autant de variations de riffs, d’accords, et de rythmiques, bonjour le boulot à faire en studio ! Du coup, leDoom Death Metal ici ne peut pas être aussi lourd que ce que la coutume voudrait. Aussi, je disais pour cette raison précise, entre autres, que la frontière est très mince entre ce style ci et le Death Metal qui finalement ne peut pas obtenir autant de lourdeur que son voisin. Ainsi, nous pourrions penser que la production de Cabal se situerait plus sur le Death Metal. En tout cas, chaque instrument a sa place et on ne peut pas dire que certains sont plus étouffés que d’autres, par exemple.
Je dirais simplement que parfois j’aurais aimé entendre plus distinctement les claviers, mais c’est mon opinion. Du reste, les claviers n’ont pas un rôle ultra central, hormis dans les moments d’accalmie. Par contre, je trouve la batterie et les guitares extrêmement bien sonorisées, mention spéciale à la batterie qui me semble être une vraie, ce qui pour un projet solo devient rare de nos jours. En tout cas, la production est intelligente, racée et précise, apportant donc cette touche technique supplémentaire qui ne peut que ravir les amateurs du genre. Gros boulot!

Bon. Nous avons fait ensemble le constat que Palace of Worms, sous son costume d’apparat de noirceur, cache en réalité une musique bien plus difficile à assimiler. Avec une mise en avant d’un versant technique et extrêmement changeant qui fait plus penser au chaos et à la déstructuration de tout. Est-ce que parfois, la noirceur ne pourrait pas être cela ? Cette plongée terrifiante dans une musique dont on ne sait finalement pas si l’on doit se sentir bien ou mal. Parce que pour cet album, c’est exactement le constat que j’ai fait. Et j’adore, vraiment. Ne pas être capable de rester figé sur un sentiment global, qu’il soit négatif ou positif, c’est quand même un profond désarroi quand on n’a pas l’habitude. C’est même très rare. De mémoire les premiers qui m’ont procuré cette sensation et qui continuent encore parfois, c’est l’artiste français Woodkid et le compositeur minimaliste Philipp Glass. Après, on pourrait aussi penser que notre ami américain n’est pas du genre à s’enfermer dans un personnage fictif musical ! Que justement, ce Doom Death Metal reflèterait plus la réalité de nos changements thymiques, de nos balancements naturels entre noirceur et lumière, et ainsi sa musique ne serait que le reflet de ce que l’on vit tous dans une longue vie semée d’embûches et de bonheurs !
Bon, j’admets. Je divague peut-être beaucoup dans ma recherche de compréhension du concept autour. Mais c’est pour vous montrer que ce soir, je suis content ! Parce que cet album, qui est très très bon, est surtout très authentique et ne souffre d’aucun compromis. La musique est comme elle est, complexe, difficile à digérer, mais au final, il ne faut pas croire que le chaos qui abonde de ce chef d’œuvre n’est qu’une mise en scène minable pour faire semblant. Palace of Worms est juste un compositeur de génie, comme il y en a beaucoup. Mais Cabal est probablement un album qui retranscrit le mieux son génie. Rien que pour cela, il faut y aller les yeux fermés ! Parce que les oreilles fermées, quoiqu’on en dise, cela ne va pas être productif… Enorme !

Et pour terminer cette analyse, on va causer du chant. Là encore, on sent que l’intelligence prévaut plus que le reste parce que la technique vocale n’est pas située sur un registre purement Doom Death Metal, mais plus sur un côté Death Metal voire Blackened Death Metal avec un timbre de voix situé plutôt sur un growl medium, voire un cran au-dessus parfois. Je suis toutefois un peu déçu par la linéarité sonore de ce dernier, mais en même temps ! Comment caler efficacement des lignes de chant quand on a une musique aussi déstructurée ? Et quand il y a une telle variabilité des riffs, là encore ce n’est pas évident de trouver une technique de chant efficiente. Je dirais donc que le chant, qui est loin d’être mauvais pour autant, montre un peu les limites de ce type d’expérimentation musicale qui frise l’ultra complexe. Le chant ne peut donc pas s’inscrire de manière pérenne dans la musique et souffre au mieux d’une mise à l’écart, au pire d’un non-sens. Ici, on se situe plus la première hypothèse. La rythmique est moyenne, le chant n’est pas très puissant ni très présent. Il fait le boulot, sans plus.

Conclusion de cette nouvelle chronique, le one-man band américain Palace of Worms revient aux affaires après sept années de disette avec ce nouvel album sorti récemment et nommé Cabal. Se plaçant sur l’échiquier du Doom Death Metal, le damier qui sert de support est pourtant loin d’être simple. La musique se veut d’une complexité plutôt rare dans ce style qui est plus connu pour ses longs, très longs accords, que pour son jeu technique et mélodique. En tout cas, Balan qui est, je le répète, seul aux commandes de son projet, s’aventure dans une sorte de clair-obscur musical qui frôle même le génie. Avec une recherche intelligente de retranscription dans sa vision de la noirceur, le compositeur accouche d’un ouvrage qui va plus vers les confins du chaos que de la noirceur telle qu’on la connaît. Ainsi, c’est un album d’une grande complexité, assez époustouflant, mais qu’il convient d’assimiler avec prudence. Mais prudence n’est-elle pas mère de sûreté ?… Franchement déroutant !

Tracklist :

1. Telepathic Crucifixion (05:53)
2. Bizarre Blood and Exhumations (06:06)
3. Through the Dark Arches (05:54)
4. When the Stones Come Tumbling Down (07:18 )
5. Cabal (02:39)
6. Cessation of the Heart (05:24 )
7. Rebirth of Nihil (08:56)
8. Winterbird (07:54 )

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