Mitochondrial Sun – Mitochondrial Sun

Le 18 avril 2020 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Niklas Sundin : compositeur, programmation

Style:

Dark / Electro

Date de sortie:

14 Février 2020

Label:

Argonauta Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

Celui pour qui le théâtre est la joie de la métamorphose mourra acteur, même dans la cellule d’un couvent.” (Nicolaï Evreïnov)

Lorsque l’on me demande quel est mon sentiment quand je suis sur une scène ou lorsque je compose de la musique ou écris les textes, je réponds quasi systématiquement que la musique et le théâtre sont des arts similaires. Il faut sans cesse s’inventer des personnages, se mouvoir dans la peau d’un autre et parvenir à mettre en symbiose les éléments factices et les miens pour créer. Factuellement parlant, nous ne sommes pas totalement les mêmes lorsque nous sommes sur scène : nous amenons, certes, une part de nous-même mais le personnage que nous sommes est souvent éloigné de la vie de tous les jours… et heureusement ! C’est en cela que beaucoup d’artistes metal font leur rentrée dans le monde musical : par une porte dérobée, à laquelle on ne s’attend pas du tout parfois ! Il y avait par exemple Shagrath de Dimmu Borgir qui a lancé son groupe de Hard Rock, Chrome Division ou, pour le citer à nouveau (deux ou trois fois en autant de chroniques), Richard Lederer de Summoning qui a lancé son projet solo de Darkwave, Ice Ages. Citons enfin Gaahl, célèbre chanteur de Black Metal, qui a fini par lancer… sa propre marque de prêt-à-porter. Vous voyez ? Les exemples de pluridisciplinarité fourmillent et je ne suis donc pas étonné, en tant que musicien et en tant que chroniqueur, de voir débouler un énième projet solo. Et ce dernier se nomme Mitochondrial Sun.

Mitochondrial Sun est l’œuvre donc d’un seul homme : Niklas Sundin, ancien guitariste de Dark Tranquility de 1991 à 2017, de HammerFall de 1993 à 1995, et actuel guitariste de Laethora. Peu d’informations sont disponibles à ce jour mais il semblerait qu’il soit assez récent, étant donné que le premier single date de l’an dernier, soit 2019. De Niklas Sundin, on sait qu’il est suédois et qu’il a 45 ans, mais concernant son projet solo, peu de choses… Cet album éponyme semble être donc le premier fait d’armes et il va de soi qu’au vu du pedigree de l’artiste, cela va être un travail intéressant. J’ai regardé un peu sur le Bandcamp, il est mentionné que Sundin est le principal compositeur mais qu’il s’est entouré de plusieurs artistes de session : pianiste, violoncelliste, batteur, narrateur, etc. Partant de l’idée qu’il s’agit de Dark electro, je suis impatient d’entendre cela ! Étant également un amateur de la musique de Dark Tranquility, je m’attends évidemment à quelque chose qui va me plaire mais, ça, c’est plus un réflexe de Pavlov qu’autre chose.

[Nota Bene : il semblerait aussi, au vu des photos du pressbook, qu’il existe un bâtiment quelque part dans le monde qui s’appelle Mitochondrial Sun. J’ai cherché, je n’ai rien trouvé de tel. Mais une photo avec Sundin en atteste…]

Mais tout d’abord et comme d’habitude, commençons par voir la pochette.
Je la trouve plutôt simple en elle-même, avec ce fond blanc et cette envolée de feuilles grises qui fait penser à une figure fractale. Pas grand-chose à se mettre sous la dent et cela m’étonne un peu de la part de Sundin qui est aussi illustrateur de profession, même si des feuilles comme celles-ci peuvent être interprétées de différentes manières, comme l’automne et la fin des beaux jours évidemment. Mais aussi, chez les juifs, le nouvel an nommé « Roche Hachana » tombe au début de l’automne et c’est le moment de l’année où les personnes de confession juive doivent faire leur introspection et, pour eux, les feuilles qui tombent et se parent de belles couleurs en automne sont un émerveillement pour ne pas que les bonnes résolutions, mises à mal par l’introspection, soient arrêtées. On pourrait y voir ce sens symbolique : ce CD est une forme d’introspection après avoir été pendant des décennies guitariste d’un groupe célèbre et aller vers un retour aux sources. Pourquoi pas ! L’utilisation du gris à la place des couleurs vives est plus une représentation de la mélancolie, ce qui nous amène à penser que ce premier album ne va pas être joyeux. En tout cas, le design aurait mérité un peu plus de consistance mais, adorant la symbolique des feuilles mortes, il me parle néanmoins suffisamment pour me donner envie d’aller à l’écoute de la musique. Bonne pioche, donc !
Et je dois également dire que je suis assez sensible à la métaphore, inattendue, de la mitochondrie ; cette dernière est l’élément fondamental d’une cellule, qui lui amène son énergie pour survivre, donc l’idée d’employer une métaphore « microscopique », pour ne pas dire plus petit, est une idée originale que je valide ! Intéressant de comparer l’un des éléments les plus grands de l’Univers avec le Soleil – une étoile donc -, et l’un des plus petits. J’adore !

Étiqueté comme étant de l’Electro Dark, ce premier album est concentré sur dix morceaux d’une longueur « normale » pour chacun, soit environ entre deux et quatre minutes. Deux exceptions avec « Chronotopes » qui dure cinq minutes et « Celestial Animals » qui en dure sept. Et ce qui en ressort de l’écoute, c’est que le terme de musique électro en soi n’est pas le plus approprié. Certes, il y a une forte utilisation comme instruments de claviers, programmation et autres synthétiseurs, mais je pense que ces derniers interviennent surtout dans les arrangements et les assemblages des différents instruments enregistrés et qui sont, eux, bien réels. J’imagine bien entendu que Sundin, s’il se produit sur scène, utilisera toute une batterie de claviers et autres MAO, pads, etc. Ou alors totalement l’inverse en fin de compte, et ce serait juste magnifique ! C’est mon avis personnel mais si vous cherchez de l’électro plus brute, je pense que vous allez être déçus. Sa musique me fait d’ailleurs fortement penser à Woodkid, artiste lyonnais ayant sorti un album, The Golden Age, et dont la musique estampillée électro est exactement la même démarche qu’ici : des instruments réels, mis ensemble dans une programmation, mais sans utilisation sur scène de matériel adéquat. Que des vrais instruments ! Mais la comparaison avec Woodkid s’arrête là car la musique n’est pas la même du tout.

Par contre, je peux d’ores et déjà vous affirmer que cet album est un bijou du genre. Les mélodies sont d’une grande mélancolie, l’utilisation des instruments est d’une justesse de composition impressionnante, pas de brouhaha ni de « surutilisation » qui ferait penser plus à du bruit qu’une réelle musique et, surtout, les morceaux sont tous aussi différents les uns des autres, ce qui donne une dimension plurielle à cet album tout en gardant le même fil d’Ariane sur une base triste, mélancoliforme et tout de même un brin solaire. Comme si le Salut venait toujours derrière cet écran de fume opaque qu’est la dépression… Comme si le Soleil perçait toujours les nuages… Vraiment, j’ai été bluffé car ce CD donne le sentiment de nous raconter quelque chose, le tout sans parole à part une narration de temps à autre, et l’on plonge dans ce roman musical comme l’on plongerait dans des eaux sombres et abyssales. D’ailleurs, plusieurs fois dans les écoutes, je me suis surpris en train de m’imaginer dans ma plus grande phobie, les fonds marins, et de me voir descendre de plus en plus profond, comme attiré par les abîmes insondables. J’ai donc vécu ce qui ressemble à une expérience transcendantale avec ce CD, ce qui est extrêmement rare. Désolé, je vais encore faire une comparaison mais l’album Evinta de My Dying Bride est un peu dans la même démarche, le chant d’Aaron Stainthorpe en bonus, avec cette évasion musicale.

Il m’est cependant, par la richesse des morceaux, impossible de tout vous détailler car dix morceaux de cette richesse serait un travail théseux pour moi. Retenez simplement qu’il y en a pour tous les gouts : des morceaux plus agités comme « Stars beneath the Sea » ou « Nyaga », ou des plus planants comme « Arkadia » ou le premier « Ur Tehom », qui m’a fait l’effet d’une plongée sans réfléchir (« Tehom » signifiant l’abîme dans la Bible). Il y a d’ailleurs des références assez éparses, avec « Arkadia » comme l’Arcadie en Grèce, ou « Tehom » comme je disais, « Nyaga » qui signifie en Kikuyu la « blancheur » ou la « montagne ». C’est également là que l’on voit la pluralité de l’artiste qui explore beaucoup de choses et les transvase directement dans une seule musique. Bluffant… Rien que pour ce constat et cette puissance sur mes émotions, je ne peux que vous conseiller ce CD.

La production est excellente ; ce n’était surement pas une mince affaire d’ailleurs car mélanger des éléments électro, quoique peu nombreux, et des vrais instruments aussi variés a dû être une profession de spartiate pour le studio. Mais le contrat est rempli haut la main, rendant l’écoute sur différents supports très agréable. C’est là tout le génie de l’artiste que d’avoir en tête le rendu final depuis le début, arriver à la maturer légèrement pour déboucher sur ce résultat, qui dépasse beaucoup d’espérances. Je pense que Sundin, tout grand professionnel qu’il est, doit être d’un perfectionnisme maladif pour parvenir à ce résultat, quasiment parfait justement.

Mitochondrial Sun est donc, pour conclure, un premier album qui répond plus que largement aux attentes que l’on se faisait probablement d’un artiste comme Niklas Sundin, à savoir un soin de tous les instants, une musique riche et marquée par une grande spiritualité, pleine d’émotions, et qui parvient surtout à nous faire méditer. La mélancolie, contrairement à ce que l’on s’imagine, n’est pas l’émotion la plus aisée à mettre en musique car elle répond à une subjectivité qui peut ne pas interpeller l’auditeur ; pour ma part, après avoir écumé différents CDs en la matière, je pensais un peu naïvement que j’avais fait le tour et que ce premier album serait une énième tentative… Il n’en est rien et, bien au-delà de mes ressentis, ce CD est une merveille du genre. A ne pas louper !

PS : et comme un symbole, il est sorti le jour de la Saint-Valentin.

Tracklist :

1. Ur Tehom
2. Chronotopes
3. Braying Cells
4. Stars beneath the Sea
5. Nyaga
6. Celestial Animal
7. Arkadia
8. The Void begets
9. Entropy’s Gift
10. The Great Filter

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