Griffon – De Republica

Le 16 février 2024 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Sinaï : guitare Aharon : chant Kryos : batterie Antoine : guitare

Style:

Black Metal Mélodique

Date de sortie:

16 février 2024

Label:

Les Acteurs de l'Ombre Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10

Le comble du poète c’est d’être inspiré sans pour autant avoir de muse !” Fabien Blanchot

Attention ! L’alarme de la désobligeance et de la désobéissance va retentir ! On nous reproche souvent à nous, chroniqueurs, de manquer parfois d’objectivité dans nos chroniques et dans nos choix de chroniques. Récemment, entaché d’un léger scandale (à l’échelle infime d’un réseau social bien connu) qui a vu un chroniqueur d’un certain webzine copier tout simplement les lignes d’un précédent report de concert, les webzines sont pointés du doigt pour également le manque d’objectivité. Ce qui m’amène à me questionner ce soir, et depuis un moment désormais, sur la part de subjectivité que l’on est en droit d’accorder ou non à nos écrits. Parce qu’on ne va pas se mentir longtemps : une chronique totalement objective n’est pas une chronique. C’est un traité scientifique ! Or, nous ne sommes pas des scientifiques de la musique. Nous sommes d’abord et avant tout des passionnés, des amateurs et des fanatiques de cette belle et vaste musique qu’est le metal, et a fortiori ses ancêtres punk et rock. Nous ne pouvons décemment pas prétendre exceller à l’exercice de la chronique sans pour autant mettre un peu de nous dans nos lignes. Nous sommes des humains, différents dans nos anamnèses et notre relation intrinsèque avec la musique. Nous n’avons pas reçu non plus la même éducation musicale, et c’est en cela, avec tous ses ingrédients de la subjectivité réunis, que nous sommes des chroniqueurs uniques. Cela ne sert donc à rien de crier au loup quand nous nous montrons parfois totalement déconnecté du sens moralisateur à deux francs qui consiste à ne retirer de juste que des lignes froidement scientifiques de nos rédactions. En ce qui me concerne, je n’ai aucune honte ni hésitation à faire part de mes émotions ni de mes gouts personnels quand il s’agit de porter haut un groupe et son album / EP. Que l’on me jette la première pierre si je suis le seul à oser faire cela ! Bon, c’était facile, je sais en l’état que je ne risque absolument rien. Toutefois, il apparaît que ma ligne de conduite principale se trouve dans l’idée d’éviter les groupes que je porte aux nues régulièrement sur les réseaux sociaux ou même dans ma vie privée. C’est pour cela que s’agissant du groupe prétendûment chroniqué ce soir, ne vous étonnez pas si je couvre ce dernier de belles louanges, de draperies lexicales en or massif, ou si j’en viens à faire de la lèche jusqu’à me dépecer la langue et la priver de ses papilles gustatives. Bienvenue donc dans le spectacle de la chronique « moins objective que d’habitude », avec en vedette de soirée le groupe Griffon et la sortie en release du jour de l’album appelé pour l’occasion « De Republica ». Tout un programme ! Vous avez été prévenus !

Griffon est un groupe français, originaire de Paris, et en bons gueux de la campagne qui se respecte, musicien amateur de la même dite campagne, je suis un peu envieux de voir qu’un groupe de la capitale puisse avoir autant d’influence sur l’échiquier du black metal français actuel. Car depuis sa création en 2012 (déjà…) et l’apparition discographique de trois albums avec ce dernier, un EP qui est à ce jour la pièce manquante principale de ma discothèque physique personnelle, deux splits géniaux avec Darkenhöld et Wyrms, voici donc que Griffon s’est imposé comme une des valeurs sûres de notre foisonnante et magnifique scène. Il n’en demeure pas moins que la concurrence est rude y compris au sein même du label idoine Les Acteurs de l’Ombre Productions, mais en tout cas, vu l’enthousiasme suscité sur les réseaux sociaux par la prochaine sortie de « De Republica », on ne peut pas nier, même en étant purement objectif, que Griffon joue un rôle prépondérant en France. Alors, tout l’enjeu quand on officie dans un tel groupe avec une tel attente est de ne pas sortir l’album casse-gueule. Est-ce le cas ici ? Vous allez le savoir, très vite.

Et pour démarrer cette analyse, nous allons dans un premier temps nous attarder sur la pochette. Première surprise : cette dernière a été créée non pas par un français, comme l’on pourrait le penser avec les nombreuses références à notre pays, mais par un américain ! Adam Burke, c’est son nom, a élaboré de nombreuses belles pochettes comme pour le groupe Fer de Lance que j’avais fait en chronique, et je suis d’autant plus étonné que selon moi, il a, par son style et les symboles utilisés ici, su trouver une quintessence certaine et stylistiquement parlant, ce style de tableau, peint un peu grossièrement si j’ose dire, amène une sorte de flou artistique qui jette une sorte de malaise. Après, sur les symboles présentés ici, on a forcément des références à la monarchie française, sujet si cher à Griffon, qui lui a valu quelques soubresauts par ailleurs. A tort. Avec Notre-Dame de Paris qui domine l’artwork, et une foule qui brandit de la vieille artillerie dans une sorte de manifestation, on croirait presque que la foule se révolte contre la religion. En fait, on l’oublie parfois, mais le clergé faisait partie d’une caste de privilégiés à cette époque de la Révolution Française, j’y vois ainsi une forme de cynisme contre l’arrivée de la République, ce qui collerait bien effectivement avec l’idéologie de Griffon. Les drapeaux blancs brandis par la foule témoignent par ailleurs d’une forte accointance avec la monarchie absolue de droit divin, le drapeau blanc étant le drapeau originel de la royauté en France, drapeau repris par ailleurs par Louis XVIII après la défaite et l’exil premier de Napoléon. Je ne sais pas s’il s’agit d’une manoeuvre volontaire mais j’ai cru que le drapeau tout à droite était bleu blanc rouge, alors qu’en vérité, l’effet d’optique est totale avec d’une part le ciel très bleu, signe d’espoir par ailleurs, et le rouge du sang sur le drapeau. Enfin voilà ! On en reste à des hypothèses concernant l’artwork de Griffon, on ne sait pas tellement au stade de la simple description de l’artwork s’il y a un profond cynisme à l’égard de la République ou au contraire, une sorte de plébiscite. Quoiqu’il en soit, dans le style, l’artwork est très agréable. Ce n’est pas mon préféré du groupe stylistiquement parlant, mais disons, pour faire gentil, qu’il est sympathique. Sans plus pour moi. J’imagine que l’intérieur doit être plus prometteur.

Comme vous l’aviez probablement compris dans l’introduction, ma chronique risque d’être bien élogieuse puisque j’adore ce que produit Griffon. Ce n’est un secret pour personne, pas pour les musiciens non plus d’ailleurs. Ce black metal mélodique extrêmement cru et travaillé, avec de multiples incorporations, des jeux narratifs superbes et des concepts toujours poussés à l’extrême, voilà des ingrédients qui font de ce « De Republica » une bien belle prise pour ce début d’année. Nous avons, pour les découvreurs, un black metal agressif et incisif, laissant toutefois une part belle aux mélodies guitares, la richesse musicale se situant à peu de choses près sur tous les versants instrumentaux. Une alternance de moments plus rythmés, avec une majorité de linéarité sur le black metal de Griffon qui finalement reste assez fidèle à ce qui se fait dans ce genre. La particularité du groupe parisien est de parer son black metal avec de multiples apparats, allant des citations de Jean Jaurès à des textes en langue grecque, en passant par des samples comme des coups de canons, des appels de la foule, et c’est là ce que j’ai toujours adoré chez eux. Moi qui suis un profond amateur des groupes qui poussent jusqu’au paroxysme leur concept, Griffon continue donc de totalement me régaler ce soir d’autant que le choix d’aborder la thématique de la République, usitant des symboles forts comme Jean Jaurès, ou la Semaine Sanglante, jusqu’à l’aboutissement de cette première Constitution republicaine, ne peut que nous toucher avec le contexte politique actuel. D’ailleurs, le groupe n’hésite pas à parler pour son dernier morceau de la fameuse non-majorité de l’Assemblée Nationale depuis 2022, n’hésitant pas à parler d’autorité forcée pour faire voter les lois. Franchement, il n’y a pas plus actuel que ce « De Republica » ! C’est époustouflant la manière dont le groupe mène la barque bancale de la République, et je ne suis pas nécessairement surpris du grand talent du groupe pour cela. Mais je suis abasourdi par le côté actuel de l’album, historiquement parlant, et toute la dichotomie qui en découle. Musicalement parlant, je savais que le black metal mélodique de Griffon me plairait, j’étais loin de me douter que je serais soufflé par le concept à ce point. J’y reviendrai un peu plus tard. Retenons donc que la musique demeure toujours aussi fortement qualitative, avec un black metal qui réussit le tour de force de mélanger les mélodies magnifiques aux guitares et l’agressivité, la froideur et l’incision d’une musique plus crue, plus violente. Depuis toujours son compositeur y parvient avec brio, ce n’était donc pas aujourd’hui que Griffon allait fauter. Musicalement, c’est du très très bon !

La production est assurée par Frédéric Gervais, qui m’avait gratifié récemment d’A/Oratos, autre projet de deux membres de Griffon. Il est aisé de trouver des liens sonores évidents entre les deux, d’ailleurs j’avais déjà évoqué une comparaison hasardeuse lors de la dernière chronique. On retrouve donc quelques éléments qui étayent cette hypothèse étant donné que les deux projets partagent le même producteur. C’est donc un son qui ne m’étonne guère, et que je retrouve à peu près inchangé concernant les précédentes sorties de Griffon. A savoir un black metal très incisif sur le plan sonore, agressif, avec des guitares bien gonflées sonoriquement parlant histoire que l’on ait une belle corrélation entre rythmique et lead qui sont prépondérantes toutes les deux dans l’atmosphère grandiloquente du groupe. La batterie qui officie très souvent en blast beat très rapide, qui parvient d’ailleurs à englober davantage les guitares pour amener cette rapidité agressive et qui tranche avec l’aspect mélodique ultra présent. C’est irrémédiablement la grande force depuis toujours de Griffon, de proposer un black metal qui mélange habilement agressivité et mélodie, ce qui est rare pour être souligné. En général, le black metal mélodique est très marqué rythmiquement parlant avec divers changements, voire une certaine arythmie ambiante. Or, ici, on est plus proche d’une technique de jeu à la batterie old school. J’ai toujours été épaté par cela ! Il y a aussi de légères incorporations, des samples narratifs entre autres, mais là encore c’est la grande force de Griffon qui mise la quasi majorité de sa puissance musicale sur les instruments de base, sans en faire des caisses. Sur le split « Atra Musica » c’est ce qui m’avait interloqué. D’avoir comme cela une certaine grandiloquence, une grande majestuosité dans son approche musicale, sans pour autant en faire des tonnes avec des samples pompeux. C’est toute la grande caractéristique des parisiens, et manifestement, « De Republica » ne sera pas l’album du changement. Tant mieux parce que franchement, on ne s’en lasse pas. Je ne m’en lasse pas !

Cette chronique s’avère finalement un peu difficile à écrire pour moi car je suis, je pense désormais, un fin connaisseur de Griffon et comme je le disais, un vrai adorateur de leur musique. Aussi, il a été difficile pour moi de m’extasier comme le ferait le chroniqueur qui découvre un ouvrage exceptionnel ! J’ai adoré l’écoute, bien entendu. Mais pour trouver les mots, ce fut une tâche assez compliquée. Le concept développé ici reste en tout état de cause la preuve irréfutable que Griffon est un grand, très grand groupe de black metal mélodique français. J’adore énormément le soin qui est mis par les deux protagonistes principaux du projet à développer un concept-album avec autant de travail de recherche et autant de minutie. J’entends par là de donner, dans les textes, des références historiques, des citations, voire pousser le vice jusqu’à chanter en grec. C’est donc typiquement ce que, en tant que chanteur et parolier, je rêverais d’être en capacité de faire sur mes projets. On retrouve, pour les fins connaisseurs du groupe, le caractère cynique et provocateur qui fait que l’on a indiscutablement un projet audacieux. J’ai toujours imaginé que Griffon défendait une vision monarchiste, voire royaliste dans sa musique, et ce au détriment de quelques moeurs bien ancrées dans notre société. Trop ancrées peut-être pour être facilement contestées. S’attaquer au principe même de la République, avec une approche globale mais finalement assez cynique, pour ne pas dire moqueuse (mais pas comme le ferait Pensées Nocturnes par exemple), je trouve qu’il y a  là un courage qu’il convient de mentionner. De là à dire que ce côté royaliste soit pleinement assumé dans la vie privée de nos amis musiciens, il s’agit d’un pas bancal à franchir que le bon sens moral nous demanderait de garder du côté de la frontière du privé justement. En ce qui me concerne, je m’extasie toujours autant de leur approche provocatrice. J’adore parce que cela ouvre des perspectives nouvelles. Je parlais concernant A/Oratos de « révisionnisme religieux », je pense que Griffon peut se targuer de bercer dans de la philosophie humaine avec un grand P. D’ailleurs, c’est bien là ce que je pense des projets du label Les Acteurs de l’Ombre Productions : parler de la condition humaine, des émotions et des états d’âme sur un versant purement métaphorique. C’est donc sans suspense que j’ai totalement adoré encore une fois le concept autour de la République au sens large, développé avec un soin extrême par Griffon. Je pousserai la dithyrambe jusqu’à affirmer qu’en matière de concept, il n’y a actuellement pas mieux en France. C’est pour cette raison précise que cet album constitue une des belles sorties de 2024 pour l’instant. Indéniablement !

Enfin, pour terminer, je vais me répéter mais le chant d’Aharon reste un des meilleurs actuels sur la scène. Sur un registre de voix de gorge évidemment bien gonflée en studio pour donner cette dimension grandiloquente que je n’arrête pas de mentionner, il y a donc une véritable présence sur l’album. Le chant chez Griffon fait énormément de boulot depuis le début du projet. Le fait qu’en plus de cela il soit majoritairement en français constitue pour moi un atout majeur puisque je suis très attaché au chant en français quand il est bien articulé et audible, ce qui est ici parfaitement le cas, avec un degré de soin là encore qui défie toute concurrence. En fait, la logique du groupe rejoint la mienne, moi qui chante en français sur deux de mes projets, je ne comprendrai jamais pourquoi la majorité des chanteurs de black metal ne font pas un minimum d’effort pour nous partager textuellement leurs états d’âme. Au moins, Aharon sauve les choses avec brio. L’aspect narratif étant également un incontournable chez eux, j’ai toujours aimé les jongleries de voix. Je ne sais pas si je me fais comprendre mais quand vous prenez l’album précédent, il y a certaines narrations qui sont très théâtrales, très bien jouées comme dans une pièce de théâtre. Ici,cela revient à peu de choses près au même processus, même si le sujet abordé, par son sérieux et un profond cynisme, relève de la froideur solennelle plus que du ridicule. Mais encore, un gros chapeau au processus vocal pour ce « De Republica » !

Terminons notre chronique ici les ami(e)s. Griffon propose donc un troisième album appelé « De Republica », toujours chez le même label dont il est, à l’heure actuelle, un fidèle représentant. La question étant de se demander s’il est le digne, ou s’il partage le gâteau avec les autres. La musique demeure dans les mêmes bases que les précédents méfaits, un black metal mélodique toujours aussi habile et captivant, qualitatif par son approche méticuleuse de l’agressivité et de la mélodie qui demeure à ce jour dans une osmose étonnante. Un concept-album toujours aussi exceptionnellement bien travaillé, pour mon plus grand bonheur. Et probablement que ce troisième album finira de complaire à l’ensemble des auditeurs français qui attendaient impatiemment cette sortie, comme en témoignent les réseaux sociaux. J’avais prévenu que j’étais un adorateur de leur musique en introduction, ne soyez pas surpris de mon léger manque d’objectivité. Pour une fois ! En tout cas, si l’on se risquait à parler de concurrence dans le label, pour sûr que Griffon serait un sérieux prétendant au trône du meilleur groupe ! A défaut de restaurer la monarchie avec son black metal mélodique d’une très haute qualité, peut-être que les parisiens écriront eux-mêmes leur propre dynastie de droit divin… Exceptionnel.

Tracklist :

1.     L’homme du Tarn     07:58
2.     The Ides of March     07:11
3.     La semaine sanglante     04:24
4.     A l’insurrection     04:54
5.     La loi de la nation     05:56
6.     De Republica     06:28

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