August Burns Red, Norma Jean, Beartooth – Lyon [21.06.16]

August Burns Red, Norma Jean, Beartooth – Lyon [21.06.16]

Le 21 juin, le premier jour de l’été, tandis que la plupart des gens descendent dans la rue pour voir se produire gratuitement des lycéens aux goûts douteux et au jeu approximatif ou le club de musique municipal reprenant les tubes de Kendji Girac ou Zaz*, certains ont préféré payer pour avoir un spectacle d’une autre qualité. Et c’est au CCO que ça se passe. Une salle toute particulière pour moi, puisqu’elle fut celle de mon premier concert de Metal ainsi que de mon premier pass photo.
Et c’est une triple surprise qui m’accueille à mon arrivée, un peu avant 20h. La première, c’est que Sounds Like Hell Productions semble débuter à l’heure indiquée sur l’affiche, puisque Beartooth est en plein set lorsque je franchis les portes. La deuxième, c’est que visiblement, aucun des deux « C » de CCO ne veut dire « clim ». Une chaleur étouffante a déjà envahi la salle, accompagnée d’une légère mais bien présente odeur de transpiration. C’est certainement autan dû à l’été, enfin arrivé, qu’à Beartooth, qui a déjà bien chauffé le public.

 

Et c’est lui, la troisième surprise. Parce qu’à vrai dire, avec son pédigrée – la formation étant fondé par un ex-membre d’Attack ! Attack !, l’un des groupes les plus moqués du monde du Hardcore – et les quelques chroniques que j’avais pu lire sur des sites de confrères – allant du c’est bien foutu, mais trop calibré pour sortir de la masse, à des commentaires bien plus catastrophiques –, je pensais vraiment avoir affaire à des types qui joueraient devant une fosse à moitié vide avec seulement quelques types écoutant poliment. Eh bien non, puisqu’à peine arrivé, c’est des pogos que je vois. Des pogos, et des paroles reprises en chœur par un public visiblement déjà conquis. Et je dois dire que je le comprends assez.
Beartooth
envoie bien, avec un jeu de scène dynamique soutenu par des lights en grande forme (ça fait d’ailleurs du bien, de revenir dans une grosse salle), bien que déconseillée aux épileptiques. Bien-sûr, ce groupe, c’est du calibré jeune et, avec ses refrains en chant clair (pas toujours d’une justesse phénoménale), ses passages obligés et son côté facilement assimilable, il ne révolutionnera pas le paysage musical. Certains titres, comme « Loser », avec leur côté Rock ou Punk-Rock, seraient très radio-friendly, s’ils n’étaient pas si saturés. Mais c’est assez violent et direct pour fonctionner, les gars se donnent comme des jeunots qui ont envie de prouver ce qu’ils valent – et semblent même parfois bouger pour eux-mêmes, juste pour se faire plaisir, qu’importe si le public suit ou pas.
Et bien vite, je me surprends à dandiner de la tête, à être impressionné par la très bonne gestion d’un pain technique. Je me mets à penser à Evergreen Terrasse. Autre groupe de Metalcore américain pour ados, il m’avait fait une bonne impression au Sylak , avec une prestation enjouée et fougueuse, aidée par des refrains Pop immédiats ; je pourrais les revoir avec plaisir, sans avoir réellement l’envie de m’intéresser à leurs albums. Voilà ce que c’était Beartooth, pure groupe live. Un bon moment passé – meilleur que prévu –, un bon souvenir, mais pas une révélation.

Après une pause permettant de prendre un peu l’air, on arrive enfin à l’un des deux groupes qui ont provoqué ma venue. Et Norma Jean pourrait se résumer en une seule photo. La seule que j’ai pu prendre John Finnegan en pleine action. Un bassiste au look très « Trévorien » (pour les amateurs de GTAV), en plus propre quand même, particulièrement déchainé. Avec une telle ardeur, on aurait pu croire qu’il allait se fatiguer au bout de quelques morceaux, comme n’importe-qui de sensé sur cette terre, mais non. Pas du tout ! Non seulement le gars tient tout le set, ne prenant que de rares pauses (comprenez par là des moments où il est juste un peu moins agité), mais en plus, il entraine avec lui ses camarades. L’un des deux guitaristes notamment. Le second, s’il reste de son côté, n’en demeure pas moins remuant, et c’est un set moins « ordonné », mais bien plus fougueux qui nous est offert. Quant à Cory Brandan, chanteur, il prend bien la scène pour faire venir à lui un public moins mouvementé qu’auparavant.
Il y a bien quelques circles pits de lancés, un peu de pogos, un accident de bière (qui m’a arrosé), mais la plupart du temps, l’auditoire écoute en secouant la tête en rythme, un peu décontenancé. Faut dire aussi que Norma Jean est nettement moins easy-listening que son prédécesseur. Pas de refrain en chant clair, du hurlement, du hurlement et rien que du hurlement. De la hargne, de la violence et pas juste du gros son. Pas de riff mémorisable au premier coup d’oreille, pas de passages aisément identifiables ou prévisibles. Du coup, les teenagers qui scandaient auparavant les refrains de Beartooth sont soit absents, soit dans une sorte de sentiment d’incompréhension.
Pour ma part, je suis toujours autant étonné de voir un groupe nous servir des riffs aussi alambiqués, dans un écrin aussi fou, tout en restant groovy et brutal au possible. Là où la recherche et la sophistication auraient pu amoindrir leur impact, Norma Jean nous fait l’effet d’un parpaing reçu sur le coin de la gueule. Et ceux qui ont écouté au moins Ô God, the Aftermath savent de quoi je parle.

La soirée passe bien vite, et c’est déjà la tête d’affiche qui se met à fouler les planches. Quand on voit les musiciens entrer sur scène le sourire aux lèvres, on se dit que ça va bien se passer. Et le reste ne va pas vraiment démentir cette impression. Les lumières se font bien plus vives que pour les deux groupes précédents – et sans stroboscopes –, renvoyant ainsi à l’image positive que dégage le groupe. « Angry music for positive peoples », c’est ce qui est marqué sur quelques-uns de leurs T-shirts, et ça leur correspond parfaitement. August Burns Red, c’est du feeling good en barre, aussi bien pour eux, que pour nous. Il faut voir comme ces gars restent presque constamment sur le devant de la scène. Particulièrement photogéniques, tous les membres ne cessent les allers-retours d’une extrémité à l’autre et posent sans passer pour des poseurs. Le show est fou et nous embarque dans un flot de bien-être violent, à l’image de, Jake Luhrs, leur chanteur, qui danse, soutient ses copains, joue de la air-harpe (?) ou blague avec les gars de Norma Jean entre deux morceaux (des vannes à base de savon, à ce que j’ai compris). Les morceaux, qui allient une efficacité redoutable et brutalité qu’on n’imaginerait pas envisageable chez ces jeunots aux têtes d’ados sympas, sont mis en valeur par des soli aériens et mélodiques à souhait et ne s’enferment jamais dans des structures classiques du banal couplet-refrain, tout en restant incroyablement accessible.
August Burns Red met un feu d’enfer, et c’est peut-être ça qui déclenche l’alarme incendie en plein cœur de « Provision ». Croyant d’abord à un gros problème technique, coupant le son de tous les instruments en même temps, on met un certain moment à comprendre ce qu’il se passe. La sirène sonne, la foule commence à sortir, tandis que tranquillement, Jake Luhrs désaltère le premier rang. Dans le calme – et avec un peu de dégoût tout de même – on sort de la salle. Et vite, « PLUS VITE ! », on se retrouve dehors, dans le flou et ne sachant pas vraiment si on pourra voir la fin du show.
Heureusement, l’alerte est fausse et August Burns Red revient plus remonté que jamais pour une fin de set monumentale.

Cette coupure, c’était vraiment dommage. Ça a entaché une soirée qui n’a fait qu’aller en progressant, après l’efficace et énergique, mais commun, premier groupe, se sont succédé deux formations qui ont su intégrer un genre très codifié pour en dégager leur style. Norma Jean, brutal, fou et complexe, et August Burns Red, généreux, aérien, mélodique. Une affiche qui avait quand-même de la gueule.

 

*Bien sûr, ces deux exemples sont caricaturaux, j’ai vu de très bons groupes se produire un 21 juin.

Abysse – I am the Wolf

Abysse – I am the Wolf

Note du Soilchroniqueur (Lusaimoi) : 9/10


Je me rappelle de la première fois qu’on m’a parlé d’Abysse. C’était une ancienne chroniqueuse de Soil, et à l’époque, je pensais à un petit groupe local – le truc sympa, qui possède une jolie communauté de fans principalement composée d’amis ou de connaissances. Je lui ai répondu que je ne connaissais pas et j’en étais resté là. Mais depuis, je n’ai pas cessé d’en entendre parler. Pour la qualité de leurs productions, dont leur premier album En(d)grave, leurs shows et parce que Jérémy, leur bassiste, est très impliqué dans la promotion de formations (et des bonnes choses, il m’en a fait découvrir) et l’organisation de concerts.
Pourtant, je dois avouer que je ne m’étais jusqu’alors jamais penché sur la musique. Il faut dire que le Metal instrumental me laisse souvent l’impression d’un manque, que les gars se sont lancés là-dedans faute de chanteur. Même dans des albums que j’ai beaucoup aimé, comme ceux de Corbeaux ou Kaylz, je m’attendais, à certains moments, à voir se pointer un chant qui ne venait jamais. D’où une certaine frustration. Ma préférence, dans ces CDs, allait alors aux moments les plus calmes, où les ambiances dominaient. Et je ne m’étais jamais penché sur Abysse.

 

Erreur. Grave erreur maintenant réparée avec I am the Wolf et son artwork superbe, glacé, poétique et inquiétant, développé dans un digipak simplement somptueux. Car Abysse semble être le premier groupe de Metal instru que je rencontre à totalement assumer son absence de chant. Les traces de cordes vocales sont évacuées après une trentaine de secondes, avec cet enregistrement qui met en place chaque élément pour se conclure sur « I am the wolf », les dernières paroles de cet album.
Mais ce n’est même pas que l’absence de chanteur n’affecte pas la musique des Nantais, c’est qu’en fait, on n’y pense tout simplement pas, et tout mon paragraphe sur leur côté instrumental n’a strictement aucune utilité. Abysse arrive tout bonnement à faire oublier qu’il est un groupe instrumental tout comme un groupe avec chanteur arrive à faire oublier qu’il est un groupe avec chanteur (avez-vous déjà vu comme description : « non-instrumental » ?). C’est comme ça, point.

Je ne sais pas à quoi c’est dû. Au jeu, loin des clichés du style ? Au riffing particulièrement travaillé (« I am ready to be her Son », où la violence est réellement due au songwriting) d’une guitare abrasive à souhait ? D’autant plus qu’elle est aidée par une production nickelle. Du genre qui peut faire hérisser de plaisir les poils des bras. Écoutez, pour vous en convaincre un « Blood to you All », qui, d’abord clair, s’électrise lentement, pour que chaque instrument se mette en place.
Abysse parvient ainsi à nous plonger dans son monde, qui, à l’image de leur artwork, est aussi imposant (« Architecture of Bones », dont le début fait penser aux pas d’un géant, « Frozen Flesh », pesant à l’extrême ou « Reality & Secret », qui frôle par moments le Doom), qu’inquiétant (« I will Rise », où la deuxième guitare vient se poser sur une première plus groovy) ou mélancolique (la ghost track, d’une tristesse infinie). I am the Wolf, dévoile simplement une putain d’atmosphère, sans jamais aller dans la grisaille. Il se montre plutôt grisant, exaltant, à l’image d’un « Frozen flesh » dont le solo (une partie importante de la formation, d’autant plus qu’elle est réussie), hypnotique et prenant, prend une autre dimension encore, grâce à la batterie.

Ce qui m’amène à souligner l’importance de chaque instrument. Les guitares ont le beau rôle, mais la basse et la batterie ne servent pas pour autant de simple section rythmique. La première, lourde à souhait, a prend la place centrale sur le début de « Architecture of Bones », puis revient, vrombissante, au premier plan lors d’un duo inquiétant avec la batterie, que la guitare accentue. Sur ce même titre, la seconde, délicate, offre un contraste bienvenu avec la guitare massive au possible, tandis qu’elle appuie une accélération de « I will Rise », ou encore, apporte une pression supplémentaire sur la mise en place de « Blood to you All ».

 

Tout ce descriptif chiant ne rend finalement pas justice à cet album. Car I am the Wolf est tout simplement un CD magnifique. Les mots trouvent ici leur limite, car j’aimerais pouvoir mieux exprimer tout ce que j’ai pu ressentir à l’écoute de cet album. Abysse, que je pensais n’être qu’un petit groupe il y a quelques années seulement ; Abysse, qui était un groupe que je n’avais jamais écouté jusqu’alors, m’a émerveillé. Quarante-cinq minutes sans la moindre trace du début d’une petite baisse de régime. Certains titres sont même une succession de moments enivrants ou exaltants. Nul doute que si vous êtes jusqu’à maintenant passés à côté des Nantais, ça ne devrait pas durer. Et si vous n’aviez jamais été tenté par un groupe instrumental, essayez, il y a de grandes chances pour qu’I am the Wolf vous fasse changer d’avis.

 

Tracklist:
1. Persuasion
2. Architecture of Bones
3. I Am Ready to Be Her Son
4. Frozen Flesh
5. I Will Rise
6. Blood to You All
7. Reality & Secret

 

Facebook : www.facebook.com/abyssegroupe
Bandcamp : abysse.bandcamp.com

Shai Hulud + Cedron + Above the North – Lyon [20.04.16]

Shai Hulud + Cedron + Above the North – Lyon [20.04.16]

C’est quand même une chouette idée qu’a eue le Ninkasi. Organiser un concert gratuit. GRATUIT! Et attention, pas un concert avec deux pauvres groupes de lycéens qui viennent nous infliger les trois accords qu’ils arrivent à aligner en croyant être les futures révélations du Metal. Non, l’orga Riot Shows a préféré nous faire venir un groupe culte de Metalcore made in USA. Shai Hulud. Shai Hulud!

S!H!A!I! H!U!L!U!D!

Mais en attendant de voir cette tête d’affiche alléchante au possible, c’est un groupe local, qui a la tâche de chauffer la salle. Above the North, qui, ce soir, offre leur dernière prestation avant leur séparation. Une chouette prestation d’ailleurs, bien vindicative, même si on devine encore la jeunesse du groupe, avec un guitariste plus concentré sur son instrument (sans s’effacer non plus) et un chanteur dont on sent un peu qu’il se dit « Faut que je fasse le show » (le bassiste, par contre, nickel). Des critiques bien négligeables, car la fougue et l’envie a dominé ce soir, et si on ne pourra pas revoir le groupe en l’état, on va suivre la nouvelle formation (car oui, nouvelle formation il y aura) qui va naitre de ce split.

Avec Cedron, c’est un autre pays, la Suède, et une autre ambiance. Du Hardcore bien plus lourd, mais assez classique tout de même. Le genre taillé pour le live, avec des éléments qu’on parvient à deviner à l’avance, histoire que le public puisse les anticiper et les assimiler facilement pour mieux foutre le bordel. Pour autant, classique ne signifie pas mauvais, car les Suédois, impliqués de bout en bout, parviennent à surprendre, avec des ambiances pesantes, surtout lorsqu’ils versent vers un Post-Hardcore massif et orageux.

Et comme la soirée n’a fait que s’amplifier au fil des groupes, c’est tout naturellement qu’on en attend le clou. Shai Hulud, qui vraiment, compte en découdre, soutenu par quelques fans au premier rang qui pourraient remplacer le chanteur, tant ils connaissent les paroles par cœur. Chanteur qui ne se privera pas d’en jouer, leur passant le micro régulièrement. Quant au reste, entre un bassiste tout en rage, un premier guitariste heureux d’être là et un deuxième aux poses et mimiques folles, il n’y avait plus de place pour l’ennui. Leur musique, plus complexe et barrée que la majeure partie de la scène (ces gars savent jouer avec les clichés du Hardcore pour mieux les détourner), n’empêche pas le public de gigoter (même si le véritable bordel ne sera pas pour ce soir, ce qui n’est pas un mal, compte tenu de la taille restreinte de la salle), et le tout devient de plus en plus fou à mesure que le set avance, si bien que la fin arrivera bien vite.

Voilà donc quelques photos, en plus de ce mini-report, pour se rappeler de cette soirée et montrer tout l’amour que j’ai pour cette salle, l’orga et l’idée qu’elles ont eues en nous permettant de venir se décrasser les oreilles sans se ruiner.

 

A Time To Hope – Full of doubts

A Time To Hope – Full of doubts

Note du Soilchroniqueur (Lusaimoi) : 7/10

 

Si je parle souvent des artworks en début de chronique, c’est parce que c’est le premier contact que l’on a avec un CD. C’est souvent lui qui peut nous attirer ou faire qu’on va laisser de côté un album. C’est un peu aussi comme une promesse. En le voyant, quand on ne se jette pas de suite sur la musique, on peut commencer à le savourer en tentant de deviner à quoi on va avoir affaire lorsque la galette sera dans la chaîne.
Alors quand j’ai vu celui de Full of Doubts, le premier EP de A Time to Hope, son atmosphère éthérée, nuageuse, cette silhouette d’enfant qui se mêle à des plumes d’oiseau, je me suis mis à songer à quelque chose de poétique et planant. Surtout lorsque j’ai vu les tags sur le Bandcamp du groupe : Post-Hardcore et Post-Rock. Mon esprit s’est alors imaginé un mix entre un Cult of Luna et un Sigur Rós.
Et, c’est ce qui peut se passer lorsqu’on attend d’avoir le CD entre les mains pour entamer la première écoute, la surprise fut de taille.

 

Parce qu’après une intro assez convenue, le premier titre démarre et on se rend compte qu’A Time to Hope évolue dans un autre genre de Post-Hardcore. Celui de Funeral For a Friend (les débuts en tout cas) ou Underoath, celui qu’on nomme aussi Screamo ou Emocore.
Vous savez, ce genre de musique juste assez agressive pour faire office de défouloir, énergique à souhait, souvent positive (le genre est beaucoup rattaché des thèmes chrétiens), avec un chant clair très présent.
Et c’est là que le monde se divise en plusieurs catégories. Ceux qui adoreront et se reconnaîtront parfaitement dans ce mélange ce cris du cœur, de déception et de rage. Ceux qui pesteront devant ce timbre adolescent, niais, fait pour humidifier les fonds de culottes des jeunes filles en fleur. Et ceux qui, c’est mon cas, s’y font, sans pour autant y vouer un amour sans bornes.
Parce qu’il faut préciser que Franck, au micro, fait son taf de fort belle manière, apportant à la musique tout ce qu’il faut d’émotions exacerbées et de fragilité, à l’instar de la fin de « RosaRosa », où le tout ralentit pour le laisser s’exprimer. Il n’y a pas de fausse note désagréable (contrairement à Flashy Entrance, qui se révélait vite désagréable, malgré de bonnes idées). Et puis, ses hurlements, quand ils ne sont pas doublés par du chant clair, ont quelque-chose de réellement prenant : écorchés, rauques, semblant être à la limite de ce que le gars peut donner, comme s’il s’en foutait de se déchirer les cordes vocales, du moment qu’il peut exprimer tout son mal-être. Mis à part quelques petites fautes de goût, comme ces « Buark buark » qui font un peu tâche sur « Lemon Cupcake » à 2’15 environ notamment, ce chant est vraiment réussi, pour peu qu’on n’y soit pas allergique.

Ces deux types de voix viennent se poser sur une musique bien ancrée dans le style, tout en affichant une certaine originalité, avec un duo de guitare à la fois plus fougueuse et plus aérienne qu’à l’accoutumée, et un certain sens de la composition qui donne l’impression que la guitare lead suit une voie, plutôt qu’une boucle de riffs qui se répète. Alors oui, il y a des couplets, des refrains, il y a bel et bien des moments plus classiques, comme le début plus agressif puis plus massif de « Sweet T », ou le riff étrange – avec ce petit élément qui fait tiquer l’auditeur – au début de « RosaRosa », mais le tout semble progresser à toute allure sur un chemin sinueux et accidenté.
En fait, A Time to Hope me fait penser à des montagnes russes qui partiraient direct à 150 à l’heure, avec une simple petite mise en bouche au début. Ça monte, ça descend, ça prend des virages serrés, ça part dans l’autre sens. Vous savez, un truc où même les ralentissements sont là pour relancer la machine de plus belle. « Catfish » en est le parfait exemple : la pointe d’émotion que l’on distinguait dans son entrée en matière – par ailleurs redoutable – prend de plus en plus de place jusqu’à amener à une courte pause… qui entraîne le tout dans un déferlement de fougue avec une guitare un brin saccadée qui gagne en fluidité pour une envolée impressionnante, prenant un peu plus d’ampleur à chaque seconde, avant de redescendre pour un final serein.
Final dont on avait déjà aperçu les prémices sur « VII », en plein centre de l’EP. Transition Electro instrumentale, calme, contemplative, poétique, elle révèle enfin toutes les émotions que l’on avait ressenties à la vue de l’artwork. On sent petit à petit poindre des éléments Post-Rock – voire -core à la Cult of Luna dans leurs moments les plus doux –, alors que l’Electro cède peu à peu sa place aux instruments, sans dénaturer le moins du monde le titre.

« VII » – ainsi que le début de « Lemon Cupcake », qui poursuit dans cette lancée avant de revenir aux premiers amours du groupe – représente une véritable respiration dans un EP qui, par ailleurs possède un aspect étouffant, malgré son côté aérien. Oui, il y a bien des pauses, des moments plus émotionnels, tire-larmes (sans aller jusqu’à la caricature), mais ils sont souvent assez courts et servent, comme je l’ai dit plus haut, à donner de l’élan aux compos, qui repartent alors de plus belle.

 

Ainsi, comme pour des montagnes russes, on laisse passer un peu de temps avant de refaire un tour. Néanmoins, il s’agit là d’un défaut pas si important. Déjà parce qu’avec 21 minutes, cet EP n’a pas le temps de lasser, et ensuite parce qu’il est la conséquence d’une énergie peut-être pas encore bien maîtrisée, mais bien présente. Alors que certains groupes du genre ont eu tendance à calmer leurs ardeurs pour satisfaire un public de plus en plus large et de moins en moins exigeant, voir ces petits nouveaux afficher une telle envie a quelque-chose de rafraîchissant. Et, en dépit de cet aspect un brin étouffant, ainsi que d’une production un peu sèche – bien qu’adaptée au style – d’un chant clair (à mon goût) tout de même trop présent et d’un léger manque de poésie (en dehors des passages Electro), Full of Doubts est un premier effort qui n’a pas à rougir face à ses modèles.
A Time to Hope
transpire la jeunesse, mais pas l’amateurisme.

 

Tracklist:
1. RosaRosa
2. Sweet T
3. VII
4. Lemon Cupcake
5. Catfish

 

Facebook : www.facebook.com/atimetohope
Bandcamp : atimetohope.bandcamp.com

Moke’s – EP

Moke’s – EP

Note du Soilchroniqueur (Lusaimoi) : 8/10

Récemment, j’ai lu un article dont l’introduction parlait de la vague du vintage. Cet article nous citait plusieurs types de créateurs. Il y a ceux qui ne font que profiter de la mode sans chercher à en comprendre les bases, imposteurs livrant des plats sans saveur. Il y a ceux qui éprouvent un amour sincère pour les vieux pots, mais qui ne parviennent qu’à les imiter sans réel talent et sont donc condamnés à rester dans l’ombre – à moins qu’un plan marketing bien huilé ne vienne s’en mêler. Et puis, il y a aussi ceux qui aiment vraiment le style, qui le comprennent et parviennent à apporter leur pierre à l’édifice. Il n’est pas forcément question d’expérimentations, mais d’appropriation.
Bien sûr, vous l’aurez compris, Moke’s, fait partie de la dernière catégorie.

Ça, on commence à s’en douter dès la lecture de la biographie du groupe. On sent l’amour du genre à travers les influences citées : Kyuss, Led Zeppelin, Black Sabbath (et Triggerfinger, que personnellement, je ne connaissais pas). Et on devine sa singularité dans l’origine musicale de ses membres. En effet, si Antoine et Maurice – respectivement guitare et basse – viennent du monde du Metal, Julie, à la batterie, jouait dans un groupe de Hip-Hop, tandis qu’Agnès est, elle, chanteuse Jazz-Soul.

 

Et c’est surtout cette dernière, qui apporte sa personnalité à Moke’s. Sa voix, certainement plus Rock que dans ses autres groupes sans perdre son timbre Soul, affiche une belle énergie et s’éloigne des standards du genre tout en restant parfaitement en adéquation avec la musique.
Et la musique, justement, c’est du son bien garage, grésillant, bourdonnant parfois. C’est du riff simple et direct, avec ce côté bref et ces répétitions qui rendent le tout hypnotique et tout de suite prenant. C’est ainsi que débute « Antics », tout en alternant avec quelque chose de plus baveux. Mais les autres morceaux, prenant racine sur la même base, montrent autre chose. « Child » est plus rapide, en accord avec le phrasé du chant, « Don’t » se montre sautillant, avec un côté langoureux en fin de phrase, alors que « Swamp » dévoile un visage plus lourd, que la batterie (qui se montre toujours pertinente au long du CD) vient souligner.

A côté de cet aspect fortement immédiat, entêtant, dansant et hypnotique, Moke’s développe des ambiances plus aériennes. Déjà, « Antics », propose une série de breaks de batterie dont le troisième mène à un passage grisant, grâce à un solo psychédélique à souhait, sur fond de rythmique rapide et simple. « Swamp », lui, possède un refrain plus aéré, qui vient contraster avec son riff plus lourd ; refrain qui laisse sa place à une envolée, avant une accélération donnant sur un solo bien différent du premier titre. Celui de « Don’t », lui, se mélange à la guitare rythmique, avant de prendre son envol pour un résultat résolument bien foutu.
Et que dire de « Darkness » ? Son départ nerveux, qui devient plus épais durant le refrain. Son couplet, qui semble ensuite prendre de l’ampleur à mesure que le titre avance avant d’éclater, toujours sur la mélodie initiale. L’explosion montre sa véritable étendue vers la fin, sur un solo qui se calque d’abord sur la musique, pour partir dans un final détonnant.

 

Oh oui, Moke’s, avec son côté immédiat, saura titiller la fibre nostalgique des amateurs de Stoner. Surtout que le tout est fait avec une belle authenticité, en témoigne une prod’ résolument naturelle et un aspect « pris sur le vif » de l’enregistrement. Mais le groupe nous pond aussi des passages grisants, prenants, hypnotiques. Deux visages qui ne sont pas pour autant deux faces placées l’une à côté de l’autre, car les deux se mélangent et deviennent indissociables, grâce à un songwriting travaillé.
Moke’s fait donc bien partie de ces groupes qui ne surfent pas sur la nostalgie de l’auditeur ou sur la mode du Old School, non. Il prend un style qu’il aime et se l’approprie, pas en s’en éloignant, mais en nous le délivrant, avec fougue et sincérité.

 

Tracklist:
1. Antics
2. Swamp
3. Child
4. Don’t
5. Darkness

 

Site Officiel : mokesband.com
Bandcamp : mokes.bandcamp.com
Facebook : www.facebook.com/MokesBand