Malementé – Les Rudiments du Mal 

Le 16 novembre 2019 posté par Bloodybarbie

Line-up sur cet Album


  • Malementé (Alixan Berteloot) : tous les instruments

Style:

Black Metal/Dark Ambient

Date de sortie:

30 mars 2019

Label:

Black Shadow Legions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 7/10

« Les premiers rudiments sont, en tout genre, plus lents chez les hommes que les grands progrès. » Voltaire

On se pose tous la question de la frontière entre le bien et mal, et ce depuis la nuit des temps. Ce besoin de creuser toujours plus profond le fossé entre ce qui est vu comme bénéfique et ce qui est maléfique a toujours nourri la pensée de l’Homme, de l’Antiquité jusqu’à de nos jours. Tous les philosophes (ou presque) y sont passés puisque cette notion universelle a été une des bases de la pensée philosophique en tout genre. De la période présocratique jusqu’aux Droits de l’Homme, en passant par Spinoza ou Nietzsche, elle questionne tout le monde. Et le milieu artistique ne déroge pas à la règle. Dans le metal, on parlerait généralement plus de courant nihiliste ou pessimiste, mais si certains en ont fait leur base commerciale, d’autres artistes en ont fait un projet allant bien au-delà de leur musique et cette authenticité se retrouve dans leur musique. C’est dans cette perspective que j’ai toujours été attentif aux projets solos dans le milieu, et c’est toujours dans cette perspective que je me suis intéressé au groupe d’un seul homme : Malementé.

Alors, il n’y a pas qu’une démarche personnelle derrière ce choix : le label Black Shadows Legion nous a offert, pour la première fois, la possibilité de chroniquer un ouvrage de son roster, et je le remercie chaleureusement pour sa confiance. Label résolument black metal underground sous toutes ses coutures, Malementé s’inscrit donc bel et bien dans cette orientation. Prenant ses racines en 2017 dans le Var, le groupe est né du seul Malementé, pseudonyme d’Alixan Berteloot, jeune musicien proposant à travers Les Rudiments du Mal son premier CD et une entrée dans le milieu black metal. Difficile d’en savoir plus, mais on se contentera de ce peu d’informations pour entretenir le mystère.

Les Rudiments du Mal se présente comme une démo, mais au vu du nombre de morceaux – six -, on pourrait presque penser à un mini-album. Ou un gros EP, c’est selon. Le terme « démo » me fait toujours un peu peur car le but n’est pas forcément d’être vendu, mais de jeter un premier galet dans la mare pour voir la profondeur avant de traverser. Un CD pour tâter le terrain en quelque sorte. Le rendu m’a toujours un peu inquiété dans ce genre de démarche, mais ne partons pas avec des à priori. La pochette, en tout cas, est ce à quoi je m’attendais en termes de qualité : jolie mais raisonnable. Une dimension assez religieuse sur l’avant-pochette qui tranche un peu avec le titre dans l’immédiat, mais qui pourrait trouver sens si l’on creusait plus didactiquement. Un crucifix central, deux idoles sur les côtés et une sorte d’armarium à droite. Dans le livret, l’intérieur d’une cathédrale flou et à l’arrière, une photo prise devant une croix et un obélisque, dans un cimetière sûrement et (j’imagine) le fameux Malementé qui pose, costume très black metal. L’arrière est plus un décor en noir et blanc de forêt. En fait, cette pochette joue à mon sens un peu trop sur les clichés, je m’attendais à quelque chose de plus personnel, moins commun. Après, on peut inscrire une pensée toute personnelle dans un courant de pensée commun ! Mais… Je ne sais pas vraiment. Je pensais qu’il y aurait un truc « en plus » ou qui se démarquerait davantage dans la recherche artistique. Mais quand je dis « jolie mais raisonnable », c’est tout à fait ce qu’il faut retenir objectivement de l’artwork.

Musicalement parlant, il y a deux choses essentielles à retenir : la musique de Malementé est fragmentée en deux styles à la fois proches et lointains que sont le black metal et la dark ambient (ou dark noise c’est selon). Je dis « fragmentée » pour une raison assez simple : soit les morceaux ont des parties distinctes qui penchent toujours vers ces côtés opposés, soit il y a untel dark ambient, untel black metal etc. Mais la base semble se situer dans cette tentative de mélange qui s’avère être plus un « collage » de deux styles pour donner des chansons. Je vais donc développer mon ressenti sur la musique en clivant ces deux items. Je ne sais pas si cela lui rendra service de cliver comme cela, certains y verront un manque flagrant de cohérence. Ce n’est absolument pas le cas ! Mieux, l’auteur nous explique que la composition des morceaux est le fruit d’inspirations avec une sorte de corrélation entre sa « plongée dans les ténèbres » et son instrument exutoire du moment. Un travail qui se revendique donc très authentique, que j’ai hâte de découvrir car je suis très sensible à cette authenticité-là.

La musique inspiratrice que j’ai préférée et que je vais décrire tout d’abord est le côté dark ambient/noise. Clairement, j’ai adoré. Je veux pour exemple le deuxième morceau éponyme qui est entièrement dark ambient et qui a notamment la particularité d’incorporer dans la composition la guitare non pas comme un instrument lead ou rythmique, mais comme si elle était une composante de l’ambiance. C’est limite drone metal, et les distorsions sont à bloc ! Il n’y a pas de batterie, à mon avis pas de basse non plus (en fait, il n’y en a pas) et quelques samples un peu sales viendront de temps en temps s’immiscer dans le tout. On est vraiment sur une base dark ambient excellentes, à l’ancienne, où le mastering résolument « maison » rend à merveille. On sent d’ailleurs cette noirceur bien retranscrite par ce son dégueulasse et je n’aimerais pas me retrouver dans le cortex du compositeur qui, en tout cas si ce n’est pas réel, ne manque pas d’imagination pour nous plonger intrinsèquement dans les abysses torturées de son âme. Attention toutefois, je pense que ce type de musique ne plaira pas à tout le monde, je ne sais pas ce qu’en pense Alixan mais ce n’est pas tout à fait du flonflon tout public… Et, au-delà de ce deuxième morceau qui est mon préféré, vous trouverez ce genre de passages noise dans tous les morceaux, disséminés par-ci par-là au gré de l’inspiration de notre compagnon varois.

Au-delà de l’utilisation de passages ambiants, il y a aussi l’incorporation de riffs acoustiques qui passent très bien. Cela ajoute un soupçon de sensibilité qui ne laisse pas indifférent. Les quatrième et sixième morceaux (« Malementoir » et … pas de nom puisqu’il n’est pas mentionné sur la pochette) sont ceux concernés, et m’ont laissé une bonne impression. J’ai toujours aimé lorsque les groupes de black metal associaient des parties acoustiques et des parties saturées, les deux étant complémentaires dans l’intention atrabilaire. Et manifestement, Malementé – qui pourtant nous explique qu’il n’est pas vraiment guitariste – a rempli cette mission. Il y a donc une double satisfaction dans les écoutes que j’ai effectuées, à retenir dans l’essentiel du CD selon moi.

La deuxième musique basique est le black metal. Et là, en revanche, j’ai plus de circonspections à vous dire… En tant que telle, la composition est intéressante. Rien d’extraordinaire, les riffs sont cependant à leur place et ne laissent pas indifférent. Ce qui me dérange beaucoup plus, c’est l’incohérence du mastering dans cette branche-ci. J’ai l’impression que l’auteur a voulu faire le même master pour les deux styles, croyant peut-être y trouver le lien qui souderait les deux musiques. Mais en fait, c’est tout le contraire qui se produit ! Ce que je disais plus haut en parlant de scinder en deux les musiques, eh bien cela est surtout dû à ce son qui à défaut d’être similaire, n’a pas du tout le même retour. La guitare, si joliment utilisée auparavant, devient insondable dès que les blasts arrivent. On n’entend pas grand-chose, tout est en bruit de fond… Je vous invite, pour essayer de comprendre mon propos, à découvrir le premier morceau nommé « Le Goût du Sang » qui débute très bien mais qui montre ses faiblesses sonores dès l’arrivée des parties metal. Et ce n’est pas le cinquième morceau « … À l’Aube du Dernier Jour » qui me fera changer d’avis… Il y a vraiment quelque chose qui ne sonne pas bien du tout.

Mais le responsable de cela est l’instrument qui me laissera la grimace la plus désagréable durant l’écoute : la batterie programmée (« la batterie a été programmée à l’aide de TuxGuitar »). Franchement, ça ne va pas. Elle couvre tout par son mixage hasardeux. Elle saccade la musique, peu importe le support avec lequel on écoute. Et cela, c’est limite rédhibitoire parce que l’écoute des morceaux a été assez compliquée. Je ne sais pas si l’auteur a remarqué cela aussi… Le chant est à peine audible aussi, mais ça me choque un peu moins par contre. En tout cas, la partie black metal respire le côté « fait maison » que revendique d’ailleurs Alixan dans son livret (« le chant et la guitare ont été enregistré(s!!!) à partir d’un simple téléphone devant un ampli cube »), et même si l’essence même du black metal est de rester assez brut de décoffrage, sans finition presque, il y a quand-même un seuil à franchir qui ne mange pas de pain et qui ferait énormément de bien au CD. Attention! Je ne dis pas qu’il faut une qualité studio comme on en bouffe à chaque repas ! Mais un tout petit peu de modification, un tout petit peu d’équilibre entre les pistes ne feraient pas de mal.

En fait, si je devais retenir un conseil à donner, et ce en toute humilité, ce serait celui-ci : embaucher un batteur de session. Je pense que personne ne naît multi-instrumentaliste, et lorsque l’on souhaite monter un projet solo, il faut avoir la modestie suffisante pour se dire qu’on ne peut tout composer efficacement tout seul. Et l’aide d’un batteur dans un projet solo (comme le one-man band Kosmos), ou à plus grande échelle dans le cas d’un groupe scénique (Satyricon par exemple) est toujours un plus. Mais ce n’est qu’un conseil…

Vous voyez ? Voilà pourquoi j’émettais quelques doutes sur la qualité des enregistrements quand je lisais le mot « démo ». Je suis même sur un ascenseur émotionnel car j’adore les parties dark ambient, et je trouve passables les parties black metal. À mon avis, un CD entièrement dark ambient aurait refait ma journée et je l’aurais rangé en excellente place sur mon étagère, bien en vue.

Par contre, j’ai eu le plaisir de lire les textes, tous écrits en français, et j’ai trouvé la plume de l’artiste brillante ! Là, OUI ! On trouve la démarche personnelle d’Alixan. Et franchement, elle est à la fois noble et belle. Des références religieuses, certes il y en a. Mais on devine qu’il y a une signification autre que les sempiternels clichés du black metal. Il y a de la recherche spirituelle, des interrogations, des discours à soi-même. Le morceau « Le Gout du Sang » sonne comme une révélation, le poème de Rimbaud « Le Bal des Pendus » avec son empreinte incroyable de mystère (qui a d’ailleurs été bien mis en musique), etc. L’écriture d’un texte est toujours une ressource personnelle, et j’ai beaucoup aimé cette liaison qu’il y a comme un fil tendu entre deux pôles : celui du changement et celui de l’aboutissement. Un beau constat que ces textes que je valide avec entrain.

Voilà ! J’ai moi-même atteint l’aboutissement de cette chronique, et pour Malementé le constat se fera quand-même sur une base moyennement positive. D’une part parce qu’un défaut de son ne peut pas occulter l’ensemble à chaque fois, et d’autre part parce qu’il faut saluer la démarche artistique en pleine solitude de Malementé avec le respect qu’on lui doit. Cette démo résonne des nombreuses promesses que le talent d’improvisation d’Alixan Berteloot a dans sa besace et, s’il est important de dire que ce type de musique ne convient pas à tout le monde, l’amateur de dark ambient et de black metal que je suis a eu son compte. J’espère toutefois que les défauts pointés ci-dessus te serviront, camarade, pour avancer avec davantage de bagages car certains travers de ta démo seront très mal reçus par certains auditeurs formalistes (en particulier la batterie mal réglée et le manque de rigueur comme ce fameux sixième morceau même pas mentionné…). Mais sache, en tout cas, que tu as fait du bon boulot, que ton âme enfouie aussi noire a été bien mise en exergue par ta musique torturée, et que j’ai bien aimé ton CD . Bon courage à toi et bonne progression à l’avenir !

Tracklist :

1. Le goût du sang 05:42
2. Les rudiments du mal 08:45
3. Le bal des pendus 05:48
4. Malementoir… 01:56
5. …à l’aube d’un nouveau jour 04:38
6. Untitled I 01:15

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