Line-up sur cet Album


  • Philip H Anselmo : guitare, chant
  • Stephen Taylor : guitare
  • Kevin Bond : guitare
  • Steve Bernal : violoncelle
  • Jimmy Bower : batterie
  • Calvin Dover : claviers, choeurs
  • Joiner Dover : basse
  • Jose Gonzalez : percussions

Style:

Rock Dépressif

Date de sortie:

04 septembre 2020

Label:

Housecore Records / Season of Mist

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10

« Une vraie douleur est capable de donner de l’intelligence à un imbécile, toujours pour un temps, naturellement. » Fiodor Dostoïevski

C’est fou comme le choix d’un groupe pour en faire la chronique révèle quelquefois de sacrées surprises! Je ne sais pas comment mes confrères et consœurs choisissent leurs groupes, si le nom joue beaucoup, si c’est le style qui prédomine, s’il faut connaitre le groupe pour faire son choix, en ce qui me concerne c’est un peu tout à la fois. Par moment c’est le style, parfois c’est la surprise de voir un groupe que je connais, mais souvent ce sont des choix centrés sur la diversité. Faire une chronique c’est d’abord et avant tout une rencontre avec un groupe. On apprend à mieux se connaitre, on s’apprivoise et tranquillement on tombe dans une intimité certes platonique, mais tout de même passionnée et passionnante. La différence entre le coup de foudre et l’appréciation d’un album est que l’on tombe beaucoup plus rapidement sur les imperfections, les défauts et les égarements qu’avec une femme ou un homme. Gary Chapman disait dans son livre Les Cinq Langages de l’Amour que le coup de foudre dure environ deux ans, puis c’est la fameuse déconvenue où l’on s’aperçoit que notre partenaire a des défauts. Cela semble totalement idiot mais c’est prouvé! Et il arrive parfois qu’écouter un album la première fois fait le même effet qu’un coup de foudre mais sur un laps de temps bien plus court que les fameuses deux années de roucoule. Pour cette nouvelle chronique, je ne suis pas allé jusque-là, autant vous prévenir tout de go, mais c’est lorsque j’ai fait mes recherches que je suis quelque peu tombé des nues. Et c’est ainsi que j’ouvre le bal des hostilités avec la chronique de l’album When The Cold Truth Has Worn Its Miserable Welcome Out, d’En Minor.

Et comme je le disais dans l’introduction, c’est en faisant mes propres recherches que j’ai découvert un truc plutôt fou : En Minor est un projet musical fondé par Phil Anselmo! Vous savez? LE FAMEUX Phil Anselmo! Le genre de musiciens qui pourrait avoir neuf vies tellement son histoire est entachée par les scandales et les excès. Rappelons-nous qu’un salut nazi saupoudré d’un retentissant « White Power! » fait pendant l’un des concerts du groupe Down avait fustigé le conseil régional des Pays de la Loire qui ont demandé au Hellfest de déprogrammer Down sous peine de supprimer les subventions (dérisoires vu le chiffre d’affaires du festival) que la région octroyait au Hellfest. Phil Anselmo est surtout le musicien connu pour ses nombreux excès d’analgésiques, de drogues dures, d’alcool et de médicaments myorelaxants (benzodiazépines, entendons-nous) dont une overdose d’héroïne avait failli l’emporter. C’est pour la partie sombre du personnage parce que sinon, Phil Anselmo c’est surtout le fondateur du label Housecore Records (qui produit l’album) et c’est un artiste qui a connu non pas neuf vies du coup, mais un bon paquet de groupes, a fait des featurings en veux-tu en voilà, et surtout a été le chanteur d’un des groupes les plus marquants dans le metal extrême : Pantera. Et donc, le voilà de retour avec un énième projet musical qui s’appelle donc En Minor, et qui sort son premier album. Jeune formation donc, mais guidé par un musicien expérimenté et connu certes pour ses frasques, mais aussi et surtout pour son talent. Il faut savoir que Phil Anselmo présente ce nouveau groupe comme l’un des plus anciens qu’il ait eu, dans le sens où les prémices d’En Minor viendraient de sa première expérience de musicien, soit à l’âge de neuf ans. Puis en 1988 il a mis en place ces premières compositions mais n’avait jamais osé les faire écouter aux autres, décrivant sa musique comme trop « avant-gardiste » pour l’époque. Ce n’est qu’à la rencontre avec Steve “Schteve” Taylor qu’Anselmo se serait décidé à mettre en avant ses morceaux tout en ajoutant le talent de ce fameux Steve Taylor et créer ainsi En Minor.

Voilà pour l’histoire! Passons dès à présent à l’étude de l’artwork. Et je ne sais pas si c’est l’aspect « célébrité du metal » qui m’a quelque peu emballé, mais je suis un peu déçu. Je le trouve simpliste, voir vraiment pas original. L’effet visuel de ce qui ressemble à un chef d’orchestre en pleine action ne me transcende pas particulièrement, j’ai plutôt l’impression, si j’avais envie de faire dans l’humour bête, d’avoir un aperçu de ce que voit Anselmo quand il a trois grammes par poche… Cet effet noir et blanc en plus est trop peu reluisant, ne rend pas bien du tout. Sans compter la police de caractère qui est déjà vue plein de fois. En revanche, le quatrième de couverture est un peu plus attractif avec ce paysage de forêt, qui pour le coup est issu d’une belle photographie et d’une belle mise en page même si elle est en nuance de gris. Je préfère derrière, ce que je ne vais pas dire trop fort sinon mes nombreuses maitresses vont croire des choses. Je déconne! Bon, en tout cas, c’est un peu mitigé comme travail sur la pochette, je m’attendais à bien bien mieux de la part d’un tel monsieur, je ressors déçu et frustré. Ce n’est qu’un premier album mais ce n’est pas le premier dans toute sa vie, il devrait savoir par expérience que la pochette est hyper importante… A revoir.

Musicalement parlant, c’est autre chose. Définir la musique d’En Minor s’avère être un sacré casse-tête car il y a beaucoup d’influences, beaucoup de variations et surtout, on le sent, c’est un album qui a été composé au fil des années, au gré de l’inspiration des protagonistes. Ce n’est pas un processus habituel, on n’a pas un CD qui s’écoute avec une fluidité et un découlement naturel, on a un CD qui s’écoute en plusieurs étapes. Je vais oser une comparaison étonnante mais pour moi ce n’est pas un album, c’est un « recueil de musique ». Il fonctionne comme un recueil de poésie : il s’écoute par étape, on fait des pauses, on revient dessus par intermittence, chaque morceau a son thème et son ambiance. C’est très désarçonnant d’être bousculé comme cela dans ces rituels que l’on prend par habitude. La première écoute sera donc finalement plusieurs « premières écoutes », avec des morceaux qui m’ont clairement bien plu, d’autres moyennement, d’autres pas du tout. When The Cold Truth Has Worn Its Miserable Welcome Out ( Quand la froide vérité a porté son misérable accueil ) délivre une musique rock très éclectique, que les labels ont cru bon de rassembler sous l’appellation de « rock dépressif« . Au vu des ambiances changeantes, je ne suis pas certain que ce soit le mot juste mais bon… Allons-y pour « rock dépressif »!

Il y a tout de même des éléments qui positivent l’ensemble et j’aime à citer la production comme un gage de travail. Il en va de soi ici, car Phil Anselmo parvient à distiller une musique qui est très authentique mais qui laisse la part belle à une production studio intéressante. La particularité de l’album résidant dans la difficulté de l’étiqueter, le son y est pour quelque chose parce qu’il est spécial. Déjà, pour comprendre le challenge qu’a représenté When The Cold Truth Has Worn Its Miserable Welcome Out, il faut se souvenir qu’En Minor c’est huit musiciens, trois guitares, une batterie, une basse, deux lignes de chant, un violoncelle, des claviers et des percussions en tout genre. Un beau casse-tête qui je pense ne pouvait accoucher que d’un son étrange. Il a été au-delà de cela : le son est sublime. Et je suis ébahi par le boulot qui a dû être accompli car le son est un vrai travail de parfumeur avec l’accord des senteurs, la treizième note impossible à identifier mais qui fait l’originalité. C’est d’autant plus étonnant qu’il y a pas mal d’effets sur les instruments, surtout les guitares, et très peu sur le chant principal, ce qui montre qu’il y a bien eu un énorme travail de recherche de la part du ou des compositeurs pour trouver l’accord parfait, un énorme boulot fait en amont qui montre que, si l’artwork était banal et trahissait une certaine fainéantise ou un désintérêt, la production montre l’exact inverse! Enorme surprise pour moi que ce son aux petits oignons.

J’expliquais plus haut que cet album s’écoutait comme l’on lirait un recueil littéraire. Je maintiens mon affirmation car le principal défaut de When The Cold Truth Has Worn Its Miserable Welcome Out est son absence de cohérence. Autant je ne suis pas spécialement attaché aux CDs qui gardent une même ligne de conduite, même si j’aime bien les albums concepts, ici j’ai quand-même eu du mal à comprendre ce qui rassemblait les morceaux entre eux. Je pense qu’en fait, il n’y a que très peu de choses, elles se comptent sur les doigts d’une main lépreuse : le chant de Phil Anselmo et le son de l’album. Pour le reste, c’est un assemblage un peu hasardeux de compositions glanées avec le temps, les vadrouilles du principal intéressé avec ses groupes, peut-être d’ailleurs ses errances et ses doutes. C’est ce qui rend cet album si bouleversant : on n’a pas de logique, mais on a l’intention. Et l’intention c’est clairement de fendre la carapace, de se délivrer des états d’âme qui hantent une vie toute entière. Cet album est littéralement habité par le doute, et du coup nous sème le doute partout. Ce qui m’embête plus c’est que j’ai beau aimer l’authenticité, les sentiments et l’intention propre, j’ai eu du mal à rentrer dans cet album. Je ne dis pas qu’il est mauvais, je ne dirais pas qu’il est bon, je dirais qu’il bouleverse tellement mes habitudes, et probablement les vôtres, que je ne sais pas vraiment quoi en penser. Phil Anselmo avait bien raison de ne pas dévoiler ses compositions au grand jour dans les années 80/90 sinon il aurait questionné beaucoup d’entre nous.

Par contre, l’album manque surement de constance et de cohésion, mais alors qu’est-ce que les musiciens sont bons! Ah la vache! Je me suis pris une leçon d’accords, d’harmoniques et de rythmiques en onze étapes. Onze pistes qui démontrent sans difficulté tout le talent qui anime ce groupe. Ce bon vieux Phil a su s’entourer de très bons musiciens pour faire naître ce projet. Et le bonheur dans tout cela c’est que les pistes donnent l’impression de ne pas avoir vieilli du tout! Comme si Phil Anselmo et son acolyte Stephen Taylor avait tout composé il y a deux semaines. Mention spéciale aussi au claviériste Calvin Dover qui insuffle un son de clavier que j’adore tellement… Ce son très ancien, minimaliste mais qui ajoute une telle ambiance angoissante et émotionnelle dans les chansons. Je suis totalement amoureux des claviers analogiques, ou des tout premiers à touche, et ici le son est juste magnifiquement exécuté. Mention également au violoncelliste qui, ma foi, trouve sa place, apporte sa petite touche dramaturgique en plus. On a coutume de dire que les violons, violoncelles et autres cordes frottées sont bonnes pour les ambiances tristes et moins pour le reste, je ne suis pas loin d’avoir la pensée idoine. Ce groupe est véritablement un jardin des Hespérides à bien faire garder, tant l’osmose est impeccable entre tous. Un vrai vivier de talent que cet En Minor!

Et puis vient la lumière sur le chant. Celui de notre camarade Phil, qui joue sur un registre que je ne lui connaissais pas : le rock mais genre très blues rock. Avec un chant clair très posé, limite chanteur de charme (crooner) et avec une voix suave et douce que je ne lui connaissais pas du tout. La touche dépressive est surtout insufflée par sa voix d’ailleurs et ses textes que je n’ai pas pu lire mais dont je devine toute la dimension tragique. Je suis un grand fanatique des chanteurs à voix baryton ou basse, du genre Brad Roberts de The Crash Test Dummies. Et ici je découvre un chanteur avec une voix comme je les aime, avec cette tessiture grave qui donne une tonalité grave aussi. Je trouve néanmoins que, l’intelligence dans la composition de cet album réside dans le fait que Phil Anselmo ne se soit pas servi de sa notoriété pour se mettre en avant! Je trouve au contraire que ce choix de chant permet de se fondre dans le paysage sonore et de ne pas avoir de fond sonore et une sorte de soliste devant tout le monde. Là, j’applaudis vraiment ce choix artistique! Outre ce timbre de voix envoutant, je loue donc cette volonté de se morfondre en totale harmonie avec le reste, et je trouve que le chant mérite une double récompense pour cet effort d’humilité là. Gros point fort!

Pour mettre le point final à cette nouvelle chronique, il me serait difficile de louer cet album avec certitude pour les raisons de quelques choix artistiques qui me semblent un peu douteux comme l’artwork bâclé et d’avoir été pris de vitesse par l’aspect recueil plus que d’album deWhen The Cold Truth Has Worn Its Miserable Welcome Out. Mais j’ai découvert un groupe qui fonctionne sous la houlette d’un musicien connu, pétri de talent et qui semble avoir une créativité qui dépasse les confins du raisonnable! Phil Anselmo et ses compagnons de musique nous offre un premier album de qualité, il y a beaucoup de très bons éléments qui façonnent l’ensemble et qui donnent l’envie de s’y arrêter. Pour ma part, je vais reprendre ce que je disais plus haut et qui illustre bien ce qu’il faut penser de When The Cold Truth Has Worn Its Miserable Welcome Out – je vais donc pour la première fois de ma courte carrière m’auto-citer! Si ce n’est pas de la condescendance ça :
« C’est un assemblage un peu hasardeux de compositions glanées avec le temps, les vadrouilles du principal intéressé avec ses groupes, peut-être d’ailleurs ses errances et ses doutes. C’est ce qui rend cet album si bouleversant : on n’a pas de logique, mais on a l’intention. Et l’intention c’est clairement de fendre la carapace, de se délivrer des états d’âme qui hantent une vie toute entière. Cet album est littéralement habité par le doute. » A vous de voir si le doute vous anime, moi j’ai choisi d’aimer franchement cet album sans l’idolâtrer.

Tracklist :

1. Mausoleums (4:57)
2. Blue (5:07)
3. On The Floor (5:22)
4. Dead Can’t Dance (2:38)
5. Love Needs Love (3:39)
6. Warm Sharp Bath Sleep (4:20)
7. Melancholia (3:19)
8. This Is Not Your Day (3:03)
9. Black Mass (4:40)
10. Hats Off (2:52)
11. Disposable For You (4:27)

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