by Mr.Olc | Nov 4, 2010 | Interviews
Les norvégiens de Vulture Industries ont sorti en 2007 leur premier album The Dystopia Journals qui a été vu comme une petite bombe par les fans de metal avant-gardiste. Cette année, ils ont sorti leur deuxième album The Malefactor’s Bloody Register et ils en profitent pour voir un peu du pays en compagnie de Taake entre autres.
C’est donc avec un fort sympathique Bjørnar Erevik Nilsen, portant la casquette de tour manager en plus de celle de chanteur pour l’occasion, que j’ai pu m’entretenir pour en apprendre un peu plus sur ce groupe particulier.
Votre nouvel album est sorti cette année, c’est le deuxième, il s’appelle The Malefactor Bloody Register. Il s’inscrit dans la continuation du premier album The Dystopia Journals. Penses-tu que le groupe a trouvé son propre style ?
Oui, nous avions déjà commencé à trouver notre voie avec le premier. Et avec le second je pense que nous avons vraiment défini notre style, notre son, nous avons fait de notre mieux pour faire ce qui nous semble être le mieux et qui fonctionnait le mieux avec notre musique.
Comme je l’ai dit, le nouvel album est la continuation de The Dystopia Journals mais bien heureusement la musique est devenue plus personnelle, la voix plus variée et le résultat est davantage contrôlé et professionnel. Durant ces trois années qui séparent les deux albums, on dirait que beaucoup de travail a été effectué.
Oui nous avons beaucoup tourné et donc nous avons muri en tant que groupe, mais aussi individuellement en tant que personne, en tant que musicien. Nous avons vécu pas mal d’expériences au cours de ces deux dernières années : certains membres sont devenus papa, j’ai travaillé sur la production pour d’autres groupes, Øyvind [Madsen, guitariste – ndlr] a pas mal travaillé avec son autre groupe Sulphur. Je pense que ces différentes expériences que tous ont vécues se font ressentir sur ce nouvel album, trois ans ça reste assez long.
La musique que vous jouez est plutôt avant-gardiste je trouve, comment la décrirais-tu toi ?
Pour faciliter les choses je dirais que nous faisons du metal extrême progressif. Bien sûr il y a plein d’autres éléments : du rock des 70’s, un peu de jazz… Nous sommes prêts à mettre tout ce qui peut convenir avec ce que nous faisions sans vraiment prendre en compte aucun style. Si ça colle avec l’ambiance du morceau c’est bon, si ça ne marche pas tant pis, peu importe le style. Et jusqu’à présent cette façon de faire nous a plutôt réussis.
Et qui écrit au sein du groupe ?
J’écris 70% de l’album on va dire, et Øyvind écrit les 30% restant. Ca doit être quelque chose comme ça en gros.
Et c’est toi qui écris les paroles ?
Oui j’écris l’ensemble les paroles par contre.
The Dystopia Journals peut être abordé comme un concept-album autour du thème des démons intérieurs, du Moi forcé de rentrée dans un moule commun à tous. Y a-t-il également une sorte de concept ou de fil rouge dans les chansons de The Malefactor Bloody Register?
Dans le nouvel album, le concept principal des paroles est un aperçu de l’homme, de ce que nous sommes et comment nous traitons notre prochain, vu à travers le système judiciaire. Au départ, je n’étais pas parti d’emblée sur une idée de concept-album mais par la suite je me suis rendu compte que cela collait bien à la musique et donc ça a évolué sous cette forme. Cela dit, j’aime qu’un album ait une unité donc je finis toujours par arriver à quelque chose qui s’apparente à un concept album.
La couverture de l’album représente un homme patibulaire tenant un livre dans une main et une corde avec un nœud de pendu dans l’autre. Peux-tu nous expliquer ce choix et le lien que cela a avec le titre ?
Nous voulions quelque chose qui reflètent les paroles mais aussi l’ambiance de l’album. Nous avons travaillé avec le même acteur que sur le premier album The Dystopia Journals.


Ah bon c’est la même personne?
Oui, oui, c’est un acteur assez connu originaire de notre ville [Bergen –ndlr]. C’était très agréable de travailler avec lui. Il est très professionnel, avec lui c’est facile d’obtenir ce que tu veux. L’idée de cette pochette était de représenter cet homme austère incarnant la froideur du système judiciaire avec une posture qui fait apparaitre implicitement la balance, symbole de la loi et de l’ordre, dans laquelle la sentence, représentée par la corde, pèse plus lourd que le livre des lois.
Et c’est donc lui « The Malefactor » ?
Non, enfin si au final c’est aussi lui ! (rires) Mais lui c’est plus celui qui crée les Malefactor aux yeux de la loi.
Il y a un côté théâtrale dans la musique de Vulture Industries je trouve. De quels films ou quels livres inspires-tu pour créer cet univers ?
Je lis pas mal d’œuvres de vieille littérature d’horreur, des textes qui effraient plus par leur implicite que par l’explicite. J’aime beaucoup Edgard Allan Poe bien sûr, de très bons auteurs norvégiens également, quelques classiques du cinéma d’horreur allemand…
Sur le plan historique également tu a l’air de puiser l’inspiration ailleurs. Car Vulture Industries ne semble pas s’ancrer dans le présent.
Oui en effet, je suis assez nostalgique de la vieille époque, ça vient assez naturellement.
Toujours à propos d’influences, la voix, en particulier sur The Dystopia Journals, me fait penser à celle de Garm d’Ulver. Est-ce que Garm ou les groupes dans lesquels il a joué font partie des influences du groupe ?
Oui bien sûr ! J’aime beaucoup Ulver et pas mal des albums d’Arcturus. Il a aussi fait pas mal de bons trucs avec d’autres groupes. Je n’ai jamais vraiment essayé de sonner comme lui mais il est vrai qu’il y a des similitudes entre nos deux voix donc la comparaison est compréhensible. Quand j’écoute The Dystopia Journals, non pas que je l’écoute souvent car j’en ai un peu marre de cet album ! (rires) Mais quand je l’écoute, je comprends tout à fait pourquoi les gens comparent nos deux chants.

Ca reste une très bonne comparaison je trouve, car il a une sacrée voix !
Oui c’est un musicien très talentueux, sur beaucoup de plans je trouve.
Sur The Dystopia Journals vous avez utilisé un vrai violoncelle et une viole plutôt que les sons du clavier. Qu’avez-vous utilisé sur The Malefactor’s Bloody Register ? En plus des instruments habituels bien sûr !
Nous avons utilisé du saxophone. A la base nous devions faire ça avec le saxophoniste des Shining norvégiens [Jorgen Munkleby, qui a également enregistré sur le dernier album d’Ihsahn –ndlr], ils sont très bons, je suis fan de ce qu’ils font.

Mais ça a pris trop de temps, il était trop occupé à sortir leur nouvel album. Donc nous avons fait appel à une autre personne qui a vraiment fait du bon boulot. Sinon, nous avons toujours du violoncelle et de la viole. Nous avons même un chien qui chante un peu.
Ah bon ? Sur quel morceau?
C’est sur This Cursed Flesh. Sur le passage lent au milieu de la chanson, il y a un chien qui hurle. Le chien hurlait parfaitement dans le ton, c’était impressionnant! (rires)
Et à qui est ce chien ? (rires)
C’est le mien en fait ! Un petit terrier de Manchester. Je travaillais dans le studio et j’avais amené le chien avec moi. Elle était jeune donc elle se sentait seule, à chaque fois que je sortais de la pièce elle commençait à hurler. Je travaillais sur cette chanson quand elle se mit à hurler. Du coup je me suis dis : « Hey c’est pas mal ! Je crois que je laisserai le micro tourner la prochaine fois que j’irai me prendre un café. » Et au final j’ai eu ce superbe hurlement, j’ai juste eu à l’ajouter.
Tu sais que Pink Floyd a utilisé un chien également sur le Live at Pompeii ?
Oui bien sûr, c’est un super concert !
Carrément ! Du coup je pencherai l’oreille sur le cri du chien à ma prochaine écoute de l’album ! (rires) Et donc, maintenant, quels sont les projets pour Vulture Industries après cette tournée ?
On va essayer de faire encore davantage de concerts.
En dehors de l’Europe ?
Peut-être… On aimerait bien mais pour l’instant ce n’est qu’un projet. Si nous faisons quelque chose en dehors de l’Europe notre choix se portera sur les États-Unis mais notre album n’est pas vraiment distribué là-bas. Donc avant d’aller tourner là-bas nous devrions nous occuper de ça. Pour l’instant nous voulons faire plus de dates en Europe. Cette tournée ne comporte que 11 dates donc il reste des endroits où jouer pour nous. Nous avons également commencé à écrire pour le prochain album. Avec un peu de chance, la prochaine fois il n’y aura pas à attendre trois ans. (rires)
Oui d’ailleurs, il y a une raison particulière pour laquelle trois ans se sont écoulés entre les deux albums ?
Nous avons un peu tourné en rond avant de trouver la direction que nous prendrions avec le nouvel album. Une fois que cela a été trouvé, nous avons mis un an et demi à tout écrire puis il a fallu enregistrer en studio et là aussi nous avons un peu trainé.
Bon bah pour le prochain album, il faudra que tu organises une tournée avec Ulver, Shining et Vulture Industries du coup ! (rires)
Oui ça serait pas mal ça ! (rires)
by Mr.Olc | Oct 28, 2010 | Live Reports

Le 10 octobre à l’Elysée Montmartre ce n’était pas qu’un simple concert d’Anathema mais bel et bien une fête en leur honneur, une soirée ayant pour thème leur retour triomphant après quelques années sombres.
Petit retour rapide sur l’affiche :
En première partie, Peter Carlsen, un inconnu à mes yeux, et l’ancienne chanteuse de The Gathering, Anneke Van Giersbergen. Pas de « groupe », rien d’alléchant sur le papier, et pourtant…
18h30 : Extinction des feux. Ce n’est pas un inconnu qui s’avance sur la scène mais Danny Cavanagh d’Anathema qui fera office de Monsieur Loyal durant toute la soirée et qui présente joyeusement Peter Carlsen comme une des personnes les plus talentueuses qu’il connaisse et lui cède la place.
Peter Carlsen «le talentueux » s’avance seul sur la scène de l’Elysée et livre trois beaux morceaux de « pop posée » au simple son de sa guitare et de sa voix. Étant habitué à des groupes d’au moins 4 membres livrant une musique ravageuse, je suis assez impressionné de voir comment un homme seul avec sa guitare arrive à s’imposer sur scène. Trois morceaux agréables donc, une jolie voix, ce n’est pas vraiment mon style mais ça reste planant et ça ouvre bien le concert. Au bout de trois morceaux, Peter annonce une petite surprise et c’est Anneke qui vient l’accompagner sur scène pour un morceau, puis Danny les rejoint pour le morceau suivant, puis Vincent Cavanagh. Au final, un groupe entier composé des artistes de cette soirée se constitue petit à petit sur scène. Cette première partie annonce le ton du reste du concert. Les différents artistes viendront intervenir durant chaque set, toujours avec le sourire et transmettant la joie au public.
Trente minutes passent et les différents invités quittent la scène à l’exception d’Anneke qui reste pour enchaîner de suite avec son propre set, précisant qu’elle trouve cela dur de passer après Peter Carlsen. On s’envoie des roses, on rigole, ambiance bon-enfant comme je l’ai déjà insinué ! Le set d’Anneke sera plus court que celui de Peter Carlsen. Elle joue deux morceaux d’Agua de Annique (Beautiful One et Sunny Side Up) puis interprète un titre de The Gathering (Locked Away) et même de U2 (All I Want Is You). Sur la fin, comme pour Peter Carlsen, les mêmes invités viennent lui filer un coup de main. Au final, le set est sympathique, je ne trouve pas cela transcendant, mais l’adjectif « mignon » convient parfaitement.
Danny « Monsieur Loyal » Cavanagh revient pour préciser qu’un temps de pause va avoir lieu pour tout installer mais qu’après cela viendra un set très long et que le public doit se tenir prêt. Il sait mettre l’eau à la bouche ce Monsieur Loyal !
Après un petit quart d’heure, Anathema monte enfin sur scène et entame donc ce long set qui va durer en tout 2H30, on ne peut pas dire qu’on n’avait pas été prévenu ! C’est long, et pourtant on en redemande. Durant ce set, le groupe va faire le tour de sa large discographie d’une façon très bien pensée. Je m’explique : le groupe ouvre les festivités avec les quatre premiers morceaux du dernier album « We’re Because We’re Here », puis trois morceaux de « A Natural Disaster« , les trois morceaux suivants du dernier album, puis quatre morceaux de « Judgement », quatre morceaux de « Alternative 4« , deux morceaux de « A Fine Day To Exit« , un petit Flying et le set principal se finit avec les 3 derniers morceaux du dernier album.
Résultat : un set qu’on ne voit pas passer tellement tout s’enchaine parfaitement, les ambiances se mêlent et la discographie d’Anathema apparait comme un tout sublime et cohérent. J’oublie de préciser que la bonne humeur accompagne ce set en permanence. Danny fait le spectacle et aussi bien lui que Vincent profitent des moments de calme entre les morceaux pour s’exprimer en Français et rappeler qu’ils adorent Paris et que ce concert est celui qu’ils attendaient le plus de leur tournée. On peut crier aux faux-culs, quand on connait les gaillards, on sait que c’est honnête et ça fait plaisir !
Un spectacle aussi bon ne pouvait se finir sans un rappel. Danny ne fait pas poireauter le public puisque cela était évident et revient rapidement sur scène avec sa guitare pour interpréter Are You There en solo. Lee Douglas le rejoint pour un Parisienne Moonlight aérien de circonstance.
Le reste du groupe arrive à son tour et là, surprise ! Vincent demande à Danny ce qu’il souhaite faire. Monsieur Loyal répond en français : « Pas dormir ! Pas dormir ! » Le public rit, mais perçoit-t-il ce que cela annonce ? Danny nous fait un joli double sens : « je ne veux pas aller me coucher, je veux rester sur scène à faire le mariole » mais également « je veux jouer Sleepless, ce vieux morceau datant de 1993 complètement différent du style d’aujourd’hui. » Anathema nous joue donc Sleepless réadapté à leur style actuel, et ça passe nickel ! Le morceau, plus agressif que ceux joués ce soir là, embrase l’Elysée et visiblement je n’étais pas le seul à me réjouir de cette surprise. Le groupe fini ensuite définitivement le concert avec One Last Goodbye et Fragile Dreams, faisant aussi bien chanter le public que les invités de première partie revenus une dernière fois sur scène. Le groupe quitte la scène aussi heureux que le public quittant la salle petit à petit… 2H30 de pur bonheur qu’on aimerait revivre de suite.
J’étais allé à ce concert sans réelles attentes et je suis ressorti en me disant que cette soirée rejoignait le rang des concerts mémorables. Anathema a définitivement rassuré ses fans, le groupe a toujours la pêche et la transmet aisément. Mais surtout, la flamme qui les anime et plus que jamais vivace.
Setlist Anathema :
1. Thin Air
2. Summernight Horizon
3. Dreaming Light
4. Everything
5. Balance
6. Closer
7. A Natural Disaster
8. Angels Walk Among Us
9. Presence
10. A Simple Mistake
11. Deep
12. Pitiless
13. Forgotten Hopes
14. Destiny Is Dead
15. Shroud of False
16. Lost Control
17. Destiny
18. Empty
19. Panic
20. Temporary Peace
21. Flying
22. Get Off, Get Out
23. Universal
24. Hindsight
Rappel:
25. Are You There?
26. Parisienne Moonlight
27. Sleepless
28. One Last Goodbye
29. Fragile Dreams
Code couleur selon les albums:
We Are Here Because We’re Here (2010) (10 morceaux)
A Natural Disaster (2003) (5 morceaux)
A Fine Day To Exit (2001) (2 morceaux)
Judgement (1999) (6 morceaux)
Alternative 4 (1998) (5 morceaux)
Serenades (1993) (1 morceau)
by Mr.Olc | Oct 9, 2010 | Interviews

Accompagnant Watain sur leur tournée Européenne, Destroyer 666 passait à Paris en Octobre 2010 pour le plaisir des petits et des grands. Avant de commencer les hostilités, j’ai eu le plaisir de rencontrer Ian Gray ou Shrapnel, guitariste du groupe, pour parler un peu autour d’une bière de cette tournée, des derniers projets réalisés et de ceux à venir.
Merci à Rose de Season Of Mist pour avoir planifié cela.
Mr.Olc
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La tournée européenne a commencé il y a de ça une semaine. Comment ça se passe jusqu’à présent pour vous ? Comment est l’ambiance générale avec les autres groupes ?
Ça ce passe super bien. Watain, Destroyer 666 et Otargos forment un bon trio. Tout se déroule comme nous l’espérions. « So far, so good ! » Nous nous entendons tous très bien. Watain sont des potes de longue date, c’est donc un plaisir de faire une tournée avec des gens qui nous sont proches.
Et donc qu’attends-tu de cette tournée ?
De l’extrême dans tous les sens du terme, repousser les limites. Beaucoup d’alcool, du putain de metal, et de l’agression !
Il y a un an vous avez crée la surprise en sortant Defiance, hissant le groupe à un niveau supérieur et touchant un public plus large. Aujourd’hui, comment perçois-tu l’impacte qu’a eu Defiance ? Est-ce également ce que tu espérais ?
Je ne m’attendais pas à quoique ce soit pour être honnête. Nous sommes simplement allés de l’avant et nous avons écrit la musique qui nous venait en tête. Exactement comme nous l’avons toujours fait. Mais ouais, Defiance semble avoir eu un impact plus important et à réunit pas mal de nouveaux fans. Disons que l’album a fait son boulot !
Mais tu en es satisfait ?
Oui, oui, j’en suis satisfait. Mais tu sais, comme pour tous les albums précédents que nous avons faits, on les réécoute toujours après coup en nous disant qu’on aurait pu faire telle ou telle chose différemment. Je suis difficilement satisfait de quoique ce soit. Je pense que voir les choses de cette façon, ça te force à aller toujours plus loin. Destroyer est une sorte de bête changeante. On n’en a pas vraiment le contrôle. Mais Defiance est clairement dans la continuation de ce que fait Destroyer.
Vous n’avez rien essayé de révolutionner pour le groupe, vous avez simplement fait ce que vouliez faire et avez laissé la chose prendre forme d’elle-même.
Oui, tu sais des gens nous disent « vous avez décidé de mettre des morceaux moins thrashy sur le dernier album » mais on ne décide de rien, c’est simplement le résultat de ce qui ressort. Peut-être que des groupes peuvent se dire « ok, on va faire une chanson Thrash, on va faire une chanson Death Melo ». Nous, nous ne choisissons rien, c’est simplement ce qui ressort.
Cet album semble être plus personnel et plus peaufiné que vos précédentes réalisations. Est-ce que c’est celui qui vous a demandé le plus d’énergie ?
Et bien, tu sais Destroyer a eu une grande période durant laquelle il ne sait rien passé. Nous avons eu beaucoup de problèmes car nous étions dans des pays différents et ça a incontestablement ralenti l’écriture de l’album. Ça a été un album difficile à faire au vu de notre cadre de vie. Il y a même un moment où on pensait qu’on ne l’écrirait jamais, et que le groupe allait splitter. Sur bien des plans, Defiance a été un album difficile à produire. Mais quand nous avons commencé à remettre les choses en marche, nous nous sommes aperçus que nous avions encore beaucoup à offrir et que quand tu as fait tant de sacrifices pour la musique tu ne peux pas t’arrêter comme ça. Quand nous nous sommes séparés et avec tous les problèmes que nous rencontrions, nous avions perdu l’esprit de Destroyer en quelque sorte… Mais ça fait du bien de ressentir cette énergie à nouveau et de refaire surgir la bête.
Defiance est comme une renaissance pour vous ?
Oui, en quelque sorte.

Donc ces sept années qui se sont écoulées entre Terror Abraxas et Defiance étaient principalement dues à votre situation géographique compliquée, pas à des difficultés dans l’écriture de l’album ?
Oh, on est aussi très lent à écrire ! On n’est pas des rapides tu sais. Et en effet, Matt [Schneemilch – ndlr] et moi vivons à Londres. Mais avant, nous vivions aux Pays-Bas avec Keith [K.K. Warslut – ndlr] et Simon [Berserker – ndlr] notre ancien bassiste. Puis, notre visa a expiré donc j’ai dû aller à Londres. Matt a rejoint le groupe car Simon a préféré retourné en Australie. Keith vit toujours aux Pays-Bas mais il a également vécu au Danemark. Quant à notre batteur, il vit en Allemagne ! Donc dans tous les cas, nous n’aurions pas pu être rapides pour sortir cet album.
Et aujourd’hui, alors qu’un an auparavant seulement sortait Defiance, vous nous proposez déjà des nouveaux morceaux sur l’EP See You In Hell. Le prochain album serait-il pour bientôt ?
Ouais ! Après cette tournée nous allons nous concentré sur l’écriture du prochain album. Nous avons déjà quelques morceaux qui sonnent vraiment vraiment bien. Nous comptons faire accélérer un peu les choses. Par exemple, nous pensons changer la façon dont nous écrivons. Nous pensons nous réunir tous sur une longue période plutôt que de faire de multiples petite répétitions. On va tenter de faire ça différemment. Mais cette fois pas de longue attente, l’année prochaine il y aura un nouveau Destroyer 666.
C’est pour l’année prochaine donc ?
Je l’espère en tout cas !
Defiance est surchargé de riffs de guitare purement agressifs. Comment as-tu réussi cela ? Je suppose qu’il y a une quantité de riffs, voire peut-être de chansons, qui ont été abandonnés.
Oh oui ! Il y a une tonne de chansons qui ont fini à la poubelle. Il y a également des chansons qui ne se sont pas retrouvées sur l’album et qui viennent d’être réalisé sur un EP pour cette tournée. Pour ces morceaux, la batterie avait été enregistrée à l’époque de Defiance mais comme nous manquions de temps et que nous avions eu des problèmes avec le studio, nous n’avions pas pu finir de les enregistrer. Du coup, nous ne les sortons que maintenant sur un EP. C’est un exemple, mais il y a une blinde de matos qui n’est finalement jamais utilisé.
Et qui juge si ça mérite d’être utilisé ou pas ?
Nous tous. Parfois tu peux penser avoir un truc terrible quand tu joues chez toi dans ton coin, et puis quand vient la répéte et que tu joues avec les autres tu te rends comptes que ça ne le fait pas. Alors tu bidouilles tes riffs, tu retouches certains trucs, tu essaies d’autres combinaisons et tu retentes le coup. Je vois la musique comme une créature changeant constamment de forme. Au final, nous n’avons aucun contrôle dessus, ou dans une moindre mesure. La plupart des morceaux que nous écrivons sont complètement différents une fois enregistrés de ce à quoi ils ressemblaient au tout départ.
Cet album a été enregistré au Necromorbus Studio. As-tu été satisfait du travail de Tore Stjerna ? Penses-tu travailler à nouveau avec lui par la suite ?
Tore est un super ingé son et avec son studio il a enregistré plein de CD excellents : l’album Author of Incest de Adorior, les albums de Watain… Il a fait un tas de trucs terribles. Le studio a été une bonne expérience, mais l’enregistrement reste quelque chose de stressant pour moi, surtout lorsque le temps presse. Tu n’as pas beaucoup de temps et tu dois te débrouiller pour en finir avec ça, ça, et ça. Être sous pression peut-être une bonne chose, mais ça peut aussi te pénaliser. Je ne sais pas trop, mais moi je n’aime pas enregistrer, je préfère faire des concerts.
Oui j’ai remarqué. Si on tient compte du nombre d’années d’existence du groupe et que l’on compare le nombre d’albums produits avec le nombre de concerts réalisés, on voit que vous favorisez les concerts. Pourquoi ?
Je ne sais pas trop… Destroyer a toujours été un groupe fait pour les concerts. Depuis notre tout premier concert en 1996, nous nous étions rendu compte qu’en concert on ressentait une putain d’énergie, c’était terrible ! Certains groupes sont considérés comme des groupes studio, d’autres comme des groupes live. Je pense que notre vraie force se déploie lors des concerts.
Y-a-t-il un concert dont tu te souviennes qui reste pour toi au-dessus de tous les autres que vous ayez fait ?
Il y a eu tout un tas d’excellents concerts. Dernièrement nous avons fait une tournée aux États-Unis et les dates à Portland et à Chicago étaient des tueries ! En Europe, Londres et Paris sont toujours des putains d’expériences pour Destroyer. Bref, il y en a plein…
Pour en revenir rapidement au Necromorbus Studio, quels groupes ou quels albums vous ont convaincu d’aller là-bas pour enregistrer Defiance ? Tu as parlé d’Adorior et de Watain, y en a-t-il d’autres ?
Oui, Watain, Sworn To The Dark est un putain d’album. Merrimack a aussi un excellent son. Funeral Mist également. Il y en a un bon paquet en vérité !
Oui et aucun album ne sonne pareil. On peut reconnaitre la griffe de Tore mais c’est toujours adapté au groupe. Le son que vous avez sur Defiance n’a rien à voir avec lui de Salvation [Funeral Mist – ndlr] par exemple.
Ah ouais ça ne fait aucun doute ! Et puis aussi nous connaissions Tore personnellement, et comme je l’ai dit l’enregistrement est une putain de situation stressante. C’était agréable d’être dans ce genre d’environnement avec quelqu’un que tu connais. Enfin, comme je l’ai dis tout à l’heure, certains aiment bien ça, mais pas moi. Mais c’était un plaisir de bosser avec Tore. D’ailleurs c’est également lui qui fait le son sur la tournée.
Il est avec vous sur cette tournée ?
Ouais, il s’occupe de notre son et de celui de Watain. Il avait également travaillé avec nous sur certaines dates passées. Peut-être que nous travaillerons à nouveau avec lui par la suite. Je ne sais pas exactement.
Tu n’es pas encore fixé ?
Non, parce qu’il y a beaucoup de très bons studios, mais beaucoup sont également excessivement chers. Nous verrons en fonction de la musique que nous ferons.
Destroyer 666 semble n’être que violence, agression et destruction, sans faire de compromis et sans se soucier d’un réel dessein occulte. Comment résumerais-tu l’esprit actuel du groupe ? Est-il toujours question de Satanic Speed Metal ?
Destroyer est tout simplement un groupe de Metal. Je conçois ça de façon très simple. Tu sais, je suis un gros fan de Heavy Metal, même si bien sûr j’écoute beaucoup de Black et de Death. Pour moi, Destroyer est une injection de Metal, comme si je prenais de la drogue pour planer. C’est une musique puissante et agressive. Voilà comment je définirai cela. Une musique puissante !
Quelques mots à propos de Razor Of Occam [groupe dans lequel joue Ian mais également Matt le bassiste de Destroyer 666 – ndlr], depuis la tournée avec Absu, quels ont été vos projets ?
Razor Of Occam est le bébé de Matt, c’est lui qui écrit tout. Et comme actuellement il est très occupé avec Destroyer il ne se passe pas grand-chose. Il a juste écrit quelques compos. Nous avons également eu des problèmes avec notre batteur. Il est en Australie maintenant donc on attend qu’il revienne.
Pas de projet pour le moment donc ?
Non, ça dépend de Matt. Mais dernièrement, nous sommes très occupés, on enchaine les tournées, ce qui est une très bonne chose ! (rires)
Et si ce soir pour répandre la destruction au Nouveau Casino tu n’as pas de guitare mais des armes, tu prendrais quoi ?
Seulement mes poings ! Mes bons vieux poings ! (rires)
Ça promet de frapper sec !
Ouais ! (rire)

by Mr.Olc | Oct 7, 2010 | Live Reports
Paris, le 1er octobre 2010
11ème arrondissement, Le Nouveau Casino
Temps : pluvieux
Remontant la rue Oberkampf, je me remémore la première fois où mes jambes ont parcouru ce chemin menant à l’excellente salle du Nouveau Casino. C’était alors un évènement qui avait eu lieu. Dissection revenait sur scène et en première partie jouait un autre groupe suédois que je ne connaissais alors que de nom et qui, en ce soir de 2010, était la tête d’affiche dans cette même salle.
Ce concert s’annonçait prometteur pour bien des raisons : le Nouveau Casino dans lequel je n’avais pas passé un seul mauvais concert, et bien sûr Destroyer 666 et Watain, deux groupes réputés pour ne pas faire dans la demi-mesure un fois montés sur le plancher.
Ce soir là, un groupe français du nom d’Otargos ouvrait les hostilités. Retenu par des visages familiers que j’avais rarement l’occasion de croiser, je manquai leur prestation. J’avoue que je n’étais pas venu pour ce groupe, je ne m’étais donc pas pressé. Cependant les bruits dans la salle après leur passage laissaient entendre que leur prestation était de qualité, tant pis pour moi…
Les Anglollandostraliens de Destroyer 666 arrivèrent enfin sur scène, arborant cuir et clous, et entamèrent sans attendre la destruction des tympans des personnes présentent pour ce massacre. Le groupe choisit d’axer leur show sur des morceaux plus vieux mais, à n’en pas douter, taillés pour le live : I Am The War God, The Last Revelation, The Calling et sa magnifique ouverture, Black City – Black fire et son refrain tueur qui prend toute son ampleur lorsque des dizaines de voix le hurle ensemble. Je vois encore la fosse s’embraser et les poings se lever demandant davantage de violence qui ne tardait pas à venir. Un seul morceau du dernier opus de Destroyer 666 avait été joué, à mon grand regret car j’avoue qu’encore aujourd’hui cet album me fait frissonner, néanmoins I Am Not Deceived fit son office en continuant d’apporter destruction et violence dans l’enceinte du Nouveau Casino. Destroyer 666 partit avec le même sourire aux lèvres qui était resté figé durant le concert sur le visage du leader K.K. Warslut, heureux d’être le prophète de l’annihilation. Leur performance fut exactement comme je l’espérais, violente et sans concession, un vrai plaisir.
Après ce carnage la soirée n’était pas finie car Watain devait apparaître, et cela ne pouvait se faire sans qu’une ambiance occulte ait pris possession des lieux. La scène s’orna alors de bougies, crânes et autres symboles blasphématoires.
Les cinq ombres apparurent et entamèrent Malfeitor avec une hargne indéniable qui fut fauchée net par une coupure de courant, faisant fuir les ombres de la scène. Durant les minutes nécessaires pour remettre tout cela en marche, l’ambiance occulte se diffusa un peu et quand le groupe revint la rage n’était plus la-même, elle avait laissé place à l’amertume d’avoir été cassé dans un élan qui ne devait être stoppé. Le groupe reprit tout de même Malfeitor avec ses envolées de guitare et roulements de batterie qui me firent vibrer les entrailles. Le groupe choisit de proposer des morceaux de tous leurs albums. De Casus Luciferi ils ne livrèrent que le magique The Devil’s Blood. De Sworn To The Dark ils jouèrent le titre éponyme au refrain prenant mais vite redondant, l’habituel et efficace Legion Of The Black Light, le rageur Satan’s Hunger et, à ma grande surprise, l’excellent The Serpent’s Chalice. Du récent Lawless Darkness, nous pûmes entendre le single Reaping Death, Wolve’s Curse et l’ode funèbre Total Funeral. Une deuxième surprise eu lieu puisque le groupe osa sortir du fin fond de sa discographie On Horns Impaled pour finir la cérémonie, un vrai plaisir ! Mon moi exigeant se dit que My Fists Are Him ou The Limb Crucifix eût été préférable mais je ne fis pas la fine bouche.
Le choix de cette sélection me ravit sans me transcender. Le fait qu’ils n’aient pas joué I Am The Earth me fit quitter la salle avec une certaine frustration, Stellarvore eût été bienvenu également. D’autant plus que le groupe ne fit pas de rappel. Peut-être à cause de la perte de temps en début de set, peut-être pour se venger de cet incident, ou peut-être que la foule n’avait pas crié le nom du groupe aussi fort qu’ils l’auraient souhaité. En tout cas, la frustration était là pour ma part.
Le groupe avait joué correctement mais il manquait indubitablement une énergie, un dévouement, que le groupe faisait ressentir en temps normal et qui n’habitait pas les ombres de Watain ce soir-là. Peut-être que le son, géré pourtant par Tore Stjerna du Necromorbus Studio, n’avait pas aidé non plus…
Ce fut un bon concert de Watain, mais certainement pas le meilleur. En tout cas, ce fut une soirée à ne pas oublier, car dans l’ensemble, je me souviens être ressorti de la salle complètement épuisé et vidé de l’énergie que j’avais en franchissant dans l’autre sens les portes du Nouveau Casino.
Mr.Olc
by Mr.Olc | Sep 30, 2010 | Interviews

Entretien réalisé à Clisson par Mr Olc, support vidéo par Miss Gwenn
La première fois que j’ai réellement écouté la musique de Watain, c’était à Paris en première partie de Dissection. Je m’étais pris une sacrée claque et avais suivi le groupe de près depuis ce moment. A travers les années et les albums, le groupe s’est imposé comme une valeur sûre en matière de musique aussi noire que profonde.
Je ne pouvais donc pas louper l’occasion de discuter avec Erik pendant le Hellfest et d’en apprendre plus sur Lawless Darkness , leur dernier album, mais également sur ce qui anime ce groupe emblématique..
Place donc à une longue discussion.
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Il y a quelques jours a eu lieu l’Armageddon Festival avec des groupes qui partage la quintessence de Watain : Von, The Devil’s Blood, Repugnant… Comment c’était ?
Excellent. J’ai vraiment été satisfait de cette expérience. C’était également un plaisir de voir qu’au cours de ces 11 années en tant que groupe, nous avions toujours eu beaucoup de gens autours de nous, nous encourageant et nous aidant, parfois indirectement, et beaucoup de ces personnes étaient là ce soir. Il y avait ces amis de très longue date mais également des personnes que nous ne connaissions pas 11 ans plus tôt et qui aujourd’hui sont là pour nous.
Ce concert vous a donc permis de faire le point, de voir ce que Watain avait accompli au cours des 11 dernières années.
Oui, exactement.
Selim Lemouchi apparait à deux reprises sur Lawless Darkness, tu l’as également aidé sur son album en écrivant les paroles de The Yonder Beckons. Les liens entre les deux groupes semblent être forts. Comment as-tu découvert The Devil’s Blood ?
Il me semble que j’avais rencontré Selim avant qu’il commence The Devil’s Blood. Le lien entre les deux groupes est quelque chose de très naturel. Watain et The Devil’s Blood, sans faire la même musique, expriment la même chose à partir de la même source d’énergie et restent dirigés vers cette même source d’énergie. C’est ce qui nous lie car très peu de groupes ont ce même désir, cette même ambition. D’ailleurs, je pense que le lien se serait fait tôt ou tard même si nous ne nous étions pas connus auparavant. Aujourd’hui, nous sommes devenus de très bons amis, très proches. Nous avons même des projets ensemble.
Tu veux parler d’un groupe qui vous réunirait ?
C’est trop tôt pour en parler. Watain, tout comme The Devil’s Blood, sont deux groupes très créatifs. Pour le moment il ne s’agit que d’idées, nous verrons bien…
Parlons maintenant de ce nouvel album. Si Sworn To The Dark pouvait être ressenti comme un cri d’unification sous le serpent, Lawless Darkness nous laisse davantage au milieu d’un chaos complet où seule la Mort nous attend. Pourrais-tu nous en dire plus sur l’âme de cet album ?
C’est une très bonne question, mais il m’est impossible d’y répondre correctement. Lawless Darkness est la chose la plus forte que nous ayons créée avec Watain, et c’est quelque chose que j’exprime bien mieux à travers la musique qu’avec n’importe quel mot. Ce que nous faisons avec Watain est une parfaite traduction, ou je devrais plutôt dire notre meilleure tentative de traduire ce que nous ressentons intérieurement, ce qui nous traverse.
« Ces mots ne sont pas prononcés par moi, mais à travers »… [Paroles de I Am the Earth – ndlr]
C’est exactement ça.
Vous avez contacté Zbigniew Bielak pour réaliser la couverture de cet album. Pourrais-tu nous en dire plus sur ce choix, car je ne connaissais pas cet artiste, et sur le sens de la couverture ?
Et bien, personne ne connaissais ce type en vérité. En fait, c’est lui qui est venu nous contacter de lui-même pour proposer ses services. Je suis donc allé voir son site et puis je me suis dis « Pfff… Il n’y a rien d’intéressant pour nous ». Par la suite, il a continué à nous écrire et à insister donc j ‘ai fini par lui envoyé un brouillon en lui disant « ok, essaie ça et nous verrons ce que nous ferons. » Le jour suivant, il m’a renvoyé l’illustration de Kiss of Death, et là je lui ai répondu « Euh… Ok, c’était quoi ton nom déjà ? » (rires)
Donc ça a été une réelle surprise pour toi ?
Ouais, complément. Le fait est que ce mec n’a jamais vraiment travaillé pour aucun autre groupe. Il a réalisé très peu de choses, ça c’est son plus grand boulot. Nous étions en train de travailler sur Lawless Darkness quand nous nous sommes dit « merde, il faut que ce type bosse avec nous sur cet album, il faut que ce soit lui ! »
Parce qu’avant, c’était toi qui travaillais sur les couvertures ?
Non, je n’ai pas fait les couvertures. Je m’occupe des livrets et nous avons toujours donné les idées pour les couvertures mais c’était un autre type qui les faisait avant, Timo Ketola. Pour Lawless Darkness par exemple, c’est moi qui ai écrit les paroles de l’album, et les illustrations doivent être liées à cela, mais elles sont réalisées par Bielak. Quand nous avons commencé à travailler ensemble, nous échangions, pour chaque illustration, des mails qui prenaient une heure à lire.
Pour revenir à la couverture, l’idée, en simplifiant, est que ce sont les trois membres de Watain qui sont représentés : moi avec la trompette, Håkan avec les baguettes et Pelle avec le trident en guise de guitare. Ensemble, nous retirons le voile qui mène à l’obscurité sans loi, Lawless Darkness.

Afin de montrer que ce que vous offrez à travers votre musique est un passage vers l’obscurité…
Exactement, et la couverture de Lawless Darkness en elle-même est basée sur les Tables de la Loi de Moïse qui sont brisées. Et à partir des restes anéantis de la Loi nait l’esprit de Satan qui, sous sa forme libérée, peut retourner à son combat avec Dieu.

Ok. Tu as parlé d’une illustration que Bielak a faite pour Kiss of Death, de quoi s’agit-il ?
Ah oui, la voici. [Erik ouvre le livret du vinyle de Lawless Darkness]

Ah d’accord, je n’avais pas encore vu le livret. Et donc c’est la première illustration qu’il t’a envoyé ?
Oui, tu comprends pourquoi maintenant !
Oui, ça convient parfaitement à l’esprit de Watain, c’est impressionnant.
Il a fait un boulot énorme et superbe. Le symbolisme derrière chacune des illustrations est très complexe. Je pense qu’un boulot pareil m’aurait demandé 10 ans à réaliser. Il y a tellement de détails et de symbolismes dans ces illustrations…
Donc il est possible que vous travailliez avec lui par la suite ?
Oh oui, absolument, il le faut !
Lawless Darkness n’est pas seulement la chanson-titre de l’album mais également un morceau instrumental inhabituel. Pourquoi ce morceau porte-t-il le titre de l’album et pourquoi avoir choisi de faire qu’il soit seulement instrumental ?
A cause du simple fait que Lawless Darkness est un terme qui a été crée pour représenter quelque chose qui ne peut pas être exprimé avec des mots. Nous ne voulions pas essayer de communiquer le sens de cette chanson avec des mots car cela n’aurait fait que limiter le ressenti des gens. Nous voulions laisser les auditeurs s’approprier le morceau au fur et à mesure qu’ils l’écoutent. C’est pour laisser la porte ouverte en quelque sorte.
Vous ne vouliez pas figer tout cela avec des paroles.
Voila, c’est ça.
Quels écrits ou quelles philosophies nourrissent ta vision de l’occulte ?
Tout ce qui est écrit avec un certain niveau de discernement à propos de l’occultisme ou à propos de la religion m’intéresse. J’ai ma propre façon d’exprimer, de clamer mes croyances et tout ce que je lis et que j’expérimente est en rapport avec cela. Parfois les gens sont surpris quand j’utilise la Bible en tant que référence. Pourtant, je n’ai jamais dis que la Bible en elle-même est la clé de la sagesse. Je dirais plutôt que la Bible, ou n’importe quel écrit religieux, peut être utile pour élargir son champ de pensée et pour mettre des mots sur des choses ou des symboles qui, arrivés à un certain niveau, sont du domaine de l’abstraction. Voila comment j’utilise les écrits religieux.
Arioch, de Funeral Mist et Marduk [Mortuus dans Marduk –ndlr], utilise aussi fréquemment la Bible d’une façon très intéressante. Partages-tu son point de vue sur tout cela ?
Je dirais que je partage son approche générale de la religion. La façon donc nous l’exprimons en revanche est différente sur certains points. Il s’exprime presqu’ uniquement à partir des écrits bibliques et en langage biblique [Arioch détourne souvent des écrits bibliques écrits en latin –ndlr]. Personnellement, je me sens lié à cela, c’est certain, mais je ne me limite pas à un seul moyen d’expression. Cependant, je comprends et je respecte totalement la façon dont il fait tout cela. Se limiter, dans le contexte religieux, peut revenir à faire un choix qui permet d’obtenir plus de pouvoir. Tu sais : plus tu presses quelque chose, plus il devient compact et dense, et donc plus la source devient puissante. C’est un moyen d’illustrer ça. Donc, la façon dont il fait cela, absolument, je peux m’y identifier, mais je ne m’exprime pas à 100% de la même façon, je préfère être plus ouvert, je pense, quand il s’agit de source religieuse.
Vous utilisez la même source mais vous ne lui faites pas prendre la même forme en quelque sorte. Plusieurs années séparent chaque album de Watain. Comment travaillez-vous sur l’écriture ?
Ah oui… Je ne sais pas… Enfin je veux dire, je ne me souviens pas réellement du procédé d’écriture. Je peux comprendre que la plupart des artistes soient à l’aise sur ce genre de question, mais pour moi c’est complètement chaotique. Tout d’un coup nous nous retrouvons en studio avec un album comme Lawless Darkness et nous nous disons : « putain mais comment on a fait ça ? » Cela a à avoir avec le fait que je ne considère pas vraiment les 3 membres de Watain comme l’artiste principal du groupe, j’en considère un quatrième, dans notre cœur et nos tripes, qui est la principal pilier artistique.
Encore une fois, « ces mots ne sont pas prononcés par moi, mais à travers ».
Exactement, cela explique également pourquoi il est si difficile pour moi de mettre des mots ou de décrire une structure à propos de la composition.
Je pense que tu partages cette idée avec The Devil’s Blood car…
Oui, absolument ! Je pense que moins tu t’intéresses à cela, plus tu obtiens de puissance. C’est pour faire comprendre qu’un artiste, en tant qu’être humain, doit chercher à comprendre le moins possible ce qu’il fait, car il n’est qu’un receveur.
Quel regard portes-tu sur Casus Luciferi (2002) aujourd’hui ?
Justement, j’en parlais hier avec les autres membres du groupe. Pour moi, cet album a été notre premier vrai pas avec Watain dans une réalité complètement différente et nouvelle pour nous. Nous venions d’arriver au moment où nous avons compris que nous n’étions plus aux commandes désormais, et je peux encore ressentir exactement cela quand j’écoute cet album aujourd’hui.
Vous réalisiez que ce n’était pas vous qui l’aviez écrit ?
En quelque sorte, ou tout du moins, qu’il n’y avait pas que nous qui étions impliqués. Que quelque chose de plus grand l’avait également enregistré.
Il y a un morceau qui, selon moi, est au-dessus de tous les autres, enfin, c’est mon avis… Mais je pense que I Am The Earth est une chanson qui reste au-dessus des autres. Que ressens-tu pour cette chanson ?
Elle est très importante pour moi et nous la jouons toujours lors des concerts. Cette chanson est l’un de ces choses qui arrivent sans prévenir et qui se révèlent telles qu’elles sont sans que tu aies besoin d’y réfléchir. Oui, I Am The Earth signifie beaucoup de choses lorsque nous la jouons.
Quelque chose de complètement anecdotique, durant la chanson Reaping Death, on peut t’entendre crier « Here’s no peace », est-ce un clin d’œil à Marduk ?
Non, ce n’est pas un clin d’œil à Marduk mais il y a plusieurs de références cachées dans cet album. Et puis, le « here’s no peace » de Marduk fait plus allusion à la mort, alors que je le mien, dans les paroles, est lié à l’obscurité, je pense. Mais il y a plein d’allusions dans les paroles et j’aime bien la façon avec laquelle je peux travailler avec.
Y a-t-il des groupes de Black Metal français que tu écoutes actuellement ?
J’adore écouter Antaeus de Paris. Mkm est un frère de longue date si je puis dire. Et je trouve toujours cela regrettable qu’ils n’aient jamais réussi à maintenir le groupe. Sinon en dehors de cela, Hell Militia est un excellent groupe et Arkhon Infaustus également… Il y a tout un ensemble de groupes et d’amis qui ont toujours été proche de Watain à Paris.
As-tu écouté le nouveau projet de Mkm, Aosoth ?
Non à vrai dire, je me tiens très peu au courant des dernières sorties. Probablement parce que la plupart des choses que j’écoute sont des vieux morceaux que je continue de redécouvrir.
Et tu es toujours proche de Norma Evangelium Diaboli à présent ?
Oui, oui ! Ils ont sorti le vinyl.
Mais vous travaillez avec Season Of Mist à présent.
Oui mais Norma sortira toujours la version vinyle. C’est un moyen de conserver les liens qui nous lient car au départ Norma Evangelium Diaboli a été crée à partir de groupes qui sont maintenant sur le label. C’était une idée que nous avions en commun pour renforcer un cercle Black Metal qu’il y avait à l’époque et qui existe toujours d’ailleurs, malheureusement, un peu moins avec nous, mais nous appartiendrons toujours à Norma Evangelium Diaboli.
Pour toi, ce label est un lien entre des groupes qui partagent la même vision.
C’est ça.
Season Of Mist ne semble pas douter de votre potentiel. Nous pouvons voir qu’ils ont mis le paquet dès le single Reaping Death. Comment ça se passe avec eux ?
C’est un très bon label et tout se passe très bien. Mais pour moi ce n’est pas quelque chose qui m’intéresse, c’est comme une banque. Ils font un excellent travail mais c’est en dehors de Watain. Tout ce que je peux dire c’est que ça se passe bien et qu’ils s’occupent de tout, de sorte que je n’aie pas à m’en soucier moi-même. Il faut savoir un peu ce qu’il se passe tout de même, mais je le suis car je sais ce que nous faisons et où nous allons. Il faut trouver la bonne personne pour s’occuper de cela, et je pense que c’est le cas, mais ça ne va pas au-delà.
J’ai l’impression que la ligne de basse a changé depuis Casus Luciferi. Est-ce toujours toi qui l’écris ?
La basse est quelque chose que nous partageons dans le groupe. Nous n’écrivons jamais de ligne de basse avant l’enregistrement.
Ah bon ? Même sur Casus Luciferi ?
Oui.
C’est surprenant, parce que sur cet album la basse exécute un vraie mélodie souterraine.
Oui, parce que nous faisons beaucoup d’efforts sur cet instrument mais quand nous composons il n’y a que moi, Pelle et Håkan et nous utilisons seulement les guitares et la batterie à ce moment.
Dernière question : comme nous sommes au Hellfest, faisant face aux portes de l’Enfer, qui existe bel et bien finalement, quelle serait ta première pensée ?
[Long silence] J’espère que je ne serai plus capable de penser à ce stade mais… Je suis enfin chez moi.