Vertige – Aux Solitaires !

Le 26 mars 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Brouillard : tous les instruments, chant
  • Guest :
  • Déhà : chœurs sur 6

Style:

Black Metal Atmosphérique

Date de sortie:

15 février 2022

Label:

Transcendance

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10

Qui comprend l’humanité recherche la solitude.” Hazrat Ali

J’adore cette citation, elle est fondatrice d’un aspect de l’Homme que beaucoup ignorent et qui pourtant nous touche tous. Le besoin de solitude, à ne pas confondre avec le temps que l’on s’accorde avec soi-même, qui sont opposés dans le sens où la solitude peut être subie. Mais vous avez forcément tous ressenti ce besoin naturel et subjectif de vouloir s’isoler, se retrouver, se recréer et ainsi atteindre un état de bien-être temporairement loin des interactions sociales. Quand autrui devient un boulet, il est nécessaire voire obligatoire de s’isoler des autres personnes. Et beaucoup de gens ne font pas attention à ce besoin fondamental qu’est la recréation de soi-même au moyen de l’isolement, et tombent dans une sorte de dépression. En ce qui me concerne, j’ai beau avoir une vie de famille et un boulot qui se fond littéralement dans un paysage social, j’aime énormément être seul. Que ce soit chez moi, ou lors de promenades voire de randonnées en solitaire, j’aime véritablement être seul. Au point parfois de ne pas donner de nouvelles à ma famille ou mes ami(e)s, tant cette autosuffisante relationnelle me suffit amplement. Je pense que je finirai ermite plus tard, ou comme le dernier trappeur à marcher dans des décors montagneux magnifiques, terriblement seul et isolé du monde extérieur. Ou j’entrerai dans une forme de transe qui ne laissera qu’une enveloppe charnelle assise en tailleur, lévitant au-dessus d’un tapis en faisant des borborygmes. Ouais! C’est pas mal comme plan tiens! Ou bien alors, si elle est d’accord, mais cela reviendrait à chambouler tout un concept autour de l’ascension en solitaire dans un état de complétude absolu, j’accompagnerai une femme sympathique, qui aime bien le rustique et qui gère un label. Du genre à faire un feu sauvage, pour picorer un bon gros saucisson, un fromage bien coulant sur du pain et sirotant une bonne bouteille de bière, le tout sous les étoiles et la froide quiétude de la Nature. J’ai nommé cette damoiselle comme étant Brouillard (si si, l’état civil a accepté ce prénom!) et sa musique, ce soir, s’appellera pour moi Vertige et « Aux Solitaires ! »

Réduire la musicalité de Brouillard à Vertige serait une grave erreur. Il faut savoir tout d’abord qu’il existe un projet musical éponyme dont les albums ainsi que tous les morceaux se nomment également Brouillard, ce qui n’est pas banal. Ensuite, notre jeune musicienne officie également dans d’autres groupes comme Sphere mais aussi dans Transcending Rites avec un musicien belge que l’on connait bien dans le milieu underground : Déhà en personne! Et donc pour finir ce rappel biographique, Vertige qui est le groupe dont j’ai l’honneur de faire la chronique pour la sortie de son premier album appelé « Aux Solitaires ! » et une précision me semble importante : Vertige est en fait le changement de nom de l’ancien projet intitulé J’ai Si Froid… qui existait depuis 2009 et qui avait vu naître trois albums que j’ai fièrement à la maison tant ils sont incroyables. Inutile au passage de préciser que tous les groupes évoqués ici, dont Vertige, ont tous été produits par le label de madame Brouillard, qui n’est autre que Transcendance. Il me semble au passage qu’il s’agit de la première chronique pour ce label, donc cela s’arrose! Avec quoi alors on la fête cette chronique? Je laisse la protagoniste répondre si elle veut.

Mais elle pourra d’ores et déjà lire ce que je pense de sa pochette. Je pense que tout ce qui englobe la philosophie à la fois musicale et visuelle de cet album mystérieux est présent sur la photographie d' »Aux Solitaires ! » qui met en scène notre amie musicienne dans son style de pérégrination préféré : les longues ascensions dans les montagnes. L’enneigement est probablement un petit clin d’œil à J’ai Si Froid… qui reprenait un peu les mêmes codes. Mais je pense que la différence vient de la posture en elle-même de Brouillard qui montre une incroyable ébauche d’énergie et de fierté, qui semble scander un slogan au sommet d’une montagne comme pour répandre l’écho de sa voix furieuse sur les étendues en contrebas, pour mieux crier son maître mot. Ou alors on pourrait penser qu’elle accomplit son ascension pour justement porter la parole de toutes les personnes dont elle parle dans son clip que je vous invite à découvrir dans la chronique. C’est toute la complexité d' »Aux Solitaires ! » qui semble être un album pour tous les solitaires et donc avec un aspect rassembleur, mais fait dans un besoin profond de solitude et donc d’être seul, sans ouailles. Le logo en lui-même est très beau et j’aurais bien aimé l’avoir sur un sweat ou un t-shirt, histoire de porter aussi toute la dédicace de cet album qui m’a interpellé très vite donc avec cette pochette paradoxale mais d’une part fort belle, et d’autre part pleine de sens. le mauvais temps au-dessus des montagnes rappellent le côté morose de cet album quand-même ou peut-être est-ce tout simplement un léger clin d’œil là encore au pseudonyme de l’artiste qui pilote seule son avion. En fin de compte, ma seule interrogation, et les Dieux savent qu’elle est très inutile, a été le cor de chasse! Jusqu’à ce que je découvre en faisant des recherches qu’il symbolise le courage et l’ardeur. Et voilà donc le fil conducteur qui me manquait! « Aux Solitaires ! » est bien un ode porté par ce visuel à la fois majestueux et à la fois magnifique dans le style de photographie qui est fait. Une image qui symbolise le courage et l’ardeur pour porter aux nues l’étendard de tous ces solitaires incompris. Et comme j’en suis un moi-même, je me suis senti porté par cette image magnifiquement censée, mais pas que!

Alors, vous me direz, quelle serait la musique pour illustrer un tel hommage à la solitude? Vertige fait le choix de perpétuer ce qui était fait dans J’ai Si Froid… avec un black metal très atmosphérique et un brin mélodique. Cela se traduit par des morceaux longs voire très longs, et qui ont la particularité d’installer des ambiances oppressantes avec de longs riffs très linéaires sur au moins une ligne de guitare, le tout ponctué par quelques moments très mélodiques sur une deuxième ligne instrumentale, une batterie qui n’est pas extrême dans le sens où il n’y a que peu de blast beat, simplement le sentiment que cette dernière sert de métronome et cherche à ne pas tomber dans la violence. Je ressens que derrière la musique, on pourrait s’imaginer cette fameuse ascension, qu’elle soit physique ou psychique, puisque la linéarité peut évoquer la pénibilité et la longueur excessive pour parvenir au sommet. Et mettre une batterie rapide et violente aurait considérablement cassé la dynamique. Voilà pourquoi je salue l’intelligence composale d' »Aux Solitaires ! » et je dois avouer que j’ai été agréablement surpris par l’utilisation qui est faite de la basse, qui s’avère être très mélodique aussi, avec une mise en avant dans le mixage qui fait plaisir tant elle a son rôle à jouer et qui est bien plus prépondérant qu’une simple ombre de la batterie comme c’est souvent le cas dans le metal extrême. Un black metal atmosphérique pour ces raisons présentes, mais également par la froideur écrasante du son qui le compose, caractéristiquement avec même une dimension très old school sans tomber dans le raw pour autant, mais j’y vois un côté Burzum par exemple dans le son, le tout étant rapproché mélodiquement à des groupes comme Cantique Lépreux que j’adore. Il est à noter que quelques pistes sortent du lot en ce qu’ils sont soient plus ambiants notamment le dernier et le deuxième, et un est instrumental pur. En première intention, je dirais donc que Vertige présente un premier album très riche, et d’une incroyable réussite sonore puisque l’album est captivant voire hypnotisant, on suit ce côté linéaire somme toute assez minimaliste mais qui impose une atmosphère résolument souffreteuse et qui semble exprimer une énorme souffrance qui ne laisse évidemment pas indifférent. Et pour couronner le tout, l’utilisation par moment de ce cor de chasse comme nappe de fond sonore et qui donne un côté étrangement épique, sinon majestueux à un ensemble musical déjà d’une impressionnante intensité, à nous en faire pleurer ou ployer de détresse. Brouillard a en tout cas proposer un premier album époustouflant, brillant de majestuosité et avec dans les mélodies guitares un vrai élan patriotique si j’ose dire! A noter que beaucoup de pistes démarrent avec des introductions en guitare clean et cela rajoute davantage de dépression et de tristesse.

Il convient de préciser que la production est assurée par le fameux Déhà, qui devient de plus en plus une référence en la matière pour tout ce qui est projet underground. Vertige peut donc se vanter d’avoir confié son mixage et mastering à un type qui en connait un rayon, et le résultat est sans appel. « Aux Solitaires ! » est absolument époustouflant de froideur et d’ambiance. J’ai mentionné Cantique Lépreux il y a longtemps en chronique comme l’un des sons les plus incroyables que j’avais entendus en matière de black metal, je pense officiellement que Vertige a légèrement surpassé le groupe canadien en ce sens que le black metal atmosphérique proposé ici se pare d’une étoffe sonore excessivement incisive mais aussi planante, ce qui n’est pas franchement l’alliage auquel on penserait. Mais force est de constater que le son de ce premier album est une dinguerie totale. Je trouve que l’occupation de l’espace sonore frôle la perfection puisque le mixage permet d’étendre le champ sonore des instruments au maximum sans que cela ne fasse grésiller les supports, mais au poil de ce que vous voulez près. Les guitares sont acérées comme des rasoirs, la basse est follement rebondie et épaisse comme il faut, la batterie probablement programmée l’est très bien ce qui est rare dans ce genre de production, et le chant restera mon seul petit regret car un peu trop en retrait pour moi selon les passages. Heureusement pas ceux qui sont faites de propos scandés. C’est un peu compliqué de trouver les mots pour décrire cette production parce que l’album est tellement personnel et traite d’un sujet qui se veut rassembleur que l’on a réellement une sorte de côté hybride dans la conception d' »Aux Solitaires ! » où le black metal n’est pas vraiment noir ou froid comme l’accoutumée, mais plutôt… Revigorant. Vecteur d’une énergie de vivre et de défendre une cause tellement forte que l’on se prête au jeu et la production est selon moi l’un des facteurs prépondérants de cette dimension. En tout cas, le boulot en lui-même est épatant, vraiment. Incroyable!

En tout cas, une chose est certaine : plusieurs écoutes après, je ne me suis pas lassé une seule seconde de cet album. Parce que comme je disais plus haut, moi-même étant féru de solitude, je me reconnais parfaitement dans les chansons qui jonchent « Aux Solitaires ! » et le fait de partager les ressentis et les états d’âme qui jalonnent cet album, m’a conduit forcément à adorer Vertige. C’est aussi simple que cela. La vision de Brouillard sur sa propre solitude et cette addiction de la solitude qui existe d’ailleurs, et qui conduit parfois à devenir misanthrope fait que son premier album est un truc monstrueusement génial. Les compositions sont intelligentes dans le sens de la linéarité mais aussi dans le côté totalement inhabituel qui transcende l’auditeur et donc tente de rassembler sous la même bannière des personnes, alors que d’ordinaire le black metal a plutôt tendance à cliver. Je trouve qu’il fallait oser faire cette expérimentation et le faire avec brio, sinon cela casserait forcément (d’ailleurs je ne serais pas étonné d’entendre de mauvaises critiques sur « Aux Solitaires ! » tant il est expérimental et que cela ne plait pas à certains). Pour vous parler d’un seul morceau, mais qui est pour moi fondamental, Aux Incompris des Incomplets est pour moi tout simplement mais sûrement un hymne. Ni plus ni moins un hymne tant il est dans la conception rassembleur et très touchant. C’est donc un premier album plein d’intimité, de rage et de courage que nous présente Vertige. Un album que je trouve exceptionnel et qui confirme tout le bien que je pensais de Brouillard qui peut parfois être critiquée mais qui a sa vision de la vie et de la musique qui sonne avec énormément de talent, d’authenticité et de précocité. Et rien que pour cela, je vous conjure d’aller écouter l’album.

Le chant reste dans la veine positive de tous les constats faits précédemment. J’ai immédiatement comparé ce dernier à celui du groupe Lebenssucht d’abord pour la technique vocale féminine du high scream qui monte dans des tessitures qui m’ont toujours glacé le sang en toute franchise tant le fait d’aller vers les aigus rajoutent du spleen et de l’effroi, mais ensuite et surtout pour l’intensité émotionnelle qui est mis dedans et qui transpire de partout. Il y a un proverbe qui dit « le chant est la fenêtre ouverte des émotions », et l’on est souvent confronté à un chant très bon techniquement mais bien insipide en authenticité. Or, ici, Brouillard nous propose un chant qui est totalement authentique dans son lien de causalité aves les textes mais aussi dans le mariage entre les musiques et sa technicité. Et je ne parle pas que du chant en lui-même mais aussi des narrations qui sont mises sur deux morceaux et qui sont bouleversantes comme ce n’est pas permis. Il vous suffit d’aller écouter Les Grands Précipices pour comprendre ce que veut dire foutre les pétoches, franchement c’est à en pleurer tellement l’intensité émotionnelle atteint son paroxysme. Ce sont ainsi des choix de vocalises qui là encore sont d’une redoutable intelligence et qui en plus sont fort bien exécutés! A noter la participation de Déhà – encore lui! – sur les chœurs de la piste Aux Incompris des Incomplets qui ajoutent cette touche qui donne envie de créer une confrérie de la solitude. Décidément les ami(e)s lecteur(e)s, cela sent pratiquement le sans-faute!

Et pour terminer, parce qu’ils le méritent amplement, je vais vous parler des textes d' »Aux Solitaires ! » Parce que j’ai été tout simplement mis sur le cul, je n’ai pas d’autres mots. Et certains peuvent témoigner combien c’est rarissime que je sois à ce point en pâmoison devant les textes d’un album. Ils sont tout bêtement incroyables, d’une richesse d’écriture remarquable sans pour autant tomber dans une emphase hyperbolique qui serait probablement plus redondante qu’autre chose. Les textes ici sont variés, allant du procédé versaïque au prosaïque, de la rythmique poétique au débit rappelant presque certains textes de slam, n’allant jamais trop dans la métaphore, ne se contentant que de courtes phrases mais allant aussi parfois sur des mots très crus, fonctionnant comme un uppercut littéral à l’effet dévastateur. Je note surtout que les textes sont écrits avec toute la rage de s’exprimer, de crier une sorte de souffrance ou de haine qui montre à quel point Vertige tente de nous partager ces émotions précises. Et cela marche du tonnerre de Brest! J’ai été soufflé, c’est peu de le dire, par l’intensité du chant qui va de pair avec celle des textes. L’ensemble parle bien entendu de solitude, du bonheur total d’être en communion avec soi-même dans la Nature, décrivant donc ce besoin de partir, de s’émanciper temporairement de toute sociabilité pour mieux se sentir, parlant donc de la difficulté maladive d’évoluer en société sans ressentir de l’angoisse ou de la nausée, sans tomber dans une misanthropie définitive. Ce sont ainsi des textes qui scandent des slogans, qui sont presque un peu politiques sur les bords! Des discours, voilà! Ce sont des discours! Et ils sont tout simplement exceptionnels.

Voilà camarades lecteurs et lectrices! Cette chronique touche à sa fin. Vertige est le nouveau projet lancé par ma connaissance Brouillard, qui se situe dans la continuité amorcée dans J’ai Si Froid… et qui sort donc ce premier album nommé fièrement « Aux Solitaires ! » et qui, en un mot, est extraordinaire! Je pèse mes mots, il n’y a pas de superlatif suffisamment fort pour décrire tout le bien que je pense de cet album. Dans une mouvance black metal atmosphérique certaine, c’est surtout un truc totalement nouveau auquel se frotte notre amie musicienne qui mène sa barque instrumentale seule et qui propose sa vision de la musique, à savoir quelque chose d’intime et de rassembleur autour de cette solitude salvatrice qui revigore et devient presque un besoin vital pour ne pas mourir dans une société mortelle. Mais au delà de l’aspect qui s’avère être une quasi représentation de la perfection dans ce registre, c’est surtout le fond de l’album qu’il convient de découvrir parce que cette envie de vivre conjuguée à ce besoin de se retrouver en totale solitude dans des sommets qui donneraient justement le vertige à n’importe quel froussard, devient une cause à défendre et il fallait une hymne. Je pense donc qu' »Aux Solitaires ! » deviendra une hymne, une référence. En tout cas pour moi, c’est indiscutablement mon album de l’année pour le moment dans le black metal tous sous-genres confondus. Extraordinaire.

Tracklist :

1. Les solitaires 10:07
2. Vertige 08:02
3. La peur des regrets 11:35
4. La balade de l’éterle 06:53
5. Seule 07:02
6. Aux incompris des incomplets 11:57
7. Les grands precipices 05:42

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