Sinister Downfall – The Last Witness

Le 24 avril 2023 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Eugen Kohl : tous les instruments, chant

Style:

Funeral Doom Metal Gothique

Date de sortie:

24 septembre 2022

Label:

Funere

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10

« Qui monte trop haut, approche de la chute. » Proverbe français

Et on continue dans la thématique funéraire et moral en berne ! Non, je plaisante. Je vais bien, c’était simplement une fatigue morale passagère. Mais je me rends compte, quand même, de tout le paradoxe que présente le Metal, ou d’autres genres, quand il s’agit de guérir des états d’âme funestes. En effet, n’éprouvez-vous jamais un mieux-être, quand vous écoutez une musique très triste, ou quand on touche du doigt, à la limite du fisting parfois même, une musique très extrême et tragique au possible ? C’est un sacré paradoxe, en effet, que de trouver du réconfort dans la mélancolie musicale. C’est un truc qui m’a toujours fasciné. Le professeur de psychiatrie et addictologie bien connu du milieu Metal pour son amour revendiqué de cette musique, et pour être chroniqueur chez nos confrères de Hard Force Magazine, j’ai nommé Laurent Karila, expliquait que la musique metal était une « addiction positive ». En parlant probablement d’une branche de Metal qu’il affectionne et qui semble tourner entre le Metal français et le Heavy Metal, mais je trouve que sa phrase est tout à fait juste. On éprouve rarement un sentiment négatif quand on écoute du metal. Ok ! Parfois, on plonge dans les marasmes par effet transfériel, mais on en arrive rarement à aller jusqu’au passage à l’acte suicidaire à cause de cette musique, par exemple. Certains écoutent la musique pour se maintenir loin du gouffre justement, même si l’on pourrait imaginer que ce serait le contraire qui se produirait. Le nombre de patients que j’ai vu écouter cette musique, non pas par souci de trouver l’élan nécessaire pour passer à l’acte, mais pour au contraire avoir un moyen de comprendre les souffrances, sinon d’arriver à y mettre des mots et des notes ! En fin de compte, je me rends compte que je fais un peu ma thérapie ce soir. Ou tout du moins, que je vous propose une thérapie potentielle pour soulager tous vos maux psychiques passagers. Ecoutez de la musique ! Ecoutez du metal surtout, si vous l’aimez ! Parce que j’ai beau réfléchir, je ne connais personne qui sombre psychiquement en écoutant du metal ! Au pire, vous trouveriez un concert de Shining où cet inconscient mais génial Niklas Kvarforth vous distribuera des lames de rasoir, par pure provocation. Mais en général, vous aurez le meilleur réconfort au monde ! Avec le café et l’amour, cela va de soi… Bon ! Alors, quel est le groupe qui m’a revigoré la panse ce soir? Eh bien, avant, il y a eu Ūkanose et Bovary. Il y a eu aussi un match de football, avec tout le folklore hooligan qui va avec. Et ce soir, ce sera Sinister Downfall et son album « The Last Witness » qui fera l’affaire ! Et là, vous vous prenez le fameux paradoxe en pleine face !

Parce que Sinister Downfall, comme son nom l’indique, ne fera pas dans la camaraderie et l’Alestorm ! Ce serait même plutôt l’inverse… D’abord, il est de bon ton de savoir que ce groupe est l’oeuvre d’une seule et unique personne, un homme en l’occurrence. Un musicien allemand nommé Eugen Kohl (nom de scène Gnev, à ne pas confondre avec une grande ville suisse…) et qui officie donc tout seul derrière ce projet qui fleure bon les roses fanées et les temps de pluie. Alors, loin de donner sa part aux lions, notre ami multi-instrumentiste fait mûrir son projet solo depuis 2016, lui qui présente une liste d’autres groupes passés ou présents relativement longue et impressionnante (rien que dix groupes en plus du sien, actuellement actifs !), il n’en est pas moins prolifique. Avec, à ce jour, trois album de sortis en comptant ce dernier nommé « The Last Witness ». L’autre particularité, très singulière même, est que cet album ainsi que les deux précédents ont tous été produits par un label… Arménien que je ne connaissais pas du tout, nommé Funere, qui se spécialise dans le style idoine et tous les cousins qui gravitent autour. Petite curiosité exotique, donc, pour moi qui fais à la fois connaissance avec ce beau projet solo, et également avec le label ! C’est parti !

Bon, comme il est d’usage dans ce genre de musique qui transpire la mélancolie, on a une iconographie typique. Cela se traduit souvent par une photographie d’une statue dans un cimetière. Ici, on a quand même, il faut le reconnaître, une certain esthétique dans cette fameuse statue qui est bien conservée. Très clairement pour orner une pierre tombale, dont on ignore de qui il s’agit et c’est tant mieux (droit à l’image, tout cela, tout cela), cette représentation qui fait penser à un ange qui tient une couronne de feuille, est pleine de sens. Alors, pourtant, à ma grande surprise, je n’ai rien trouvé de significatif dans mes recherches. Dans le registre de couronne végétale, je n’ai trouvé que la très (trop) connue couronne de laurier, qu’on ne présente plus. Alors qu’ici, manifestement, cela n’est pas une couronne de laurier, mais plutôt ces couronnes que l’on pose sur les sépultures ou pendant les cérémonies à l’Église. C’est donc assez étonnant que ce type d’iconographie n’existe pas ailleurs, en tout cas pas dans des images connues. On pourrait penser qu’il s’agit donc d’une création originale plus qu’une vraie photographie. Du coup, cela rajoute réellement du cachet à cet album ! Bon, en fin de compte j’ai fini par faire des recherches et, effectivement, ce n’est pas une photographie, mais bien une création graphique. Donc on va dire que c’est normal, tout ce que je viens de dire n’est finalement pas si surprenant que cela ! On pourrait donc voir une association entre l’icône qui semble être un ange et qui porte une couronne mortuaire sur cette tombe. La symbolique, sans être d’une immense originalité non plus, est très forte et mérite toute notre attention ! Belle image en tout cas, stylistiquement c’est du très bon boulot !

Et quand on parle d’esthétique, c’est immédiatement le premier mot qui m’est venu, dès que les premières notes ont retenti. Parce que de la beauté, cet album « The Last Witness » n’en manque pas ! Pourtant, sur le papier, c’était plutôt mal parti, dans la mesure où le genre dans sa forme old school manque de cela. Ce n’est en rien péjoratif ! Mais admettons que le funeral doom metal n’est pas tant le projet pour lequel on chercherait de l’esthétique ! Et pourtant. Aussi bluffant que cela puisse paraître, Sinister Downfall y parvient avec un certain talent qui m’épate. Parce que notre musicien orne son funeral doom metal avec des instruments plus organiques, comme le piano, et quelques nappes de claviers. Et là où notre ami allemand ne tombe pas dans le piège, c’est dans celui du processus hyperbolique. Il ajoute quelques instruments avec une belle subtilité, pour administrer des ambiances éthérées, un peu oniriques et surtout tragiques. Une véritable ambiance limite gothique si j’ose dire, quoique je n’aime pas tellement ce terme en musique. En ce qui concerne le funeral doom metal ici, Sinister Downfall l’emploie dans une forme classique, avec l’extrême lenteur et l’extrême lourdeur qui vont de pair, pour installer des ambiances pesantes et difficiles. C’est du funeral doom metal dans une pure veine, les balancements d’accords aux guitares et basse sont typiquement ce que l’on attend de ce style. La batterie marque le rythme de manière fort minimaliste, histoire simplement de ne pas nous laisser trop bercer par les nappes de guitares. J’aime à comparer le funeral doom metal avec un temps d’orage : nous sommes bercés par la pluie qui tombe et tout à coup, le tonnerre surgit et l’on sursaute. C’est un brin emphasique, mais c’est l’idée! En fin de compte, moi qui suis un grand fanatique du genre funeral doom metal, je suis extrêmement emballé par cet album, par l’association musicale que je viens de décrire, mais aussi parce qu’il y a tout un tas d’autres réjouissances que je traiterai en bas. Simplement, en première intention, « The Last Witness » est un album surprenant ! D’abord par son sérieux, par ses ambiances oppressantes et tristes, mais aussi par cette justesse dans l’utilisation en second plan des claviers et du piano, qui rajoutent une touche indéniablement gothique, ne m’en déplaise. Et je me surprends à véritablement aimer cette association étonnante, qui rend superbement bien et m’offre un reflet dans les entrailles qui réveille probablement des émotions enfouies. Peut-être le fameux effet papillons dans le ventre ? En tout cas, très belle découverte ! Surprenante en plusieurs points, ce qui est toujours intéressant dans le registre minimaliste et froid.

Là encore, ce qui me ravit au plus haut point avec un projet comme Sinister Downfall, c’est que le gars en veut ! Il se pare donc d’une production impeccable, probablement avec des moyens intéressants. Pas forcément colossaux car, en réalité, c’est comme les antibiotiques, ce n’est pas automatique. Mais au moins, en y mettant de la motivation et du soin, on obtient un rendu sonore propre et net comme ici. La mention spéciale revient à la place idéale qui est donnée à chaque instrument. Les guitares obtiennent un rôle lancinant qui leur est propre quand on pratique ce style de musique, avec pour instrument de lourdeur la basse qui assomme soniquement parlant l’auditeur. La batterie marque le tempo avec ce léger côté incisif que j’aime, qui est intelligent pour appuyer des marquages rythmiques histoire, comme je disais, de ne pas s’endormir. Le chant est peut-être un peu trop lointain, mais cela reste mon hypothèse, peut-être est-ce voulu par ailleurs pour donner un côté insondable comme ferait par exemple le groupe Ixion. Et c’est tout le charme du funeral doom metal. En tout cas, sur le son de la production, il n’y a rien à redire, vraiment. Le soin qui a été apporté pour que cet album « The Last Witness » soit une réussite totale est incontestable, et je me réjouis encore de voir que des musiciens comme Gnev soient suffisamment motivés pour ne pas se reposer sur des excuses bidons pour justifier d’une production mauvaise et insipide. Excellent travail, cher ami !

Je passe volontairement au chant, car je manque sincèrement d’énergie pour aller plus loin dans l’analyse de l’album. Simplement, pour parler du chant, qui me semble être une pièce maîtresse de l’album. Restant sur un registre, là encore, totalement raccord avec l’esprit funeral doom metal, j’apprécie la technique bien grunt grave, avec de longues traînées en voix grave qui font tout le charme de ce style. Maintenant, toute la question porte sur l’intitulé des textes, car dans ce style, on s’aperçoit très vite que ces derniers ne peuvent pas jouir d’une rythmique claire, avec de longues phrases et des mots complexes. Même si cela n’est pas une vérité toute faite, je pense que Sinister Downfall s’emploie surtout à installer des ambiances, plutôt qu’une réelle recherche textuelle. Mais je peux me tromper ! L’hypothèse est bancale, puisque quand on chante du funeral doom metal, et que l’on mène sa barque tout seul, on pourrait avoir tout un tas de choses à raconter, notamment sur nos propres sentiments ou nos propres vagues-à-l’âme. Mais je ne peux pas savoir exactement de quoi il en retourne ici. Quoiqu’il en soit, le chant est là encore super ! Rien à redire.

Pour conclure, c’est toujours un peu le problème de ce genre d’albums quasiment parfaits ! On ne sait pas quoi redire, et donc nos écrits sont plombés ! Bref. Voici donc que Sinister Downfall, one man band venu d’Allemagne, nous propose un troisième album nommé « The Last Witness« . Dans la continuité contextuelle de ce qui se faisait aux deux précédents albums, que ce soit en termes de labels, que d’univers musical centré sur le funeral doom metal, il n’en demeure pas moins qu’il faudrait reléguer cet album dans les rangs plus simplistes du funeral doom metal classique et minimaliste. L’album brille par sa complexité riffique, ses apports en nappes de fond aux claviers, ses mélodies au piano et son chant profond et égaré, le tout sur une base funeral doom metal qui était déjà extrêmement prometteuse. L’album est donc sans contestation pour moi ce qui a le mieux fini l’année 2022 en termes de funeral doom metal. C’est un album qu’il faut absolument découvrir, sous peine de passer à côté d’une pièce majeure. Pas maîtresse, mais majeure, c’est incontestable ! Superbe sortie.

Tracklist :

1. Souls Enslaved (08:30)
2. Into the Cold Ground (10:51)
3. Eyes Forever Closed (09:59)
4. Marble Slab (14:16)
5. The Last Witness (16:17)

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