Haiku Funeral – Drown Their Moons in Blood

Le 13 décembre 2021 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Dimitar Dimitrov : chant, programmation
  • William Kopecky : basse, chant

Style:

Dark Ambient Industrielle

Date de sortie:

31 octobre 2021

Label:

Aesthetic Death

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

« On appelle duo une musique à deux voix, quoiqu’il y ait une troisième partie pour la basse continue, et d’autres pour la symphonie … » Jean-Jacques Rousseau

Une fois n’est pas coutume, je vous partage en guise d’introduction une citation plus longue mais qui correspond à la vision que j’ai de la musique ou plus généralement, du monde. Ici, il s’agit de mon maître à penser dans le registre dark ambient, qui fut l’une de mes uniques références en la matière et qui continue à avoir une influence incroyable sur ma vision de la musique. Voici donc Lustmord qui explique comment il amène son processus jusqu’au bout : « Comme je voulais créer une musique qui n’existait pas déjà, je n’étais pas intéressé à imiter les autres et je n’ai jamais vu l’intérêt de le faire. Cependant, mes premières expériences étaient proches de ce que Throbbing Gristle et SPK (que j’ai rejoint plus tard) faisaient à l’époque car nous étions devenus amis et ils m’encourageaient et m’offraient des suggestions sur l’équipement, etc. et cette influence directe est apparue dans ce que je faisais. Bien que je connaissais le son que je voulais créer, je n’avais aucune capacité musicale ou technique, donc je ne savais pas trop comment réaliser ce que je voulais, mais c’était plus une question d’attitude que de capacité et au fur et à mesure que je devenais plus compétent avec les outils dont je disposais. Plus de contrôle et j’ai pu façonner le son que je recherchais. Pour moi, la partie la plus agréable de la créativité est de trouver des idées et des concepts. Trouver quelqu’un avec qui partager cela, avec qui « jeter des idées » dans les deux sens et créer des idées ensemble est une vraie joie. Je m’épanouis avec. Avec une collaboration qui est la partie la plus importante et la plus gratifiante pour moi, et bien que l’on puisse partager des fichiers à distance, c’est une chose très différente d’être dans la même pièce que l’autre personne, surtout avec ces rares personnes avec qui vous avez une réelle énergie. Mais il est difficile de trouver quelqu’un sur la même longueur d’onde. » La dernière partie est très prépondérante et résume un peu le ressenti que j’ai eue sur le projet Haiku Funeral et l’album « Drown Their Moons In Blood« .

Haiku Funeral est le groupe idoine pour illustrer ce que représente symboliquement la symbiose artistique. Composé de deux artistes, fonctionnant comme un véritable projet bicéphale de deux parties du monde, Haiku Funeral est en effet la création de William Kopecky, musicien bassiste américain officiant dans un style plutôt aux antipodes de ce dernier, et d’un nom qui est très familier aux amateurs de black metal… français, Dimitar Dimitrov, qui n’est ni plus ni moins que le chanteur et leader de Corpus Diavolis, mais également un membre ou ancien membre d’Antelogos, Glades of Gloom et Unhealthy Dreams. Que ne fut donc pas ma surprise de voir ce nom circuler dans Haiku Funeral, moi qui commençais à peine à découvrir (honte à moi) Corpus Diavolis. La vie fait bien les choses étant donné que le choix de ce « Drown Their Moons In Blood » n’est que le fruit de mon attirance naturelle pour le style dark ambient. Il faut d’ailleurs savoir que cet album est le sixième du projet qui a vu le jour à Marseille en 2008. Je plonge donc dans une double satisfaction profonde : de faire la chronique d’un genre musical que j’adore, qui est rare, et surtout d’avoir ce lot de surprises qui ne fait qu’égayer ma passion et ma motivation. C’est parti !

Sincèrement, je n’ai pas été spécialement emballé par l’artwork de l’album. Je m’attendais à mille fois mieux, d’autant que les propos dithyrambiques du label Aesthetic Death m’avaient pour une fois donné l’eau à la bouche. J’ai vu les mots ésotérisme, chamanisme, drone, etc. Je m’étais dit que l’artwork sentirait bon l’occulte, quand on connait l’attrait de Dimitar Dimitrov pour tout cela. Et en fin de compte, non. Je dirais qu’on a un vulgaire artwork, pas franchement beau, voire même sans saveur spéciale. Je dirais même que sur la symbolique on est sur du très simple, du bâclé. Que dire de cet œil de reptile (serpent ?) qui larmoie du sang dans un calice ?… Moi, je ne comprends pas pourquoi les groupes aussi prometteurs que Haiku Funeral ne mettent pas le paquet sur tout, à commencer par LE truc qui accroche l’œil avant l’oreille et qui est la pochette. Cela devient limite pénible… Décourageant. Disons que cela a fortement cassé ma dynamique, que j’ai perdu une quantité assez phénoménale de motivation à continuer. Enfin, sincèrement, si le groupe me lit on ne sait jamais, et surtout en tout respect, faites mieux ! Même les précédents artworks étaient esthétiquement plus attirants. Bon, on ne va pas polémiquer cent sept ans, retenons que cet artwork est une erreur monumentale et que la majorité du public metal se contre-fiche de ce dernier, cela n’enlèvera pas d’atouts au reste mais j’aurais vraiment souhaité mieux. Plus appétissant que cette feuille-de-choux triviale.

L’avantage c’est que quand on part sur un sentiment de frustration, la musique remonte souvent le niveau. Mais rarement à cette vitesse ! J’avais trouvé l’appellation « dark ambient industrielle » particulièrement alléchante, vu que la frontière est mince entre le style dark ambient et la musique industrielle. D’ailleurs Lustmord fait partie de ceux qui arrivent à faire une musique follement angoissante avec une banque son quasi exclusivement industrielle. On entend par industriel des sonorités de machines, de coups sur du metal, d’un spectre sonore tourné avec des effets robotiques, des utilisations de captations sonores dans des souterrains avec des résonnances, du moins c’est ce que toute cette musique veut nous faire croire. La musique de Haiku Funeral est encore mieux que ce simple constat. La musique est un voyage dans les tréfonds d’un Enfer bionique et futuriste. Je dirais que l’on a ici présent un mélange quasiment parfait de ce à quoi ressemblerait le monde réel de la fiction Matrix, avec une dimension à la fois robotique et enférique qui transpire la noirceur et l’horreur. J’ai retrouvé ce genre d’ambiances extrêmement démoniaque dans certains albums de Lustmord justement, avec cette qualité sonore qui donne une vraie dimension cinématographique. S’il n’y avait pas eu de chant, cela serait à deux cent pour cent une musique de films. Du reste, le chant est indubitablement l’un des atouts majeurs puisque cette voix flippante amène une touche supplémentaire de terreur. Je trouve surtout que l’homogénéité est également l’un des facteurs favorisants de « Drown Their Moons In Blood« , qui se situe sur la même longueur d’onde, les compositions ne variant guère dans l’ensemble hormis dans quelques atmosphères, mais cela confère à l’album une fluidité d’écoute délicieuse. Bref, vous l’aurez compris, la première écoute m’a offert un pur moment dérangeant et sournois, exactement ce que je recherche dans le style dark ambient, alors imaginez l’ajout d’un genre que j’adore qui est la musique industrielle, et vous avez Haiku Funeral qui sert sur un plateau d’argent une excellente musique dark ambient industrielle. Magnifique album en tout cas.

Inutile donc de vous dire que la production est excellente. J’ai expliqué que le soin apporté, quasiment méticuleux au son offre un vrai bon moment d’écoute. Je ne le dis pas par souci d’alambiquer les choses, je confirme sincèrement que le son est top. Difficile en l’état de décrire l’instrumentalisation de l’ensemble comme il s’agit de banques sons, et très peu d’instruments « réels », mais en tout cas l’assemblage de sample est optimal, je connais un peu tout ce qu’il faut apporter aux différentes sonorités de chaque sample pour parvenir à une osmose, mais je constate que Haiku Funeral sait manier les logiciels de MAO et les claviers s’il y en a. La basse a un rôle très particulier en tout cas, que je découvre en l’état, d’apporter un support rythmique et une épaisseur à l’ensemble, un peu comme quand on ajoute du sel pour rehausser le goût. Une utilisation originale qui ne déplaira pas aux auditeurs avisés d’ambiances particulières. « Drown Their Moons In Blood » est donc doté d’une production qui frôle la perfection si tant est qu’elle existe. En tout cas, l’album est superbement bien ficelé, un vrai bonheur.

Je n’ai pas poussé l’analyse globale plus loin dans le sens où toute la messe était dite plus haut si j’ose dire. Aussi suis-je passé directement au chant, qui est comme je le disais l’un des atouts phares de l’album « Drown Their Moons In Blood« . Il fonctionne non pas comme un chant systématique, au sens technique du terme, mais comme des discours déclamés par une sorte de maître robot, qui dominerait une assemblée, ou comme un incantateur fou. Cela ne m’étonne guère du sieur Dimitar Dimitrov qui usurpait déjà cette identité mystique dans Corpus Diavolis. Je retrouve donc cette fonction d’orateur maléfique qui fait son identité musicale forte, mais dans un registre plus futuriste donc. Rien que pour cela, il faut écouter « Drown Their Moons In Blood » parce que les incantations et autres déclamations flippantes sont redoutablement efficaces sur les ambiances. Il y a bien un côté ésotérico-futuriste si j’ose dire, qui fonctionne merveilleusement.

Pour terminer ici mon histoire, je citerais sans difficulté l’album « Drown Their Moons In Blood » de Haiku Funeral comme une excellente découverte de fin d’année. Celle qui bouleverse l’échiquier des préférences annuelles que l’on érige tout le temps, maladivement même. Et pourtant, les Dieux savent que le registre musical qui tourne autour d’un mélange incroyablement intelligent de dark ambient et de musique industrielle est rarement le genre à bouleverser quoi que ce soit pour un webzine metal. Mais cela valait tellement la peine d’être vécu que je classe sans souci « Drown Their Moons In Blood » dans mon top quelque chose. La justesse sonore est l’un des atouts majeurs de l’album en plus de l’aspect récital maléfique. On croirait presque que l’Enfer était à ce jour fallacieusement représenté comme un élément terrestre, sinon céleste, alors que sa meilleure iconographie sonore était probablement robotique et souterraine. Un peu comme le réveil des tripodes de la Guerre des Mondes. Un album a faire pâlir H.G. Wells, un vrai bijou du genre que je n’avais pas entendu depuis longtemps. Depuis ma découverte de Lustmord, cela remonte désormais.

Tracklist :

1. The Universe Murders Itself 09:12
2. The Head of the Innocent One 06:00
3. Cherny Shamani / Черни Шамани 05:08
4. The Earth Burns and Burns 09:00
5. Split the Swollen Dark 07:52
6. To Illuminate a World 10:02
7. Drown Their Moons in Blood 12:49

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