Greyborn – Leeches

Le 18 mars 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Théo Jude : chant, batterie
  • Guillaume Barrou : basse, chœurs
  • Maxime Conan : guitare, chœurs

Style:

Stoner / Stoner Rock

Date de sortie:

18 mars 2022

Label:

F2M Planet

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8/10

Dans le monde, il y a trois sangsues : la punaise, la mouche et le brahmane.” Proverbe indien

« Selon une tradition du Bengale, après la tortue et le crabe, la sangsue, troisième démiurge, est dépêchée par le Dieu suprême soleil, époux de la Lune, pour ramener la terre du fond de l’océan. Elle serait de ces nombreux animaux géophores ou cosmophores, qui symbolisent les éléments primordiaux dont est composé l’univers. » « La sangsue a deux cœurs, deux ventouses, une à chaque extrémité, trois mâchoires, cinq paires d’yeux, elle n’a pas de cerveau centralisé mais trente-deux cerveaux, elle respire directement par la peau. On peut trouver des sangsues mesurant jusqu’à 20 centimètres et pouvant peser jusqu’à 30 grammes. La sangsue est attirée par le mouvement (les vibrations de l’eau) et la chaleur corporelle de sa proie, ainsi que par le dioxyde de carbone que celle-ci émet par sa respiration. La sangsue est hermaphrodite, elle est dotée des organes de reproduction mâle et femelle. Et pourtant, l’autofécondation et impossible : les sangsues doivent s’accoupler pour se reproduire. Aujourd’hui encore on élève des sangsues à des fins médicales, pour ses propriétés anticoagulantes, anti-inflammatoires et vasodilatatrices, notamment pour rétablir la circulation veineuse suite à des opérations chirurgicales. » Bon. Maintenant que j’ai attiré votre attention, n’ayant pas de photos de femmes nues je n’avais que la définition des dictionnaires des symboles, on fait avec ce qu’on a… Après tout, c’est sexy une sangsue non? Bref! Voici le temps de vous parler de l’EP « Leeches » (sangsues en anglais, vous l’aurez deviné) du groupe Greyborn. On y va?

Greyborn est un trio de musiciens qui sont français, et ça, je ne sais pas vous, mais ça me fait toujours plaisir! Le groupe provient tout droit de Limoges, et s’est composé semble-t-il récemment, même si nous n’avons pas de date officielle de formation, nulle part. Quoiqu’il advienne, on apprend que les musiciens sont issus d’autres groupes, les deux fondateurs viennent d’un groupe qui a splitté nommé Mama’s Gun, et le guitariste qui a rejoint la bande par la suite est le frontman d’un groupe nommé Blackbird Hill. Chacun des musiciens jouent avec un autre en dehors de Greyborn, ce qui produit un joyeux bordel! On n’a pas énormément d’informations si ce n’est les habituels alambiquages des labels ou des groupes pour enjoliver les choses, je ne reviendrai pas dessus. Mais « Leeches » est le premier EP du groupe, produit par un label nommé F2M Planet que je ne connais pas. En fait, c’est tout le résumé de cette chronique : je ne connais rien du tout, que ce soit de la part du groupe, du label, de la ville (Limoges? Jamais mis les pieds!), il n’y a que le style que je connais. C’est une chronique découverte quasiment total!

L’artwork pour commencer. Autant vous dire que j’ai été fortement étonné de l’orientation visuelle de Greyborn, ce n’est pas franchement le genre de pochette dont on s’attend quand on va sur un terrain comme le style présentement évoqué, comme le revendique le groupe. C’est quand-même vraiment macabre! Ces trois personnages féminines, qui se ressemblent énormément comme des triplées, avec les yeux obstrués et les cheveux noirs très longs, tombants, qui nous fixent, on dirait des statues de loin et c’est dérangeant de ne pas savoir si ce sont de vraies personnes ou des statues, voire des esprits. Parce que tout ce décorum macabre et très flippant me fait penser à des films d’horreur, du genre Blair Witch. D’ailleurs, la forêt derrière et cet espèce de monolithe rigoureusement abandonné et rongé par les ravages du temps, contribuent à ce côté figé du temps. Je trouve effectivement qu’il y a la sensation que le temps s’est arrêté, que tout cela, la catatonie des personnages féminins et le monolithe en destruction font que le temps semble s’être stoppé brutalement. Le style photographie de « Leeches » laisse de toute manière un sentiment d’arrêt sur image. Enfin il y a vraiment un truc quoi. Je pourrais faire le lien avec le trio masculin de Greyborn qui pose sur des photos plus « clairvoyantes » ou rassurantes dirons-nous, et cela pourrait sembler être une contradiction, mais je ne suis pas certain. Cette part de mystère sur le choix incongru de l’artwork, car il n’y a aucun lien apparent avec le concept de la sangsue (leeches veut dire sangsues je le rappelle), et j’avoue que ce mystère, d’ordinaire un peu rédhibitoire chez moi, me laisse certes un peu perplexe quant à la cohérence et la concordance avec la musique et le nom de l’album, mais surtout fasciné. Ma curiosité morbide a pris un coup, et rien que pour cela, je retiens que l’artwork est bon! Mais oui, cela manque un peu de logique quand-même… Si Greyborn veut bien s’expliquer un jour, je veux bien comprendre. Mitigé comme constat.

La musique dorénavant, et je dois admettre que je me suis bien fait plaisir! Armé d’une bannière résolument stoner, la musique de « Leeches » est un vrai concentré d’énergie et comme le dit si bien le groupe dans son dossier presse, « Greyborn se fait messager de cette désillusion de masse, en y apposant une bande-son corrosive mais dansante, comme prenant aux tripes. » C’est tout à fait cela! Le stoner ici se présente dans son aspect moins connu d’acerbe, c’est à dire que l’on a tous en mémoire les groupes stoner qui proposent une musique qui sent bon la camaraderie, la boisson et la virilité. Or ici, Greyborn tourne son stoner sur un versant plus pessimiste, sans tomber dans le piège du sludge metal qui apparait comme l’opposé conceptuel du stoner. C’est surprenant à bien des égards! La musique est donc piquante, agressive et surtout très très épaisse. Un poil trop pour moi mais j’y reviendrai. En tout cas, cet EP est agréable car il dégage une forme d’énergie qui là encore parvient à demeurer sur le rang d’énergie non-agressive, plutôt revendicatrice ou ferme que réellement méchante. J’ai entrevu en tout cas que le stoner présentait ses caractéristiques principales sous le joug de Greyborn, qui parvient donc à reprendre ce qui fonctionne, à savoir la basse omniprésente voire omnipotente, la guitare qui fait tout le boulot mélodique et la batterie qui va sur des sentiers bourrins et franchement toniques. Le chant est pas mal, j’y reviendrai aussi. Mais pour une première écoute, « Leeches » m’a parfois bluffé, parfois plu sans tomber dans les effusions. Je suis passé par des étapes binaires, sans tomber dans un orgasme sonore néanmoins. Mais ce premier EP m’est apparu comme prometteur, ce qui est déjà un très bon constat!

Pour la production, il y a un petit os qui traine. Rien de bien méchant non plus mais je me dois d’en parler. La basse est comme souvent dans ce genre de musique très présente et occupe l’espace sonore de manière légèrement plus abusive qu’à l’accoutumée, ce qui en général ne me choque pas du tout, bien au contraire! Mais dans le cas de « Leeches« , je trouve qu’elle prend bien trop de place. C’est simple, si vous ne baissez pas le son, vous avez presque un brouhaha énorme qui bourdonne dans le casque, et vous avez en plus de cela comme il s’agit de la basse, une hausse en flèche du son des autres instruments car la basse ne couvre pas les guitares, ou la guitare. Ajoutez à cela une batterie qui accompagne la basse, vous avez donc une sorte de gros son dans le casque, bien trop épais. Et le constat prévaut pour tous les morceaux de l’EP. C’est donc dommage d’avoir eu ce raté, d’autant que selon les supports d’écoute cela devient vite insondable. Mais quand vous baissez le son, cela devient plus appréciable. Donc, conclusion : pour écouter Greyborn, il ne faut pas être sourd… Mais il ne faut pas avoir l’ouïe fine non plus. C’est embêtant les copains. J’espère que le tir sera corrigé pour la suite. Le reste est plutôt correct, et je suis persuadé qu’en baissant la basse, la production serait excellente parce que, basses fréquences à part, les guitares, batterie et chant sont très bien mixés par la suite. Donc on va dire que l’essentiel est sauf pour moi, cela reste abordable.

J’ai envie de dire que la musique de Greyborn n’est pas un stoner ordinaire, et c’est ce qui sauve l’EP de cette maladresse sonore. Parce que du stoner avec un tel pessimisme, je pense ne pas en avoir beaucoup entendu, et le groupe annonce la couleur dans son dossier presse, en expliquant qu’il y a une dimension probablement pessimiste et surtout philosophique. Parlant d’une génération au départ « hédoniste » qui se heurte à la dure réalité de la vie et de la tournure que prend notre monde, on a non seulement une thématique qui me parle puisque le réalité mal vécue par toute une tranche générationnelle, c’est mon boulot même si on tombe dans la psychose, mais aussi parce que cette société qui part à vau-l’eau est un sujet qui fait parler les artistes. Mais je ne pensais pas qu’un jour, un groupe de stoner assez racé et pur pourrait être aussi sombre. Après, cela reste des riffs très heavy metal voire rock tout simplement, mais sur l’ensemble je trouve qu’il y a un soupçon d’autre chose, de plus sombre encore. Et pour cela, je dois reconnaître que j’ai bien aimé ce premier EP. Dans son ensemble, l’idée de refondre un peu le principe fondateur du stoner pour proposer une musique pamphlétaire sur notre société, je trouve cela innovateur et conscient d’une vraie prise de risque mais qui s’avère payante! Tout n’est pas parfait dans ces cinq pistes, mais au moins les bases d’une autre approche de la musique est présente. Je vois bien Greyborn évoluer favorablement en tout cas, pour mon plus grand optimiste!

Le chant est l’interrogation principale de cette chronique. Parce que j’ai l’habitude d’un stoner couillu et comme je disais, bien racé, et je me retrouve avec un chant plus stoner rock qu’autre chose! Comprenez mon affliction! Non je plaisante, mais j’avoue que lorsque les premières vocalises ont retenti, j’ai eu une légère grimace. Je m’étais préparé à du chant plus masculin on va dire, et je me retrouve avec un chant clair plus tranquille, avec un brin d’énergie ce qui est inhérent au stoner rock, mais comme l’ensemble était bien adipeux, j’ai été pris de court. Et puis je me suis adapté à ce mode de chant incongru, pour au final non seulement le trouver à propos, mais en plus avoir l’agréable surprise de lui trouver un franc intérêt général sur la musique! Parce que je trouve que c’est encore plus dérangeant quand vous avez un chant plus posé si j’ose dire, sur une tonalité globalement plus grave et sombre dans la musique. Cela rajoute une forme d’angoisse dans l’écoute, cette froideur dans les vocalises qui en plus ont le mérite d’être tout à fait juste. Je loue cette intelligence d’avoir osé mettre du chant clair plus typé stoner rock sur une musique stoner, cela démontre encore une fois que « Leeches » est une belle promesse d’avenir pour Greyborn. Une bonne mise en bouche!

Pour conclure cet écrit, je dirais que j’ai eu une belle découverte que ce premier EP de Greyborn, groupe limougeaud qui sort donc avec « Leeches » non pas une bonne salade de fruits (bon désolé pour le jeu de mot débile… Pas taper), mais une entrée en matière sur la scène stoner avec quelques bonnes promesses. Loin de défriser la crinière d’un caniche, « Leeches » n’en demeure pas moins un premier méfait globalement réussi, souffrant selon moi d’une erreur manifeste sur le plan sonore qui malheureusement entache un peu le reste, mais si l’on fait fi de cette erreur, on s’aperçoit que cet EP présente des qualités indéniables, notamment dans la perpétuation d’une musique stoner aux antipodes de l’intention principale du groupe qui propose une vision pessimiste de notre société, avec le désenchantement profond d’une génération qui essaye de ne pas tomber dans le déclin. On pourrait donc considérer que Greyborn essaye de nouvelles approches pour son premier fait d’armes, et rien que pour cela, il faut le dire et mettre en exergue la formation. Bon premier EP, à suivre!

Tracklist :

1. Leeches
2. Bits & Pieces
3. Jharia
4. After Dark
5. Corrosive Faith

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