Folian – Ache Pillars

Le 21 juillet 2019 posté par Bloodybarbie

Line-up sur cet Album


  • David S. Fylstra : tous les instruments

Style:

Drone Metal

Date de sortie:

22 mars 2019

Label:

Apneic Void

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
— Charles Baudelaire, « Correspondances », Les Fleurs du mal, 1857

J’ai toujours éprouvé une fascination pour la musique minimaliste. Repenser la musique dans une forme plus restrictive au sens de répétitions, de boucles de tonalité et de courts passages redondants ont toujours suscité de l’admiration chez moi. Comment arriver à faire la meilleure des musiques en étant tout sauf sophistiqué ? Je crois que tout le génie des compositeurs comme Philip Glass (dont je suis un fan incontestable), Terry Riley (qui est souvent montré comme l’inventeur du genre) ou Arvo Pärt (dont j’ai découvert l’œuvre uniquement par intérêt pour son pays, l’Estonie) réside dans la réponse à cette question majeure. Si vous voulez vous initier à ce genre musical extraordinaire, je vous recommande la chanson “Pruit Igoe” que l’on trouve sur la bande originale du film Koyaanisqatsi.
Pourquoi je m’accorde un hiatus sur ce genre ? Parce que le CD que je m’apprête à vous présenter se revendique d’un genre metal que tout le monde connaît sans réellement connaître : le drone metal. Vous connaissez probablement les groupes Earth ou Sunn O))) ? Si oui, alors votre oreille a déjà été attirée par ce metal incroyablement difficile à digérer. D’une part, parce que la saturation des instruments est telle qu’il faut un énorme recul pour pouvoir l’apprécier. Et d’autre part, parce que son association (à tort ou à raison) avec le doom metal en font un genre musical d’une impressionnante lenteur et surtout, plus métaphoriquement, d’une langueur extrême. Aussi, lorsque Folian m’a été proposé, je n’ai pas hésité une seule seconde.

Folian, c’est un groupe originaire de l’Oregon aux États-Unis. De Portland pour être plus précis. Le one-man-band a été fondé en 2008, et son seul membre se nomme David Fylstra. Malgré le fait qu’Ache Pillars soit le troisième CD du compositeur depuis cette date de fondation (le premier datant de… 2017), il n’en demeure pas moins qu’il se montre relativement actif sur la scène metal et autres scènes américaines ! Il est à noter par ailleurs que David se produit tout seul sur scène. Il apparaît ainsi fort probable que nous ayons affaire à un CD très personnel, donc la prudence sera de mise quant aux premières impressions sur lui.

Pour commencer, parlons de l’artwork. J’ai regardé par curiosité comment notre cher David Fylstra menait sa baraque, et j’ai tout de suite été attiré par le soin qu’il portait à ses graphismes. Et celui d’Ache Pillars ne déroge pas à la règle ! Il est splendide dans un genre assez macabre. On aperçoit une femme endormie ou morte sous un linceul transparent, la main levée mais les doigts recroquevillés, comme si elle tenait ce châle mortuaire dans une dernière tendresse. Je crois, à ce moment-là, que l’association des mots « mortuaire » et « tendresse » refléteront parfaitement la musique que je m’inquiète de découvrir. En tout cas, on ne peut pas nier l’existence d’un soin particulier apporté au tout premier pilier d’un CD si je puis dire : le design. Bon, peut-être que le logo du groupe et le nom de l’album auraient été bienvenus car, lorsque l’on cherche un CD, il est préférable de voir de qui il s’agit. Difficile de se fier uniquement à la beauté du design pour attirer l’œil avisé du public. Espérons que cela ne sera pas préjudiciable… Et souhaitons que le public soit aussi curieux que moi.

Pour ce qui est du contenu musical, nous avons affaire à un EP quatre titres, dont une introduction et trois compositions. Je m’attendais tout à fait arbitrairement à avoir des morceaux hyper longs, genre comme le Black One de Sunn O))) que j’ai à la maison et qui occupe à lui tout seul un aller-retour Lyon/Montélimar ! Que nenni ! Le plus long dure tout de même treize minutes (“Where All This Dust Comes From”) mais les autres sont plus sur du cinq minutes, ce qui est selon moi un avantage. Et le style se situe bel et bien vers du drone metal avec des incorporations dark ambient et atmosphériques. L’introduction Clearing In The Shadows résume à elle seule l’ambiance qui découle : une mort libératrice, apaisée comme un repos éternel sans obstacle. J’aime cette idée selon laquelle la mort n’est pas que noirceur et malheur. La mort est également un havre de paix pour beaucoup, et je ne suis pas loin de pencher vers cette deuxième croyance. Donc, autant vous dire tout de suite que j’accroche bien avec l’introduction. Le drone metal se fait discret, je trouve qu’il y a un accent plus prononcé qui concerne l’aspect dark ambient de l’EP. Hormis, en effet, quelques sons saturés, on n’entend pratiquement pas de guitares, voire pas du tout de basse. C’est à se demander si l’appellation “drone metal” est réellement applicable à la musique de Folian. Dark ambient aurait été un choix plus cohérent je pense…
Le deuxième morceau me remettra dans le droit chemin d’un coup de baguette magique ! Les guitares apparaissent enfin, la batterie aussi (il est bon de rappeler que certains groupes de drone metal n’ont pas de batterie), la basse est toujours aussi peu présente, mais vu le rendu général ce n’est pas indispensable. L’idée de musique minimaliste est bien retranscrite avec ce riff de guitare et cette rythmique de batterie qui tourneront en boucle, comme une base inébranlable qui sera complétée par des riffs supplémentaires et le chant très aérien. Puis le morceau s’emballe, devient plus agressif avec ce chant qui devient hallali, ces instruments qui se saturent de plus en plus pour ne devenir qu’un brouhaha gigantesque vers les deux tiers du morceau, le derniers tiers faisant plus office de transition vers le troisième. J’ai beaucoup apprécié cette écoute, car j’ai retrouvé les fondations que j’aime dans la dark ambient et le minimalisme. La composition laisse apercevoir la grande intelligence mais surtout l’émotion intense qui sont mises dans cet EP. J’ai déjà hâte de passer à la suivante !
“Gift Of Sorrow” démarre sur une ambiance légèrement plus tortueuse. Pareillement que le précédent, le morceau a une structure coupée au deuxième tiers. La première partie est toujours plongée dans ce minimalisme dominant, avec cette fois-ci un son ambiant qui va tourner en boucle, pour n’être entrecoupé que par quelques rares passages de guitares, mais surtout par un chant mi-chuchoté, mi-clair. On est toujours porté sur l’aérien, indéniablement. Ce n’est pas un CD que l’on écoute pour se défouler ! Il est dérangeant, mais apaisant. Hypnotisant serait un peu fort comme qualificatif, mais on n’est pas loin d’une forme de méditation transcendantale. En fait, ce qui pique fortement ma curiosité reste que je suis incapable de situer ce morceau-ci en particulier sur un échiquier d’émotions : dois-je me sentir mal, ou bien ? Bon, je ne vais surtout pas pousser cette chronique vers un débat philosophique pompeux, mais en tout cas c’est une sensation que m’avaient procuré le fameux morceau “Pruit Igoe” ou l’album de Woodkid The Golden Age… Autant vous dire que c’est un excellent point pour Folian !
L’EP se finit avec le très long “Where All This Dust Comes From”, et son début à la guitare. Je repars sur le même constat que plus haut : il est difficile de savoir quoi ressentir à l’écoute. Encore la même césure aux deux tiers, et toujours ce même schéma récurrent. Du minimalisme très efficace, pour finir sur un passage plus agressif. Je n’ai absolument pas trouvé ce morceau trop long, je suis même resté sur ma faim !

Et je crois qu’il va m’être compliqué de mettre une fin justement. Parce que Ache Pillarsest incontestablement un CD enivrant, qui nous amène lentement mais sûrement vers un repos éternel que tout le monde envierait. Ce n’est pas un CD banal pour plusieurs raisons : d’une, vous ne saurez pas totalement quoi ressentir à son écoute et c’est génial ; de deux, vous aurez l’impression que la mort n’est pas quelque chose d’angoissant, mais d’apaisant; et de trois, cette ivresse aérienne qui vous fera voyager au travers des mystères de l’âme, vous en redemanderez jusqu’au coma. Folian est une de mes plus surprenantes découvertes, par sa poésie et son émotivité. Je recommande vivement ce CD aux amoureux du calme et à ceux qui aiment s’évader dans les songes, car Ache Pillars est un magnifique voyage sans fin.

Tracklist :
1. Clearing In The Shadows
2. Ghost In The Flesh
3. Gift Of Sorrow
4. Where All This Dust Comes From

Facebookhttps://www.facebook.com/folianpdx
Bandcamphttps://folian.bandcamp.com

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