Cantique Lépreux – Sectes

Le 14 avril 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Matrak Tveskaeg : basse
  • Cadavre : batterie
  • Blanc Feu : guitare, chant
  • Pascal Landry : guitare

Style:

Black Metal

Date de sortie:

18 novembre 2021

Label:

Eisenwald

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

« Quand on ne fait rien pour le lépreux, il devient de plus en plus lépreux. » Giono

« Depuis quelques temps, un élément fondamental me manquait dans les méandres d’albums que je m’évertuais à écouter jusqu’à ce que ma fontanelle fonde comme neige au soleil : la langue française. Notre belle langue, si riche et si difficile à maîtriser à la fois, notamment dans le chant metal. La particularité de cette dernière est son manque de rondeur dans le parler, contrairement à l’anglais qui est une langue qui semble glisser facilement sur les glandes lacrymales. Les racines latines font du français une langue qui peut se montrer hachée, saccadée. Aussi, si les exemples de groupes utilisant la langue de Molière ne manquent pas, tous n’ont pas le pouvoir d’articulation extrême qu’il faut pour que l’on comprenne la richesse des paroles. »
J’avais écrit cette introduction du temps où j’avais fait l’album d’avant. Parce que je m’étais fait cette réflexion après un flot ininterrompu de chroniques avec du chant en anglais. Loin de moi l’idée de dire que chanter en anglais est une hérésie, parce que pour bien des aspects c’est un excellent choix, que je partage d’ailleurs avec un de mes groupes. Mais il n’y a sincèrement rien de plus beau, de plus satisfaisant pour un amateur de metal francophone comme moi que d’avoir un groupe qui chante en français. Je trouve que la saveur n’est pas la même du tout. Pour des raisons phonétiques, mais aussi de sens.
Après, j’ai conscience des limites de cet emploi de la langue de Molière, mais voilà. Chaque groupe qui fera l’effort de chanter en français se verra obligatoirement récompenser d’une note exceptionnelle. Non je déconne ! Mais disons pour être tout à fait honnête que c’est un bonus indéniable. Aussi ai-je fait une entorse à mon principe de ne pas faire en chronique deux fois le même groupe. Force m’est de reconnaître que j’ai eu un nombre d’entorses suffisamment élevé pour envisager une rupture des ligaments la prochaine fois ! J’en suis à cinq ou six, et ce soir Cantique Lépreux sera mon exception mensuelle. Pour le chant en français oui, mais pas que ! Pour parler de la sortie de l’EP Sectes.

C’est curieux comme faire des chroniques vous plonge dans un bain de nostalgie. Ma première rencontre avec Cantique Lépreux remonte à 2018. Putain, déjà… Je m’étais occupé de leur deuxième album nommé Paysages Polaires, album que j’ai fini par acquérir tant la musique était sublime. C’est donc tout naturellement que j’ai voulu me pencher sur cet EP, premier du genre et troisième sortie officielle pour le groupe originaire de Québec, la ville comme le pays.
Sectes est donc sorti encore une fois chez le bon, très bon label Eisenwald. Label qui a d’ailleurs toujours été fidèle au groupe, puisque toutes les sorties sont issues de chez eux. Et ce depuis la création du groupe en 2014. Il convient de dire que la discographie est un peu faiblarde, mais connaissant bien Cantique Lépreux et le label, ce ne sont que des gages de qualité. Alors d’ores et déjà, foncez !
Pour Sectes, je me réserve le droit de peaufiner mon constat primaire avec la chronique, mais il ne devrait pas y avoir de raison de tergiverser. Normalement.

Pour la pochette, déjà, premier changement notable ! Ce n’est pas du tout dans le même genre que les deux premiers albums. Ces derniers se paraient d’un contour blanc cassé pour mettre en lumière des photos superbes, ou des gravures c’est selon. J’adorais les pochettes, en fait je les adore toujours ! Mais ici, paf ! Le contour est noir, avec ce qui ressemble à un ciel nocturne un peu grossier, ou du moins avec un effet abimé plutôt étrange. Ce dernier entoure encore l’artwork principal, qui cette fois n’est pas une photographie ou une peinture bleutée comme l’album d’avant, mais se rapprochant plus du premier album. Avec un dessin sur des tons de gris, où l’on voit des religieux marchant dans ce qui s’apparente à un cimetière, en prostration, le visage caché dans une capuche épaisse, un peu à la Rivières Pourpres 2. Et puis, ces deux curieux hexagones qui se superposent en inversé, cela donne un côté très symbolique, d’autant que le contour rouge contraste parfaitement avec le reste. C’est donc un artwork plus simple dans sa conception, mais où on voit toujours la cohérence avec le nom de l’EP. On a bel et bien l’évidence d’être face à une procession religieuse, sous le couvert d’un côté un peu catholique, mais surtout très sectaire en effet. Bon, les religions étant à la base des sectes ayant réussi… Moi je vois cette pochette comme un pamphlet sur la religion, ce qui est totalement en opposition avec les concepts hivernaux du groupe auparavant.
Cantique Lépreux amorce un virage plus conventionnel, plus satirique sur la religion chrétienne qui ne me déplaît pas spécialement. Cela me laisse un peu sur ma faim vu que j’adorais les concepts d’avant, mais étant connaisseur du genre musical idoine de ce genre de pochette, cela finira par ne pas m’étonner.
J’aime bien sans plus.

Et c’est vrai que de prime écoute, je me suis senti un peu décontenancé. Mais ça n’a duré que quelques secondes ! Tout simplement parce que le black metal de l’album précédent n’a pas grand-chose à voir avec celui de Sectes, notamment dans la production. C’est THE changement pour cet EP qui, néanmoins, reprend les classiques de ce qui fait le black metal, à savoir des riffs agressifs, incisifs et parfois même violents. Je retrouve quelques éléments qui m’évoquent un peu 1349 par exemple.
Pour le côté froid de l’EP, on n’est pas tellement sur ce registre, c’est là toute la différence avec Paysages Polaires par exemple qui était d’une froideur extrême, presque comme un blizzard de lame de rasoirs. Ici, Sectes s’habille avec un son plus moderne, on y reviendra.
Pour les compositions, on est sur du très bon ! En première écoute, l’EP est excellent avec quatre morceaux très variés, oscillant entre des moments linéaires typiques du genre et quelques passages en harmoniques qui faisaient selon moi la touche Cantique Lépreux, et que je retrouve avec un vrai enthousiasme. J’ai conscience qu’on ne peut pas s’enjailler sur du black metal aussi direct, mais au moins j’ai retrouvé par moment des ingrédients qui m’avaient fait adorer, voire vénérer les deux albums d’avant. Sur cet élément composal, Cantique Lépreux a gardé sa touche principale, ce qui me ravit réellement. Après, en sophistication propre, il n’y a pas à en chercher outre mesure. Cela reste du black metal cru, pur jus. Donc il n’y a pas à approfondir le procédé technique ou quoi. Retenez que tout est très bien joué ! Ma première écoute, effectuée un matin très tôt pour aller travailler, m’a revigoré au plus haut point possible et j’ai vraiment bien aimé Sectes.

Pour la production donc ! C’est là que le changement est le plus flagrant et m’a mis sur le reculoir au moins quelques secondes. D’abord parce que j’ai été pris dans un état de sidération. Moi qui étais habitué à un son hyper aigu, très très incisif et d’une froideur comme je le décrivais en amont, j’ai été pris de court par cette production beaucoup plus moderne, avec un son sur les guitares et la basse plus épais, moins tranchant. Une batterie qui aurait mérité un meilleur mixage selon moi car la grosse caisse est un peu trop en retrait pour moi. Mais franchement, amusez-vous à comparer les deux derniers Cantique Lépreux, vous comprendrez tout de suite ma surprise.
Et puis, une fois le choc passé, vous arrivez à savourer cet EP parce que loin de dénaturer les riffs, c’est cela qui est encore plus étonnant, on dirait que cela les corrobore dans leur talent et l’intelligence de composition.
Vous avez donc un EP toujours aussi bien composé, ça ne change pas du tout mais avec un son presque aux antipodes d’antan, et la réussite est quand-même au rendez-vous ! C’est incroyablement balèze en vérité ! La question qui demeure et qui est totalement personnelle est : quelle production je préfère ? Honnêtement, le choix est très serré mais je préfère encore les productions d’avant. Ce son très moderne, et donc un peu plus conventionnel, pas forcément dans le black metal en général mais dans le cas précis de Sectes, me parle moins que celui de Paysages Polaires. J’adorais la froideur extrême, le côté épais et moderne de ce dernier EP me laisse un peu plus de marbre. C’est donc une demi-déception on va dire pour finir ce paragraphe.

J’ai réfléchi. Je ne pouvais pas rester sur une demi-déception, Cantique Lépreux est indéniablement un groupe que j’adore ! Alors j’ai fini par réaliser, la fatigue ne m’ayant pas aidé beaucoup aujourd’hui, que si le son avait évolué, c’est parce que le concept de l’EP est différent des autres. Paysages Polaires, comme son nom l’indique, ne pouvait avoir qu’une production polaire ! Sectes qui est beaucoup plus un sujet ésotérique, noir et malsain, ne pouvait pas forcément avoir le même son. Voilà pourquoi selon moi le groupe québécois a fait évoluer son aspect sonore. Mais cela n’enlève en rien que les quatre pistes sont tout d’abord d’une longueur digeste et raisonnable, ce qui dans le black metal devient de moins en moins courant ; ensuite parce que les compositions sont très bien construites, avec comme je disais un basculement intelligent entre des riffs linéaires et inhérents au genre black metal, avec des passages en harmoniques très beaux, très mélancoliques, et c’est ce que je préférais déjà avant. L’avantage d’ailleurs de Sectes est qu’en variant la composition des morceaux, en incorporant des moments plus rythmiques sans harmoniques, l’harmonie est peut-être un brin meilleure que sur les précédents opus où les harmoniques étaient présentes presque partout. C’est donc un bonus que d’avoir revu un peu le travail de composition. En tout cas, cet EP est dans la continuité de quelque chose qui a totalement fonctionné avant, mais avec cette production déroutante, je ne pense pas que l’on puisse parler d’amélioration pour Cantique Lépreux. Je verrai à la fin ! Mais j’adore l’EP quand même.

Pour le chant c’est du tout cuit : il est monstrueux. J’avais parlé d’une voix posée en high scream, je pense qu’on a largement dépassé le stade de la zen attitude. Le chant est agressif, parfois presque dans un registre sludgien, mais restant sur une base en scream qui est particulièrement violente et encore une fois incisive. Il n’y a pas de hasard quand on se dit à la lecture des textes qu’il fallait une prononciation soignée mais aussi un côté noir et sorcier qui ressort de cette voix énigmatique et envoûtante. J’avais de toute manière loué le chant sur Paysages Polaires, il ne fait pas de régression sur Sectes c’est évident. Je dirais même que là encore, le chant a su s’adapter à un concept nouveau qui fait la part belle à la « sombritude » et à la noirceur d’âme émanant de la religion. Et donc, la technique vocale reste « posée » mais avec une véritable dimension ésotérique qui fait flipper ! Très bon chant l’ami.

Pour finir, Cantique Lépreux revient aux affaires avec un EP cette fois-ci qui s’appelle sobrement Sectes. Un EP qui selon moi annonce un changement dans la philosophie musicale du groupe québécois. Il faut prendre Sectes comme tel et vous vous apercevrez que le black metal proposé ici n’est pas réellement le même que celui d’avant. Avec une production plus moderne, plus travaillée, et l’ajout d’un guitariste en plus, on a un black metal plus actuel si j’ose dire.
Après, le débat n’est pas de savoir si c’était mieux avant car cela relève de mon ressenti et n’est pas en lien avec une quelconque analyse objective de l’EP, même si j’ai donné mon avis. Simplement, le talent est toujours là, la volonté de mieux faire dicte des changements radicaux dans le concept et le son, ce qui met Cantique Lépreux au rang des groupes qui expérimentent, s’adaptent entièrement à un concept (ici la religion) et prend des risques qui valent la peine d’être mis au même piédestal que la réussite qui en découle.
Voilà pourquoi je maintiens la même note que pour Paysages Polaires. Parce que l’EP est extra, mais signe un nouveau départ, donc des bases neuves.
Mais vraiment c’est un excellent boulot !

Tracklist :

1. Sacrements de la Vengeance 05:30
2. Le Repaire des Anges Galeux 04:59
3. Lune Défroquée 03:46
4. Coterie 05:04

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