Boisson Divine – La Halha

Le 7 juillet 2020 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Pierre Delaporte : accordéon, boha Florent Gilles-Waters : basse Luca Quitadamo : guitare Ayla Bona : vielle à roue, percussion, flûte Adrian Gilles : batterie, chant Baptiste Labenne : chant, guitare, basse, boha

Style:

Folk / Heavy Metal

Date de sortie:

27 mai 2020

Label:

Brennus Music

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10

« Le Normand est toujours en deçà de la vérité ; et le Gascon, toujours au-delà. » Proverbe français

Petite dédicace à notre correcteur, qui est tout sauf un vulgaire blanco (attention en cette période de crise toutefois) et qui a la particularité difficilement avouable d’être normand. On recrute vraiment n’importe qui dans ce webzine… Mais en tout cas, à ma connaissance, le webzine est une sorte de grande fourmilière avec un peu de tout dans notre hexagone « adoré », à savoir de l’ardéchois (devinez qui !), de l’alsacien, du Dauphiné, du breton (je vous jure que si), du burgond, du parisien, du lyonnais et même du suisse et de l’algérien ! Alors, si nous pouvons nous vanter d’être un webzine cosmopolite, il n’en demeure pas moins qu’il y a parfois des gens qui vous tirent un immense sourire tant ils vous font respirer leurs terres natales avec une telle authenticité que vous en avez tous les poils du corps qui se hérissent – et je dis bien TOUS les poils. J’ai donc la barbe et la moustache qui frémissent d’extase lorsque le dernier Boisson Divine, fier représentant du peuple gascon, me tombe entre les phalanges ! Je m’apprête, à défaut de boire du petit lait, à déguster cette boisson divine justement que même le nectar des Dieux de l’Olympe envierait. A noter que mes seules références connues de la Gascogne est le chanteur Castelhemis et son morceau fabuleux « 40 Landes » et Mauresca Fracàs Dub.

Pour ceux et celles qui ignoreraient de qui on cause, Boisson Divine est un groupe de Riscle, en terre gasconne. Alors, si vous ne savez pas où se situe Riscle, c’est normal, c’est assez paumé ! Dans le Gers, avec au sud la commune de Maumusson-Laguian, au nord Maulichères, à l’est il y a la commune d’un certain Jérôme, à savoir Cahuzac-sur-Adour, et à l’ouest Saint-Mont (oui, tu ne le savais pas mais il y a bien un saint qui se nomme Mont). En gros, vous allez sur Maps et vous tapez 43° 39′ 27″ nord, 0° 05′ 09″ ouest. Qui aurait cru que cette commune accoucherait un jour d’un groupe aussi reconnu en France, avec trois albums en comptant ce dernier qui est sorti le 27 mai et qui s’appelle « La Halha » ? J’aime beaucoup cette fierté mise en avant, d’appartenir à une plus petite commune plutôt que de toujours chercher à embellir les choses en se faisant passer pour résident d’une grande ville. Au moins ici, l’origine est assumée et cela me plaît beaucoup. Plus encore, cette volonté de parler des traditions plus concrètes du Gers, comme le rugby, la paysannerie, la bonne bouffe et la bonne boisson, etc. me ravit au plus haut point ! Je disais lors d’une précédente chronique qu’il y avait non pas un folk metal mais plusieurs. Et ici, Boisson Divine nous propose de découvrir tout ce qui tourne autour de la Gascogne ! Alors qu’attendons-nous pour faire une ode à ce traditionalisme ? En tout cas, Boisson Divine, sans écouter leur dernier album, a déjà largement mon vote vu que je suis un grand adorateur des traditions françaises et plus particulièrement régionales.

Sur les albums de Boisson Divine, les artworks sont généralement « faits maison », avec un côté personnel et mettant en avant ce qui les anime comme la nature ou les traditions. Ici, nous avons une sorte de croix avec un visage grimaçant, entourée de flammes et plantée dans une sorte de fosse. Le tout est surplombé d’un halo lumineux, d’un ciel nocturne et je pense que le sol est enneigé, mais je n’en suis pas certain. N’étant pas ancré dans ces traditions gasconnes, je ne saurais dire de quoi l’artwork parle mais voyant que le groupe a fait des photos de promotion devant notamment un monticule de pierre d’où semblait sortir cette fameuse croix, j’y vois un lien. Mais tout cela reste hypothétique ! En revanche, j’ai fait des recherches et « Lo Halha » est un feu que l’on allume le 24 décembre en Aquitaine, je vous cite ce que j’ai trouvé sur un site : « Lo Halha de Nadau à Bazas (33) et en Chalosse (40). La tradition veut que, le soir de Noël, le 24 décembre, à la nuit tombée, on enflamme « lo Halha de Nadau », la gerbe de Noël faite de paille et de feuilles de maïs. Les feux sur les hauteurs de Chalosse tracent un chemin conduisant les Rois Mages au berceau du Christ. Dans chaque maison le maître des lieux, accompagné de sa famille, fait le tour de la propriété tenant en main « lo halha » allumée afin de faire fuir les sorciers et les esprits malins, et de s’assurer de bonnes récoltes. Pour porter bonheur à toute la maisonnée, on dépose dans l’âtre  » lo soc de Nadau  » (la bûche de Noël) qui devra durer jusqu’au 1er janvier ».

L’artwork en lui-même n’est pas hyper attirant mais j’aime bien cette référence, comme tout ce qui est régional et qui a tendance à se perdre avec la modernité. Toutes ces traditions ancestrales m’ont toujours attiré et c’est donc sans difficulté que je m’attelle à l’écoute du CD.

Je ne passerai pas par quatre paragraphes (enfin, rien n’est moins certain) : la musique est énorme. Mais énorme dans le sens incroyable ! Une vraie bouffée d’oxygène, un folk metal aux accents heavy dans la tradition des années 80 avec parfois quelques petites touches de thrash qui donne un regain de pêche à un ensemble déjà plein d’énergie et de fraîcheur.

Pour autant, le folk un peu festif (pour ne pas dire péjorativement pouêt-pouêt) n’avait de grâce à mes yeux que dans le cas de Finntroll, du premier album de Korpiklaani, éventuellement Troll Bends Fir ou Kalevala, mais cela s’arrêtait là. Non pas que je dénigrais ce style mais j’avais un peu de mal à adhérer à l’aspect joyeux des albums. Mais dans le cas de « La Halha« , je me suis pris une grosse claque ! En fait, l’on peut aisément traduire une forme festive dans la musique de Boisson Divine, et ce depuis le premier album, mais il n’en demeure pas moins que certains sujets sont sérieux, ancrés depuis toujours dans les traditions, souvent empreints de superstition et de croyances spirituelles voire ésotériques, et qu’il y a une vraie part de sérieux dans les albums. Et cela, au-delà de la musique que je vais détailler plus bas, j’y suis très sensible et cet album s’annonce comme l’une de mes révélations de l’année, sans aucun doute.

J’ai été très étonné par la propreté du son de l’album, dont en vérité je ne trouve rien à redire. L’assemblage de plusieurs instruments folkloriques et des instruments saturés a parfois quelques accroches dans le master final sur certains albums, dont même de très connus, mais dans le cas de « La Halha » on a un son net et sans bavure. Les guitares sont bien présentes pour appuyer rythmiquement les autres, ce qui les laisse parfois un peu en retrait, mais comme l’intérêt selon moi de tels albums se situe dans les instruments folkloriques, cela ne me dérange absolument pas. J’ai surtout beaucoup apprécié cette nostalgie des années 80 où le heavy metal était « simple » mais plein d’énergie, qui est retranscrite avec brio dans le travail qui a été fait en studio. Moi qui ne suis pourtant pas fanatique de cette époque, cet album me donnerait presque envie de changer d’avis et d’aller m’écouter quelques Iron Maiden.

En fait, c’est marrant mais plus j’avance dans la chronique, plus je me dis que cet album avait, au préalable, tout pour me déplaire mais c’est l’extrême inverse qui se produit ! La magie de l’été !

C’est donc sur la structure des morceaux et l’ambiance générale du CD que se situe l’un des plus gros points forts pour cet album qui parvient à mélanger la facette festive de leur beau pays qu’est la Gascogne et les traditions ancestrales, plus redoutées dirons-nous. On a de tout dans cet album : la bombance avec une chanson sur le tue-cochon (les végétariens apprécieront), la Novempopulanie qui constituait neuf royaumes en Aquitaine césarienne, la référence à la mer et au port de Bordeaux, bref, il y a absolument de tout et pour tous les goûts, et j’adore mille fois cette symbiose entre musique et histoire.

Le metal est donc tantôt chaleureux et entraînant, tantôt froid et sérieux et cet album est un vrai livre d’Histoire, comme on en a eu au collège et au lycée où les moments sympathiques alternaient avec les grandes batailles. Notons la présence des instruments folkloriques comme l’accordéon, la boha, la vielle à roue, l’ensemble flûte et tambour et d’autres percussions. Je vais être sarcastique mais quand je vois ces amateurs de metal nous bassiner à longueur de journée avec leur Eluveitie, ou leur Korpiklaani alors qu’à quelques kilomètres de chez eux il y a un groupe aussi incroyable que Boisson Divine, j’en viens presque à me décourager de faire de la chronique. Ouvrez donc vos œillères que diable ! Un groupe aussi puissant dans sa musique, que ce soit dans les compositions toutes quasiment parfaites, ou dans sa spiritualité, cela mérite largement que l’on s’y attarde !

L’autre énorme point fort de l’album est le chant. Les textes, j’y reviendrai après, mais le chant en lui-même est génial. Oscillant entre des petites envolées dignes du heavy metal, voir de quelques attraits du power mais sans le côté pompeux et lyrique, j’ai surtout adoré le côté un peu posé, qui tranche avec cette sempiternelle puissance vocale que l’on retrouve dans 99,9% des groupes de metal. J’ai donc vraiment aimé que le chant soit un peu moins agressif. En plus, il faut avoir un vrai talent d’articulation pour raconter ces textes très difficiles phonétiquement. Vraiment un chant, accompagné parfois de chœurs, très agréable et qui, à l’inverse de ce qu’on pourrait penser d’une voix moins grandiloquente, entraîne l’auditeur encore davantage dans les rythmiques dansantes de la musique ! Gros point fort !

Mais alors, ce que j’ai le plus adoré dans l’album c’est bien évidemment les textes ! Écrits en gascon quoi ! Le patois, tout ce que j’aime ! Je ne connais pas tout à fait l’ampleur du gascon encore de nos jours dans la culture française, étant ardéchois et voyant que le patois de là-bas disparaît de plus en plus, j’ose penser que le gascon est devenu une langue suffisamment moins parlée pour que les textes n’en soient que plus exceptionnels. Ce que je veux dire c’est qu’il faut avoir un grand talent pour non seulement écrire tout un album en gascon, mais surtout le faire avec des rimes ! Et là, je ne peux que me prosterner d’admiration pour le membre du groupe qui écrit les textes, tellement je suis ébahi et impressionné. La traduction en français et anglais sur Bandcamp ne pouvait qu’encore plus me réjouir puisque j’adore traduire les textes pour les comprendre. Franchement, rien que pour les textes, je conseillerais aux gens de l’acheter cet album et de délaisser ce putain d’anglicisme qui pullule dans le metal actuel pour aller enfin retrouver un peu de tradition !

En fait, non. Je ne vais, pour conclure, pas encourager les gens à acheter cet album pour seulement les textes. Je vais dire aux gens qui nous lisent et qui aiment découvrir des groupes de regarder par leur lorgnette et d’enfin se rendre compte à quel point la scène française est l’une des meilleures scènes metal. Et que nous avons l’immense chance d’avoir des groupes comme Boisson Divine, qui porte fièrement l’étendard du folk metal français et qui va, je l’espère, envahir de nouvelles contrées avec son metal aux accents gascons qui ravira tous les cœurs. Mon compère chroniqueur Celtikwar ne s’était pas trompé en mettant 9/10 aux deux premiers albums et je le remercie de m’avoir conseillé le dernier bébé de Boisson Divine. Pour ma part, je mets sans complexe « La Halha » dans mon top 3 de l’année 2020 ! Immense découverte pour un immense album !

Tracklist :

1. Lo pèla pòrc 05:02
2. Novempopulania 04:40
3. Suu camin estelat 05:03
4. Xivalièr de Sentralha 05:05
5. Rei de Suèda (Sveriges Kung) 08:51
6. La Sicolana 06:33
7. Abelion 05:45
8. Un darrèr còp 04:05
9. Libertat 03:31
10. Milharis 10:03
11. Lou tard-biengùt 03:21
12. Adishatz (L’Ouzoum cover) 02:16
13. Tau salut de la Patrie 02:55
14. Vive Henry IV! 03:18
15. Gascougne 03:53

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