Abduction – Jehanne

Le 6 mai 2020 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


François Blanc : chant Guillaume Fleury : guitare Mathieu Taverne : basse Morgan Velly : batterie

Style:

Black Metal progressif

Date de sortie:

29 Avril 2020

Label:

Finisterian Dead End

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10

« De l’amour ou de la haine que Dieu a pour les Anglais, je n’en sais rien, mais je sais bien qu’ils seront tous boutés hors de France, excepté ceux qui y périront. » (Jeanne d’Arc)

S’il y a bien un personnage historique qui a inspiré des centaines de spéculations sur son existence, c’est bien Jeanne d’Arc, dit Jeanne la Pucelle. Quoi de plus incroyable dans les récits historiques que ce bout de femme qui parvint à conduire le dauphin Charles jusqu’à son couronnement, qui parvint aussi à délivrer Orléans et, pour certains à l’humour bien pendant, la première femme au foyer de l’Histoire française ? Car cette pauvre femme a été brûlée vive, condamnée par les religieux qui ne lui ont pas pardonné le crime d’être « schismatique, apostate, menteuse, devineresse, suspecte d’hérésie, errante en la foi, blasphématrice de Dieu et des saints. » Franchement, qu’on ne vienne surtout pas me vanter les mérites et les vertus de la religion chrétienne après cela… De nos jours, le mythe de Jeanne d’Arc est réutilisé à bien des sauces : politique, identitaire, anglophobique, etc. Musicalement, je n’avais pas connu de groupes faisant référence à Jeanne d’Arc donc la question du détournement artistique ne m’avait jamais heurté, jusqu’à la sortie du dernier album d’Abduction, sobrement intitulé Jehanne, qui devait me faire changer d’avis. Totalement changer d’avis sur la manière dont les artistes abordent l’Histoire.

Alors, qui sont ces personnes qui prêtent serment sur un album entier à ce personnage à la gloire légendaire ? Abduction est originaire de Seine-et-Marne, de la commune de Provins, après avoir initialement posé sa cour à Versailles en l’an de grâce 2006. Abduction, c’est un EP, deux singles et, surtout, deux précédents albums de pur génie. Un groupe qui, depuis que je l’ai découvert il y peu, ne me laisse absolument pas indifférent. La manière de nous faire pénétrer son univers est phénoménale et je ne m’attendais pas à prendre un revers de main aussi fort dans mes tympans.

J’ai directement planté le décor de ma chronique et je m’en excuse mais, quand l’évidence est là, pas besoin d’être une lumière pour voir qu’il fait noir, comme dit un proverbe russe. Et le travail d’Abduction ne s’arrête pas qu’à sa musique : les artworks ayant toujours été de toute beauté, notamment l’album À l’heure du crépuscule dont l’artwork m’avait frappé en plein visage par son esthétisme. Ici, un CD parlant de Jehanne ne pouvait que représenter Jehanne et l’artwork ressemble fort à une peinture ancienne avec ce portrait d’une jeune fille en armes, les bras croisés sur sa poitrine, levant les yeux au ciel en signe de dévotion divine, l’épée contre elle. Tout est dit sur cette pochette, clairement. Tout est représenté : l’amour pour Dieu de Jeanne d’Arc, cet amour qui la fit entendre des voix, de l’archange Saint-Michel et des saintes Marguerite et Catherine, tout ce qui qui la poussa à bouter les Saxons hors de France. Franchement, je vous mets au défi de trouver plus belle pochette ; je suis prêt à offrir un CD à celui qui me relève le défi et les dieux savent que j’adore mes CDs.
En tout cas, ici, j’ai tout simplement la plus belle pochette pour un album historique, quel qu’il soit. Exceptionnel.

Exceptionnel comme la musique. Oscillant sur des bases Black Metal et Prog avec des alternances de parties typiques du Black et des passages en acoustique, les deux parties étant très mélodiquement médiévales, avec des riffs épiques, guerriers et solennels. [Dommage, je m’attendais à du « D’arc » Metal… (Hans Aplastz)] Les ingrédients qui font un hymne guerrier, si l’on rajoute à quel point la religion était la plus belle raison pour eux de guerroyer, avec la volonté du représentant royal sur Terre qu’était le roi. La grande force d’Abduction est de ne pas tomber dans la redondance répétitive des blasts et screams qui épuisent le Black Metal. Les passages sont prog, c’est-à-dire tantôt calmes et posés, tantôt bestiaux et puissants. Les chants sont variables entre des chœurs féminins, des chœurs masculins, du chant clair et du scream au son plus « moderne ». Une incroyable abondance d’influences qui arrivent à s’entrechoquer pour donner une musique magnifique, pleine de sens !
Les titres sont soit historiques au possible (« La chevauchée de la Loire », « Aux marches de Lorraine »), soit d’une grande hyperbole (« Battue par les flots Jamais ne sombre », « Foi en ses murs jusqu’aux rats »), ce qui démontre toute la passion qui anime le groupe et qui, à mon sens, est le meilleur reflet, sinon paradoxe, de Jeanne d’Arc qui était une jeune femme tourmentée, découvrant par ses hallucinations que la religion pouvait conduire à la passion, cette passion dévorante pour sa patrie et son peuple, jusqu’à endosser une armure de courage et de brutalité. C’est à mon avis le meilleur résumé que je puisse faire de la musique du groupe : passion et dévotion. Inutile en cela de dire que j’ai été transporté, transcendé complètement par la musique, au point de frisonner d’effroi devant ce que raconte le chanteur et les riffs si chargés d’émotions. Du grand Art et, croyez-moi, on ne m’avait pas menti en me parlant d’Abduction.

Évidemment, on ne saurait que souligner davantage l’immense travail qui a été fait par les musiciens, au demeurant talentueux et connaisseurs, pour nous pondre un son aussi carré. C’est un peu le problème en temps normal du Prog : parvenir à trouver un équilibre entre les parties acoustiques, les changements de riffs, voire même d’accords sur un même morceau, et retranscrire cet équilibre précaire dans un son impeccable. Encore une fois, je ne peux que ployer devant le groupe qui a distillé un son incroyable, amenant cette tranche d’épique et de tragédie dans le mastering, nous emmenant directement à la guerre et au Moyen-Âge.
Rien n’est à jeter, vraiment ? En fait, un petit détail m’a légèrement fait froncer les sourcils : la longueur surement exagérée de deux morceaux, « Par ce cœur les lys fleurissent » et « La chevauchée de la Loire », respectivement douze et dix minutes, qui auraient peut-être dû être un peu tronqués pour éviter d’épuiser l’auditeur. Mais cela reste un détail riquiqui.

Inutile encore une fois de bavasser, les chants sont du même acabit. Forts d’une puissance intérieure, j’irai même jusqu’à affirmer que la passion pour Jeanne la Pucelle est presque réelle tant les chants sonnent d’une authenticité à couper le souffle. L’alternance des différents chants a toute sa place, d’autant que si cette alternance est menu courante, il n’en demeure pas moins qu’elle n’est pas toujours réussi. Ici, non seulement le contrat est rempli, mais en plus la technicité et l’intelligence rythmique et des placements est parfaite. Oui oui, je l’ai dit : les chants sont parfaits!

Bon ben cette fois-ci je crois qu’on y est : j’ai pris mon uppercut musical le plus violent de l’année. Probablement même de mon existence. Jehanne, dernier né d’Abduction, représente tout ce que je recherche dans le Metal : de l’innovation, du conceptuel bien précis et bien documenté, de la passion, du talent et bien entendu du travail. Pour une fois, on ne m’avait pas menti et les trois-cent exemplaires du coffret CD sorti, écoulés en très peu de temps, m’ont conforté dans l’idée vague que je me faisais d’Abduction : futur grand groupe de Black Metal français, sinon le meilleur et de loin. Et leur dernier album est tout simplement le meilleur de l’année en Black Metal, il écrase toute la concurrence à cloche-pied et sans chaussure.
Petit bémol : dommage que le groupe ne fasse pas de concerts, mais je suis convaincu que le rendu serait différent sur scène. Alors, restons ainsi sur cette magnifique impression.

Tracklist :

1. Aux loges les dames
2. Par ce cœur les lys fleurissent
3. La chevauchée de la Loire
4. Dieu en soit garde
5. Foi en ses murs jusqu’aux rats
6. Battue par les flots jamais ne sombre
7. Très fidèle au Roi et au trône
8. Aux marches de Lorraine

Facebook
Site officiel
Bandcamp
YouTube
Interview Abduction
Chronique « Une ombre régit les ombres »
Chronique « A l’heure du crépuscule »

Retour en début de page

Laissez un commentaire

M'informer des réponses et commentaires sur cet article.

Markup Controls
Emoticons Smile Grin Sad Surprised Shocked Confused Cool Mad Razz Neutral Wink Lol Red Face Cry Evil Twisted Roll Exclaim Question Idea Arrow Mr Green