Zornheym – The Forgotten Inmates

Le 14 novembre 2023 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Scucca : guitare, choeurs
  • Bendler : chant
  • Zorn : guitare, basse, composition
  • Steve Pygmalion : batterie

Style:

Musique Acoustique / Folklorique / Symphonique

Date de sortie:

03 novembre 2023

Label:

Noble Demon

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

Le geôlier est un autre prisonnier.” Proverbe bamiléké

Vous savez à quel point la psychiatrie est ma passion. Etant soignant depuis seize ans, je n’envisage pas faire de autre chose de ma carrière d’infirmier que d’aller là où il y a de la psychiatrie. Encore plus aujourd’hui que depuis un an, je suis en intérim, et qu’outre les remplacements en psychiatrie, j’en ai fait dans des domaines bien moins familiers. Bien que la médecine somatique soit passionnante, je n’ai jamais pris autant de plaisir que dans la prise en soins des patients atteints de troubles psychiatriques. Et je me réjouis de deux choses dans le milieu metal : qu’il y ait beaucoup de musiciens qui travaillent également dans ce milieu, et qu’il y ait des groupes qui traitent de ce sujet dans leur conception d’albums. Il n’y en a pas beaucoup par ailleurs ! Pourtant, c’est un thème qui entre parfaitement en corrélation avec les thématiques récurremment noires, puisque les maladies psychiatriques sont des vecteurs de grandes souffrances. Et si un style en particulier met à l’honneur cette souffrance, qu’elle soit dans le domaine de la psychose ou de la dépression (je parle du black metal), il arrive que dans d’autres genres on trouve quelques albums intéressants comme Psychiatric de Satan Jokers par exemple. Cependant, la plupart que je ne nommerai pas ici surfent trop sur les clichés et les non-dits autour de cette branche de la médecine bien plus complexe qu’il n’y paraît dans les médias. C’est pour cela que dans le cas de cette nouvelle chronique, je transige de nouveau à cette règle que j’ai bien du mal à respecter, que je me suis infligé tout seul, qui consiste à ne jamais refaire plusieurs fois, sinon deux, le même groupe en chronique. Sinon, où est la jouissance de la découverte ? Mais bon, que voulez-vous… Quand on aime, on ne compte pas, et quand je tiens un projet qui brille par son esthétisme et son authenticité flagrant autour de cette thématique psychiatrique que je chéris tant, je ne le lâche pas. Et quand en plus leur bookeuse, qui est une personne très chère dans le milieu pour moi, me relance à chaque fois sur le groupe car elle sait que je l’adore et que chaque sortie est potentiellement l’occasion d’une nouvelle chronique satisfaisante pour tout le monde, je ne dis pas non. Il était sur la liste alors, je l’ai tout naturellement pris, cet ode à la psychiatrie à la sauce scandinave. Vous l’aurez compris si vous suivez un peu mes chroniques, et si vous suivez assidûment le webzine, il s’agit d’un nouveau Zornheym qui s’appelle The Forgotten Inmates. Et cette-fois, il s’agit d’un EP !

Concernant Zornheym, j’avais écrit ceci lors de ma précédente chronique en guise de présentation. Cela résume tout : « Pour tous les amateurs de black metal, le nom du groupe signifiera quelque chose probablement : Zorn, musicien fondateur et compositeur du groupe, a officié dans Dark Funeral en tant que bassiste pendant trois ans. Mais il ne faut pas cantonner notre camarade musicien à ce gros groupe, Zorn officie aussi dans Aktiv Dödshjälp et a officié dans Devian entre autres. Du reste, vous l’aurez déduit, le groupe Zornheym vient de Suède, de différentes villes. A ce jour, le quatuor a sorti deux albums avec ce dernier et trois singles. Pour une existence de sept ans, puisque Zornheym existe depuis 2014, on pourrait se dire que ce n’est pas énorme. Mais mine de rien, comme je disais, chaque album des Suédois est un gage de travail monstrueux. La composition ne se résume pas qu’à la musique, donc il faut forcément beaucoup plus de temps pour pondre un album dans un groupe aussi pointilleux et aussi jusqu’au-boutiste. Alors, si vous le voulez bien, plongeons tête la première dans « The Zornheim Sleep Experiment » qui, je l’espère, sera aussi prometteur que son prédécesseur que je continue d’écouter souvent. La tâche va être rude tant le niveau était haut ! » Voilà que deux ans plus tard, après avoir auréolé de ma note maximale ce deuxième album dûment cité, voilà que le groupe revient aux affaires avec un EP, le premier officiellement sorti dans leurs discographie, et qui ne manque pas de particularités ! Ce dernier se nomme donc The Forgotten Inmates et nous allons en parler tout de suite.

Moi qui couvrais de louanges les pochettes des deux premiers albums, me voilà un tout petit peu plus perplexe sur celui de l’EP. Déjà, cette couleur rouge vif dominante et contrastée au besoin du dessin, je ne l’aime pas autant que les couleurs plus froides employées sur les pochettes d’avant. J’entends que Zornheym ait voulu marquer le coup en démarquant dans leur démarche artistique ce premier EP, ne serait-ce que visuellement, mais le résultat est trop éloigné de ce que le groupe m’avait habitué à voir. Après, sur le dessin en lui-même, le style change aussi avec un côté plus croquis, un vrai dessin quoi. Et ce dessin est très bien exécuté, on distingue bien le côté macabre qui fait la beauté visuelle de Zornheym, mais on a l’impression d’avoir plus un décor zombiesque, ou paranormal, qu’un réel décor psychiatrique. De fait, la porte qui coulisse ressemble plus à une porte de sous-marin, ou quelque chose de ce genre, et les personnes qui sont retenues me font plus penser à des zombies ou des fantômes. Mais je peux me tromper ! C’est donc sur un net changement de décor que le groupe suédois aborde cet EP, et je dois admettre que malgré le travail et le choix objectivement judicieux, malgré la qualité du dessin, je n’accroche pas autant que les précédentes sorties. Je crois qu’au regard du contenu de l’EP, musicalement parlant, il y a d’ailleurs un certain décalage qui frôle le hors-sujet dans cette représentation sanglante, presque gore, et la musique qui en découle, vous comprendrez plus tard. C’est donc une forme d’incompréhension qui m’anime ce jour devant la contemplation de cet artwork. Je parlerais volontiers même de déception, je suis en effet déçu du virage visuel que Zornheym a emprunté pour ce The Forgotten Inmates. Quoiqu’il en soit, force est de constater que l’artwork est raccord avec le nom de l’EP, donc on va dire que mon propre avis ne compte pas autant que le caractère objectif de ma chronique, surtout si vous restez fixé sur le visuel et non le sens qui demeure, selon moi, presque hors sujet. Retenez donc que le contrat est rempli et que le travail est bien fait.

Erratum : il est expliqué dans le dossier presse que cet artwork s’inscrit bien dans le processus conceptuel de Zornheym, avec en fait je cite « ZORNHEYM now deliver the third and final piece of the puzzle with the graphic novel, and you will follow Dr. Bettelheim from when he is putting the final touches on his statement of intent till the horrific ending of the experiment. » Au temps pour moi.

Initialement, le groupe propose une musique résolument The Forgotten Inmates. Nous voici plongé dans une musique acoustique et symphonique, à la frontière selon moi avec la dark folklorique sur certains passages. Résolument, on dirait une musique de films ! C’est vous dire la qualité de l’ensemble. En fait, Zornheym s’amuse tout simplement à reprendre certains de ses meilleurs morceaux au format acoustico-folklorique avec quelques relents symphoniques qui faisait sa magie. Une dimension symphonique qui n’était pas du tout grandiloquente comme l’on pourrait le croire, qui était au contraire d’une grande intelligence élaborative, en n’en faisant pas trop ni en ne tombant dans le piège du trop-plein. Et cela, c’est l’une des raisons principales pour laquelle j’adore la formation ! Nous voici en tout état de cause plongé dans un décorum macabre, qui me fait penser par ailleurs à ce que faisait le groupe P.O.E sur une précédente et ancienne chronique. La particularité de cet EP est donc de s’amuser en jonglant sur différentes approches musicales de leurs précédentes pistes. On parle par exemple d’une approche plus folklorique pour Slumber Comes in Time en version suédoise. D’ailleurs on croirait entendre un album de néofolk comme le ferait Žalvarinis en Lituanie avec des choeurs masculins magnifiques et finalement assez peu d’instrumentations, pour donner une piste extrêmement puissante et émouvante, l’exact contraire de la piste originale beaucoup plus longue et bien plus metal extrême malgré l’existence des fameux choeurs. Ensuite, on bascule (dans le désordre) sur un versant plus acoustique pour les deux versions du morceau Keep the Devil Away, une en anglais et une en… Français ! Nommée Garde le Diable Eloigné, cette piste ne manque pas d’intérêt puisque les textes en français sont très bien écrits (ou traduits ?) et surtout très bien chantés ! Bluffant, vraiment. J’en profite pour remercier la formation pour avoir fait cette version française en hommage, comme ils l’expliquent, à nous, public français, pour l’accueil reçu à chaque date en France ! C’est extrêmement gratifiant. Concernant la partie musicale, les deux sont identiques et donc comme je l’évoquais, sur un registre plus acoustique dans le sens où la piste actuelle ressemble quasiment riffs pour riffs avec la version metal. Je trouve l’intention évidemment très bien retranscrite, mais l’enjeu beaucoup moins risqué comparé au précédent morceau. Toutefois, il est impressionnant de constater que Keep the Devil Away est un excellent morceau déjà de base, sur le plan metal, mais il est tout autant, sinon plus, sur un versant acoustique ! C’est donc très intelligent de la part de Zornheym d’avoir choisi cette piste qualitative au possible car l’harmonie est quasiment parfaite dans les deux aspects. Bravo ! La curiosité est passée au paroxysme avec Whom the Night Brings… qui s’amène en version revisitée spéciale « confinement ». Oui oui ! « Lockdown » signifie bien « confinement » en anglais, donc on peut supposer que le groupe a composé cet EP durant le confinement, ce qui est plus ou moins confirmé en dossier presse. Une version à deux mains et une voix pour cette piste qui n’est pas spécialement ma favorite, mais qui fait le job de milieu d’EP on va dire. Je crois tout de même que cette piste particulière est importante pour comprendre le processus d’élaboration de ce The Forgotten Inmates, puisqu’il s’agit d’un EP de patience pour les fanatiques du groupe et les musiciens eux-mêmes. A ne pas négliger donc ! Et enfin, une version a capella du morceau Corpus Vile, avec un effet voix magnifique, plein de réverbérations et les choeurs en arrière-plan rajoutent davantage de solennité dans cette piste. C’est d’ailleurs celle qui ressemble le moins à l’originale, avec un temps d’écoute très court pour une version originale de plus de cinq minutes, et le résultat est tout aussi surprenant ! Clairement, on sent en première écoute que le groupe Zornheym a voulu se faire plaisir et faire plaisir à ses fanatiques avec cet EP nommé The Forgotten Inmates ! L’ensemble est excellent.

Ce n’est pas la production qui fera défaut ici, puisque le groupe a toujours brillé par le soin et l’expérience apportés au travail fait en studio. Et quand bien même Zornheym change radicalement de registre musical pour son EP, on note que le son est tout aussi clean ! Impeccablement mixées, chaque piste jouit en fin de compte d’une atmosphère différente, selon les styles usités, et il est aisé d’entendre que chaque piste se voit parer d’une production adéquate, professionnelle. Résultat : je me suis amusé à faire deux comparaisons en parlant de P.O.E et Žalvarinis qui sont deux formations extrêmement soigneuses, mais je pense que Zornheym vole la vedette à ces groupes bien plus modestes. Allant sur une musique acoustique au néofolk, en passant par un ensemble guitare / piano / voix tout aussi simpliste, il n’y a absolument rien à redire de péjoratif. C’est juste le reflet du sérieux et de l’expérience de la formation suédoise qui ne cesse de m’impressionner sur le plan sonore à chacune de ses sorties. En tout cas, je m’égarerais en termes élogieux comme je le faisais auparavant dans les chroniques d’albums précédents, je vais donc en rester là ! C’est juste du grand art.

Maintenant, je crois qu’il est bon de comprendre, ce que je n’ai pas réussi à faire en analysant l’artwork, que cet EP est la suite conceptuelle des deux précédents albums. Ce que je trouve un peu dissonnant dans la démarche est d’apporter un point final à cette trilogie en proposant autre chose que du metal, et a fortiori des reprises de compositions déjà existantes. J’ai un peu de mal à comprendre l’idée derrière cet EP de conclure la trilogie. Pour moi, factuellement, une conclusion a besoin d’une chute et donc d’une nouveauté dans le récit. Or, Zornheym nous présente cet EP de reprises de ses propres morceaux (sous-entendu, inclus dans le récit des deux premiers albums…) en guise de point final. Où est l’intérêt ?… Pourquoi ne pas avoir tout simplement pris le temps de composer un troisième et dernier album et finalement, s’amuser à faire un EP de reprises après ? Cela aurait été beaucoup plus cohérent et logique pour moi. Cela n’enlève en rien du tout la qualité musicale de The Forgotten Inmates, attention ! L’EP est un pur délice pour les oreilles et j’adore, je le réécoute régulièrement en attendant de l’acheter. Mais ! Je me dois d’être objectif jusqu’au bout et je ne vois pas l’intérêt de présenter cet EP comme la conclusion de la trilogie. Je suis désolé mais cela n’a pas de sens du tout… Il va de soi que ma note finale sera à la hauteur de la qualité musicale, mais ce constat d’illogisme lui vaudra sûrement une légère baisse. Il est important de composer un album avec logique et constance, et le hors sujet est possible. Dans ce cas précis, il est largement supportable puisque l’auditeur lambda, moi le premier, adorera l’écouter pour son simple rôle d’album de musique. Mais il est bon de souligner le caractère incohérent de cet EP The Forgotten Inmates qui souffre d’un non-sens conceptuel important selon moi. Dommage…

Allez ! On va terminer la chronique sur une note très positive. Le chant de Bendler est remarquable de qualité ! Déjà bluffé, le chanteur que je suis l’était à la base par sa technique de chant saturé varié, allant sur le growl aigu vers le scream, selon les personnages « joués » sur les albums. Mais quelle surprise ! Quel ébahissement d’entendre notre camarade musclé aller vers un chant clair grave et chaleureux tantôt, puissant et guerrier tantôt. Un chant clair extrêmement différent selon les pistes, bien accompagné par des choeurs souvent, mais accompagné ? Pas seulement ! Réhaussé même ! Loin de l’étouffer, les choeurs apportent une mise en exergue bien plus importante que si le chant clair était tout seul. Franchement, ce Bendler m’épate de CD en CD. J’adore tout ce que fait ce mec ! Il chant comme un Dieu en chant saturé, varie ses techniques comme un maître et se dirige sur un chant clair magnifique et remarquable. C’est vraiment du génie quoi.

On va mettre un point final à cette nouvelle chronique ! Zornheym est donc revenu récemment aux affaires avec cet EP, premier de ce format dans la discographie des suédois, nommé The Forgotten Inmates. J’avoue que cet EP m’a mis en difficulté, n’a pas réussi à connecter mes deux polarités. Celle du coeur et celle de l’analyse. La musique acoustico-folklorique, voire néofolk, est absolument prodigieuse et dans la lignée de ce que peut créer son multi-instrumentiste de talent, accompagné de son chanteur ! Bien différent en revanche de ce que produit habituellement Zornheym qui fait initialement du black metal symphonique aux accents death metal. Et c’est là que le bât blesse. Parce que le choix du coeur me fait dire que c’est un EP magnifique, le choix de l’analyse m’empêche toutefois de profiter pleinement de la beauté musicale qui en découle car pour moi, cela ne peut pas constituer une fin logique de la trilogie musicale entamée sur les deux précédents albums. La logique aurait voulu que cet EP soit dans le même genre musical, ou même mieux ! Soit un album, et que le groupe fasse un EP de cet acabit après. Je vais donc faire un constat mi-figue mi-raisin avec une note que j’ai volontairement choisi pour l’aspect passionnel plus que raisonnable. Cet EP est musicalement excellent, mais manque de logique dans la démarche artistique. Libre à vous de vous situer sur l’un des pôles que nous avons tous en tant qu’auditeur. Moi, je choisis le coeur et j’assume !

Tracklist :

1.     Keep the Devil Away (version acoustique)     03:46
2.     Slumber Comes in Time (version folklorique)     02:25
3.     Whom the Night Brings… (version « confinement »)     03:54
4.     Corpus Vile (a capella)     01:40
5.     Garde le diable éloigné (version française)     03:47

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