Wacht – La Mort

Le 8 avril 2020 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Steynsberg : piano, paroles Evangelion : chant

Style:

Black Metal / album acoustique

Date de sortie:

13 Décembre 2019

Label:

Auric Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

« Entre le mot et le mort, juste un « r » de différence, celui qu’il me faut pour respirer. » (Thierry Beinstingel)

Qu’est-ce qui pourrait être la meilleure forme artistique pour parler de la Mort ? Vaste question étant donné que la Mort est un sujet central partout. Dans notre quotidien, dans les réflexions sociétales, philosophiques, morales. La Mort, c’est la plus grande inconnue qui soit, personne ne sait ce qu’il y a après hormis quelques adeptes des expériences de mort imminente (EMI… NDE en anglais). La majorité des gens ne se contente pas du simple constat qui est fait de la Mort : que notre corps ne fonctionne plus du tout, que notre corps soit un vulgaire objet organique qui se décomposera au fur et à mesure, et participera à la chaîne alimentaire comme n’importe quel être vivant. Il est vrai que, si j’interrogeais mon inconscient, j’y verrais surement des idées fantasmatiques assez insondables en la matière donc je me contente, ce jour, d’avoir un énième support qui parle de la Mort. Alors, quoi de mieux en ce dimanche maussade qu’un CD comme nous propose Wacht pour en disserter ?

Wacht, c’est un groupe originaire d’Engadin, dans les Grisons, en Suisse. Mon estomac sur patte me pousse à m’imaginer des tranches de viande des Grisons à manger comme un morfal… Que c’est bon ! Mais là n’est pas le propos… Existant depuis 2006, on ne peut pas dire que le groupe ait perdu son temps puisqu’il a sorti la bagatelle de vingt-six CDs, splits compris, en seulement quatorze ans d’existence ! Je ne sais pas si cela vous fait le même effet mais, lorsque je vois qu’un groupe existe depuis par exemple « 2005 » ou « 2010 », cela me donne l’impression que c’est très récent ! Mais God Damned, on est en 2020 déjà…
Il est important de préciser que le groupe ne contient qu’un seul rescapé de 2006 en la personne de Steynsberg qui s’occupe pour ainsi dire de pratiquement tout hormis la batterie dans Wacht. On pourrait donc se dire aisément que Steynsberg est la tête pensante du groupe et que la composition de ce dernier album appelé La Mort lui échoie. D’ailleurs petite note : « wacht » vient de « wachten » en allemand qui veut dire « attendre », donc on pourrait dire que l’album fait « attend la mort ».

Quoi de mieux alors pour parler de la Mort qu’un CD de Wacht ? En témoigne dans un premier temps le design du CD que je trouve magnifique. J’avais précédemment dit dans une chronique qu’un énième décor avec des sapins et du brouillard était déjà vu, et redondant au possible ; ici, avec cet unique conifère au milieu d’un champ de nuages, le tout étant symétriquement posé, il y a une atmosphère vraiment authentique qui se déverse à travers de cette image. Une mélancolie toute simple, au final, mais avec un côté poétique. Comme si l’auteur voulait mettre en exergue le côté solitaire de la Mort avec cet arbre seul au milieu de nulle part… J’ai toujours adoré regarder les arbres remarquables, comme on les appelle : dans la région grenobloise, il y a un exemple typique avec le Chêne de Pressembois sur la commune de Venon, qui fait penser à un arbre du pendu et qui domine à lui tout seul une colline. On pourrait disserter pendant des heures sur la symbolique des arbres solitaires comme ça… En tout cas, avec ce contour qui évoque un tableau, j’adore cet artwork qui pourtant est simple. Il est plein de métaphores à lui tout seul.

Je disais : quoi de mieux qu’un CD de Wacht pour parler de la Mort ? Ici, point de Black Metal comme le groupe est quasiment toujours estampillé. Si vous chercher l’habituel Post-Black Metal, vous serez déçus car cet album n’est qu’un ensemble de piano/voix avec de légères incorporations atmosphériques. J’ai été pris de court, d’ailleurs, parce que le descriptif du pressbook parlait bien de Post-Black Metal. Mais passé l’effet de surprise, la musique est une véritable ode à la poésie. Elle glisse sur moi comme un drap de satin et lorsqu’elle tombe, le froid revient comme un coup de poignard. C’est la particularité de ce CD : l’ensemble piano/voix est capable de mélanger la douceur et la force. Étrange, n’est-ce-pas ? Il suffit d’écouter pour comprendre : le piano est un instrument qui peut à la fois se jouer doucement (pianissimo) et fort (fortissimo), avec évidemment des entre-deux que l’on nomme mezzo forte ou mezzo piano entre autres. La voix est également, par sa définition organique, capable de faire ces tons différents selon les besoins. Ici, parfois les deux instruments sont doux, parfois forts, parfois différents, donnant une véritable richesse poétique à l’ensemble.

De prime abord, j’avais l’impression d’entendre des chants corses tant la voix était chargée d’émotions, pour vous donner un ordre d’idée lorsque la voix est chantante. Car la voix est aussi parlée, comme l’on raconte une histoire. Elle me fait penser à mon album préféré de My Dying Bride, qui est Evinta, et qui démontre qu’une voix contée peut être aussi dévastatrice pour les émotions dormantes qu’une voix chantée avec ferveur. Evangelion, qui est le chanteur clair de l’album (Steynsberg étant au piano et ayant écrit les paroles), a cet extraordinaire pouvoir. Une voix à la fois mélancolique et forte, comme si la Mort était une force !
En tout cas, les sept morceaux de cet album que l’on peut définir comme acoustique sont très beaux, autant les uns que les autres. J’étais un peu inquiet de tomber dans une redondance que l’on peut trouver quand on a un ensemble musical aussi restreint et que le CD ne tourne en rond ; si certains le penseront, moi, je n’ai pas été ennuyé par cela. La cause réside dans les compositions qui sont superbement construites et dans le piano qui est un de mes instruments préférés. Inutile en cela de dire que le mixage est tout aussi beau.

Mais la particularité de ce CD vient des paroles. Au départ, je pensais qu’elles étaient en italien, puis je discernais des passages plus germaniques, pour enfin entendre quelques mots prononcés à la française… Alors quoi ? Il existe une langue en Suisse qui regroupe toutes les trois principales ? Incroyable ! Du coup je demandais l’aide de mon Kenpachi, qui me dit qu’il s’agissait probablement, au vu de l’origine du groupe, de la langue ROMANCHE. Kézako de ce truc ? Eh bien, moi, je l’ignorais mais le romanche est la quatrième langue parlée en Suisse, et elle s’apparente plus ou moins à une « langue morte » (je ne dis pas « patois » sinon je vais me faire engueuler par mon gentil Kenpachi !). Alors, moi qui adore les dialectes anciens (mon grand-père parlait encore le patois ardéchois à la perfection), je me régale ! Évidemment, je ne comprends pas grand-chose mais quelques mots sont assez dicibles, suffisamment pour savoir de quoi cause l’album. En tout cas, cet effort de fait pour écrire tout un album dans un langage qui se perd, je trouve que c’est exceptionnel. Vraiment exceptionnel. Et rien que pour cela, l’album mérite mes louanges et celles des auditeurs ! Mais au-delà même de l’écriture, c’est la prononciation qui est belle. D’ailleurs, en poésie, on a coutume de dire que c’est la prononciation qui compte, notamment dans le cas des élégies par exemple. Ce mélange de langues de différents horizons comme l’italien et l’allemand (enfin, « germanique » ici), c’est d’une beauté incroyable. On a beau dire, chaque langue a sa poésie, sa beauté de prononciation. Et le fait d’avoir un langage qui mêle deux beautés pour n’en faire qu’une, pour moi, cela relève d’une grande symbolique poétique. Limite du génie à ce stade.
D’ailleurs, j’ai vérifié sur les albums : tous sont écrits dans ce dialecte. Donc le génie à son paroxysme !

Je crois sincèrement, pour conclure, que je suis tombé sur non pas un album exceptionnel, car cela coule de source, mais sur un groupe auquel il faut impérativement s’intéresser ! Certaines mauvaises langues pourraient dire qu’un groupe qui montre un tel intérêt pour son histoire et sa langue peut montrer des orientations politiques suspectes (je l’ai entendu) ; franchement, si on reste stricto facto sur la musique, qu’elle soit post-black, black, ou acoustique, il y a indéniablement quelque chose de magnifique dans Wacht. Une puissance artistique comme il en existe rarement, une authenticité qui pourrait expliquer pourquoi le groupe est resté dans l’ombre. En ce qui me concerne, si je peux mettre un tout petit peu en lumière le groupe, alors je suis ravi de le faire parce que c’est amplement mérité.

Tracklist :

1. Pers
2. Plövgia sainza guots
3. Meis ultim let
4. Istorgias
5. Engiadina sur tuot !
6. La mort
7. La fossa sül sunteri

Site web  BandCamp

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