Therion – Beloved Antechrist

Le 9 février 2018 posté par Bloodybarbie

Line-up sur cet Album


• Thomas Vikström : Chant
• Lori Lewis : Chant
• Tout plein de guests : Chant
• Christofer Johnsson : Guitare, Claviers
• Christian Vidal : Guitare
• Nalle Påhlsson : Basse
• Sami Karppinen : Batterie

Style:

Opera Metal

Date de sortie:

9 Février 2018

Label:

Nuclear Blast Records

Note du Soilchroniqueur (Willhelm von Graffenberg) : 9.99/10

Ceux qui connaissent déjà Therion savent que leurs maitres mots sont extravagance et grandiloquence. Là, ils ont poussé le bouchon très (trop ?) loin : jamais l’étiquette « opéra metal » n’aura aussi bien collé à un album que Beloved Antichrist.

Autant vous dire que quand j’ai dézippé le dossier Nuclear Blast – oui, on ne reçoit toujours pas de CDs de chez eux, ce qui est fort dommageable dans le cas présent pour la foultitude de détails qui seraient nécessaires –, je me suis dit que ça devait « être un best of, vu la quarantaine de pistes dans le pavé », ce qui n’aurait rien eu d’étonnant quand Therion nous a habitués à pondre des double albums. Mais voici celui-ci résumé en deux nombres : 15 et 30. Quinze, c’est le nombre d’années depuis lequel le mastermind Christofer Johnsson planche sur cet opéra. Trente, c’est le nombre de personnages de cet opéra. Vous imaginez ? Tant pour l’un que l’autre ! Réunir effectivement trente chanteur/ses lyriques de toutes tessitures (dont certaines voix déjà ancrées dans l’imagerie sonore du groupe, bien sur : Lori Lewis, Sandra Laureano, Thomas Vikström et Chiara Malvestiti pour ne pas les citer) pour un opéra metal, c’est un projet de fou furieux. Et concevez juste un instant que ce monstrueux ouvrage est l’adaptation de l’essai de Vladímir Soloviov, philosophe russe de la seconde moitié du XXème siècle, intitulé Court récit sur l’Antéchrist (dernière partie des Entretiens sur la guerre, la morale et la religion), racontant une dystopie dans laquelle un homme possédé par l’esprit de l’Antéchrist conquiert tout le continent eurasiatique, instaure une paix mondiale par la dissuasion, signe la disparition de la faim dans le monde en rééquilibrant la distribution des profits en taxant équitablement (donc davantage) les riches pour nourrir les pauvres et réunit les religions en état de schisme total [SPOILER : étrangement, ça va mal finir dès lors que les religions entrent en lice, les catholiques refusant catégoriquement l’idée vont lui pourrir son groove en invoquant Jésus himself qui va défoncer l’armée XXL du nouveau « roi du monde » en l’engloutissant dans une faille].

Tant dans le concept de fond que le sujet abordé, ce projet est à la limite de l’utopisme – pourquoi je dis « à la limite »… ah bah oui, parce qu’au moins cet opéra a réellement pris forme. Ceux qui se sont déjà attablés à rendre cohérent un album, un concept album, un clip, un bouquin, un film ou mieux savent de quoi je parle : c’est un labeur gigantesque, ici que d’écrire un livret typique de l’opéra « classique ». Peu s’y sont attaqués, avec plus ou moins de succès (Tobbias Sammet, pour ne citer que lui), parce que c’est extrêmement téméraire et les auteurs préfèrent au mieux se rabattre vers le concept album qui nécessite moins de logistique et moins de prise de risque, tant dans la composition que l’écriture ou l’adaptation. Car en effet, ici ce n’est pas l’histoire littérale mais bien une adaptation, avec l’apparition (donc la création) de personnages non présents dans l’œuvre originelle (donc des chanteurs – chanteuses en l’occurrence – supplémentaires) afin également d’équilibrer les voix et les personnages et les rendre moins philosophiquement chiants et premier degré de réflexion… moins prise de tête et plus humains, en somme.

Mais parlons musique maintenant, car c’est un peu là qu’est l’intérêt quand on se trouve face à ce projet pharaonique : que musicalement ça botte des culs au niveau des ambitions ! En effet, on est bien dans de l’opéra, pas simplement dans sa forme théâtralisée (en trois actes ici) mais vocale surtout ; les amateurs de growl, quittez de suite ces terres maudites à base de vibrato, de voix de poitrine, de gorges profondes… pardon, de « cavités bucco-pharyngées abyssales », de ténors barytonnant, de barytons martins et de divas à glotte frémissante. Quant au Metal, si le fond tient la forme d’un livret d’opéra et mise sur l’expressivité des instruments orchestraux, la part belle est faite aux riffs. Et forcément on se retrouve dans le Metal mélodique et le gothico-romantique lié au mélange des genres. Pour résumer dans l’écriture, on balance entre Heavy Metal et orchestrations et arrangements choraux et orchestraux balançant entre la Renaissance de Palestrina, le Classicisme mozartien, le Fidelio de Beethoven (et je passe la pléthore de compositeurs de cette fin de période qu’on peut repérer, dont Dvořák et Strauss) et les premières œuvres de Saint-Saëns (sans oublier quelques petites citations du répertoire grégorien bien cachées).

Les accoutumés d’Andrew Lloyd Webber (surtout le Fantôme de l’Opéra mais aussi Jesus Christ Superstar pour rester dans une thématique théologique), du Crimson Idol de WASP (et donc de Quadrophenia et Tommy des Who), d’Avantasia et du dernier concept album à tendance opéresque de Dream Theater (The Astonishing) seront dans leur élément général. Mais divers problèmes récurrents dans ce genre d’écriture hybride se posent. Déjà, par essence, la durée : certains trouveront qu’il « y a trop de notes », d’autres rétorqueront que « quand on aime, on ne compte pas » quand les derniers ajouteront « plus c’est long, plus c’est bon » avec un sourire malicieux… Mais c’est vrai que pour ceux qui ne jurent que par le format radio edit, les trois heures vont paraitre quelque peu longuettes – ceux qui auront tenu celles d’Aida de Verdi voire les quatre heures des Maitres chanteurs de Nuremberg de Wagner supporteront sans sourciller. Mais ne vous attendez pas à ce que je vous fasse une analyse track-by-track, ce serait d’une inénarrable vacuité.

Un écueil récurrent de ce genre de grandes compositions est le nombre de personnages et la manière de les présenter et/ou les introduire. On retrouve le problème dans quasi toutes les œuvres de cet acabit : un défilé kaléidoscopique qui semble en jamais laisser débuter l’histoire. On retrouve ça dans nombre de cas, le premier me venant à l’esprit étant Starmania qui expose un défilé de personnages mais en perd en narration par conséquence (on pourrait dire ça de Notre Dame de Paris ou des Misérables également, hein… pas de mauvais esprit : j’aime également Starmania). De facto, Il faut passer cette kyrielle d’arias et d’ariosos – dont certains magnifiques, par ailleurs – pour arriver enfin à l’histoire, en gros à partir d’ « Anthem » (douzième piste !) où ça se décide à prendre enfin forme.

Et enfin, le défaut majeur qui fait que j’ai toujours du mal à adhérer totalement à Therion : vouloir tout miser sur les voix (lyriques, enregistrées à Moscou, clin d’œil à l’auteur du livre originel probablement ?) souvent au détriment d’un équilibre avec l’accompagnement, soit en le mettant en retrait soit en le simplifiant au maximum et en éliminant les fioritures comme le choix du son des guitares et de la basse ou les subtilités qui pourraient ajouter du piquant aux lignes orchestrales (des traits et des mélismes qui rendraient vivantes les nappes de fond). C’est d’autant plus dommage quand la qualité d’enregistrement est au top, la production également et les interprètes carrés comme jamais, mais également quand l’ironie s’en mêle puisque le groupe initialement briguait dans le Death Metal mais semble ne pas vouloir aller dans ce genre de grain alors que par passages, ça aiderait à renforcer les effets de crescendo (par exemple).

Et pourtant… Beloved Antichrist est une œuvre titanesque et monumentale, une démonstration d’ambition à son égal dont on peut saluer l’aboutissement, à défaut de tenir toute l’œuvre sans bailler un instant ou se sentir gavé du bel canto. Personnellement, j’applaudis à quatre mains rien que pour avoir osé et poussé si loin une création de telle envergure, peut-être pas l’œuvre d’une vie mais face à une telle débauche de travail, je ne pense pas que le groupe suédois réitèrera un tel pari. Grandioso e bravissimo !

A écouter après Sept ans de réflexion (ce qui est peu en comparaison avec la durée employée à cogiter ce triple album)

[SPOILER : la fin est majestueuse en plus, avec un superbe duo]

Tracklist :

CD1

1. Turn from Heaven (3:06)
2. Where will you go (2:15)
3. Through Dust, through Rain (5:01)
4. Signs are here (4:21)
5. Never again (2:20)
6. Bring her Home (3:59)
7. The solid black Beyond (3:47)
8. The Crowning of Splendour (3:34)
9. Morning has broken (6:39)
10. Garden of Peace (3:25)
11. Our Destiny (2:41)
12. Anthem (4:18)
13. The Palace Ball (5:20)
14. Jewels from afar (4:22)
15. Hail Caesar! (5:10)
16. What is wrong (2:07)
17. Nothing but my Name (3:02)

CD2

18. The Arrival of Apollonius (5:06)
19. Pledging Loyalty (2:56)
20. Night reborn (3:57)
21. Dagger of God (3:32)
22. Temple of New Jerusalem 4:01)
23. The Lions roar (3:43)
24. Bringing the Gospel (4:44)
25. Laudate Dominum (5:00)
26. Remaining silent (2:56)
27. Behold Antichrist (4:40)
28. Cursed be the Fallen (2:00)
29. Resurrection (3:41)
30. To where I weep 5:57)
31. Astral Sophia (5:42)
32. Thy Will be done! 4:37)

CD3

33. Shoot them down! (3:49)
34. Beneath the starry Skies (4:26)
35. Forgive me (9:41)
36. The Wasteland of my Heart (3:24)
37. Burning the Palace (8:22)
38. Prelude to War (0:38)
39. Day of Wrath (4:13)
40. Rise to War (3:47)
41. Time has come final Battle (2:56)
42. My Voyage carries on (3:52)
43. Striking Darkness (2:04)
44. Seeds of Time 1:38)
45. To shine forever (2:06)
46. Theme of Antichrist (3:31)

Facebook : https://www.facebook.com/therion
Site officiel : http://www.megatherion.com/
Spotify : https://open.spotify.com/artist/5c8Cw62ZYj9XO6iDLRDEsi
Youtube : https://www.youtube.com/user/therionband

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