Rotting Kingdom – A deepest Shade of Sorrow

Le 19 avril 2020 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Chuck McIntyre : basse Brandon Glancy : batterie Kyle Keener : guitare Clay Rice : guitare Anton Escobar : chant

Style:

Doom / Death Metal

Date de sortie:

13 Mars 2020

Label:

Godz ov War Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

« Il n’y a parfois aucune différence entre le salut et la damnation. » (Stephen King)

J’ai su, en étudiant l’histoire de la musique metal, qu’il y avait eu une guéguerre entre les groupes scandinaves de Black Metal et les américains de Death Metal. Comme deux chiens enragés qui refusaient de se partager un fémur de dinosaure, cette guéguerre a notamment été relaté par un chanteur américain de Death Metal que pourtant je déteste au plus haut point pour la personne qu’il est, mettant de côté son très bon growl : Glen Benton du groupe Deicide. Si l’on s’étend au-delà du fait qu’une guerre n’est jamais vraiment porteuse de bonheur, le sujet même de ce conflit idiot m’échappe totalement par son irrationalité. En fait, depuis que je me suis mis à écouter plus de Doom/Death, je me suis aperçu que ces groupes avaient parfois cent fois plus de talent pour parler de sujets démoniaques, noirs, dignes des récits enfériques les plus sombres. Et quoi qu’en pensent les puristes, le Black Metal n’est pas le style le plus légitime pour traiter de ces sujets tels que le satanisme ou simplement cette forme de nihilisme si chère au Metal. J’eus pris comme exemple – même s’ils ne sont pas tous américains – Atavisma, Reido, Void Rot, Onirophagus pour ne citer qu’eux, et je rajoute officiellement dans ma collection le groupe Rotting Kingdom.

Qui est donc ce groupe ? Rotting Kingdom nous vient tout droit des États-Unis donc, de Lexington dans le Kentucky pour être plus précis. La date de la formation est à ce jour inexistante mais l’on sait grâce à nos sources que le groupe a sorti un premier EP éponyme en 2017 et que « A deeper Shade of Sorrow » est leur premier album. Ce qui me frappe un peu au départ, c’est que le nom du groupe me dit quelque chose, sans trop que je sache pourquoi. Pourtant, le groupe ne s’est produit pour le moment qu’aux États-Unis… Peut-être que le nom du groupe ressemble à ceux d’autres plus connus, ou que le groupe a déjà circulé sur les Facebook des metalleux, ou je ne sais quoi d’autre… Bref, le nom ne m’est pas étranger. On a donc un groupe, semble-t-il, assez jeune ; j’ai hâte de me pencher sur ce premier opus !

Et me pencher est bien le verbe juste puisque j’ai déjà le nez scotché sur l’artwork tant il est… scotchant ! On a face à nous un tableau dans son entière exécution. Un tableau qui représente un décor de crique, avec une mer au soleil couchant qui semble un peu agitée, des roches noires qui font assez volcaniques, un ciel chargé en nuages longilignes et bien opaques et, surtout, deux éléments importants en premier et arrière-plan : une femme en robe blanche un peu chancelante qui soutient une lampe à huile, semblant éclairer un bateau en difficulté qui se trouve bien loin de la côte… ou qui semble échoué aussi sur les hauts-fonds, c’est selon. En lui-même, l’artwork est de toute beauté ; pour un premier album la barre a été mise très haute ! C’est le genre de pochette que j’adore, qui tape à l’œil et qui plante une sorte de décor tout de suite. Je trouve même ce dernier très métaphorique puisque le titre de l’album est évocateur d’un marasme profond : « l’ombre la plus profonde du chagrin » en anglais. Et on pourrait penser que cette femme voit le bateau de quelqu’un qu’elle aime, échoué et naufragé, sonnant sûrement le décès de ce dernier… Ce bateau qu’elle attendait certainement depuis longtemps… On pourrait donc y voir une métaphore très filée à ce chagrin qui est décrit dans le titre.
Même le logo du groupe me semble rassembler, dans un seul, plusieurs symboliques : les lettres en gothique et le vitrail en fond en gothique aussi, avec les gouttes de sang qui coulent, les lettres qui semblent faire des ramures et une espèce de toile qui rassemble le tout. Pour une première approche du CD je suis tout de suite très satisfait par l’artwork en tout cas. Bon boulot !

Cet ensemble métaphorique semble pour autant un peu incongru pour la musique proposée par Rotting Kingdom. Ils annoncent la couleur dans le pressbook et cette annonce m’inspirera mon introduction : du Death/Doom. Attention, l’ordre est important : il y a en effet plus de Death Metal que de Doom Metal dans leur musique. Du coup, je pars un peu sur un étonnement : comment arriver à retranscrire un tel effort de « poésie » dans un design, sur une musique annoncée comme étant bourrine et extrêmement lourde ? La réponse ne va pas tarder à fuser et fera autant d’impact sur ma psyché que le ferait une aiguille à tricoter lancée par une tornade de force 5 sur un mur en béton : une explosion !

Car la musique parvient à distiller un mélange détonnant de brutalité et de mélodies. Le Death Metal est omniprésent, le Doom n’apparaît que sur quelques accentuations ponctuelles mais idéalement placées. Mais ce qui ressort surtout des cinq morceaux (six en tout mais un sera instrumental), c’est l’apport de plusieurs parties mélodiques. On n’a pas à faire à du Death old school mais plutôt à un Death Metal plus modernisé dans les compositions. La différence entre un Metal estampillé old school et un plus moderne est cette absence de linéarité qui a deux poids deux mesures : elle sert d’une part à reconnaitre instantanément un style mais épuise l’auditeur qui cherche un peu de nouveauté. Ici, c’est la deuxième option qui fera plaisir aux amateurs de découverte et de nouveau souffle car Rotting Kingdom sonne des compositions variées, surabondantes mais sans excès ! L’ensemble est en tout cas très surprenant sur plusieurs points à commencer par cette composition intelligente qui apporte une opulence dans le choix des morceaux et le cheminement de ce court album.

L’autre point très intéressant de ce premier album (je le répète), c’est évidemment le gros travail qui a été fait pour le rendu final de ce CD sur le plan sonore. Surprenant à bien des égards, ce son va bien au-delà des espérances que l’on peut avoir pour une entrée dans la démarche d’album. Il est juste excellent. Il y a simplement de temps en temps des petites erreurs de mixage comme sur le morceau « Barren Harvest » où l’on entend « trop » arriver le solo, on devine trop facilement que le collage de la partie solo a été fait en studio. Cela manque un petit peu de retouche en somme. Parfois, il y a aussi une légère différence de mixage entre deux parties de guitares qui sont pourtant distinctes entre un soliste et un rythmique, donc on sait que cette différence minime mais notable pour des oreilles aguerries vient bien d’une seule des deux guitares, ce qui est un peu dommage. Mais pour quelqu’un qui ne se soucie guère des convenances et ne veut qu’avoir sa dose de lourdeur, le son est excellent ! C’est même encore plus incroyable de se dire que ce son, si lourd et si violent à la fois, peut servir à la fois la cause des parties death metal accélérées et brutales, et à la fois du Doom Metal qui n’est là qu’avec parcimonie et dont le rendu est aussi excellent que les autres. Vraiment, je suis épaté par ce premier album en termes de son.

Le chant est bien entendu aussi l’un des points que je voulais relever, pour un avis tout aussi positif qu’auparavant. N’oscillant que légèrement, ce dernier est très grunt grave, très caractéristique quant à lui d’un Death/Doom, donc lancinant, c’est-à-dire lent et très gras. N’intervenant que peu de fois dans l’album, cela augure des textes très courts que je détaillerai un peu plus bas. Cependant, contrairement à certains groupes de Doom/Death ou Death/Doom que j’ai pu écouter, le chanteur est plus présent ; d’où le fait que je pense cette importance de styliser le groupe comme étant du Death/Doom et non l’inverse. En tout cas, très bon point pour le chant qui, certes, ne varie guère comparé aux riffs très riches des morceaux mais qui fait le travail haut la main et son mixage l’intègre idéalement bien dans l’ensemble. Décidément, cet album recèle bien des agréables surprises.
Mais pas que ! Il y a juste un détail que je voulais relever et qui me semble assez important pour être fait, sans pour autant influencer considérablement mon avis et ma note : la présence assez dérangeante de ce morceau instrumental. Il est court mais cela, en soi, ce n’est pas le plus choquant : c’est sa présence, en fait, que je ne comprends vraiment pas. Pour combler le vide d’un album, on pourrait s’épargner bien des choses en mettant ce type de morceau qui n’a ni queue ni tête par rapport au reste, qui en plus me parait bâclé, fait à la va-vite avec un pauvre logiciel de MAO et qui ne sert strictement à rien… Mais alors, vraiment à rien du tout ! Complètement hors sujet sur toute la ligne… Vraiment, là, je ne comprends pas l’intérêt d’un tel « truc » : on peut faire largement mieux et plus intelligemment. Je pense donc que cet ersatz de morceau est une erreur de parcours et ne se reproduira plus. En tout cas, pas comme ça.

Pour ce qui est des textes, je pense que je vais finir sur une note positive pour rattraper un peu le constat amer plus haut. Les textes sont moins métaphoriques que le reste, beaucoup plus crus, avec des références peu littéraires mais des phrases très nettes, sans fioriture aucune. J’ai mis de côté mes goûts personnels pour des textes travaillés sur le plan littéraire parce que j’aurais été déçu : ils conviennent très bien à ce style de démarche musicale donc sur cela il n’y a rien à redire. La chose la moins évidente pour ce genre de textes étant de trouver une sorte de rythmique très lente, très « fluide », et en cela je m’incline bravement devant le talent du parolier pour avoir réussi à faire ainsi. Très bon boulot là aussi.

Allez c’est le moment de finir cette chronique assez laconique (non, je déconne !), bucolique possiblement, par contre, tant j’ai porté sur un rang pastoral ce premier album de Rotting Kingdom. Pour un premier, c’est vraiment du très bon, pratiquement rien n’est à mettre de côté en guise de malsanité, hormis un ou deux petits détails mais qui sont le fruit d’un manque de technicité, donc d’expérience. Simplement, « A deeper Shade of Sorrow » a toutes les caractéristiques pour porter l’étendard du Death américain, avec quelques accents doom, fièrement au vent de la progression ! Je pense qu’il va falloir suivre de très près cette jeune formation qui est pleine de promesses et qui démontre toute son ambition avec un premier opus digne de certains groupes plus huppés. Je vous recommande donc très vivement ce CD si vous êtes amateurs ou amatrices du genre. Un CD à ne surtout pas louper en ces temps obscurs ! Sachant qu’en plus cet album est sorti un vendredi 13, on n’est pas loin de certains mauvais augures en plus de cela.

Tracklist :

1. Sculpted into Life by the Hand of Death
2. Barren Harvest
3. Decrepit Elegance
4. Absolute Ruin
5. The Antechambers of Eternity
6. A deeper Shade of Sorrow

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