Metallica – 72 Seasons

Le 8 mai 2023 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • James Hetfield : Guitares, Chant
  • Lars Ulrich : Batterie
  • Kirk Hammett : Guitares
  • Robert Trujillo : Basse

Style:

Hard Rock / Thrash Metal

Date de sortie:

14 avril 2023

Label:

Blackened Records

Note du chroniqueur (Mitch) : 6/10

Chroniquer un nouveau Metallica tel quel, sans le remettre en perspective dans les quarante ans d’existence discographique du groupe, c’est compliqué. On n’est pas sur un questionnement du type « que vaut cet album d’un groupe lambda ? », mais plutôt « comment se positionne-t-il dans la longue hiérarchie des albums du groupe ? ». De même, le relier à son histoire personnelle avec les Mets est un passage obligé pour justifier sa grille de lecture, qui ne peut être 100% objective et dépassionnée !

Vous serez donc ravi(e)s d’apprendre (ou pas !), que Metallica a été ma porte d’entrée dans le Metal en 1988, avec « Master Of Puppets ». Un choc, une révélation, ce son froid, ces morceaux à tiroir, ce mélange de violence extrême (pour l’époque) et de mélodies à pleurer, cette technique implacable au service d’ambiances sans concessions. Puis j’ai remonté l’histoire du groupe, avec « Kill’em All », plus sauvage et juvénile, que j’ai essayé d’apprendre à jouer à la basse en me cassant les dents sur la plupart des parties de Cliff Burton. « Ride the Lightning », bond en avant stylistique et pont avec « Master ». Puis tous les suivants, achetés au moment de leur sortie. « …And Justice For All », sommet de Thrash progressif. Le « Black Album », plaisir de voir que mon groupe préféré explosait au grand public – même s’il abandonnait les titres fleuves que j’aimais tant – le meilleur des deux mondes, entre la puissance du Metal et la qualité de production du rock mainstream ; et, déjà, les premiers bémols, avec plusieurs titres plus faibles (« Holier Than Thou », « Don’t Tread On Me », « Of Wolf And Man », « The Struggle Within ») cachés au milieu des classiques.
Après une tournée interminable et une accession au statut de rock stars mondiales, les Four Horsemen ont eu le courage de se réinventer et de proposer des « Load » et « Reload » rock et à contre-courant. Si je concède que ces deux albums longs et inégaux auraient pu en faire un seul très bon, j’ai quand même suivi les Californiens dans leurs délires, respecté leurs prises de risques artistiques, et grandement apprécié les « 2×4 », « Devil’s Dance », « Until it Sleeps », « Bleeding Me », ou encore les deux pavés « Fixxxer » et « The Outlaw Torn ».

Après… Il y a eu des années plus compliquées ! Un titre indigne, pour faire patienter et illustrer un « Mission Impossible » au cinéma, « I Disappear ». Un « S & M » symphonique, intéressant, mais ne valant pas un nouvel album. Un « Garage Days Re-Re-Re-Re-Re-Visited » plein de reprises d’un intérêt contrasté. Un long schisme, la descente aux enfers de James Hetfield, le départ de Jason Newsted, caution metal du groupe… Et le désastre « St Anger », en 2003, suivi d’une vidéo confession poignante et gênante ; ils avaient besoin de passer par cet album, pour se purger et se relancer, mais je n’ai jamais réussi à l’écouter d’une traite…
En 2008, « Death Magnetic », rassurant sur la capacité de Metallica à composer encore du metal à l’ancienne, mais avec des longueurs, et pas mal de redites par rapport à leurs premiers albums.
2011, « Lulu », album collaboration avec Lou Reed… No comment, je deviendrais grossier !
2016, « Hardwired… to Self-Destruct », double album accompagné, le jour de sa sortie, par douze clips différents pour autant de morceaux, merci messieurs. Mais, encore et toujours, avec pas mal de « non indispensable » au milieu de morceaux plus marquants : « Spit Out The Bone », intense, « Murder One », bel hommage à Lemmy, « Here Comes Revenge »…

Vous voyez donc que je suis un auditeur lucide sur Metallica, ni le « hater » destructeur systématique, ni le fan aveuglé. Les Four Horsemen sont comme les super-héros de mon adolescence, comme des membres de la famille, ils ont accompagné ma vie et mon développement musical pendant des années fondatrices. J’ai donc un immense respect pour leur carrière et pour ce qu’ils ont apporté à notre style de prédilection. Et ils sont toujours présents et actifs à plus de soixante ans. Mais, créativement parlant, malgré ma tendresse pour eux, ils ont été dépassés dans mon Panthéon depuis pas mal de temps (Opeth, si tu nous lis !).

Ce qui a « sauvé » notre relation, c’est certainement le live. A titre personnel, trois Halle Tony Garnier à Lyon, deux Bercy, un Parc des Princes, une Arène de Nîmes, de multiples DVD… Metallica en concert, ce sont des setlists toujours variées, une grosse production, c’est de l’énergie, du partage, des tubes, des gars qui mouillent le maillot et un public à fond en retour. C’est avant tout James Hetfield, maître riffeur au charisme statutaire, rayonnant et rassembleur, tout l‘opposé sur scène d’un Dave Mustaine (Megadeth), statique et plus dans la souffrance.
Mais c’est aussi Lars Ulrich, qui a arrêté la batterie depuis plus de vingt ans, mais continue de faire des tournées mondiales. C’est aussi Kirk Hammett, feignasse notoire, qui se repose sur ses acquis depuis trente ans, qui noie de pédale wah-wah ses solos pour en masquer le manque de variété, qui n’est pas l’assurance tous risques pour la fiabilité de ses prestations.

Et ce « 72 Seasons », livraison 2023 des Californiens, me direz-vous (car on frôle la chronique à l’introduction la plus longue de l’histoire de Soil !) ? Eh bien, à mon sens, cet album est une parfaite synthèse des qualités et défauts montrés par Metallica depuis une vingtaine d’années.

Au rayon des satisfactions, James Hetfield qui, comme à son habitude, tient la baraque. Il riffe dru, il se met à nu à travers des paroles personnelles, introspectives, qu’il interprète d’une voix toujours assurée, alternant entre émotion et mélodies très « catchy », presque « pop » dans l’esprit (les « misery… » sur « Inamorata » ; le refrain de «Lux Æterna », ces deux simples mots répétés à l’envi sur une tonalité plutôt aigüe, rien ne l’obligeait à se mettre ainsi en danger). Ce concept des 72 premières saisons d’une vie (soit 18 ans), bagage et déterminisme avec lequel, ou contre lequel, on devra voyager, lui ouvre la voie pour chanter ses nombreuses névroses, en particulier sa difficulté à faire cohabiter son personnage public de « Mighty Hetfield » (James tout-puissant), et l’homme imparfait qu’il est en privé. La pochette, dont je ne trouve pas la couleur ni la conception bien élégantes, illustre toutefois bien cette enfance calcinée (un ami graphiste m’a dit qu’elle lui évoquait plus une publicité pour l’album, que la pochette de l’album ! :lol: ).

La « présence » de Robert Trujillo est également à noter, il co-signe trois titres, et parvient à se distinguer plus que d’habitude dans le mix. Il a droit à ses moments « tout seul » (au milieu d’ « Inamorata », l’intro de « Sleepwalk My Mife Away »), et s’y montre solide, à défaut d’être brillant et unique comme un Cliff Burton pouvait l’être. Mais pour une indépendance prise ponctuellement avec de beaux « glissés » à la fin de « You Must Burn ! », la basse reste toutefois cantonnée à un rôle de soutien surtout pas trop aventureux.

Le tournant un peu stoner, avec des tempos lourds et modérés, et des riffs lancinants, déjà entrevu par moments sur le précédent album « Hardwired… to Self-Destruct » (et dès « Load-Reload »), me semble être le bon chemin à emprunter, pour Metallica, à l’avenir. Des titres tels que « You Must Burn ! » et « Inamorata » montrent une belle personnalité, des mélodies harmonisées aux guitares envoûtantes, et permettront à des messieurs de soixante-cinq ans et plus (l’âge qu’ils auront s’ils sortent encore au moins un album après celui-ci !) de continuer à riffer dignement.

D’un autre côté, au regard du niveau d’exigence que le public est en droit de montrer au « plus grand groupe de metal du monde », plusieurs gros reproches peuvent être formulés à ce « 72 Seasons ».

De nombreux morceaux et parties sont définitivement trop longs. Pas trop longs dans l’absolu, mais trop longs par rapport à ce qu’il se passe dedans ! J’écoute du prog, du metal prog, du doom, du post, je suis donc habitué à des titres de dix, quinze, vingt minutes et plus. Ce ne sont donc pas les onze minutes de « Inamorata » qui m’effraient ; juste la comparaison avec ce que Metallica avait été capable de raconter en 8:27 sur « Orion », en 8:56 sur « The Call Of Ktulu », par exemple ! Cela est particulièrement flagrant sur les intros de plusieurs chansons, comme « 72 Seasons » ou « Sleepwalk My Life Away », des idées pas inintéressantes, mais étirées à l’excès, comme une jam en répétition que l’on n’aurait pas pris de temps d’éditer.

Par ailleurs, la grande force de Metallica a longtemps été l’interaction Hetfield / Ulrich. James, pourvoyeur de riffs / Lars, visionnaire, et très fort pour agencer les différentes parties et en faire un morceau percutant. Ce défaut est apparu sur « St Anger » et suit le groupe depuis. Les idées sont bonnes, mais il manque un producteur à même de secouer les troupes, de trancher dans le vif, et de ne garder que la substantifique moelle des compos. Les premières mesures de « Screaming Suicide » sont indignes de figurer sur un album publié en 2023, avec ce riff balourd, ce charley (cymbale) ouvert horripilant, et les éternels « tacatacatacata » de Lars sur sa pauvre caisse claire.

Ce Lars qui m’a « perdu » au dernier Hellfest, avec son compère Kirk « quitte ou double » Hammett… J’ai bloqué, dès le début du show, sur le non-sens de ses parties de batterie, à contre-courant des morceaux ; sans même parler de technique, juste la non-compréhension de ce que nécessitent des morceaux de metal (donc, par définition, « écrits », voire « rigides ») à un moment donné. Quand Mr Hetfield riffe tout droit sur « Damage, Inc. », tu ne mets pas des breaks à contretemps, tu ne t’excites pas bêtement sur ta caisse claire ! Après quatre jours à entendre des groupes en parfaite osmose, cohérents, parfaits dans leur expression collective, même les formations dites de seconde zone, Metallica m’a fait redescendre de plusieurs étages, avec ce sentiment constant de dérapage possible à tout moment, à la batterie comme dans les solos… Alors que leur statut, leur expérience des grandes scènes, leur production, leurs tubes, leur puissance de feu, auraient dû les voir enterrer toute la concurrence, les voir dépasser de la tête et des épaules tout ce qui avait précédé…
Ce sentiment se retrouve, à mon sens, souvent, sur ce « 72 Seasons ». Des moments d’excellence côtoient des plans d’une grande naïveté, des riffs efficaces disparaissent sous les excès de Lars, pour un résultat, par moments, indigne d’une formation de ce statut. Une partie des solos ont l’air balancés « comme ça », en mode « rien à f… ».
Et une fois qu’on a deux musiciens sur quatre dans le nez, il est difficile de lâcher prise et de se laisser partir dans la musique… Je le répète, mais ce charley inélégant, envahissant et linéaire au possible, sur le délicat solo de basse au milieu d’ « Inamorata », c’est impardonnable, quand on imagine ce qui pourrait être joué sur ce genre de partie par tant d’autres batteurs actuels !

C’est pourquoi mon humeur aura été oscillante, tout au long de ce moment passionné, passé à vous entretenir sur ce groupe qui a beaucoup compté pour moi. Les attentes sont à la hauteur du statut, et comme disait l’Oncle Ben dans Spiderman, « de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités » !

Je cède la parole à mon collègue Jaymz (le bien nommé !), qui va vous donner sa propre analyse de ce « 72 Seasons » !

Note du SoilChroniqueur (Jaymz) : 7/10

Pas simple de chroniquer sur LE groupe… comme beaucoup, c’est avec Metallica que je suis entré dans l’univers fabuleux du Metal, voici une petite trentaine d’années, lorsque mon meilleur pote a débarqué chez moi, avec un CD bleu affichant une chaise électrique et des éclairs, et en déclarant haut et fort : « il faut absolument que tu écoutes cela, c’est énorme ! ». Effectivement, je n’ai jamais plus lâché depuis, tout en essayant de rester objectif sur l’œuvre du groupe. Pourquoi ? James Hetfield, Jaymz, Papa Het, appelez-le comme vous le voulez, « ce mec représente le Metal », selon une récente interview de Yann Heurtaux, guitariste et fondateur de Mass Hysteria.

Voilà pour l’intro de la chronique d’un fan qui a su rester lucide, du moins je l’espère.
Evidemment qu’on l’attendait, cet album, grâce son teasing efficace, démarré voici six mois, avec l’excellent premier single « Lux Aeterna », hommage appuyé aux racines du groupe, la NWOBHM, avec un clin d’œil au légendaire « Lightning to the Nations » de Diamond Head.

Si ce premier single était prometteur, sans être révolutionnaire, il sera le seul titre de l’album en dessous de quatre minutes, l’un des quatre en dessous de six minutes ! Eh oui, ces 72 saisons vont s’étendre sur douze titres et soixante-dix-sept minutes, les Four Horsemen aimant décidément les longueurs et le remplissage, défaut récurrent depuis… « Load » et « Reload » ? S’ils n’avaient fait qu’un album de ces deux-là, il aurait été top, tout comme « Hardwired… to Self-Destruct » qui n’aurait mérité qu’un CD, le premier, sans « Dream no More », mais avec « Confusion » et « Spit Out The Bone ».

Passé ce premier constat, au rang des principaux défauts, on regrettera le manque criant d’originalité des soli de Kirk (à quelques exceptions près), et la mise en avant quasi-systématique de la batterie de l’ami Lars, comme sur « Death Magnetic ». Voilà c’est dit, maintenant passons au positif, car il y en a beaucoup !

Jaymz, encore et toujours, le boss au sommet de son art, distille des riffs simples, heavy et efficaces (« 72 Seasons», « Shadows Follow », « Chasing Light », ou encore « TooFar Gone ? »), et sa voix semble au top également, espérons qu’elle y restera pour le Stade de France dans quelques semaines ! Ses textes n’ont jamais été aussi introspectifs et sombres, affichant au monde entier la face cachée du charismatique personnage scénique. « Shadows Follow », « Inamorata » et ses « misery, she needs me », « If Darkness had a Son », etc.

Plus surprenante est la présence de la basse de Trujillo sur les rythmiques de « Room of Mirrors » , « Shadows Follow » ou encore sur « Screaming Suicide » , amenant de la lourdeur sur les riffs de Jaymz et donnant ce ton heavy à l’album. Avec deux points d’orgue selon moi, l’excellente intro de « Sleepwalk My Life Away », titre très Load-esque ; et surtout cet improbable pont basse/cymbales dans « Inamorata », qui, pour moi, est le départ d’un temps fort de l’album. Déboulant après enfin un bon solo de Kirk pour enchaîner sur trois minutes d’un pont qui semble mixer « My Friend of Misery » et « Orion », ce qui prouve que Metallica a encore des choses à dire, même si ce n’est plus le thrash d’il y a quarante ans.

Et c’est peut-être là qu’il faut chercher la vérité, s’il y en a une. « 72 Seasons » est un album long et complexe, qui peut paraître indigeste à la première écoute, mais qui comporte son lot de pépites, comme « Shadows Follow », « Too Far Gone ? », « 72 Seasons », et bien sur « Inamorata », sur lesquelles le groupe exprime ce qui lui fait envie après plus de quarante ans de carrière et un statut de monstre sacré du Metal, pas toujours facile à porter. Certes, on aurait gagné en efficacité en retirant les lourdingues « You Must Burn » et « Crown of Barbed Wire », et en raccourcissant les titres fleuves de quelques minutes, mais ne boudons pas notre plaisir, à l’aube de leurs soixante ans, les Four Horsemen sont toujours là, et vont profiter de cet album pour mettre tout le monde d’accord sur une tournée des stades qui s’annoncent déjà dantesque.

Titres Phares: « Shadows Follow », « Too Far Gone ? », « Lux Aeterna », et « Inamorata ».

Tracklist :

1. 72 Seasons (James Hetfield, Lars Ulrich, Kirk Hammett) 7:39
2. Shadows Follow (James Hetfield, Lars Ulrich) 6:12
3. Screaming Suicide (James Hetfield, Lars Ulrich, Robert Trujillo) 5:30
4. Sleepwalk My Life Away (James Hetfield, Lars Ulrich, Robert Trujillo) 6:56
5. You Must Burn ! (James Hetfield, Lars Ulrich, Robert Trujillo) 7:03
6. Lux Æterna (James Hetfield, Lars Ulrich) 3:22
7. Crown of Barbed Wire (James Hetfield, Lars Ulrich, Kirk Hammett) 5:49
8. Chasing Light (James Hetfield, Lars Ulrich, Kirk Hammett) 6:45
9. If Darkness Had a Son (James Hetfield, Lars Ulrich, Kirk Hammett) 6:36
10. Too Far Gone? (James Hetfield, Lars Ulrich) 4:34
11. Room of Mirrors (James Hetfield, Lars Ulrich) 5:34
12. Inamorata (James Hetfield, Lars Ulrich 11:10)

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