Intaglio – II

Le 12 novembre 2021 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Evgeny Semenov : guitares, basse, synthétiseur analogique
  • Nadia Avenosova : violoncelle
  • Evander Sinque : chant
  • Roman 'V' : batterie
  • Alexey Batrakov : contrebasse

Style:

Funeral Doom Metal

Date de sortie:

12 novembre 2021

Label:

Solitude Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10

« La vie c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. » Robert Zemeckis

Qui a dit que le metal ne pouvait pas produire de musique calme et envoutante? Outre les nombreux morceaux ballade qui pullulent chez les groupes mainstream, en plus des projets parallèles de certains musiciens du milieu, il y a des groupes fascinants qui gardent l’essence extrême mais propose une musique douce et posée. Vous ne le croyez pas? Il vous suffira d’écouter les liens proposés ci-dessous. Je serais curieux de comprendre par quel processus l’on arrive à produire une musique apaisée avec des relents extrêmes, comme un son saturé ou une batterie martiale. Après, ce genre de surprise, on ne l’a que lorsque l’on découvre un groupe, il faut un effet inattendu très important, parce que je ne suis pas convaincu qu’avec le bouche à oreille, tout amateur de metal extrême soit intéressé par la démarche artistique. Mais après tout, on ne sait jamais! Quoiqu’il advienne, je suis toujours empreint de découvertes et j’aime faire des chroniques pour cet incroyable effet de surprise que l’on ressent, comme quand on ouvre un paquet de Noël sans savoir ce qu’il y a dedans. On a d’abord l’effet de surprise en question, et le ressenti qui en découle dépend de ce que l’on trouve. En quelque sorte, chroniquer un album c’est Noël, donc tous les jours! Non je plaisante. Je vous sors cette nouvelle diatribe insipide parce que je suis tombé par hasard sur Intaglio que je ne connaissais pas du tout, et l’album « II » était proposé en chronique. Typiquement la surprise que je décrivais plus haut dès la première écoute, à nous de voir ensemble vers quoi cela va nous mener. Go!

Présenter Intaglio s’avère ne pas être une mince affaire. Groupe russe, venant de la ville d’Oryol qui est entre l’Ukraine et Moscou, le groupe a connu, du moins il semblerait, deux vies. La première très courte, entre 2004 et 2005 et proposant un premier album nommé « Инталия« , la deuxième ayant pris vie que très récemment, en 2019 avec la sortie de deux singles (présents sur l’album ci-contre) et le fameux « II » qui nous intéresse ce jour. Le line up est assez confus, du fait de ce long silence de quinze ans que le groupe assume d’ailleurs via son label Solitude Productions, car on ne sait pas si le guitariste / bassiste studio est toujours le même qu’en 2004 ou non. Je vais dire un truc idiot mais il faut bien qu’il y ait un musicien pour assurer ces parties instrumentales donc j’imagine que le dénommé Evgeny Semenov est bien celui-ci même s’il n’est mentionné que pour la période 2004-2005. Quoiqu’il en soit, II sonne comme un grand retour pour le groupe, et sous la houlette d’un label aussi bon que Solitude Productions, on peut déjà supposer que ce dernier est très prometteur et que nos camarades russes sont prêts à refaire surface de la meilleure manière qui soit. Mais une question demeure : vont-ils garder leur base initiale extrême ou comme je lis la présence d’une violoncelliste et d’une contrebasse, vont-ils innover? Réponse plus bas les ami(e)s.

Vous savez, à force de faire des chroniques, on finit par identifier des acteurs majeurs du milieu, et les créateurs d’artworks en font partie. Aussi, ai-je reconnu la patte subtile et incroyablement talentueuse de Mariusz Lewandowski derrière celui d’Intaglio. Voyez par vous-même, le talent du gars dans son appréciation des couleurs et ce jeu de contraste incroyable entre luminosité et sombritude. Ici, le titre de l’album relativement flou, ne nous permettait pas de savoir quel concept le groupe allait aborder. Mais l’artwork, fort de ce coup de pinceau fou, le montre avec luxe de détails. Un univers cosmique, avec ce ciel étoilé et onirique, le genre de ciel nocturne que l’on rêve de voir sans être amateur chevronné d’astronomie. Mais il y a toujours une incongruité dans les toiles de Mariusz Lewandowski, et celle-ci est une sorte d’épave de bateaux qui semblent accueillir dans une porte interdimensionnelle des créatures un peu macabres. Voilà exactement la patte artistique du créateur polonais et je suis un grand fanatique de son boulot. Forcément la pochette ne pouvait que me plaire! Maintenant, pour comprendre le sens caché qu’il y a derrière, il convient d’écouter la musique. Sinon, cela reste un peu vague.

J’ai mis longtemps avant d’être convaincu de mon analyse sur : quel genre de doom metal il s’agit? Parce qu’indéniablement, il s’agit de doom metal sur la base principale, la lenteur rythmique existe, les accords lourds aussi, la batterie qui sert de marqueur rythmique plus que de réelles innovations itou. Mais voilà, le label me le présente comme du doom death metal alors que je suis intimement persuadé, après la première écoute, qu’il s’agit plutôt d’un funeral doom metal. La raison est simple : l’extrême lenteur qui incombe ordinairement au funeral doom metal, le doom death ayant la particularité de présenter dans un seul morceau des parties lentes et lourdes mais aussi des moments accélérés et une voix en growl medium. Ici, point de partie accélérée et le growl est très profond, un grunt grave que je retrouve essentiellement dans des registres plus funèbres. Après, là où j’ai longuement hésité se situe dans l’intention. Le groupe Intaglio ne me paraît pas vouloir faire dans le méga funèbre, mais avec les ajouts d’instrumentations orchestraux qui ne sont d’ailleurs pas forcément dans cette intention également, j’ai hésité. Les compositions, toutes aussi belles et hypnotisantes les unes que les autres, sont plus dans une atmosphère onirique et planante que triste et pathétique. Dans le style, cela me fait penser un peu à Ixion, groupe français. Bon! Quoiqu’il en soit, la musique de II n’est pas celle que l’on recherche habituellement quand on entend metal extrême, et vous savez quoi? C’est tant mieux! J’ai été partagé au début dans l’idée de cette musique qui cherche à s’adresser, via le label et sa base funeral doom metal incontestable, à un public amateur d’extrême, puisse plaire aux auditeurs dans le sens où cette dernière officie plus dans un objectif atmosphérique, planant et limite apaisant. Mais sincèrement, l’album est magnifique. Il vaut largement le détour, et permettrait à certains de forcer le destin et de sortir de leur zone de confort. En tout cas, je n’étais pas parti pour vivre une aussi belle expérience musicale. D’où ma définition plus haut de la surprise dans la primo intention!

La faute à une production très bonne. Voire excellente! On pourrait se dire que balancer des accords est un jeu d’enfant à sonoriser alors qu’il n’en est rien. Il faut trouver le bon équilibre pour donner un peu de rondeur à ce procédé via de la réverbération par exemple, mais pas trop non plus. Et le boulot qui a été accompli en studio dans ce sens est déjà très bon. Alors, imaginez le fait de rajouter, en enregistrement « live », des instruments avec des sons portés longuement en cordes frottés comme le violoncelle et la contrebasse, et vous comprendrez un peu plus pourquoi je suis extatique devant le boulot fait sonoriquement. La particularité de « II« , que j’ai omis de mentionner plus haut, est l’utilisation d’un synthétiseur analogique de marque Korg MS-20, l’un des meilleurs en la matière et le résultat est audible clairement comme de l’eau de roche. Les nappes en fond et les différentes banques sons donnent une coloration céleste, voire transcendantale à cet album d’Intaglio. Franchement, les quinze années n’ont pas été perdues, le résultat sur le plan sonore et dans l’utilisation qui est faite de chaque possibilité des instruments de l’album « II » est rare et de fait, exceptionnel. Du très très lourd!

Après d’autres écoutes, dont une durant une séance de sport mémorable avec mon patron Chris Metalfreak, j’ai été surtout épaté par l’idée d’utiliser une base séculaire funeral doom metal pour donner une ambiance follement aérienne. En soi, la lenteur rythmique et la lourdeur idoine permettrait d’apporter de la légèreté, ce qui est paradoxal, à une musique orchestrale comme celle de « II« . C’est une utilisation non seulement très intelligente mais en plus qui permet à ce genre de metal fort peu connu d’avoir peau neuve, dans un registre totalement aux antipodes de ce pour lequel il existe. Je crois que, rien que pour cet argumentaire, il faut écouter Intaglio. Parce que ce deuxième album sonne comme un acquisition d’expérience suffisamment solide pour perpétuer une musique qui obtient déjà une identité authentique. Présenter un funeral doom metal avec des instruments orchestraux et quelques arrangements studio, c’est déjà une belle prouesse, alors quand en plus les compositions (qui sont d’une longueur raisonnable pour le style en plus) sont très bien composées, avec une impression de fluidité et de logique comme si c’était un livre qui était mis en mélopée, je vous garantis que cela vaut largement le coup. J’ai adoré l’album, malgré mon scepticisme de départ sur le côté plan-plan qui dégage des premières notes, mais « II » est un pur album. Très innovateur, et cela, c’est génial!

J’enchaine par la suite avec ce paragraphe qui me tient toujours autant à cœur, celui qui concerne les parties chant. Dans le cas de « II« , Intaglio propose un large panel de chants différents, allant du chant clair sur des tessitures très élargies, au grunt grave profond et envoutant. Du reste, tous les chants sont assurés par la même personne, donc en soi c’est une belle découverte. Sur les techniques, il n’y a rien à redire de mauvais, on est sur des chants clairs normaux, sans envolée particulière ni d’outrecuidance. Et je dois dire que cela colle bien avec cette démarche minimaliste que l’on retrouve dans le processus funeral doom metal, le tout accompagnant bien vocalement parlant les parties mélodiques avec les autres instruments. Le grunt grave quant à lui me conforte dans l’idée d’un vrai funeral doom metal, plus qu’un doom death metal, puisque ce procédé guttural intervient surtout, à cette profondeur ventrale je précise, dans le premier nommé. Voilà donc des parties chant fortes et planantes aussi, jonglant habilement selon les besoins des pistes, et je dois m’incliner une nouvelle fois devant le talent qui émane d’Intaglio.

Les textes sont très courts et vont souvent droit au but, ce qui dénote un peu avec toute l’idée métaphorique qui transpire de la musique de « II« . Mais en même temps, le but dans ce style de metal est de poser des chants lancinants et tortueux, donc en soi rien de choquant. J’aurais naturellement aimé des textes plus travaillés, mais comme je viens de le dire, le processus est inhérent au genre donc je chipote sans chipoter réellement. A vrai dire, le défaut d’articulation qui lui aussi est inhérent à ce chant profond et grave empêche toute compréhension des textes. Voilà, c’était court mais bien, comme les textes quoi.

Je vais finir par croire que je fais exprès de tout trouver beau en ce moment, mais cette chronique se conclut là encore sur une excellente impression. Intaglio est un groupe franchement intéressant, qui développe une approche musicale nouvelle, sinon originale, ancrée dans un funeral doom metal largement détourné de son but initial de mettre le seum, en rajoutant des parties instrumentales orchestrales oniriques et légères. Une approche musicale que ce « II » amène avec une sorte de confiance qui frise l’insolence! L’audace était belle, les quinze années de silence d’Intaglio auront au moins permis à ce Godzilla musical de revenir des profondeurs pour mieux nous charmer. Cet album est exceptionnel, renouvelle le genre funeral doom metal et je crois qu’Intaglio est bien parti pour intégrer ma collection de CDs à donner Alzheimer à mon banquier (s’il n’a pas déjà démissionné…). Un bijou qui sort en CD ce jour, vraiment. Bravo!

Tracklist :

1. The Night Sky 05:24
2. Melting Like Ice… 03:44
3. Always Return 03:54
4. Subject to Time 08:01
5. The Memory of Death 07:55
6. Depths of Space 05:50
7. Everything in Its Place 07:14

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