Ildaruni – Beyond Unseen Gateways

Le 13 mars 2021 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Robert Meliksetyan : guitare, claviers, paroles
  • Mark Erskine : guitare, claviers
  • Artak Karapetyan : chant
  • Garbis Vizoian : basse, paroles
  • Arthur Poghosyan : batterie, percussions

Style:

Black Metal Paganique

Date de sortie:

13 mars 2021

Label:

Black Lion Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

« Je lui fais « Pouet-Pouet »!
Elle me fait « Pouet-Pouet »!
On se fait « Pouet-Pouet »
Et puis ça y est.
Je souris « Pouet-Pouet »!
Elle sourit « Pouet-Pouet »!
On sourit « Pouet-Pouet »!
On s’est compris.
Alors le monsieur qui l’ voit
Fait un’ sal’ trompette
Y en a même quelquefois
Plus d’un qui rouspète
Je lui fais « Pouet-Pouet »!
Ell’ me fait « Pouet-Pouet »! » George Milton

Et non! Ce n’est pas Bourvil qui a fait cette chanson au départ, Bourvil a été celui qui l’a popularisée un peu davantage. Bon, je vais arrêter de croire que je suis le seul à savoir des choses. Simplement, cette chronique est l’occasion de comprendre l’appellation « pouet-pouet » du metal folklorique. J’ai, de fait, jamais véritablement compris pourquoi l’on donnait ce sobriquet péjoratif à un genre de metal plutôt intéressant et vastement varié. Est-ce parce que certains groupes du genre font la part belle à un côté festif qui seraient contraire à la doxa ambiante? Ou est-ce parce que donner une importance aux instruments folkloriques dénature le metal et permet de moquer le genre? Je m’interroge sincèrement, d’autant que ma vénérée consœur Cassie di Carmilla, Grande Servante de la Déesse de la Fête, des Pavés Mouillés et des Bars à Absinthe, nommée Amora, est une spécialiste de ce genre de metal et en joue avec tant d’humour que c’en est cosmique. Moi, ce que je vois, ce sont des musiciens qui veulent perpétuer des traditions et mettre en avant des croyances et coutumes, quitte à ce que ces dernières soient festives et joyeuses. Et je trouve cela génial! Bon, après, des groupes comme Korpiklaani qui surjouent carrément ce côté festif, j’adhère moins. Mais par exemple, un groupe comme Ildaruni, et son premier album nommé Beyond Unseen Gateways, permet non seulement de découvrir un pays que certains comme moi ne connaissent que très peu, mais en plus d’en apprécier les us et coutumes! Alors, on voyage?

Ildaruni est un groupe qui vient d’un pays dont, à ma connaissance, peu de groupes sont répertoriés : l’Arménie. Du moins, peu de groupes connus. Ne me citez pas System of a Down puisque le groupe est américain, de musiciens d’origines arméniennes! C’est différent. Quoiqu’il en soit, Ildaruni a vu le jour assez récemment, en 2016, dans leur capitale Erevan. C’est un pays qui personnellement, me parle un peu car je viens de Valence, et la préfecture de la Drôme est historiquement parlant, une alliée importante de l’Arménie et une grande communauté y vit toujours, depuis plusieurs générations. Parenthèse refermée. Cette jeune formation composée de cinq musiciens, sort donc son premier album cette année. Cinq années de création avec au milieu, en 2018, une démo appelée Towards Subterranean Realms, c’est un délai que l’on pourrait trouver long mais qui reflète sûrement d’autres possibilités ou des conditions de composition différentes. En tout cas, je pars du principe que cinq ans valent largement un bon album, bien composé, bien produit et bien sous d’autres rapports. Nous verrons les ami(e)s, nous verrons…

Et pour un premier album, nos arméniens frappent lourdement pour l’artwork. On peut même dire que les moyens colossaux ont été mis pour offrir un premier visuel de grande qualité! Le titre de l’album qui signifie en anglais « au-delà des passerelles invisibles » et cet artwork me font penser à ces décors de films ou dessins animés où les protagonistes découvrent un paysage féérique après un voyage en pirogue, ou en poussant un rideau de plantes, etc. Vous voyez l’effet de surprise? Eh bien je trouve que typiquement, Ildaruni s’est inspiré de cet effet-ci, surtout si l’on repère la corrélation avec le titre de l’album! Un paysage donc, d’une grande ville de l’Ancien Temps dont je me demande d’ailleurs s’il ne s’agirait pas de Babylone. Il y a des références directes comme le morceau Arakha qui est le nom de Nabuchodonosor IV, roi éphémère de Babylone, ou la piste Boundless Numen: Gardens of Ardini, dont les termes Zanziuna et Ashmashie sont aussi des références à des contes babyloniens. C’est une hypothèse! En tout cas si c’est Babylone qui est dessinée, elle est représentée sur un dessein bien sombre avec ce ciel noir et chargé, ce gouffre béant qui sépare le point de vue de la cité, ces falaises escarpées, etc. Donc on est plus sur une sorte d’ironie concernant Babylone et bien entendu sur son jumelage avec la chrétienté. Cet artwork est donc très significatif de la musique que l’on va trouver, et pour un premier travail, j’avoue que je suis ébahi. Vraiment, du très bon job! Même si… C’est purement personnel, mais j’aurais adoré une référence réellement arménienne, comme font d’autres groupes comme Metsatöll, Skyforger, Cruachan, etc. Mais cela reste ma toute petite déception personnelle. Rien de méchant.

Pour la musique, ce qui se présente à nous pour ce Beyond Unseen Gateways est un metal plutôt classique dans son ensemble, c’est à dire un black metal moderne avec de fortes accentuations paganiques, voire folkloriques. L’ensemble est très plaisant, et je note quelques apparitions fugaces mais néanmoins sagaces de passages mélodiques, ou même carrément épiques! Parce qu’il y a une dimension très guerrière dans la musique d’Ildaruni, et quand on ferme les yeux on ressent une forte accointance belliqueuse, en particulier avec les chœurs masculins méga puissants et la batterie qui martèle ses futs comme des tambours de guerre. L’arrivée de quelques samples en début et fin des morceaux rajoutent donc ce côté épique et cette touche de noirceur que l’on attendait vu l’artwork. Il y a des claviers sur la musique de Beyond Unseen Gateways qui sont plus pour rajouter des nappes et compléter ainsi les arpèges aux guitares, une utilisation old school mais qui passe super bien. Mais le gros must de cet album, et je l’attendais avec l’impatience d’un gosse devant les portes de Disneyland, ce sont les riffs qui alternent ce fameux côté épico-mélodique et quelques passages orientaux bien ficelés, en appui justement avec les claviers cela donne un côté film péplum tellement dingue que même mon casque en a joui. Une première écoute qui aura déjà amplement rempli sa mission de me convaincre, mais qui aura permis de me rendre compte que même un premier album, si l’on se donne un minimum de moyens et que l’on est bien coaché par un label, peut nous garnir d’extase. Excellente surprise pour moi!

Bien évidemment, la production y est pour beaucoup dans cette écoute harmonieuse et agréable. J’ai remarqué que cette dernière était assurée par un certain George Emmanuel, gérant de studio très prisé dans le milieu black metal, en particulier grec puisque ce dernier l’est, et qui a notamment produit les derniers Rotting Christ, l’un des albums les plus connus de SepticFlesh, et musicien chez Lucifer’s Child. Bon, il a aussi produit le dernier Acherontas que je n’ai pas aimé. Mais ce n’est pas grave! Le constat est que son travail sur le premier album d’Ildaruni est juste une tuerie. La production est bien faite, chaque instrument délicatement posé à sa place comme sur un promontoire de bijouterie, je trouve notamment que les claviers sont suffisamment mis en retrait pour ne pas envahir l’espace sonore, et sans non plus passer inaperçus, ce qui est un gage de très bon boulot. La présence de cette flûte enchanteresse est plaisante puisqu’elle occupe une légère place dans le spectre, là encore suffisante pour ne pas être trop mise en avant. En fait, toute la réussite de la production est de pouvoir jongler entre l’aspect épique de la musique, la noirceur du black metal et les quelques passages plus orientaux, qui doivent donc être plus aériens. Et tout cet assemblage est une quasi perfection! Une production vraiment folle pour un premier album, c’est bluffant!

Mon constat après plusieurs écoutes est que le seul léger point faible de l’album, selon moi, est la longueur des morceaux. Par moment, c’est un peu long quand-même. Heureusement encore qu’Ildaruni varie ses riffs assez souvent, sinon on tomberait vite dans la redondance ultime. Pour le reste, c’est du tout bon sur tous les plans. Je suis impressionné par la fluidité de l’album qui s’écoute, si l’on fait fi de la longueur, comme un seul et même morceau. Beyond Unseen Gateways fonctionne un peu comme un récit, il s’écoute sans fin. Cela faisait très longtemps qu’un groupe de black metal aux accents orientaux ne m’avait pas autant faire prendre mon pied, je trouvais même que certains groupes jouaient un peu trop cette carte pour se démarquer à tout prix. Dans le cas d’Ildaruni je trouve que les arméniens font preuve d’une forme d’humilité et si l’incorporation de riffs orientaux abonde logiquement dans leur culture, je trouve toutefois que leur intention de départ n’est justement pas de mettre en avant cette originalité-là. A l’inverse, Ildaruni se présente comme un groupe de black metal plutôt classique, surfant sur ce qui se fait de mieux et adoptant la recette sempiternellement utilisée depuis des années. Résultat : on se prend une bonne grosse surprise dans la tronche et l’on rentre dedans avec une facilité déconcertante. On devient totalement docile et en adoration! En plus de cela, chaque morceau a son univers propre, en gardant le fil conducteur cité plusieurs fois, cela démontre une véritable intelligence dans la composition. Je suis incroyablement surpris d’avoir un premier album aussi excellent sur tous les plans!

Je suis donc incroyablement surpris par le talent des musiciens. Je ne suis pas sans savoir que la production inclut des retouches en studio qui nous font croire que les musiciens sont carrés et impeccablement en symbiose avec leurs instruments. Soit! Mais il n’en demeure pas moins que si retouches il y a potentiellement, les musiciens restent bons dans les compositions qui sont très sophistiquées, variées et surtout avec ce côté épique qui offre des riffs qui donnent envie de se soulever!
Mais c’est le chant qui m’intéresse le plus, une fois n’est pas coutume. Ce dernier est plutôt peu varié contrairement au reste, avec un high scream puissant et froid. C’est étonnant de constater d’ailleurs que le chant est bien synchrone avec les instrumentaux, puisque ces derniers ont une consonance guerrière et épique, et que le chant reste ce qu’il y a de plus classique. Un choix étonnant donc, mais qui fonctionne encore plus étonnamment à merveille! Après, les rajouts de chœurs masculins, de passages chuchotés un peu ésotériques sur les bords et Anna Hovhannesyan en guest au chant, permet un peu de contrecarrer la base vocale identique sur l’album entier et lui permet indirectement de passer crème. En tout cas, sur la technique vocale et sur son utilisation, je n’ai rien à redire de mauvais. Le chant est juste et rythmiquement parlant, bien placé. Du grand art quoi. Je suis un peu déçu de ne pas avoir eu accès aux textes, cela m’aurait permis de plonger pleinement dedans.

Pour finir ici ma diatribe journalière, je tiens à féliciter Ildaruni pour avoir proposé un premier album aussi pur. Beyond Unseen Gateways est bien plus qu’une simple entrée en matière : c’est une vraie bombe sur le milieu paganique. Tout est exécuté avec la justesse la plus parfaite possible et si l’on devine bien que des moyens colossaux ont été mis pour aboutir à un premier jet aussi fulgurant, il faut tout de même reconnaître que les efforts consentis ont largement payé. J’ai adoré ce premier album, comme je disais, je n’avais pas pris mon pied sur du metal estampillé oriental depuis longtemps et je compte bien suivre le groupe tout jeunot très loin. Beyond Unseen Gateways est donc un futur pilier de ma discothèque. L’Arménie tient officiellement l’un de ses meilleurs représentants dans le metal, en espérant que cela dure.

Tracklist :

1. Haldinini Baushini, Imsheini Tariani 03:38
2. Treading the Path of Cryptic Wisdom 06:23
3. Perpetual Vigil 06:02
4. Boundless Numen: Gardens of Ardini 08:10
5. Towards Subterranean Realms 07:50
6. Exalted Birth 06:05
7. Arakha 06:34
8. Whence Ravenstone Beckons 07:58

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