Et Moriemur – Tamashii no Yama

Le 14 juin 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Zdeněk Nevělík : chant, claviers
  • Michal "Datel" Rak : batterie
  • Aleš Vilingr : guitare
  • Karel "Kabrio" Kovařík : basse
  • Honza Tlačil : guitare
  • Guests :
  • Tomáš Mařík : batterie sur 6
  • Honza Kapák : guitare acoustique
  • Zuzana Králová : violon, choeurs
  • Andrea Michálková : violoncelle
  • Marek Matvija : Shakuhachi
  • Zdeněk Janeček : viole
  • Markéta Budková : harpe

Style:

Blackened Doom Metal Atmosphérique

Date de sortie:

08 avril 2022

Label:

Transcending Obscurity Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.75/10

« Celui qui gravit le mont Fuji une fois est un sage, celui qui le fait deux fois est un fou. » Proverbe japonais

J’allais dire qu’on est parfois sur le même cas de figure quand on écoute un album à faire en chronique. Certaines écoutes s’apparentent en effet à l’ascension du Mont Fuji, voire au Mont Everest. Il faut voir ce qu’on se coltine des fois. J’en rigole, mais je pense qu’accomplir l’ascension d’une montagne aussi sacrée que le Mont Fuji doit en effet constituer l’équivalent d’un miracle, sinon d’un effort surhumain. Quand je vois l’effort que me demande d’aller au boulot en vélo… Bref ! Je suis un peu dubitatif sur le principe de l’ascension puisque l’Ascension 2022 a été un jour funeste, que ce soit au boulot comme dans ma vie, avec pas mal de difficultés essuyées ce jour précis, donc je vais même arrêter de prononcer ce mot. Heureusement que je ne fais pas la chronique du dernier album de Regarde les Hommes Tomber aujourd’hui d’ailleurs. Mais il y a quand-même quelque chose de profondément majestueux et fascinant sur le Japon. J’en parle parce que le groupe précisément chroniqué ce jour en parle, mais je trouve qu’il convient de dire combien ce pays est fascinant. Pour beaucoup d’entre nous en plus ! Ne serait-ce qu’avec ce que les médias et la culture foisonnante du Japon nous amène en France, et on ne refera pas la liste de victuailles, qu’elles soient alimentaires ou culturelles, mais sur la musique il y a bien évidemment aussi tout un folklore. Mais surtout, et cela beaucoup l’oublient, il y a une mythologie au Japon. Loin de moi l’idée d’être présomptueux en affirmant cela. Mais c’est vrai que les gens s’émerveillent devant les… Merveilles du Japon, sans savoir exactement d’où elles proviennent. Notamment en musique ! Mais l’inverse existe, j’ai l’exemple très notable du groupe Enterré Vivant qui s’en imprègne. Et ce soir, pensant naïvement avoir affaire à un groupe japonais, je me retrouve en fait avec ce que je recherchais bien plus aisément : un groupe étranger qui s’inspire de la mythologie japonaise, sinon de sa culture mais dans une forme plus éthérée. Il s’agit donc de vous causer du groupe Et Moriemur et de l’album « Tamashii no Yama« , ce qui signifie « Montagne d’Âme ».

Je vais briser un premier tabou : Et Moriemur n’est ainsi pas un groupe japonais, d’ailleurs le nom du groupe est du latin et veut dire « et nous allons mourir ». On pourrait le croire ! Mais non. Il s’agit surtout d’un groupe tchèque et de la capitale (magnifique) de Prague. Le groupe existe depuis 2008 et je dois avouer que j’en ai pas mal entendu parler, dans des cercles de discussion sur la musique metal en général, mais je n’avais encore jamais franchi le cap de l’écoute, ou si je l’ai fait je ne m’en rappelle plus. Mais je suis fort étonné de voir la discographie de ce groupe qui fonctionne surtout comme une entité musicale très importante : seulement quatre albums et un EP. Cela fait une moyenne d’environ trois ans entre chaque sortie. Je suis en tout cas étonné, non pas par le nombre en lui-même parce que c’est anecdotique, mais par le manque de singles ou d’autres choses du genre pour une promotion. Et pourtant le groupe fait énormément parler, est signé chez un bon label qui est Transcending Obscurity Records (pour lequel je suis content de refaire enfin une chronique !), et le tout sans se prendre la tête avec des singles, des compilations et j’en passe ! Cela m’étonne plus qu’autre chose, je ne sais pas pourquoi. Mais cela me donne fortement envie de me plonger dans cet ouvrage qui est « Tamashii no Yama« , et qui constitue enfin le quatrième du groupe.

N’étant pas totalement féru de culture japonaise, je serais incapable de dire si la gravure qui sert de pochette au CD est une vraie œuvre originale et historique, ou s’il s’agit d’une création dédiée à l’album. Quoi qu’il en soit, on peut dire que c’est très parlant comme image. J’adore la couleur jaune dorée qui fait justement gravure, mais je ne peux pas vraiment m’épancher sur la divinité – car je suis à peu près convaincu qu’il s’agit d’une divinité ou d’une figure légendaire – qui est représentée ici pour le bien de l’album « Tamashii no Yama« , mais elle a l’air comme beaucoup d’autres représentations divines japonaises : belliqueuse et effrayante. J’ai un peu triché, pour une fois, histoire de savoir quoi gratter sur l’artwork et ne sachant pas trop sur quoi je dois m’attarder, j’ai lu des interviews, qui au final ne m’ont rien appris de précis sur la pochette. Hormis que le compositeur du groupe est féru du bouddhisme zen, et que l’album parle d’un concept très précis auquel je ne m’attendais pas du tout, je n’ai rien appris de plus. Je vais donc aller à la musique directement, non sans une pointe de déception de ne pas avoir pu développer plus que cela le paragraphe sur la pochette. Mais bon, ce n’est pas grave, elle est très bien quand-même !

Par contre, quand il s’agit de la musique, alors là… Quelle baffe de l’espace putain ! Vous commencez en douceur avec un morceau au piano, pour arriver sur un deuxième morceau légèrement torturé et l’album entier est un seul morceau musical coupé en plusieurs parties qui se suivent avec une logique et une cohérence imparables, pour un final en panache et absolument magnifique. Pour situer l’horizon musical d’Et Moriemur, on pourrait sans difficulté le situer sur du blackened doom metal. Les racines en arpèges sonnent clairement comme un truc nasillard et torturé, froid et direct, associé à la lenteur oppressante extrême du doom metal, donnant un résultat de malaise palpable. Palpable seulement car le point fort, je dirais même l’immense point fort de ce « Tamashii no Yama« , ce sont les incorporations derrière. Enfin ! Devant serait le terme exact car ces dernières prennent une place prépondérante autant que variée. C’est donc pour le deuxième mot derrière blackened doom metal que j’hésite énormément. Le groupe lui-même parle d’atmosphérique, et il est vrai qu’avec ses claviers magnifiques et ses ambiances très solennelles, divines même, on pourrait en faire la démonstration. Mais pas que, j’irais jusqu’à dire qu’il y a aussi et surtout une belle et grande dimension folklorique dans cet album. Il faut savoir qu’outre les claviers, il y a des invités pour des violons, violoncelles, viole, la Shakuhachi qui est une flûte traditionnelle japonaise, une harpe, du chant féminin, des chœurs, etc. Le tout sent plus le folklorique que l’atmosphérique. Le groupe Et Moriemur est très fort pour brouiller les pistes et les codes que je m’efforce maladivement de repérer. C’est donc un exploit extraordinaire pour moi que d’hésiter sur le terme exact à donner à la musique. « Tamashii no Yama » est en tout cas un album extrêmement complexe, d’une richesse de composition à couper le souffle, avec surtout des imprégnations d’ambiances grandiloquentes, majestueuses, rendant grâce à la légende du Japon et de sa culture exceptionnelle. J’ai ainsi été transporté, soufflé même par la qualité générale de ce quatrième album du groupe tchèque. Il y a de tout ! Vous avez un mélange subtil de noirceur, de dépression et un côté lumineux assez ambigu mais qui fait un bien fou ! Je suis très attaché à l’expression de cette dualité philosophique entre ombre et lumière dans la musique, et je suis fort aise de constater qu’Et Moriemur joue de cette ambigüité avec une facilité déconcertante. Décrire l’album dans son entièreté serait long, mais sachez que les pistes sont courtes sauf comme souvent la toute dernière qui dépasse les treize minutes, s’emboitent merveilleusement bien et que le tout donne envie d’aller explorer le firmament et les légendes du Japon. Une première écoute largement validée et encensée pour moi, quelle claque !

La production est probablement le seul tout petit défaut que je trouve à l’album. Il n’y a rien de maladif du tout, mais par moment on sent que la saturation est un poil trop poussée, donnant quelques grésillements notamment dans mon casque. Mais je pense que c’est plus un acte manqué qu’un réel défaut puisque l’écrasante majorité de l’album « Tamashii no Yama » est bien sonorisée. On pourrait simplement débattre sur la place qu’occupent dans le mixage les instruments traditionnels et les claviers, parce que normalement on devrait avoir un album de metal extrême plus qu’une ode poétique à la gloire du Japon via les musiques plus culturelles. Or, on a l’impression que c’est l’inverse, que le metal, tout blackened doom soit-il, s’est incrusté plus qu’autre chose dans les instrumentations. Dans mon cas ce n’est absolument pas un problème loin de là ! J’adore toutes les musiques traditionnelles et entendre que ces dernières puissent être mises en exergue sur un album comme pour Et Moriemur, cela ne me gêne point du tout. Mais je pense que cela peut surprendre les personnes plus en quête de sensations « fortes », et d’avoir cette musique hautement poétique, avec un son presque doux parfois, ou juste orchestral, cela peut rebuter. Il convient donc de vous mettre en garde vous qui nous lisez : la production est superbe mais mérite qu’on soit prévenu qu’elle fait la part belle aux claviers et instruments traditionnels plus que le metal. En tout cas, que ce soit le metal ou les autres instrumentations, tout est bien sonorisé dans l’ensemble et j’adore ces atmosphères prenantes, qui occupent tout le spectre sonore pour nous offrir des sensations de voyage et de spiritualité même particulièrement envahissantes et envoutantes. Une production quasiment au poil !

Du reste, comme je vous disais, c’est en lisant une interview que j’ai découvert le vrai sens caché de « Tamashii no Yama« . Le compositeur explique alors que cet album est inspiré du crash d’un avion de la Japan Airlines en 195, avion qui s’est écrasé sur le Mont Osutaka et qui aura fait 520 morts sur les 524 passagers. Apparemment il s’agirait de l’accident impliquant un seul appareil le plus meurtrier de l’histoire de l’aviation. D’où la traduction du titre « Montagne d’Âmes ». Et d’où surtout la gravité de la musique mêlée à un côté divin, presque aérien du coup et donc au final bel et bien blackened doom metal atmosphérique. Cela prend tout son sens et je trouve que connaître le concept album donne un supplément d’âme tellement fort que j’en ai été bouleversé. C’est l’immense force de cet album d’Et Moriemur, que de donner l’impression de revivre le crash et de ressentir l’immense souffrance de tout un peuple. Au-delà donc de la magnifique musique de cet album, c’est surtout tout l’hommage qui grouille autour, qui mérite que l’on s’y intéresse. L’ensemble n’en est donc que sublimé et j’adore cet album. Définitivement je l’adore ! Avoir réussi à retranscrire avec une telle poésie, une telle intensité et une lourdeur qui ramène au deuil et à la morosité, c’est exceptionnel. Quelle tuerie que ce « Tamashii no Yama« . Je ne peux pas en dire plus.

Pour parler un peu du chant, je dirais que ce n’est pas techniquement parlant le point le plus primordial pour l’album, mais j’ai surtout beaucoup aimé apprendre que le groupe chantait en partie en japonais, en déclamant des haikus et des textes traditionnels. D’ordinaire je ragerais un peu contre l’appropriation des textes par les groupes, mais je trouve que le procédé de chanter des haikus est intéressant donc en soi, cela passe. Le chant en lui-même varie sur des apparitions en high scream un peu raw sur les bords, avec pas mal d’effets qui par moment dénaturent un peu ce dernier, et puis quelques passages sont en grunt grave très caverneux, limite funeral doom qui sonne du plus bel effet puisqu’il se situe sur des moments où le metal s’apaise un peu. L’idée est originale ! Pour le reste, c’est du chant féminin et des chœurs tous un peu trop légers en utilisation pure pour en parler des heures, mais leur incorporation est importante pour donner une coloration supplémentaire à cette palette musicale déjà bien chargée en émotion.

Pour conclure, je dois admettre que je regrette amèrement de ne pas avoir découvert plus tôt le groupe tchèque Et Moriemur. Avec ce quatrième album nommé « Tamashii no Yama« , l’erreur est réparée et de quelle manière ! La musique est tout simplement époustouflante de talent, de richesse et de tout. Se situant sur un complexe mais trop rare blackened doom metal, les ajouts derrière d’instruments traditionnels et de claviers prépondérants donnent une touche atmosphérique voire folklorique d’un effet exceptionnellement rare. L’album est en tout cas tourné sur un hommage à l’évènement le plus terrible qu’il y ait pu avoir avec ce crash d’un avion sur une montagne et la trace laissée par des centaines d’âmes en peine qui incombent lourdement à ce pays et sa montagne maudite. L’immense pouvoir de cet album est de retranscrire avec une richesse rare et exceptionnelle la souffrance et le drame légendaire de ce crash, et je dois reconnaître que non seulement je me suis pris au jeu mais ce sont mes tripes qui ont payé le prix fort. J’en sors bouleversé, effondré de chagrin et en même temps totalement en pamoison sur ce groupe de génie et cet album magnifique. Une beauté à ne pas manquer, exceptionnelle et rare.

Tracklist :

1. Haneda 05:15
2. Sagami 02:15
3. Oshima 05:33
4. Izu 04:19
5. Nagoya 03:37
6. Otsuki 05:18
7. Takamagahara 13:51

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