Esoctrilihum – Eternity of Shaog

Le 22 mai 2020 posté par Bloodybarbie

Line-up sur cet Album


  • Asthâghul : tous les instruments, chants

Style:

Black Metal occulte

Date de sortie:

22 Mai 2020

Label:

I, Voidhanger Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10

« Ce qui sépare la folie du génie, ne se mesure qu’à l’aune du succès. » (Eliott Carver dans Demain ne meurt jamais)

Vous l’avez entendu un bon nombre de fois, je pense, qu’il faut être un peu marteau pour être aussi créatif dans les milieux artistiques. Les grands créateurs dont la Folie a dépassé le succès ou au moins l’a égalé, nous en connaissons beaucoup : Dali, Poe, Sarah Kane et son incroyable 4.48 Psychose, Maupassant, etc. De fait je me suis toujours demandé jusqu’où pouvait aller la Folie dans l’œuvre artistique. Comme une personne souffrante a besoin de limites et de repères fiables pour se remettre dans la réalité mais que l’œuvre artistique n’a souvent pas de limites, quelle est la part que l’on peut accorder pour qu’un équilibre se forme ? Si l’on avait mis des limites à Dali, aurait-il peint avec autant de génie ? Une question intéressante tant dans le milieu metal, rares sont les artistes qui sont connus pour leur grain de folie plus que leur talent. Je dis bien dans le Metal, parce que si vous explorez les autres genres vous en trouverez plus : GG Allin (encore que la notion de talent est discutable chez lui), Jim Gordon, Peter Green, etc. Et parfois, lorsque l’on s’aventure dans les méandres profonds du Metal, on tombe sur ce qu’on appelle des « perles », qui brillent notamment par leur beauté musicale mais aussi par leur insondabilité. C’est pourquoi, en faisant la chronique du dernier album d’Esoctrilihum, je me suis reposé la question tant la musique de cet artiste est insondable.

Derrière Esoctrilihum, il y a en effet un seul musicien, Asthâghul, dont on sait seulement qu’il est français et qu’Esoctrilihum est son seul groupe connu. Ayant déjà sorti cinq albums depuis sa création en 2017, on ne peut pas dire que notre multi-instrumentiste ait chômé tout ce temps ! Plus étonnant, depuis sa création, les albums ont été produits par un seul et même label, I, Voidhanger Records, dont on devine que le roaster est essentiellement composé de Black Metal occulte et dont on a le sentiment que les albums se ressemblent de manière flagrante, comme s’il y avait derrière ce label une seule et même personne pour faire toute la production. Ne connaissant pas du tout ce label, j’ai l’impression de changer de dimension, en fin de compte, et ce sentiment mystique me donne encore plus envie de me pencher sur l’album Eternity of Shaog.

Et dès la lecture de l’artwork, je suis bien en peine de savoir dans quoi je mets les pieds [où, tu veux, Little John… (Hans Aplastz)]. Alors, de visu comme cela, cet espèce de créature monstrueuse bleue avec ses yeux verts et ce décor au ton feu, avec des étoiles et des comètes, cela me fait penser à une divinité asiatique, un peu comme l’on trouve en Inde, au Bangladesh ou au Pakistan, où les iconographies sont souvent représentées ainsi, cherchant à effrayer notamment les enfants comme dans des contes macabres avant de s’endormir. C’est ma première impression et, malgré toutes mes recherches, notamment en reprenant le titre « Eternity of Shaog » qui sonnait bien dans ses ethnies-ci, je n’ai rien trouvé de semblable ou même d’équivoque. Ce qui me laisse à penser, vu l’absence d’explication dans le pressbook, qu’Asthâghul a crée son propre univers, ce dernier s’inspirant profondément des divinités hindoues mais cela reste une hypothèse… Il y a d’ailleurs une sorte de représentation sur la créature d’une dimension parallèle avec cette figure géométrique complexe. N’ayant que le recto de l’artwork, mon analyse ne peut que s’arrêter ici mais, si l’on reste strictement sur la qualité de l’artwork, il est à la fois effrayant et beau, et semble provenir d’un artiste dont je n’ai pas pu identifier le nom en bas à droite. Si l’on reste dans l’idée d’une musique occulte, je pense que le décor est bien planté, ce qui ne peut que mettre une bonne note à la pochette, donc.

La musique maintenant… Je peux vous l’avouer aujourd’hui et je pense que ce n’est en rien une critique négative que d’être honnête sur ce point : il m’aura fallu plusieurs écoutes sur plusieurs jours pour accoucher d’une analyse que je veux essayer de rendre correctement longue [avec toi, plus c’est long… (Hans Aplastz)]. Parce que la musique est certes basée sur des racines résolument black metal, aucun doute là-dessus, mais l’arbre qui a poussé sur ces racines est bourré de ramifications bizarres, à la fois contraires et à la fois semblables. Réduire le Black Metal composé par Asthâghul à de l’occulte est limite un raccourci tant les possibilités de composition sont nombreuses et utilisées sans retenue. Et cette abondance de riffs différents, d’ambiances différentes, tout cela rend cet album extrêmement bon ! Il y a dans la musique d’Asthâghul une part totale d’insondable qui ne la rend que plus incroyable. C’est pour cela que je parlais de génie et de Folie dans ma citation un peu futile de James Bond mais on est totalement dedans : sans affirmer à cent pour cent que le créateur d’Esoctrilihum est fou, il n’en demeure pas moins que sa tête ressemblerait sûrement à la grange d’une vieille sorcière qui errerait entre mille-et-un flacons de potions, de concoctions magiques, d’animaux séchés suspendus au plafond, le tout éclairé par un simple feu où serait en train de bouillir un chaudron de poison. En gros, un beau bordel mais un bordel tellement bien organisé qu’on en crierait au génie et à la magie ! Je pense que cette métaphore est un bon moyen de décrire la musique chaotique, mystérieuse (mais géniale surtout) d’Esoctrilihum.

Et la part d’occulte qui apparait comme une étiquette probablement foireuse dans des cas autre part prend ici tout son sens sur plusieurs points, à commencer par le mixage de l’album. Je parlais de racines black metal et je pense que c’est vrai mais que cela ne se ressent pas immédiatement lorsque l’on écoute l’album une première fois. La faute à un son un peu trop épais, des guitares qui manquent un peu de stridence et sont trop noyées dans un défaut de mixage entre la batterie et les cordes, batterie qu’à mon sens on entend trop, notamment la caisse claire et les grosses caisses. Les guitares sont dans leur rôle et riffent à outrance avec des incorporations mélodiques qui donnent ce côté occulte qui me plait énormément pour le coup. Mais s’il n’y avait justement pas cet aspect mélodique dans les guitares, on se lasserait très vite de ce son avec un spectre trop large. De fait il m’est impossible de savoir s’il y a une basse dans l’ensemble… Ce défaut de mixage me laisse à penser que l’album a été mixé chez le musicien et a été produit tel quel, sans retouche particulière… et je pense que, pour le prochain, il en faudrait un peu. En revanche, le mastering parvient à amener une forme de puissance magique, comme une énorme boule d’énergie qui envahirait l’espace, et d’arriver comme cela à associer main dans la main la puissance et le mystère, je dis bravo !
Après, en lui-même, mon analyse tend à dire que le son est mauvais. Mais il ne faut pas le voir comme cela : le son apporte cette dose de mysticisme que l’auteur a voulu, je pense, mettre en avant et, d’une certaine manière, le contrat est rempli. Mais lorsque l’on est habitué à vouloir entendre plus distinctement les instruments pour leur conférer un rôle plus important qu’une simple nappe de son pour remplir un spectre précis, on tilte forcément un peu.

La part instrumentale ensuite y est pour beaucoup dans cette recherche d’occulte et c’est là qu’à mon sens la part occulte prend un sens authentique, rarement égalée dans d’autres albums qui sont là pour le spectacle. Si l’on prend en considération la pochette, puis le mixage, et maintenant la part instrumentale, je suis quasiment en capacité d’affirmer que cette part occulte est réellement vécue par l’auteur. D’où l’idée de la part de Folie qui émane de l’album, encore que le terme « folie » est un peu rapide comme constat car l’on peut être occulte et vivre correctement à côté. Mais bref… Je parle d’instrumental pour parler de la composition des morceaux, d’une extrême richesse mais qui évolue aussi vers une part de déstructuration qui me fait penser à une grave dissociation de l’esprit. Parfois, les morceaux sonnent comme un collage de riffs différents, qui n’ont rien à voir entre eux, de variations de tempos, etc. C’est en cela qu’il m’aura fallu plusieurs écoutes pour m’imprégner totalement de l’album. On ne peut même pas parler avec certitude de côté prog metal tant il n’y a pas de logique entre les riffs. Mais ! Là où d’ordinaire je crierai à l’erreur de casting, je trouve qu’ici, malgré les nombreuses incohérences dans la composition, la musique finit par être non seulement digeste mais en plus très prenante ! Et ça, c’est un fait rare pour être souligné au marqueur indélébile si je puis dire. Et là réside le génie dans cette dualité avec la Folie qui entoure Asthâghul qui nous emmène dans un univers musical parallèle et dont je vous prie de croire qu’on n’en ressort pas indemne.

Et le pompon, le clou du spectacle, c’est le chant et les textes ! J’adore véritablement le chant qui me fait penser à celui de Satyr, dans Satyricon et notamment dans les incantations mystérieuses et paganiques du morceau « Mother North » qui est un de mes morceaux mystiques préférés. Franchement, j’espère vraiment qu’Asthâghul mesurera l’ampleur d’une telle référence pour parler de son chant. Parce qu’il y a non pas des scream à outrance mais une alternance entre ce dernier et une sorte de voix nasillarde, très flippante, qui est très bien mise en avant sur le mastering et qui fait véritablement penser à un sorcier malsain. Comme si, pour balancer des incantations comme des scaldes, il fallait que notre compositeur se mette dans la peau d’un chaman noir, d’un nécromancien. C’est très impressionnant, je n’avais que rarement entendu une voix aussi hypnotique que la sienne. Tout est donc mis à contribution pour nous faire vivre un moment occulte plein de noirceur. Bluffant de vérité !
Et les textes… sont à double tranchant. On devine l’idée d’une croyance parallèle, mêlée donc d’occultisme et quelque chose d’inter-dimensionnel mais, à ma grande surprise, ils sont assez « simplement » écrits. Je m’attendais à un tout petit peu plus de métaphores, de délire exprimé, mais on est malgré tout sur une certaine banalité. Alors qu’en plus le format *.pdf fourni dans le pressbook joue bien la carte déjà citée avec des titres écrits dans des alphabets comme l’arabe ou certains dialectes asiatiques moins connus, que les textes sont présentés eux-mêmes comme des « passages »… Mais hormis quelques références inventées sur des divinités inconnues et une recherche plus approfondie de poésie dans les textes en français (ils sont deux), les textes en anglais sont moins recherchés, plus classiques. Loin de moi l’idée d’en faire un échafaud pour descendre l’album mais disons simplement que j’aurais bien aimé voir autre chose et je pense que la prochaine fois, mettre tous les textes en français serait un gage de réussite beaucoup plus important. L’on a tendance à usiter l’Anglais pour toucher un public plus large, j’en conviens car je suis le premier à le faire pour mes groupes ; mais lorsque je vois la différence de niveau entre « Thritônh (2nd Passage: The Colour of Death) » et « Aylowenn Aela (3rd Passage: The undying Citadel) » (qui sont écrits en français) et les autres, je me dis qu’il y avait vraiment mieux à faire. Mais ce n’est que mon avis.

Encore une fois, il faudra me pardonner mes Pères de webzine, car j’ai pêché… J’ai encore pondu une chronique digne des Milles-et-une nuits. Mais voyez ici la part d’inspiration qu’il m’aura fallu pour parler de l’album Eternity of Shaog, du one-man band d’Asthâghul et de son immense travail de composition. Un album qui ne saurait se mentir et qui conviendra à beaucoup de monde une fois passée la première écoute qui déroute totalement l’auditeur. Mais comme chaque changement d’univers ou de dimension, il faut que notre esprit bien ancré sur ses racines s’adapte et, ensuite, écouter cet album qui s’apparente à boire du petit lait tellement ce CD respire le génie pendant une heure d’envoûtement et la Folie, à n’en point douter. Alors préparez-vous à plonger dans un tourbillon de musique black occulte qui ne vous laissera pas indifférent. Un album qui rappelle aussi les précédents et je pense qu’il me sera crucial d’aller les écouter. Mais en tout et pour tout, cet album est exceptionnel.

Tracklist :
1. Orthal
2. Exh-Enî Söph (1st Passage: Exiled from Sanity)
3. Thritônh (2nd Passage: The Colour of Death)
4. Aylowenn Aela (3rd Passage: The undying Citadel)
5. Shtg (4th Passage: Frozen Soul)
6. Amenthlys (5th Passage: Through the Yth-Whtu Seal)
7. Shayr-Thàs (6th Passage: Walk the oracular Way)
8. Namhera (7th Passage: Blasphemy of Ephereàs)
9. Eternity of Shaog (∞th Passage: Grave of Agony)
10. Monotony of a putrid Life in the eternal Nothingness

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