Ereb Altor – Eldens Boning

Le 7 mai 2021 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Mats : chant, basse, guitare, claviers
  • Ragnar : chant, basse, guitare
  • Tord : batterie
  • Mikael : basse, chœurs

Style:

Black Metal

Date de sortie:

07 mai 2021

Label:

Hammerheart Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 7/10

“La vie est une expérience. Plus on fait d’expériences, mieux c’est.” Ralph Waldo Emerson

La question que tout artiste qui se respecte se pose un jour est : comment expérimenter sans me trahir complètement ? Je me rends compte pour faire partie d’un groupe, fidèle comme Lassie depuis désormais une bonne dizaine d’années, que parfois expérimenter de nouvelles sensations, de nouvelles perspectives musicales peut non seulement nous remettre en question, mais aussi et surtout nous donner un nouvel élan créatif. De fait, il faut souvent que les artistes qui se lancent dans cette folle aventure de sortir de sa zone de confort pour affronter la jungle musicale, soient prêts à subir les critiques et les satires. Pour ma part, j’ai toujours été éclectique dans mes choix, au risque de me fourvoyer mais au moins j’ai expérimenté. Je peux m’en vanter ! Bon, ne vous méprenez pas, je ne suis pas connu du tout. Mais si je devais garder un semblant de fierté plus tard, je dirais que j’ai au moins eu le mérite de changer mes appréciations pour me frotter à d’autres challenges. C’est en cela que souvent quand je fais une chronique, je suis pratiquement toujours attaché à vanter les groupes qui varient. Qui osent surtout partir de nouveau à la conquête d’un public déjà acquis, et cela c’est beau. Je ne suis aussi pas étonné de constater qu’après moult albums, certains s’essayent au plus simple appareil. Ereb Altor fait partie de cette nouvelle caste et avec cet EP nommé Eldens Boning, pour sûr qu’il fera parler d’eux !

Vous le croirez si vous le voulez, mais c’est ma première expérience concrète avec Ereb Altor! Pour graviter assez assidument dans l’univers viking, folklorique voire fantaisiste, j’avais très souvent vu circuler le nom de ce groupe originaire de Suède, et plus exactement de la ville de Gävle. Normal me direz-vous! Avec des bases jetées en 2003, huit albums, deux EPs avec ce dernier une démo, on ne peut pas dire que le groupe composé de quatre membres a chômé durant ces dix-huit années d’existence musicale! Avec une période assez creuse de 2003 à 2008, la suite n’est qu’une succession de sorties très rapprochées. Un travail fructueux au possible qui démontre une véritable inspiration, sinon un univers musical suffisamment solide pour que sortent à la chaîne des albums comme l’on mettrait les couverts sur une table tous les soirs. En tout cas, le choix d’un second EP me questionne dans le sens où avec une discographie majoritairement composée d’albums et pas des petits, je me demande bien pourquoi avoir opté pour un EP. Est-ce annonciateur d’un virage musical? Ou est-ce tout simplement les prémices d’un manque d’inspiration de la part du quatuor suédois qui, à défaut d’avoir assez de matières pour un album entier, se contente d’un EP quatre titres pour ne pas trop nous énerver? C’est plutôt surprenant en tout cas. Cela n’enlève en rien que lorsque l’on étudie un peu la genèse du groupe, il y a matière à satisfaire notre curiosité et notre soif insatiable de découverte. Comme moi! Alors allons-y!

Avant de me lancer dans l’analyse musicale, je fais comme souvent un petit crochet sur l’artwork histoire de découvrir quelques soubresauts de matières analytiques. Un artwork bien estampillé nordique, viking et guerrier avec ce décor forestier typique du genre, les guerriers vikings en pénombre comme des fantômes surgis du passé, et ce qui ressemble à un drakkar en feu derrière. Bon, comme je me suis amusé à regarder les autres artworks, je me suis vite rendu compte qu’Ereb Altor est coutumier de ce genre d’imagerie, en étant quelque peu basique dans les représentations possibles. J’entends par ici qu’il n’y a pas vraiment de recherche, pas vraiment d’originalité et que l’on tombe rapidement dans des clichés mille fois vus et revus. Mais je commence à me dire que c’est le reflet d’un épuisement progressif du genre « viking » et que l’on doit forcément s’attendre à une répétition éternelle des mêmes iconographies. Pour avoir fait de précédentes chroniques dans cet univers, et pour être chanteur d’un groupe du dit univers, il est vrai qu’on ne peut pas faire hyper original avec des codes mythologiques préétablis depuis longtemps. Au moins, Ereb Altor a le mérite avec cette pochette de proposer un design plus flou dirons-nous, qui laisse en tout cas place à des interprétations possibles et qui ne tombe pas dans l’évidence visuelle à outrance comme le ferait un Amon Amarth par exemple. Après, j’ai conscience qu’il faut faire dans l’attrape-tout, et au moins cet artwork a réussi à me donner envie d’écouter le contenu ce qui est, au final, la seule exigence qu’on attend et qui doit prédominer le reste et surtout la subjectivité du chroniqueur. Un bon design quoi.

Sur le papier, le style musical est vendeur! Un black metal avec du… **Gnnnnnnnnnnnnnn putain de bordel** viking, c’est forcément attirant. Surtout quand on a comme moi une attirance ancienne pour la culture viking. Après, j’ai noté une chose qui m’a piqué de curiosité avant l’écoute : les influences des musiciens. Autant il est clair et net que la musique est un large éventail avec le black metal comme base tissulaire, autant on voit clairement des influences doom dans le metal, surtout sur le premier morceau. Et cela, franchement j’ai adoré! C’était même assez inattendu, vu ce qui m’attendait dans le descriptif. J’ai vraiment été emballé par le premier morceau, au point malheureusement de ne pas pénétrer pleinement dans la suite de l’EP. Le deuxième m’a découragé parce que je ne comprends pas l’utilité propre de ce dernier qui sonne comme un morceau qui ne se lance jamais, qui se fait désirer mais qui n’aboutit qu’à du plat. Et les deux derniers m’ont quelque peu réveillé, sans pour autant que je sois satisfait. Ce que je reproche principalement à cet EP lors de cette première écoute, c’est donc cet espèce d’inégalité qui existe entre les morceaux. The Twilight Ship est probablement la meilleure formule expérimentale de cet EP avec un registre black metal et quelques restes de doom, les chœurs sont excellents, les claviers tout autant et les ambiances avec le chant clair sont absolument phénoménales! Viendra donc ce fameux Fenrisulven qui porte mal son nom puisqu’on a surtout l’image d’un loup endormi quand on entend le morceau. Les mêmes ingrédients que le premier, l’énergie et la solennité en moins. Et les deux derniers sont sur un black metal plus conventionnel, avec plus de vitesse, moins d’incorporations claviers et chant clair, et l’arrivée d’un chant saturé va totalement me décourager de continuer. Je ressors donc très perplexe de cette première écoute. On sent qu’Ereb Altor est loin d’être un groupe de débutants, qu’il y a de l’expérience, mais je sens qu’il y a surtout eu derrière une volonté d’essayer d’autres choses, de sortir des sentiers battus avec malheureusement trop de différences entre les quatre pistes de cet Eldens Boning. Je ne retiendrai de fait que le premier morceau qui est fabuleux, les autres sont au mieux moyens, au pire vraiment mauvais.

Ce n’est pourtant pas la production qui va me semer le doute. Je n’en attendais pas moins en même temps, Ereb Altor a de la bouteille et je me doutais que sa production était de qualité. J’étais toutefois plutôt content du résultat puisque la musique nous amène dans des ambiances épiques et guerrières qui sont en partie dues au son. J’ai surtout été superbement surpris par les chœurs et les claviers qui amènent vraiment quelque chose de fort, de puissant! J’y vois d’ailleurs, à tort ou pas c’est selon, la fameuse touche doom metal old school qui est tributaire souvent de claviers assez simples mais efficaces, de chœurs avec chant clair, et Ereb Altor s’amuse bien avec ces influences. Les autres instruments sont relativement bien produits, avec un black metal moderne dans le son mais des riffs très Bathory. Bref comme dirait mon noble Destrier de la Chronique Perdue Indiana Metalfreak Jones (NdMetalfreak : chercherais-tu à tâter de mon fouet ?) ! La production est sublime, un modèle du genre et sauve largement les apparences. Un EP bien produit, même si les morceaux laissent suspicieux, cela permet au moins d’y revenir dessus et de lever les doutes, c’est donc une très bonne chose pour Eldens Boning.

Après, comme j’expliquais assez longuement précédemment, cet EP est trop expérimental. Il y a à manger pour tout le monde et d’une certaine manière, le couvert est mis. Mais le problème c’est que quand l’enchainement des plats n’est pas logique, on n’a pas envie de finir le repas. C’est exactement ce qui se produit dans cet EP. Je pense qu’il faut un public très éclectique pour parvenir à trouver un point d’ancrage profond à Eldens Boning. Le souci étant que pour ma part, hormis le premier, les autres ne m’auront pas franchement plu, malgré ma totale ouverture d’esprit et mon côté bon public. Passer d’un morceau doomy à une soudaine accélération des tempos, des blasts et un chant saturé, je n’ai pas pu accrocher. J’ose croire que cette formule qui me sied est celle que l’on retrouve majoritairement dans la discographie d’Ereb Altor, sinon je ne suis pas certain de revenir dessus. Cela n’enlève en rien par contre que les ambiances générales sont très belles! Le côté épique des riffs ainsi que les claviers apportent une amplitude à la Bathory, et c’est un sacré compliment que je fais. Il y a tout ce que j’aime dans les musiques qui visent à parler viking et nordisme : de l’épique, un peu de violence et beaucoup de majestuosité. C’est plutôt pas mal, cela sauve les meubles. Et heureusement, sinon j’aurais été beaucoup plus rédhibitoire.

Ce qui m’amène directement à parler du chant. Autant en parler tout de suite, comme cela l’affaire est pliée. Le chant m’a laissé dubitatif notamment dans son placement et ses différentes techniques. Il y a très nettement un clivage. Le chant clair est absolument superbe, notamment dans sa technique, ses tessitures et son mixage qui donne un aspect extrêmement sérieux et poignant aux interprétations de Ragnar (pas de blague svp), et je plussoie plus que volontiers ce chant qui est tout à fait à point pour la musique très épique d’Ereb Altor. Mais le chant saturé, à défaut d’être bon (quoique l’on est plus sur une technique moyenne que réellement mauvaise) n’est pas franchement le genre de chant que j’aurais vu. Si l’on voudrait vraiment un chant saturé, on pourrait peut-être essayer un chant plus growl medium ou aigu qu’un scream très black metal. Mais le fait est que selon moi, il aurait fallu QUE du chant clair pour être optimal. Et cette alternance ne fait que dénaturer un premier jet très prometteur. Au détriment du bon sens, Ereb Altor a voulu étendre ses influences et son inspiration sur des horizons diamétralement opposés qui, à défaut de s’attirer comme cela peut se produire, se sont bien éloignés. Dommage que cela n’ait pas pris outrageusement, je suis certain qu’il aurait fallu rester sur une même ligne directive.

Et ce constat sera le mot de la fin, car il est général. Cet EP, le deuxième d’Ereb Altor mais le dernier né d’une longue lignée d’albums, sonne comme une volonté d’expérimenter, d’innover et de chercher une nouvelle formule gagnante pour les suédois, habitués probablement à faire une musique similaire depuis trop longtemps. Sortir des sentiers battus est une réelle prise de risque, j’en ai conscience et d’ordinaire je loue sincèrement les groupes qui ont l’audace d’essayer cela. Seulement, il y a expérimentation et tâtonnement. Or, dans le cas d’Eldens Boning, on est plus sur le deuxième cas de figure. A savoir que l’on a une scission très nette entre le premier morceau qui garde une influence doom dans un black metal à la fois épique et solennel, et qui fonctionne quasiment à la perfection, et les deux derniers qui sont plus brouillons, dans un black metal plus consensuel mais rendant les démarches plus hésitantes et aux antipodes du tempo et des intentions initiaux. Je ne parle même pas du deuxième morceau qui est sans intérêt. Ce qui me pousse à croire qu’Ereb Altor a voulu expérimenter mais l’a trop fait, ou de manière bâclée. Résultat : on a un EP divisant. Et divisé. Je n’ai pas pu rentrer dedans malgré mon appétit vorace pour tout ce qui est viking ou nordisant. Mais cette hésitation me poussera surement à expérimenter de l’Ereb Altor moi-même, histoire de me situer dans un camp musical précis. Mais clairement, et au risque de m’attirer les foudres du public metal, cet EP ne restera pas dans les annales.

Tracklist :

1. The Twilight Ship (7:36)
2. Fenrisulven (5:14)
3. Eldens Boning (5:39)
4. Sacrifice 2.0 (5:40)

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