Abysskvlt – Phur G.Yang

Le 12 juillet 2021 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Non communiqué

Style:

Funeral Doom Metal

Date de sortie:

14 mai 2021

Label:

Solitude Productions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9,5/10

« La désespérance était une profonde noirceur qui ne laissait ni entrer ni sortir la lumière. C’était un enfer indescriptible. Je remercie Dieu qu’elle ait toujours fini par disparaître. » Yann Martel

C’est étonnant les influences des traditions sur la musique. Je m’en étonne chaque fois que je m’aventure dans un album qui tend à baser son concept et son univers sur des traditions ancestrales. Les exemples pleuvent d’autant qu’il existe une réelle corrélation entre le metal et la nostalgie qui incombe aux nombreuses cultures d’antan. C’est probablement la grande richesse de cette musique que de permettre de tels mélanges. Je n’ai pas spécialement envie de tartiner une introduction ce jour, je préfère que l’on passe immédiatement aux réjouissances avec cet album d’Abysskvlt qui répond au nom de « Phur G.Yang« . Parce que tout ce constat prendra son sens à travers la chronique que je vais faire ci-contre.

Abysskvlt est un groupe qui nous vient tout droit de la Sainte Russie, de Samara. Prenant ses racines en l’an 2014, le groupe étant actuellement composé de quatre musiciens dont on ignore tout. De fait, aucune trace de qui officie dans le groupe, ni depuis quand. Rien. La seule chose que l’on daigne nous présenter concerne l’album « Phur G.Yang« . Nom énigmatique, aux consonances asiatiques qui m’a fait croire au début que le groupe était d’Asie de l’Est, mais en fait pas du tout ! Le label explique dans sa présentation qu’Abysskvlt conceptualise son album autour de la culture tibétaine, et particulièrement celle de l’ancien royaume de Shang Shung, précurseur de tout un tas de choses dans la culture tibétaine notamment la langue, le bouddhisme, etc. Et plus précisément encore, le groupe russe explore les rituels de ce royaume qui conduit les défunts vers les abysses par la frontière de Samsara. Le groupe précise au passage que l’album est une sorte d’appel à des rituels magiques, initiatiques et spirituels. En fin de compte, cette part de mystère qui englobe le groupe concernant l’identité des musiciens passe plus depuis que j’ai découvert le concept-album. Je me dis que c’est probablement une manière détournée d’intéresser l’auditeur et de le centrer plus sur « Phur G.Yang » que sur Abysskvlt lui-même. On verra, en tout cas le concept me rend très curieux ! Je me demande comment une musique du genre peut se marier avec des traditions ancestrales tibétaines.

En tout cas, la pochette est sublime. Je ne connais pas assez la culture tibétaine ou autre pour rentrer dans les détails et vous expliquer toutes les symboliques présentes. Mais sur le plan esthétique, l’artwork est vraiment sympa. J’aime bien le mélange de transcription en alphabet tibétain avec des symboles floraux, je trouve que cela est du plus bel effet. En fin de compte, je suis plus intrigué par la couronne mortuaire et la figure qui m’apparaît être soit le visage d’un jeune adolescent (ce qui était une pratique courante de nommer Dalaï Lama de jeunes hommes) soit d’une femme. Il faudrait que je me renseigne davantage sur cette représentation. C’est de prime abord ce qui m’effraie un peu avec l’album « Phur G.Yang » : j’ai un peu peur qu’un auditeur lambda, qui ne connaît pas bien la culture tibétaine et notamment ses tréfonds, ne rentre pas pleinement dans l’album. D’ailleurs le label a prévenu le chroniqueur que je suis : « This is the most unusual funeral doom metal by Abysskvlt, with an even greater tendency towards the music of the ancient Bon tradition. This is the release for the initiated. » Je pense qu’indirectement, c’est une sorte de mise en garde. Mais en tout cas l’artwork est vraiment très beau, j’aime beaucoup ce contraste noir et blanc que l’on retrouve assez fréquemment quand il s’agit de funéraire ou de musique froide et sombre. Très bon choix !

Alors ! Justement, passons à la musique. Sur le papier et dès les premiers accords, aucun doute : il s’agit bel et bien de funeral doom metal. La frontière avec le doom death metal est très mince, aussi la confusion est possible. Mais avec cette lenteur rythmique qui est poussée à son paroxysme, une batterie qui n’est là que pour faire le service minimum soit marquer le tempo à la noire en gros, les accords qui sont distendus sans néanmoins tomber dans le drone metal et cette sensation oppressante de vide qui n’est propre qu’au funeral doom metal justement, le doute n’est pas permis sur les intentions musicales. A noter ce que je trouve toujours très plaisant dans le genre, c’est cette seconde guitare qui amène une mélodie tragique, lancinante et qui accompagne superbement bien la guitare « rythmique ». La lourdeur caractéristique étant bien conduite par la basse et quelques toms. Donc pour la base principale de travail, le genre est vite défini. Pour la touche d’originalité, elle était annoncée par Abysskvlt et le label, ce sont les incorporations d’éléments chamaniques et instrumentaux traditionnels tibétains (une vingtaine au total), sinon asiatiques. Ne connaissant pas la culture tibétaine, je ne reconnais pas les instruments utilisés et ils ne sont pas mentionnés. Mais on devine très vite l’influence asiatique dans la musique d’Abysskvlt, cela sonne évidemment de là-bas sans aucun doute possible. Les quelques rites vocaux qui sont amenés, qu’ils soient féminins ou masculins, sont très flippants. J’ai été assez dérangé émotionnellement par ces chants qui me font penser à des lamentations, ou des gémissements mortifères. Pour vous résumer ma première écoute, je dirais que l’album joue son rôle de dérangement à la quasi perfection avec une base funeral doom metal extrêmement bien exécutée, typique du genre avec cette lenteur et cette lourdeur poussées très loin, et cette ambiance pleine de sorcellerie et de chamanisme qui dérange franchement. On ne ressort pas du tout indemne d’une telle écoute, Abysskvlt joue sa partition de l’oppression émotionnelle avec brio ! Grosse surprise pour moi, je ne m’attendais pas du tout à me prendre une claque pareille !

Pour la production on est évidemment sur quelque chose de dérangeant dans le sens où l’essentiel d’une musique aussi minimaliste qu’un funeral doom metal est d’occuper l’espace sonore de manière pleine et je le répète, oppressante. Pour ne pas laisser de place au repos. Toutefois, certains groupes qui font des ajouts particuliers offrent des instants atmosphériques biens choisis. C’est le cas de « Phur G.Yang« . On a quelques passages plus ambiants qui permettent à l’auditeur de se laisser hypnotiser et de décrocher de la musique lourde au possible qui majore l’album ! Il faut donc une production qui offre aux instruments saturés une pleine occupation du spectre et ainsi qui envahit l’esprit et nous envoute. La suite, c’est Abysskvlt qui le fait superbement bien avec ces passages en clean, avec les instruments traditionnels et les incantations. Donc on a un gros travail de fait pour « Phur G.Yang« , permettant de varier un peu la musique minimaliste de base sans qu’aucune scission ne soit dénaturée par rapport à l’autre. C’est d’une grande intelligence donc, un modèle du genre je ne sais toutefois pas puisqu’à ma connaissance, Abysskvlt est le seul groupe de funeral doom à s’aventurer sur ce concept original et mortuaire. Mais une production impeccable, ça, oui !

Vous vous souvenez, je me suis posé une question qui me semble opportune : est-ce que l’album « Phur G.Yang » sera à la portée des non-initiés ? Déjà du genre funeral doom metal, cela me semble évident que non étant donné que c’est un style vraiment spécial de base. Mais avec les ajouts dûment cités plus haut, la question demeure. Difficile de savoir puisque les deux versants sont possibles, à savoir : soit les incorporations tibétaines adouciront un peu la lourdeur de la musique et seront les facteurs positifs de la musique d’Abysskvlt, soit ce sera tout l’inverse, ces deux styles originaux ne sont pas à la portée de tout le monde et décourageront l’auditeur. Il n’y a pas de concession possible selon moi et c’est ce que je crains. Parce qu’à titre personnel j’adore l’album, la conception qui se base autour d’un metal incroyablement pesant et de passages plus ritualistes rend « Phur G.Yang » vraiment unique et digne que l’on s’y intéresse y compris pour les non-initiés de la culture tibétaine. Mais je ressens que le groupe Abysskvlt va avoir quelques difficultés à élargir son champ de connaissance et de public… On est cependant en droit de se demander si c’est le but de nos amis russes, mais en tous les cas vous serez prévenus, vous qui allez écouter cet album : il n’est pas accessible à tout un chacun. Par contre, si vous aimez le funeral doom metal et les incorporations originales, foncez ! Les compositions sont longues mais largement audibles, avec de longs passages comme j’expliquais plus haut de tranquillité et de rituels chamaniques. Vraiment un chouette album si j’ose dire !

Un mot toutefois sur le chant, que je trouve un peu trop en retrait. C’est souvent le reproche que je fais au genre funeral doom en général, de mettre trop en arrière le chant alors que ce guttural très profond, ce grunt grave hyper caverneux rajoute véritablement du funèbre et du macabre à la musique. Ici, hormis ce constat, le chant est excellent. Très long, avec des phrases courtes comme on les aime. Après, j’aurais adoré avoir les paroles qui sont écrites semble-t-il en langage tibétain ou shangshung mais bon. En tout cas le chant est vraiment très bon, une petite mise en avant m’aurait fait plaisir mais comme c’est inhérent au genre plus qu’au groupe, je ne m’en formaliserai pas davantage.

C’est le moment donc de terminer cette chronique. Depuis longtemps, je cherchais un album du genre funeral doom qui puisse me faire autant d’effet que la discographie d’Ahab qui est l’un de mes préférés. J’ai tâtonné un moment, j’ai fait des déconvenues comme avec le groupe Suffer Yourself récemment. Au final, je pense qu’Abysskvlt m’a offert avec son « Phur G.Yang » l’album que je cherchais en vain depuis un moment. Il s’agit d’une belle pièce, maîtresse probablement, d’un genre de metal assez peu apprécié mais qu’à titre personnel j’adore. Quand en plus de cela, vous avez une vingtaine d’instruments traditionnels tibétains pour accompagner l’ensemble, vous savez irrémédiablement que le concept-album vous rendra envieux et curieux. En tout cas, « Phur G.Yang » est un album qui mérite largement que l’on s’y attarde, que l’on fasse fi des préjugés sur le genre funeral doom et que l’on parvienne à passer les frontières au lieu d’y aller sur le reculoir. Probablement l’un des meilleurs albums du genre qui m’aient été donné d’écouter cette année ! Bravo !

Tracklist :

1. Jhator (18:16)
2. Nga-Ri (16:06)
3. Phar (19:20)
4. Mchod Rten (26:04)

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