Enter The Dungeon #1

Le 4 juin 2025 posté par Metalfreak

Reporter : Vince le Souriant

Photographes : @Cropuscule, @Adrien Svartasmetal

Ramener ses miches du fin fond de la Haute Normandie jusqu’à Paname n’est pas chose aisée. C’est pourtant l’aventure dans laquelle je me suis lancée ce samedi 19 avril. L’objet de ma quête ? Tenir le stand de merchandising de mon ami, le musicien Percidae, qui se produit ce soir-là à La Camilienne, en compagnie de Weress et de SS-M. Le concert est organisé par l’association Banlieue Rouge, et bénéficie d’une superbe affiche dessinée par l’inégalable Ëmgalaï.

Affiche

Je suis rejoint à la gare Saint Lazare par un autre ami, Adrien Svartametal, venu en renfort. Nous cheminons tous deux jusqu’à la salle, nichée dans le 12e arrondissement, non loin d’une portion de la bucolique ceinture verte. À destination, la devanture nous intrigue : une bête porte rouge ouvrant sur un hall étroit, fermé par une grille. La salle, en sous-sol, est étonnamment vaste : elle prend les dimensions et presque l’aspect d’une salle de cinéma, qui aurait été vidée de ses gradins.

Les balances n’ont pas encore commencé, et tandis que les membres de Banlieue Rouge se démènent, Adrien et moi installons les tables qui serviront à exposer le merch des uns et des autres.

Adrien Svartasmetal (à droite) et Vince le Souriant
Les musiciens arrivent, en ordre dispersé. Retrouvailles fraternelles avec Percidae, discussions chaleureuses avec deux des membres de Weress… Tout le monde est là, le soundcheck commence.

N’ayant jamais rien compris à la technique, je regarde avec curiosité ce que chacun fait. Un gars, en particulier, m’intrigue : alors que la console centrale, tout à ma gauche, discute avec la scène, tout à ma droite, un jeune homme s’est installé dans la fosse, avec ce qui ressemble à un avant-poste d’ingénieur du son. Après avoir quitté son stand de K7 DIY, il a installé au sol deux ou trois petites tablettes d’où partent des câbles, qui rejoignent les tables de mixage de la console principale.

Ce jeune homme, cheveux ras, écarteur d’oreille, sarouel et sweat à l’avenant, c’est en fait SS-M. L’artiste a courageusement répondu présent après l’annulation de Claire Kelp, la tête d’affiche, et c’est avec lui que le show démarre. Une grosse centaine de personnes est maintenant présente, et les lumières se tamisent. SS-M, en tailleur à même le sol, trifouille ses loopers et autres appareils mystérieux. La foule lui a laissé la fosse, et est allée s’asseoir sur les bancs disposés sur les côtés. Tous écoutent religieusement la noise savamment distillée par celui qui s’est mué en espèce de corneille humaine. En effet, la créature, tout en triturant ses potars, ponctue ses morceaux de cris de corbeau plus vrais que ceux de la gent ailée, et achève sa prestation face contre terre, prostré, dans un croassement de chouka à l’agonie. Les amateurs de Sale Freux présents ce soir-là – et j’en suis ! – en sont restés cois.

SS-M par Adrien Svartasmetal
SS-M et public par Adrien Svartasmetal

Au tour de Percidae. L’homme qui se tient sur la scène – Mais est-ce seulement un homme ? – est impressionnant : il est vêtu d’un imposant manteau de cocher, avec un empiècement de fourrure sur les épaules, et coiffé d’un chapeau d’où pendent des cordes et d’épais brins de laine sombre. L’ensemble se situe à mi-chemin entre Cthulhu et Davy Jones.

Percidae par Cropuscule-1
Percidae par Cropuscule-2

Percidae par Adrien Svartasmetal-1

Mais tout cela n’est rien, en comparaison de la musique pulsée par les enceintes. C’est chaud, c’est organique, c’est à la fois familier et inquiétant. Dans un set où les titres inédits se taillent la part du lion, Percidae, en DJ halluciné et interlope, balance à un public innocent des morceaux recelant plus de maléfices que tous les sabbats de Salem. L’assistance attentive ne s’y trompe pas, qui écoute, assise à même le sol, les histoires de l’étrange pirate. On croirait des enfants devant un spectacle de marionnettes, goûtant émerveillés les récits de dieux anciens, de forêts hantées et de châteaux maudits. Le conte se fait même interactif lorsque, brisant le cadre établi, l’homme quitte la scène pour fendre la foule, navigant d’un pas mal assuré au milieu des visages mi-effrayés, mi amusés. Alchimiste maîtrisant les dosages les plus fins et les plus explosifs, le musicien sait marier le ravissement et l’horreur, l’étonnement et le frisson, la caresse et la brûlure.

Viennent les musiciens de Weress, les ambassadeurs de la lune, encapuchonnés et masqués de blanc, façon carnaval de Venise. Seule Rose, aux percussions, a oublié son masque et a improvisé en récupérant une cagoule qui traînait dans les loges. L’étrange et frêle créature sans face en rajoute encore à l’ambiance irréelle.

Rose (Weress) par Cropuscule
Weress par Cropuscule-1

Weress par Cropuscule-2

Le trio prend place derrière une longue table recouverte d’un drap noir. Ils ne sont que trois, mais l’ensemble fait penser à une Cène revisitée, et de fait, à défaut d’eau changée en vin, c’est à un miracle sonore que nous assistons ce soir-là. Leur musique, douce, s’infiltre dans la fosse et nous soulève, un par un, comme la marée montante le ferait de bateaux échoués dans un port à sec. C’est beau, c’est doux, c’est enveloppant, et ça berce. Leur musique n’est pas lénifiante, elle est parégorique. C’est une compresse, un baume pour l’âme enflammée. Il y a quelque chose d’à la fois maternel et élyséen qui se dégage de ces notes, de ces rythmes, comme une consolation. Et cette paix intérieure fait place à un moment de solennité mystique, lorsque John Lordswood, au centre, brandit une gigantesque épée. Ce soir-là, nous fûmes collectivement adoubés. Les titres se succèdent, jusqu’à un final éruptif, grandiose : Dungeon on the Moon. La musique de Weress, à l’instar de certaines substances, peut créer des rechutes. Je fredonne encore en écrivant ces lignes.

Weress par Adrien Svartasmetal-1
Si le concert s’est fini en conciliabules entre musiciens, standiers (en partie les mêmes) et public, ce report lui, n’est pas encore complet. Il me faut en effet rendre hommage à la gentillesse et à la simplicité des membres de Banlieue Rouge, qui nous ont accueilli pour la nuit Percidae et moi. Arrivés dans la rouge banlieue de Malakoff, c’est en sifflant de la Goudale sur fond de Fluisteraars au Rock In Bourlon que la nuit s’achève, laissant derrière elle le sentiment d’avoir vécu un moment d’exception.

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