Paris, le 18 décembre 2010…

 

De passage au Glaz’Art de Paris pour la deuxième fois, les Islandais de Solstafir ne devaient surtout pas passer entre les mailles de mon dictaphone ! Leur premier concert il y a un an avait été une vraie claque pour moi et j’avais dans la poche pas mal de questions à leur soumettre depuis.
L’occasion a donc pu se présenter, pour mon plus grand plaisir et en théorie pour celui des lecteurs de ces lignes.

Entretient avec nos deux cowboys du froid, le chanteur et guitariste Aðalbjörn Tryggvason et le batteur Guðmundur Óli Pálmason (non je n’ai pas copié/collé les noms, qu’est-ce qui vous fait croire ça ?), qui nous en disent un peu plus sur ce que contiennent leurs tripes et un peu moins sur leurs sombres desseins sataniques…

Attention, en bonus : Révélation sur la formule secrète qui fait faire de la bonne musique !

 

SC : Solstafir, c’est un plaisir pour moi de faire cette interview car lorsque que je vous ai vu pour la première fois, lors de votre tournée avec Secrets of the Moon et Code, ce fut pour moi un concert inoubliable ! En vivant un de vos concerts, on peut sentir qu’il y a chez vous le désir de marquer le public avec quelque chose de fort. Dites-moi, que cherchez-vous à transmettre lorsque vous êtes sur les planches ?

Guðmundur : Pour nous, chaque concert est un rituel et nous voulons que le public y prenne part. Au risque de paraitre cliché, nous voulons que les gens vivent une expérience spirituelle, plutôt que de simplement passer leur temps à headbanguer.

Aðalbjörn : Oui, nous n’aimons pas vraiment que la fosse ne soit qu’un moshpit. Lorsque tu vas à un enterrement, tu t’habilles spécialement pour ce genre d’occasion et tu es dans un état d’esprit particulier, c’est un rituel. Je ne dis pas que nos concerts sont tels des enterrements, mais ils se vivent dans un état d’esprit bien précis. Nous laissons de côté tout ce qui peut-être physique pour se concentrer sur l’esprit. Tu vois, comme je te le disais tout à l’heure [petite discussion précédant l’interview dans laquelle les deux gaillards racontaient des anecdotes de la tournée – ndlr], lorsque l’on voit des gens qui perdent contrôle, alors c’est que le concert est bon.

Guðmundur : Je pense que le meilleur exemple pour illustrer cela a eu lieu lors d’un concert chez nous en Islande. Une fille nous a dit après le concert qu’elle s’était sentie comme le cinquième membre du groupe, elle a passé tout le set au premier rang, immobile et les yeux fermés…

Aðalbjörn : Oui et elle était droguée aussi (rires)…

SC : Ça doit aider !

Guðmundur : Mais ça reste une remarque qui nous a vraiment fait plaisir. J’aime l’idée qu’on puisse se sentir fusionner avec la musique, plutôt que d’être un spectateur distant du rituel.

 

 

SC : Finalement vous attirez le public vers vous tel le joueur de flûte de Hammelin, c’est ça le secret ! Depuis cette dernière tournée et la sortie de votre album Köld [qui, j’ai appris, se prononce « keult » – ndlr], qu’a fait Solstafir ?

Aðalbjörn : Rien !

SC : Du tout ?

Aðalbjörn : Pas grand chose. On a composé un peu en début d’année, de Mai à Août nous avons joué sur plusieurs festivals, puis on a réécrit encore après. C’est à peu près tout : composition et festivals !

 

 

SC : Vous avez donc commencé à écrire pour le prochain album ?

Aðalbjörn : Oui, on a écrit à peu près la moitié de l’album.

SC : C’est une bonne nouvelle, d’habitude vous semblez mettre plus de temps que ça.

Aðalbjörn : Pas vraiment finalement. On a enregistré Köld en Décembre 2007 et je crois qu’arriver en Décembre 2009, nous n’avions pas trouvé un seul riff ou écrit une seul phrase. On prend notre temps c’est sûr mais c’est aussi parce qu’il faut pouvoir être dans l’état d’esprit qui convient à la composition. Tu répètes tous les jours, tu mets l’antenne sur ta tête, t’appuie sur le bouton récepteur, et tu vois ce qui se passe.

Guðmundur : J’ai toujours pensé qu’il valait mieux prendre son temps et faire les choses bien plutôt que de sortir un album de façon précipitée pour au final ne pas en être satisfait.

Aðalbjörn : Il faut prendre son temps, répéter tout les jours, boire beaucoup d’eau, fumer beaucoup de cigarettes, c’est la formule pour faire de la bonne musique !

SC : De l’eau et des cigarettes ?

Aðalbjörn :Oui !

SC : C’est la première fois que j’entends ça !

Aðalbjörn : Je ne fume même pas, donc pour moi ce n’est que de l’eau ! (rires)

 

 

SC : Tout à l’heure, vous avez dit que Köld a été enregistré en 2007, pourtant il n’est sorti qu’en Janvier 2009.

Guðmundur : Oui de notre côté en réalité, Köld est déjà vieux. On a commencé à écrire cet album en 2005.

Aðalbjörn : 2005 ? T’es malade ?

Guðmundur : 2006 au moins !

Aðalbjörn : Non, non, non ! A Masterpiece of Bitterness est sorti en 2005, donc… oui on a dû commencer à écrire Köld en 2006. On ne travaille pas vite ! On essaye désormais d’aller un peu plus vite mais on n’a pas de plan de prévu, on s’assoit et on obéit simplement à la musique. Peut-être que l’année prochaine on n’écrira qu’une seule chanson, on s’en fout ! Peut-être qu’on écrira 50 longs morceaux, on ne sait pas !

 

 

SC : Et donc presque 2 ans après la sortie de cet album, comment percevez-vous l’effet qu’il a eu et l’accueil qu’il a reçu ?

Guðmundur : Ca s’est passé progressivement. Il n’y a pas eu de tapage lors de sa sortie. Je pense que c’est mieux dans ce sens là. La plupart du temps, lorsqu’un album sort, on en parle beaucoup pendant deux mois et après on l’oublie. Pour Köld, j’ai l’impression que les gens ont mis du temps à le remarquer, mais depuis ça ne fait que d’augmenter. Il continue de se vendre alors que notre label nous a dit que le plus souvent deux mois après sa sortie, un album ne se vend pratiquement plus.

SC : Solstafir prend de plus en plus d’importance alors.

Guðmundur : Oui c’est une longue descente vers le haut… Ou plutôt une montée en fait ! (rires)

Aðalbjörn : “It’s a long way to the top if you wanna rock’n roll” comme on dit!

SC : Abordons un peu le côté thématique du groupe. A Masterpiece of Bitterness me semblait plus lié à la lumière et au feu, je pense à des titres comme Ghost ofLlight, Ljosfari, Ritual of Fire, alors que Köld évoque plus l’obscurité et la froideur de la mort, Pale Rider, Necrologue. Quel a-été le vécu du groupe entre ces deux albums qui a provoqué ce changement dans l’ambiance ?

Aðalbjörn : Des nuits alcoolisées, des cœurs brisés, les choses habituelles. Le plus souvent on écrit les paroles une demi-heure avant que je ne les chante en studio. On a 2 ou 3 morceaux avec les paroles et puis on y va. Du coup, c’est quelque chose de très spontanée et de très personnel. Je n’ai même pas le temps d’y penser, ce que j’ai à l’intérieur à simplement besoin de sortir tout de suite. Si je passe trop de temps à y réfléchir, je n’obtiens rien.

Guðmundur : C’est curieux parce que nous n’avions pas décidé de faire de ces deux albums des concept-albums, et pourtant, on trouve dans chacun un fil rouge. Comme tu l’as dis dans A Masterpiece of Bitterness il y a la lumière, le feu, alors que dans Köld il s’agit plus de choses personnelles. Tout ça, nous ne l’avions pas prévu, c’est apparu par la suite. C’est d’autant plus intriguant que lorsque nous écrivons des paroles, on ne se passe pas le mot sur un thème précis et finalement on se trouve à écrire à propos de choses similaires au même moment.

 

 

SC : Un autre thème important dans Köld est l’amour, mais il est difficile de dire s’il est perçu comme une force qui sauve de l’obscurité ou qui nous y entraine.

Guðmundur : Nos chansons qui parlent d’amour ne sont pas d’heureuses chansons d’amour, elles témoignent du sentiment causé par le manque d’une personne. Inconsciemment, nous en avons fait le thème principal de cet album, il s’est imposé de lui-même à partir de l’état d’esprit dans lequel nous étions. Donc, le prochain album tournera probablement autour de Satan (rires).

SC : C’est déjà plus classique ! (rires) A propos de la couverture, elle est vraiment superbe et c’est plutôt rare les belles pochettes dans le milieu. Pourriez-vous expliquer comment vous est venu le choix de cette photo et en quoi elle est liée à l’album ?

Guðmundur : Cette photo est spéciale pour moi, tout d’abord parce que c’est moi qui l’ai prise, mais pourtant je ne pense pas qu’elle soit concrètement liée aux thèmes de l’album.

Aðalbjörn : L’album est lié au froid et à la mort. Sur la couverture, il y a cette femme qui est morte, l’image est froide, et cette même personne s’en va. Les personnes décédées s’en vont ne laissant que le deuil. Il y a une tristesse froide et grise dans cette image. Ça résume à peu près bien… Mais bien sûr en réalité ça représente Satan ! (rires).

Guðmundur : Ça évoque aussi l’abandon. Lorsque j’ai fait cette photo je voulais montrer l’esprit abandonnant le corps, mais ça peut également être perçu comme deux esprits qui s’abandonnent mutuellement, cette sensation d’être laissé derrière. Sur ce point, ça se mêle bien avec les thèmes de l’album.

 

 

SC : Vous avez choisi de vous exprimer en islandais sur la chanson éponyme Köld. Pourquoi ce choix et pourquoi cette chanson précisément ?

Aðalbjörn : Ca fait 15 ans qu’on existe maintenant et durant les deux premières années nous chantions en islandais. Notre premier album mélangeait islandais et anglais [Í Blóði og Anda – ndlr], puis Masterpiece était entièrement en anglais. Köld s’apprêtait donc à être également entièrement en anglais, sans que nous y ayons réellement fait attention. En fait, cette chanson a d’abord été enregistrée en studio en anglais. Puis j’ai dis « attends laisse moi essayé un truc ». J’ai ré-enregistré le morceau en chantant quelques lignes que j’avais écrites en islandais. Après coup je me suis dit « merde, c’est nase, laisse tomber », mais de l’autre côté tout le monde m’a dit que ça rendait vraiment bien. Ça tient plutôt de l’accident en réalité.

Guðmundur : L’ancienne version apparaitra sur notre Best-Of !

Aðalbjörn : Ou sur la version japonaise en bonus track ! (rires)

Guðmundur : Il y a une chanson que nous jouons ce soir, qui sera sur le prochain album et dont les paroles sont en islandais. De plus, certains morceaux que nous avons composés ont un titre islandais et je pense que nous garderons ces titres.

SC : Le prochain album sera plus « islandais » donc ?

Guðmundur : Oui probablement, mais encore une fois ce n’est pas quelque chose qui a été discuté et décidé, ce sont des éléments qui s’imposent d’eux-mêmes.

SC : Déjà dans les précédents albums, le feeling islandais est très présent. Par exemple dans World Void of Souls, lorsque…

Aðalbjörn : Mais putain qu’est-ce qui se passe entre Paris et World Void of Souls ? La dernière fois qu’on est venu, il y avait cette fille japonaise qui ne nous a parlé que de World Void of Souls ! Il n’y a qu’à Paris qu’on nous parle ce morceau !

Guðmundur : Je t’en veux toujours de ne pas me l’avoir présentée d’ailleurs, j’aime bien les japonaises !

Aðalbjörn : C’est vrai qu’elle était canon ! Pour revenir à cette chanson, Guðmundur a écrit les paroles lorsqu’on était en studio. Un jour, j’ai voulu faire une expérience : enregistrer ma voix sans qu’il y ait de musique derrière, simplement m’assoir et parler au micro. Ce petit texte trainait donc je l’ai utilisé. Finalement, ça fait comme une sorte de poème qui ouvre la chanson.

Guðmundur : A la base je n’avais pas du tout écrit ça dans le but de l’utiliser pour Solstafir.

Aðalbjörn : C’est la même histoire pour Nothing Else Matters, James Hetfield n’avait pas écrit ça pour Metallica.

SC : C’est votre Nothing Else Matters !

Guðmundur : Voilà c’est ça ! (rires)

 

 

SC : La dernière fois que j’ai vu Jörg (Thelemnar) de Secrets of The Moon, il m’a dit que les deux groupes prévoyaient de mettre en place quelque chose ensemble. C’est toujours au programme ?

Aðalbjörn : Il n’y a rien de prévu pour l’instant mais…

Guðmundur : Il y a toujours un lien fort entre les deux groupes.

Aðalbjörn : Nous sommes mariés à Secrets of the Moon ! Mais là on commet un adultère avec Swallow The Sun (rires).

SC : Dernière question avant de vous laisser monter sur scène, que pourriez-vous dire aux lecteurs pour leur donner envie d’aller visiter votre lointain pays qu’est l’Islande ?

Aðalbjörn : Il n’y a pas de travail, il fait super froid, les gens sont coincés, la bière est très chère, la monnaie est pourrie, l’essence est chère…

Guðmundur : Le volcan a foutu des cendres partout…

Aðalbjörn : Des trucs peuvent exploser, tu peux chopper le cancer à cause du volcan, on a du mal à respirer : bienvenue en Islande !

SC : Super pays ! (rires)


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