Enslaved – Axioma Ethica Odini

Le 9 mars 2011 posté par Wën

Line-up sur cet Album


Grutle Kjellson : chant, basse
Herbrand Larsen : clavier, chant
Ivar Bjornson : guitare
Ice Dale : guitare
Cato Bekkevold : batterie

Style:

Black-progressif

Date de sortie:

2010

Label:

Indie Recordings

Note du soilchroniqueur (Wën) : 09/10

Corneille se plaisait à nous le rappeler via son Cid : « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». Pas besoin de théoriser longuement sur le bien-fondé de sa célèbre maxime puisqu’au fil des siècles, les preuves, qu’elles soient artistiques, scientifiques, philosophiques ou tout simplement musicales (souvenez-vous le petit Wolfgang A.) parlent d’elles-mêmes. Ce qu’il était loin de deviner, le bougre, c’est que son adage s’appliquerait à des domaines aussi pointus ou particuliers que, au hasard, la musique norvégienne de la fin du XXème siècle et, plus précisément, sa facette la plus sombre, le sulfureux black-metal. Ivar Bjørnson and Grutle Kjellson, respectivement âgés de 13 et 17 ans à leurs débuts, ne viendront certes pas le contredire.

Car peu de monde aurait parié sur la carrière de ces deux là, lorsqu’en 1991 ils lancent les bases de ce qui allait bientôt devenir la première mouture d’Enslaved. Et pourtant … 20 années sont passées et que de chemin parcouru depuis le proto-black froid et vindicatif du split « Hordanes Land » (1993) jusqu’aux ambiances définitivement progressives de « Vertebrae » (2008). Parlons-en justement de ce « Vertebrae » : bien accueilli à sa sortie, cet opus nous présentait un groupe qui, non content de poursuivre son évolution, franchissait un nouveau palier en affichant fièrement son amour pour le Floyd et les sphères psychédéliques et ce, sans pour autant renier son passé : mêlant aux habituelles dissonances black-metal, les structures atypiques dont il est coutumier. Néanmoins, les écoutes s’enchaînant, l’album semblait néanmoins marquer le pas et s’essouffler sur la longueur, la faute à un manque de hargne, sans doute.

Pour son retour en studio le challenge était donc double pour nos norvégiens. Il était fort logiquement hors de question de commencer à stagner, ce n’est pas le genre de la maison. Bien au contraire, le groupe se devait de poursuivre son évolution mais ce, tout en revenant à quelque chose de plus direct. Vous voyez le truc ? Évoluer sans laisser de côté son approche historique. Beaucoup s’y sont cassés les dents. Alors, Enslaved ? Carnassier, ou à jamais condamné aux soupes bio ?

Les cinq norvégiens vont bien vite rassurer leur auditoire, le verdict ne pouvant guère souffrir de quelconques contestations : Enslaved est carnassier, définitivement carnassier ! Malgré ces deux décennies de carrière, nul doute n’est plus permis, le quintet a toujours les crocs. N’y allons pas par quatre chemins, « Axioma Ethica Odini », c’est son nom, se révèle être tout simplement une bombe, sans retardement. Comment ne pas être séduit, dès l’entame du disque, par ce fantastique titre d’ouverture que nous balance en pleine gueule la formation scandinave. D’emblée et sans sourciller, celle-ci pourra l’inscrire parmi ses meilleures perles : des riffs accrocheurs, des refrains entêtants (les fans d’Opeth apprécieront) et un break final déboulant sur un ultime solo jubilatoire.

En un titre, la formation hisse donc ses couleurs, le rouge et le noir, pour un clair-obscur entre riffs tortueux et arpèges lumineux. Une bichromie teintée d’écarlate et de sang pour cette facette épique enfin retrouvée, et de jais pour cette sobriété habituelle qui lui sied si bien. Deux termes à priori antinomiques mais qui savent si bien cohabiter au sein de l’orchestre black-metal que leur mixe ne saurait choquer, d’autant que l’album, divisé en deux parties bien distinctes, elles-mêmes séparées par un court morceau ambiant, va d’abord privilégier, en jouant sur les atmosphères, l’approche homérique, pour subtilement se concentrer ensuite sur le côté plus progressif de la chose, le tout restant, il faut l’avouer, d’une homogénéité exemplaire.

Ainsi, ‘Raidho’ mais surtout  l’écrasant ‘Waruun’, basés sur le legs de « Vertebrae », vont hériter d’une hargne qu’on ne soupçonnait plus guère possible chez Enslaved. Sans faux semblant, le rageur et ravageur ‘The beacon’ enfoncera le clou (marteau de Thor aidant), d’une salve incendiaire et irascible : on ne saurait impunément provoquer la colère des dieux du Walhalla. Osons-le dire, cette première partie de disque nous ramènera directement à l’aube des années 2000, à l’époque bénie des dorénavant symboliques « Monumension », « Below The Lignts » et « Isa ».

A mi-disque, Enslaved, nous l’avons dit, évoluera insidieusement vers des structures plus psychédéliques, en témoignent les excellents ‘Singular’, mais surtout ‘Nightsight’, venant clairement titiller les zones érogènes des amateurs de prog. De prime abord plus posés, ces titres demeurent marqués de la griffe si caractéristique du combo norvégien avec, toujours, cette fureur sous-jacente diablement efficace ne demandant qu’à s’exprimer et qui saura tôt ou tard ressortir, tantôt sur un break impromptu, tantôt sur un final débridé et sans retenue. Même le pachydermique ‘Giants’, dans ses structures et ses arrangements, ne saurait dépareiller, s’octroyant une part certaine de finesse et de poésie. Non content d’avoir tout simplement livré une œuvre proche de la perfection, la formation prendra même la liberté d’achever son auditoire sur un ultime ‘Lightening’, à placer parmi les pépites d’un album lui-même ciselé avec art et intelligence.

Ceci étant, il nous reste encore à mentionner l’un des points forts de ce disque qui ne saurait être passé sous silence, à savoir la dualité bien dosée et la qualité intrinsèque des chants. C’est incontestable, Grutle Kjellson (chant extrême, basse) et Herbrand Larsen (chant clair, clavier), ont chacun fait d’énormes progrès dans leur registre respectif, et le chant ‘clair’ qui commençait à prendre de l’importance sur l’album précédent est maintenant devenu une constante essentielle à la musique d’Enslaved. Le chant extrême, lui, est meilleur qu’il ne l’a jamais été.

Enslaved nous revient donc, vous l’aurez compris, en excellente forme, s’offrant une véritable cure de jouvence, avec cette facette épique tant choyée, enfin retrouvée. S’affranchissant du carcan trop restrictif du black-metal traditionnel, le groupe continue sur sa lancée, transcendant son metal-progressif, ratissant large sans jamais se compromettre. « Axioma Ethica Odini » est un album complexe et décisif, balayant d’un simple revers de la main la plupart des productions actuelles, permettant au combo, par la même occasion, de s’accaparer sans coup férir, le trône tant convoité de la scène extrême norvégienne.

Enslaved est roi et son trône est solide.

 

Site officiel : www.enslaved.no/content.php

Page myspace : www.myspace.com/enslaved

 

 

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1 Commentaire sur “Enslaved – Axioma Ethica Odini”

  1. 1

    C’est un écrit sublime, et tout à fait adapté au contenu de l’album que je viens d’écouter. Tu es doué, Wën.

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